L'offrande
Plic, ploc...
La plus tombait lourdement sur la longue ligne de bitume craquelé. Pas un mouvement le long du chemin.
On pouvait voir, de chaque côté de la voie de béton, des maisons à l'abandon, la nature y avait repris ses droits. Des arbres grandissaient maintenant là ou des cheminées c'étaient autres fois tenues protégeant maintenant le toit déchiqueté des maisonnettes comme le chapeau d'un champignon. Les rideaux étaient aujourd'hui faits de mousses et de diverses plantes grimpantes, les rendant parfaitement opaque.
Le vent valsait dans les branches des arbres, dans les tiges des herbes comme un vrombissement à travers la verdure. Soufflant sans cesse, soulevant au passage le sable et les herbes sèches qui se trouvaient sur son chemin pour les faire virevolter à travers les vastes étendus vides.
Par le passé, cette voie était l'entrée d'une ville, dense, vive, bruyante, pas un jour ne s'écoulait sans entendre le bruissement assourdissant des moteurs bourdonnant sur des kilomètres à la ronde.
Maintenant ce son est remplacé par le chant des cigales, les piaillements des moineaux et les longs dialogues entretenus par les arbres et Eole.
Au loin, si l'on fait un peu attention, cachée dans les branches, on peut voir une petite silhouette se déplacer à folle vitesse.
Pas plus haute que trois pommes, on pourrait presque la confondre avec un écureuil, cette petite chose humanoïde se déplaçait à travers les branches.
Dissimulée sous une grosse ombrelle faite de feuilles et de quelques morceaux de métal Elle cherchait de la nourriture, attrapant quelques champignons, et quelques fruits bien mûrs pour les mettre dans un petit sac fait de lianes tressées et de chutes de tissus.
Si quelqu'un s'était approché pour la voir de plus près, il aurait peut-être émis quelques doutes quant à son apparence.
Sa peau était dure comme du cuir, et son épiderme était gris, orné de différentes tâches brunes vertes et noires comme un camouflage ou le pelage d'un dalmatien.
Ses mains, étaient bien plus longues que celles d'un humain, et ses doigts longs et fins, lui permettant d'attraper des objets à travers les crevasses craquelées des murs bétonnés. Elle avançait pieds nues, sur la pointe, l'avant de ses pieds étaient bien plus large que son talon, lui permettant de se faire presque inaudible, mais aussi de grimper plus facilement dans des arbres.
Elle portait des habits humains, une robe pour enfant qui par le passé avait été blanche, les manches avaient été déchirés pour laisser ses mains passer, il en allait de même pour le pantalon qu'elle portait, troué à de multiples endroits, rapiécé avec des fils fait de laine tissée.
Son visage lui était plutôt rond, en forme de cœur, elle avait les pommettes hautes et un tout petit nez en triangle, comme un chat. Ses lèvres étaient noires comme de l'encre, et ses yeux, ses grands yeux prenaient le plus gros parti de son visage. Ses pupilles dilatées accaparaient toute la place dans ses orbites. De longs cheveux acajou descendaient le long de ses épaules pour se mélanger à de petites ailes mécaniques. Elles étaient faites de différentes chutes de tissus et de plumes, tenus entres elles par des morceaux de métal et ce qui ressemblait à un minuscule moteur.
Sa cueillette finie, elle se mettait en chemin pour rentrer chez elle, entrant dans le chemin bétonné. Passant à travers les herbes et les petits arbustes qui s'y trouvait.
Une fois qu'elle eut trouvé une route dégagée, elle prit de l'élan, courant à travers les pétales qui s'envolaient autour d'elle, avant de déployer ses ailes à son tour. Elle sorti ce qui ressemblait à une grosse paire de lunette d'aviateur de son sac, elle était rouillée, faite de matériaux de récupérations, les bords semblaient avoir été cognés plusieurs fois. Notre petite créature prit autant de vitesse que possible avant de s'envoler dans les cieux.
Volant à travers les nuages, au milieu d'autres petits oiseaux, de papillons, de coccinelles et autres amis de la forêt, elle cherchait à prendre de la hauteur.
