épilogue
— Dis-lui combien tu l'aimes, dis-lui combien cet amour aura été unique, et à sens unique aussi, dis-lui, laisse parler tes sentiments, c'est ta dernière chance, choisis bien tes mots, parce que ce seront tes derniers. Ouvre ton cœur, mais pas trop, le stockage est limité.
Je presse le bouton d'enregistrement, et s'ensuit une tirade d'amour destiné à la détentrice de nos pauvres cœurs. Sa voix bascule d'octave en octave, la poésie de ses affres rafle son souffle irrégulier ; et un dernier silence s'évade. Le temps nous est compté.
— À bientôt, et surtout, sache que ce n'était pas toi.
Les échos de ses mots cessent en même temps que l'enregistrement. Un sourire victorieux déforme mes lèvres. Mes mains s'allient dans d'hyprocrites applaudissements.
— Quel homme ! J'en aurais presque versé une larme si je ne te connaissais pas. Malheureusement, je te connais, et même trop bien.
— P-pourquoi voulez-vous me tuer ?
— Parce que ta naissance a tué mes espoirs.
Le trajet en direction de la future scène de crime nous prend une poignée de minutes. Personne n'est là. Personne n'est jamais là. Traîner son corps n'est alors plus qu'une difficulté physique. D'une main, je parviens à détruire la poignée fébrile de la porte et entre, un sac humain sur le dos. En le jetant à terre, il ouvre subitement les yeux.
— Oh, t'es réveillé, c'est encore mieux ! Tu pourras assister à ta mort, n'est-ce pas fabuleux ?
Il tente de s'éloigner, ses mains liées dans son dos ne l'aidant pas. La peur fige les traits de son faciès blême.
— Oh non, tu ne vas nulle part, toi.
Un instant plus tard, mon arme est braquée vers son front. Je veux l'ouvrir. Je veux voir le sang s'écouler dans sa bouche violacée, s'étouffer avec. Je veux sentir ses membres nus de mouvement, l'écouter se perdre dans son dernier souffle. Je veux le voir perdre la vie.
— Un dernier mot avant que je te bute ?
— Je vous hais, crache-t-il d'un air inhabituellement confiant.
— Oh, moi aussi ! Je vous hais tous, bande d'enflures. Et avant que je n'oublie : passe le bonjour à ma mère.
Un front transpercé. Une vie envolée. Un rire satisfait.
Je m'en vais, non sans me défaire d'une petite boîte métallique que je dépose avec soin aux côtés du corps inerte. Euphorique, je me mets à sautiller, dans les escaliers, sur les boulevards, entre les passants, sous le regard d'enfants. Je ris. Je lève la tête et je ris au ciel ; je ris du ciel.
La route est saturée, alors je m'avance vers elle. Le bonhomme rouge semble me toiser du regard, et je lui lève mon majeur. Qu'il aille se faire voir. Je leur hurle à l'oreille. Ils feignent la surdité en s'écartant. Qu'ils aillent tous se faire voir ! Une voiture passe, et une autre. Puis un camion. Je déambule vers ces bandes blanches. Oh, tiens, une camée !
— C'était moi ! C'était moi ! C'était moi !
Mes bras s'élèvent en croix. Et un autre camion arrive. Je souris. Il ne m'ignore pas, lui, au moins.
Adieu, Thereza. Crève bien, salope.
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