Transphobie institutionnelle
La transphobie institutionnelle relève des lois qui rendent la situation des personnes trans précaire et ne facilitant pas leur parcours de transition. Elle a un aspect juridique et médical, et impact le quotidien des personnes trans.
Gaëlle Krikorian note dans l’entrée « transphobie » du « dictionnaire de l’homophobie » que la soumission des trans au pouvoir médical et au pouvoir juridique illustre une forme d’institutionnalisation de la transphobie.
Giovanna Rincon, porte-parole de la Fédération trans et intersexes, explique aussi que la transphobie institutionnelle cautionne la transphobie du quotidien. Les personnes trans y sont exposées dans de nombreuses situations (école, famille, etc.) ou à l’occasion d’actes simples ou administratifs : faire renouveler une carte d’identité ou un titre de séjour, aller chercher un colis à la poste, obtenir des soins, à l'occasion de palpations corporelles de sécurité avant l'embarquement dans un aéroport par une personne d'un autre genre. Un animateur de la BBC Radio 1 dénonce une « transphobie subtile et profondément enracinée » et invite à utiliser à l’antenne les pronoms et prénoms du genre des présentateurs et des artistes.
L'association professionnelle mondiale pour la santé des personnes transgenres (WPATH) a publié en 2017 un communiqué affirmant que chaque frein à la reconnaissance du genre d'une personnes trans (cela vaut aussi si elle est mineure ou incarcérée) met en danger sa santé physique et mentale.
Dans la plupart des 74 pays où l'homosexualité est interdite, les personnes transgenres sont elles aussi visées, indépendamment de leur orientation sexuelle. Les sanctions pouvant aller jusqu'à la peine de mort dans 13 États.
Juridique :
Le fait que le changement d’état civil est conditionné à la stérilisation (en France jusqu'en 2016 et encore dans de nombreux autres pays) montre que la personne trans est considérée comme une « menace ». Françoise Sironi estime que c’est « probablement pour que l’hétérosexualité reste le seul régime acceptable, dans lequel une grossesse puisse avoir lieu ». Pau Credo Walters, dans l’entrée « Stérilisation forcée » de la « Transyclopédie », considère que ces systèmes médicaux-légaux ont pour fonction de « marquer et punir les transgressions de genre ». Le Conseil de l'Europe a adopté le 29 avril 2010 une résolution garantissant le droit des personnes transgenres à obtenir « des documents officiels reflétant l’identité de genre choisie, sans obligation préalable de subir une stérilisation ou d’autres procédures médicales comme une opération de conversion sexuelle ou une thérapie hormonale ». Le Conseil de l'Europe s'indigne une nouvelle fois des stérilisations forcées des personnes trans (entre autres groupes de personnes particulièrement ciblés) en 2013 et en 2015 . L'Organisation des Nations unies s'est prononcée en 2015 contre la stérilisation forcée des personnes trans.
En France, un rapport de la Haute Autorité de santé de 2010 relève que la situation des personnes trans est « confuse », « inégalitaire », comprenant des « risques d’arbitraire », et « manquant d’un cadre juridique minimum ». Le 6 août 2012, l'identité sexuelle a été reconnue comme critère de discrimination par la législation française. La Commission nationale consultative des droits de l'homme a publié le 27 juin 2013 un avis proposant notamment la déjudiciarisation partielle de la procédure de changement d'état-civil, la déconnexion entre la procédure médicale et judiciaire ainsi que le remplacement de l'expression « identité sexuelle » par « identité de genre ». La loi de modernisation de la justice du xxie siècle du 18 novembre 2016 a en effet modifié la procédure de changement d'état civil (mais sans la déjudiciariser) et remplacé l'expression « identité sexuelle » par « identité de genre », notamment dans la liste des critères de discrimination.
Médicale :
Le médecin psychiatre Harry Benjamin introduit le terme « transsexuel » en 1953. En 1980, le troisième Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM) décrit le trouble appelé « transsexualisme », devenu « trouble de l'identité de genre » (« gender identity disorder ») dans le DSM IV et « dysphorie de genre » dans le DSM V. Certains psychiatres vont jusqu'à considérer la transidentité comme une psychose.
Depuis les années 1950, des personnes trans, comme Christine Jorgensen, demandent à la médecine de les aider à changer d’apparence. L'apparence, la prise d'autonomie et dans certains pays le changement d'état civil de la personne trans sont suspendus aux décisions prises par (ou dans le meilleur des cas, avec) les médecins. Cependant, Amnesty International considère que l’évaluation de la transidentité par les équipes médicales françaises implique des protocoles « longs et humiliants », et la psychologue clinicienne Françoise Sironi a décrit la « maltraitance théorique » induite par certaines démarches thérapeutiques inadéquates ; elle évoque en prenant l’exemple de Colette Chiland l’hostilité de certains de ses confrères à l’égard des personnes trans qui les consultent, hostilité « liée à un rejet moral de même nature que le racisme, [appelé] transphobie », qui relève de « contre-transferts haineux ou effrayés (…) face au vécu insolite de leurs patients ». Le psychiatre reste la pierre angulaire de la prise en charge médicale des personnes trans, alors qu'il est devenu banalement admis (y compris par l'Association américaine de psychiatrie) que les transidentités ne sont pas des troubles mentaux. L'Association américaine de psychologie insiste quant à elle sur le fait que c'est la transphobie et non pas la transidentité en tant que telle, qui peut être source de mal-être.
Le champ lexical de la souffrance est omniprésent dans le discours médical : « tous souffrent » selon la psychiatre Colette Chiland. À cette idée que la souffrance est caractéristique de la transidentité, Judith Butler oppose que « s’entendre dire que votre vie genrée vous condamne à une vie de souffrance est en soi inexorablement blessant. C’est une parole qui pathologise et la pathologisation fait souffrir ».
Les principes de Yogyakarta refusent la classification psychiatrique de la transidentité et ses « Annotations de jurisprudence sur les Principes de Jogjakarta » dénoncent le fait que le diagnostic comme maladie mentale de l'identité sexuelle différente de son sexe biologique ait causé les maltraitances médicales. Le rapport annuel sur les droits fondamentaux dans l'Union européenne adopté en 2018 encourage les états membres à dépathologiser entièrement le parcours de changement d'état civil des personnes trans et à « empêcher que la variance de genre dans l’enfance ne devienne une nouvelle pathologie dans la classification internationale des maladies ». En France, le Programme d’actions gouvernemental contre les violences et les discriminations commises à raison de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre, publié en 2012 par le ministère des Droits des femmes, affirmait que « la France soutiendr[ait] les efforts visant à obtenir une déclassification du « transsexualisme » de la liste des maladies mentales établie par l’organisation mondiale de la santé (OMS) ».
Le terme « transsexualisme » a disparu de la classification internationale des maladies à l'occasion de la rédaction de sa 11e version ; il fait désormais partie d'un vocabulaire psychiatrique obsolète.
Texte venant du site :
https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Transphobie
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