Elle se dirigeait vers l'ancienne ville, il lui fallait éviter les prédateurs terrestres, les renards, loups, serpents, sangliers et autres. Mais les cieux n'étaient pas sans dangers non plus, car les vautours, aigles et autres rapaces guettaient dans l'ombre, et hors de la forêt, c'était une cible facile.
La ville n'était plus très loin, on pouvait déjà voir l'arbre roi, qui trônait en son centre dépasser aux milieux immeubles à moitié détruits. Ce dernier brillait d'une lumière violâtre, et quand la nuit tombait, il illuminait le village comme un phare dans la mer.
Elle était si proche du retour, mais il ne fallait pas baisser sa garde, les buses chassaient toujours à la limite de la ville et les éviter était chose ardue. D'habitude elle rentrait de nuit, c'était beaucoup moins dangereux, mais ce jour-là, il était impératif de rentrer tôt. Ce soir c'était le solstice d'été, et il fallait rendre grâce au roi Arbre. Elle avait passé la journée à chercher le tribut à la hauteur du roi.
Alors lorsqu'elle croisa le chemin du rapace, notre petite fée accéléra autant que possible, cherchant à distancer l'animal avant même qu'il n'ait le temps d'entreprendre sa course. Ce dernier, pas décidé à faire l'impasse sur un repas gratuit, ce lança presque immédiatement à sa suite. La course poursuite commença à la lisière de la ville pour se continuer dans la banlieue.
La petite fée slalomait entre les débris de bâtiments. Ces derniers étaient tellement détruits et corrodés qu'il lui suffisait de prendre de la hauteur, ou au contraire de descendre légèrement pour passer au travers, même pas besoin de changer sa course.
Mais il n'était pas question de mener le prédateur jusqu'au village, il allait falloir le semer pour pouvoir rentrer, alors notre petite fée prit un virage sec pour essayer de perdre la créature qui se trouvait toujours sur ses talons.
Allant en haut, en bas, à droite puis à gauche dans une ordre anarchique et ayant pour seul but de perdre l'oiseau, notre petite fée remarqua enfin une crevasse. Un trou, pas tout à fait recouvert par les feuilles et les mousses dans la fenêtre d'un appartement.
Sans tergiverser, elle se jeta à l'intérieur, se coupant légèrement au passage. A l'intérieur il faisait sombre, mais après avoir sorti de son petit sac un bocal rempli d'une mousse végétale brillante d'une lumière verdâtre au reflets bleutés, elle pouvait enfin avancer dans ce qui fut un appartement.
Les meubles étaient restés en place, une couche de crasse et de poussière avaient effacé toutes traces de pas. La table en bois était maintenant ornée de branches de lierres et de mousses qui partaient du sol pour recouvrir le plateau de bois troué par le temps et les termites et créaient un semblant de toile d'araignées liant les chaises à cette dernière. Dans les placards, dont les portes s'étaient depuis le temps effondrées, des bocaux préhistoriques se trouvaient, brillants de la même couleur que le bocal de la fée. Comme elle avait du temps perdre avant que le rapace quitte définitivement les lieux, elle choisit d'explorer. A sa droite, une télévision maintenant rouillée avait été dévorée par la végétation qui s'y trouvait, à sa gauche, un arbre maintenait ouvert la porte d'un four, il avait poussé à travers les crevasses du béton pour reprendre ses droits sur l'immeuble.
La fée était si petite qu'elle passait sans problème sous la table, passant entre les branches de lierres pour avancer. Au bout d'un couloir, elle remarquait une porte pas tout à fait scellée par les végétaux, curieuse elle la poussa. La pièce était petite, et sur le mur on pouvait deviner qu'il y avait eu des dessins, une fresque de bateau qui entourait les murs de la chambre. Il y avait une petite armoire, que les branches avaient attaqué depuis longtemps, et une grande table, bien trop haute pour la petite fée. Enfin, là, près de ce qui avait été une fenêtre, se trouvait un petit lit, avec des barreaux. Le lierre l'avait recouvert, lui et un monticule, un peu informe qui se penchait dessus, recouvert par plusieurs couches de mousses...
