Tome 2 - Chapitre 32
Le Doc
C'est quand... Je pense avoir tout perdu !
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Après cette nuit blanche et plutôt agitée passé au centre, je suis déjà en train de m'activer dans mon bureau, et pourtant il n'est même pas huit heures du matin. Je remplie les deux cartons posés au sol, avec mes effets personnels, mes livres, et le petit buste en bronze se trouvant sur la cheminée.
J'abandonne avec regrets tous les dossiers de mes patients, après avoir passé une partie de la nuit, à finir de les mettre à jour, à les trier et à les classer, en sachant très bien ce qui allait arriver ce matin.
Je suis vraiment le roi des cons.
Comment, en un claquement de doigts, j'ai pu perdre mon boulot et la confiance de Tristan ?
Mon boulot à la limite, ce n'est pas un problème, c'est même un soulagement, car je ne me voyais pas revenir aux anciennes pratiques de mon supérieur, afin de traiter mes patients. Avec Tristan, j'ai ouvert une brèche, j'ai testé et mis en pratique ma méthode, et les progrès qu'ils ont tous faits en deux mois, me donne raison.
Cette approche - plus humaine, plus ressenti, plus à l'écoute et ouverte au dialogue - marche.
Aussi, ce matin, quand mon chef m'a convoqué dans son bureau, j'ai tout de suite su, qu'il était au courant...
Le nouveau avait dû se faire un malin plaisir de tout lui raconter.
De toute façon, ce qui s'était passé hier avec - Tristan, ses grands-parents et moi - était dans toutes les discussions. Donc, je ne me faisais pas trop d'illusion.
Je savais très bien, que cette enflure de Gomain n'aurait pas été d'accord pour signer le départ de Tristan, je l'ai donc fait à sa place, prenant sur moi de le laisser partir, sans que son cas ne soit statué pendant la réunion hebdomadaire.
Tristan n'avait plus rien à faire ici, à part garnir les poches du centre, et au passage celle de mon supérieur, et c'est grâce aux preuves de ses détournements d'argent, que j'ai pu éviter le conseil de discipline, qui aurait fait tache sur mon CV, vous en conviendrez. Au lieu de ça, mon chef s'est contenté d'accepter ma démission, et de vite s'emparer du dossier compromettant, que j'avais sur lui.
Non franchement, le gros souci, c'est Tristan.
Je savais bien, qu'il serait affecté en découvrant la vérité, qu'il réagirait mal en apprenant que je connaissais ses grands-parents. C'est pour ça, que je n'avais pas voulu lui en parler, avant qu'il ne soit prêt à sortir. Je pensais pourtant qu'il m'aurait laissé lui expliquer ma façon de penser.
Au lieu de ça, il était parti avec Orphélia.
Je ne pouvais pas lui en vouloir, je comprenais même, qu'il n'ait plus confiance en moi. Tristan est un mec bien, entier, mais un brin impulsif, il fonce, agit et réfléchit après, mais ça n'empêche que quand il donne sa confiance ou son amour, il ne fait pas de concession. Il donne tout et en attend autant des autres.
Je savais tout ça, et malgré tout, je me suis planté.
J'étais persuadé que mon approche était la meilleure, je n'ai pas voulu entendre les doutes de Naty, et j'ai foncé droit dans le mur. J'ai sans doute manqué de discernement en étant trop proche et personnellement impliqué, et j'ai oublié que Tristan était avant tout mon patient. Certes, son séjour, et mon analyse ont été une réussite, mais je n'ai pas su garder cette distance nécessaire, et j'ai franchi la ligne rouge, à de trop nombreuses reprises. J'ai tellement réfléchi à la bonne approche, j'ai refait tant et tant de fois le schéma de ce qui pourrait le mieux fonctionner sur lui, que j'en ai perdu le fil, tant la peur de faire foirer leurs retrouvailles, me foutait la trouille. Je n'étais pas le seul impliqué, ses grands-parents comptaient sur moi, et j'étais tellement stressé, qu'il connaisse la vérité avant de sortir, que je lui ai tout balancé, ne suivant à aucun moment mes plans. Et voilà le résultat... À trop voir le danger arriver, on finit par le prendre en pleine face.
