chapitre troisième
─ Un café latté pour la table six ! crie la voix insupportable de la rousse qui me sert de supérieur.
Cinq heures que je supporte cette voix, sa voix. Cinq heures. Ma journée a mal débuté, en partie de sa faute. Elle est énervante et déteste les fumeurs. Et je déteste ceux qui détestent les fumeurs. Alors je la déteste.
J'ôte mon tablier de service, le balance sur le contoir, récupère quelques billets dans la caisse, mes affaires et quitte d'une marche ferme le Monte Coffee. L'air frais fouette mon visage, m'arrachant un sourire béat. Je bouscule quelqu'un ; mon sourire s'accentue. Thereza.
─ Fais gaffe, grogne-t-elle.
Elle poursuit son chemin sans un mot ni un regard de plus. Je la regarde s'éloigner, et mes yeux ne peuvent s'empêcher de dévier automatiquement sur ses hanches qui basculent de gauche à droite à chacun de ses pas.
Je clos mes paupières au monde d'ici-bas, m'imaginant dans un lit baldaquin aux côtés de la jeune femme en tenue d'Ève. L'air frais me procure un frisson et mon esprit dérive alors vers mes vêtements éparpillés peut-être au sol, peut-être quelque part sur le voile du lit. Mes mains passent sur son visage. Elles pénètrent ses lèvres teintées de rose, entrant en contact avec ses dents jaunies par quelques tiges de nicotine. Puis se délectent de la splendeur de ses traits si beaux et fins que l'on en soupçonnerait son possesseur d'être un portait évadé de sa toile.
─ Thereza ! Attends-moi !
Mes paupières chassent toute trace de ce beau songe. Il si est près, il passe d'un coup de vent, pousse sur ses jambes menues, il s'approche et... il lui touche le bras. Il lui touche le bras.
Le rythme binaire de mon cœur prend un tempo rapide ; mes poings se contractent à l'image de ce dernier.
Toi, petit blondinet, je ne connais peut-être pas tes géniteurs, ni la date de ton premier cri, ni l'endroit de tes nuits, et encore moins les lettres composant ton appellation, mais s'il y a bien une chose que je connais, une certitude à laquelle je me voue, un destin auquel je fais la promesse d'exister, c'est bien la façon dont ton souffle se retirera de ton maigre corps pâle.
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