Impossible pour la fée de savoir ce qui s'était trouvé là par le passé, mais... elle n'avait plus envie d'explorer. Hésitante, elle s'approcha du lit, et entra dedans. Il n'y avait rien d'autre qu'un tas de lierre et de mousses, et...au centre, entrelacé par le lierre, un petit bout de métal couvert par la mousse : un bracelet en or. Il y avait une inscription dessus recouverte par la crasse et la mousse, illisible. Mais elle choisit quand même de le mettre dans son sac. Puis, elle se coucha dans le petit lit, regardant le plafond dont des trous formés par les termites laissaient filtrer la lumière, comme des étoiles dans le ciel.
Lorsqu'enfin, la lumière disparue, elle se releva, prête à reprendre la route. Elle hésita une demie seconde et fouilla dans son sac, elle en sorti une pierre, son offrande au roi de la forêt, un lapis lazuli qu'elle avait trouvé au fond de la rivière. Elle la déposa sur l'oreiller et repris sa route.
Il ne lui fallut qu'une quinzaine de minutes de vol pour rejoindre le centre de la ville. Là, les bâtiments les plus anciens n'étaient qu'un vieux souvenir, des carcasses de bâtiments dont les murs et les plafonds avaient été explosés depuis longtemps. Mais les fées avaient aménagé des nouveaux appartements, fait de métal et de végétaux vivants. Elles étaient beaucoup moins grandes qu'avaient pu l'être les humains, mais elles étaient aussi beaucoup plus nombreuses. Alors il leurs avait fallu adapter les anciens appartements en choses plus pratiques... Construisant en quelques sortes un nombre astronomique de ce que nous considérerions comme des maisons de poupées dans les anciens appartements. Elles avaient gardé les meubles pour jeunes enfants qui leur étaient parfaitement adaptés. Mais vue leur nombre elles avaient dû créer les leurs à l'aide de morceaux de bois et de métal. De grandes branches d'arbres encore vivantes servaient de porte d'entrée, des pots de terre cuites servaient à accumuler l'eau de pluie, mais beaucoup d'objets en métal et plastiques faisaient entièrement parti du quotidien.
Toutes les habitations formaient un cercle autour du roi arbre, épicentre du village. Pour que tous puissent voir, et utiliser les ressources de leur roi de manière équitable. Leur communauté était construite en hauteur, car comme ça, chacun pouvait voir sa majesté de la même manière.
Notre fée retardataire arriva par les airs sous le regard curieux de tous ses compatriotes, ces derniers étaient tous présents, et une pille d'objets divers se trouvait empilée autour des racines de leur roi. Des fleurs, des pierres précieuses, des bijoux retrouvé l'or d'explorations plus brillant les uns que les autres.
Notre fée avançait, cherchant frénétiquement dans son sac avant de sortir le petit bracelet. Elle s'arrêta devant le grand roi, retirant du pouce la mousse qui empêchait de voir les inscriptions de la plaque. Elle prit le temps de lire ce qui y avait été écrit, puis, décidée, elle posa la gourmette au pied de l'arbre avant de rejoindre ses congénères.
« Qu'est-ce qui t'as pris si longtemps ? » demanda une autre fée sur un ton autoritaire.
Notre petite fée hésita, elle n'avait pas spécialement envie de répondre à sa congénère, ceux qui les avaient précédés sur terre étaient mal vu, et elle le savait bien.
« L'offrande doit venir du cœur, il me fallait l'objet parfait... Celui-là était parfait... »
Elle avait répondu d'une voix calme, mélancolique d'un monde qu'elle n'avait jamais connu.
« Pourquoi tu t'es arrêtée avant de le donner ? » demanda l'autre fée.
Notre petit être réfléchit à sa réponse, avant d'esquisser un faible sourire.
« Je voulais savoir comment il s'appelait... » Et sans attendre de réponse, elle retourna vers sa maison alors que l'arbre roi c'était mit à briller de mille couleurs.
Ce n'es qu'une fois seule, dans sa maison et à l'abris des oreilles indiscrètes qu'elle se permit enfin de prononcer le nom qu'elle avait lu.
« Dorian. »
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