épilogue
Charles se réveille avec la nausée. Il a tout juste le temps de se précipiter dans la salle de bain pour que son estomac puisse se vider dans la cuvette des toilettes de son hôtel. Il se sent minable en se redressant, sa bouche est pâteuse et son corps est crispé dans son entièreté.
Il a passé une nuit affreuse. Il ne s'est endormi tard dans la nuit, son cerveau lui jouant des tours. Il n'a fait qu'imaginer le pire pour la course d'aujourd'hui. Il part premier mais il craint encore d'échouer pour cette dernière course de la saison. Il a dix points d'avance sur le néerlandais partant troisième derrière son coéquipier et Charles n'a jamais eu aussi peur de perdre.
Il suffit d'une erreur.
Et éternelle sera douleur.
Il mange sans grande conviction, sous l'effet de la pression. Il se brosse les dents avec acharnement sous l'effet de son obstination. Ce titre, il le veut. Charles en rêve depuis des mois, il ressent encore cette frustration de l'avoir frôlé du bout des doigts l'année dernière.
Ce goût amer de l'échec qu'il déteste.
Lee pire survient lorsqu'il arrive sur le paddock d'Abu Dhabi. Il est pris dans l'effervescence et dans l'agitation, chaque caméra est rivée sur lui lors de son avancée. Il ne prend pas le temps de s'arrêter, son regard clair reste caché derrière ses lunettes de soleil et il se contente d'enfoncer un peu plus son bonnet sur le sommet de son crâne.
L'enjeu est important. Il l'est tout autant pour lui que pour Ferrari dont il porte fièrement les couleurs à travers ce polo rouge. Il s'enferme dans la partie de son garage sous le regard circonspect de ses proches, il n'adresse pas un regard à personne, ni même à ses frères, ni même à sa mère.
Il s'appuie sur la structure du garage, dans son coin réservé. Il se contente de manger un yaourt nature comme si son appétit allait revenir soudainement. Il a l'impression qu'il va vomir ou qu'il va s'évanouir sous l'effet du stress qui retourne ses entrailles.
Charles n'aperçoit que cette caméra et sa lentille qui zoom sur l'intérieur du garage depuis la pitlane. Il esquisse un petit sourire dans sa direction avant de tourner le dos à cette dernière pour discuter avec son ingénieur. Une piqûre de rappel sur les stratégies à adopter et Charles s'empresse de lire les dernières notes dans son petit carnet.
Un soupir s'échappe de ses lèvres quand vient l'heure de se préparer. Il s'éclipse une dernière fois aux toilettes pour vider sa vessie, il a bien trop peur de se pisser dessus dans la voiture. Il ne peut s'empêcher de noter qu'il s'agit d'un rituel que Nadejda effectuait souvent, pour des raisons différentes.
Il récupère son casque, ses yeux se posent sur le minuscule dessin jaune à l'arrière de son casque rouge flamboyant et un étrange sentiment l'envahit. Il se sent soudainement posséder par une force immense et il s'empresse de mettre son casque, il rabat la visière sur ses yeux clairs.
Une force s'agite à l'intérieur de lui lorsqu'il monte dans sa monoplace pour l'emmener se positionner sur la grille. Une force se déploie dans le chaos de ses pensées pour le maintenir concentrer. Une force saisissante, une force puissante qui le maintient debout depuis des années, depuis qu'il est gamin et que beaucoup sont tombés autour de lui.
La force de vivre.
Elle se saisit de lui avec vivacité, elle s'empare de son âme. Elle se nourrit de sa passion pour le sport automobile et quand les feux s'éteignent, Charles écrase l'accélérateur avec une telle ardeur qu'il est projeté contre le siège moulé de sa monoplace, à une vitesse démesurée.
Il ne compte pas les tours, il ne fait que visualiser les virages du circuit. Il ne pense à rien d'autre que ce circuit de nuit, et peut-être que les feux d'artifices seront pour lui s'il ne commet pas d'erreur, s'il prend garde à ne pas rentrer trop fort sur un virage possédant un vibreur.
Un pas après l'autre, un virage après un autre, c'est ce qu'il n'arrête pas de se répéter et peut-être que cela finit par marcher. Il ne voit pas les tours passés, excepté quand la voix de son ingénieur finit par retentir dans ses oreillettes, cette dernière est revouverte par les cris résonnant dans son garage ou sur la passerelle.
Charles ne réalise pas immédiatement à l'entente des félicitations. Il ne réalise pas, il laisse simplement couler les larmes sur ses joues rosées par la chaleur présente dans son cockpit. Il s'agit d'une véritable tempête, ses larmes sont un violent torrent.
De l'anglais, du français, de l'italien. Les langues se mélangent dans ses remerciements et soudainement du slave s'échappe de ses lèvres tremblantes par l'émotion.
Spacibo.
Sa voix s'étrangle presque en disant ce mot, il n'a rien voulu entendre hier à son hôtel. Il s'agissait de son bilan médical et Charles n'a rien voulu savoir avant la course, il a peur. Il est terrifié et il finit par arrêter sa monoplace sur son emplacement attitré.
Celui du premier.
Un chiffre particulier lorsque l'on vient de remporter une course et par la même occasion, un championnat du monde. Une étrange sensation, un mélange euphorique et explosif l'envahit lorsqu'il se redresse sur sa monoplace sous un feux d'artifices.
Il ressent cette sensation, il l'a ressent si profondément qu'il en a mal au cœur. Tant de fois, il l'avait vécu par procuration, à travers une autre personne qu'il est déstabilisé par ses émotions qui sont décuplées. Ce n'est pas pareil et cela suffit pour l'achever. Il ne cesse de pleurer.
Son poing se brandit en l'air tel un éclair de rage, de détermination, de passion, de douleur, de soulagement, de peur, de frémissement et d'exaltation. Il frémit sous le bruit des artifices, sous l'intensité des cris de la petite foule étendue devant le parc fermé.
Vêtus de rouge, au nom d'une passion. Et Charles s'empresse de les étreindre avec vivacité, comme si sa vie en dépendait et que s'il arrêtait, son cœur suivrait.
Il ne s'arrête plus de pleurer pour étreindre sa mère, ses frères, l'homme qu'il considère comme un second père et soudainement, il s'arrête le cœur battant. Il n'est pas sûr. Il n'est pas bien sûr et il s'empresse de pivoter sur lui-même pour vérifier ce qu'il a brièvement aperçu du coin de l'œil.
Un bonnet rouge.
Il défaillit. Il avait oublié à quel point elle était petite. Elle paraît si fragile entre les personnes l'entourant, elle paraît minuscule en étant appuyée sur cette barrière les séparant. Son mètre soixante n'est pas bien grand et Charles se doute que même ainsi, elle est dressée sur la pointe de ses pieds pour gagner quelques précieux centimètres.
Il est en arrêt.
Il manque de tomber.
Sa main gantée vient relever sa visière comme pour s'assurer qu'il n'est pas en train de rêver. Il se frotte ses yeux embués par les larmes tandis que son cœur est poignardé par les larmes.
Il s'approche, comme possédé, pour l'admirer de plus prêt. Elle s'est maquillée, ses yeux sombres brillent d'une nouvelle lueur éclatante et Charles comprend. Ses épaules se relâchent d'une pression d'antan, qu'il gardait depuis cette annonce terrifiante.
- Qu'est-ce que tu fais ici ?
Sa voix n'est qu'un murmure qu'elle-seule peut discerner dans cette langue slave qu'il utilise désormais avec facilité. Elle comprend malgré le fait que son accent soit écorché.
- Je me devais d'embrasser l'un des champions du monde.
Elle répète exactement ce qu'il avait dit une fois en l'attendant sur le parking de l'aéroport. Elle tremble presque si bien qu'elle est obligée de s'agripper à la barrière pour ne pas tomber. Le regard de Charles est brûlant, il la consume de l'intérieur et son cœur vient s'exploser dans sa cage thoracique à chaque battement plus puissant que le précédent.
- Surtout celui qui ne sait pas faire de double axel, ajoute-t-elle d'une voix basse.
Et quelques secondes, Charles retire son casque, il s'approche de Nadejda ses mains se déposent sur ses joues glacées et ses pouces caressent sa peau pâle. Il ne voit que son sourire éclatant lorsqu'elle susurre un mot slave à quelques centimètres de ses lèvres. Elle est obligée de le répéter une seconde fois en français, de la même manière que l'a prononcé son oncologue.
Le cœur de Charles s'arrête une nouvelle fois en comprenant lorsque son sourire s'agrandit.
Charles l'a choisie.
Nadejda aussi.
Cette victoire est la plus belle chose de sa vie.
Elle et lui,
C'était écrit.
FIN.
Merci d'avoir rencontré
Charles et Nadejda
🫶🏼
Merci à vous
Nous nous retrouvons sur la note dans la partie suivante pour quelques explications importantes à mes yeux :)
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