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Cela fait plus d'une heure que je suis rentré chez moi, et la réaction de Tristan ainsi que les derniers événements tournent en boucle dans ma tête.
Aussi, quand le téléphone a sonné, et que j'ai entendu sa voix inquiète, j'ai été surpris et pris de court. Je n'avais pas prévu qu'il me rappellerait aussi vite, et donc je n'avais pas encore mis en place, une réponse qui tienne la route. Je ne voulais pas qu'il sache que j'avais perdu mon boulot, enfin pas tout de suite.
Au téléphone, je l'ai senti gêné, puis hésitant, avant qu'il ne se mette en colère. Ses différentes réactions ne m'ont pas surpris pour le coup, je le connais trop pour ça. Par contre, je n'avais pas envisagé qu'il laisse tout tomber, afin de venir me voir avec Orphélia.
Trois coups frappés à la porte.
À peine trente minutes se sont écoulées, et ils sont déjà là.
— Salut !
— Ouais, salut Doc.
Il tient Orphélia par la main et entre chez moi à peine la porte ouverte. Elle me fait un petit signe de la main, et ils me suivent au salon.
Comme à mon habitude, quand je suis chez moi, je m'assieds à califourchon sur une chaise, alors qu'ils prennent place sur le canapé en face de moi.
— Alors raconte, c'est quoi ce bordel avec l'autre con ?
— J'ai démissionné !
— Mais non ! Pourquoi ?
Je leur raconte mon entrevue avec mon « ancien » chef, ses accusations, mon dossier avec les preuves flagrantes de son détournement de fric, et ma démission pour m'éviter de gros ennuis.
— Si je comprends bien, tu as pris d'énormes risques pour moi, en sachant que tôt ou tard, ton chef te tomberait dessus...
— Je te l'avais déjà dit, ça, c'était mon problème, et tu es la preuve que j'ai eu raison d'agir ainsi.
Le silence s'installe, nous avons tous les trois, besoin de temps, pour faire le point. Orphélia serre la main de Tristan pour lui apporter son soutien, et mon regard ne les lâche pas. Je leur laisse encore un petit moment, mais je sais qu'ensuite nous devrons percer l'abcès, et parler de ce que Tristan pense être une trahison de ma part.
Je reviens de la cuisine avec un plateau garni de trois tasses de café, et de petites bouteilles d'eau. Tristan se marre et je sais ce qu'il pense, mais j'attends qu'il ait fini de se bidonner et qu'il me balance sa remarque.
— Allez, vas-y, fait là ta vanne !
— J'aurai bien voulu, mais...
— Si tu savais Doc, rigole Orphélia.
— Vous m'intriguez là !
— En fait, je me suis aperçu que tu m'avais contaminé.
— Comment ça ?
Tristan se marre trop, et c'est Orphélia qui vient à sa rescousse, en m'expliquant avec un grand sourire :
— On a été obligé de quitter le parc, parce qu'il n'avait pas de quoi boire pour l'aider à se concentrer, m'avoue Orphélia.
— Tu déconnes là ?
— Oh non, Doc ! Alors qu'on réfléchissait au contenu de la lettre, j'étais là, avec ma main dans le vide, à chercher la bouteille...
Notre fou rire est libérateur, tant cette histoire d'eau, peut paraître ridicule. Pourtant la bouteille d'eau fait partie intégrante de la méthode, autant le contenu que le contenant, qui aide à réunir les pensées, à mieux les appréhender, pour ensuite les assimiler, et chasser tous les points négatifs. Alors, je ne suis pas peu fier, que Tristan en ait compris son utilité, même en dehors du centre.
— Bon... Allez Doc, arrêtons de tourner autour du pot, tu sais comme moi qu'on doit en parler, et je ne compte pas passer mon après-midi chez toi !
— Non mais, écoute-le, maintenant c'est lui qui dicte nos séances.
— Sauf que là Doc, je ne suis pas venu pour une séance, mais bien pour discuter avec mon ami. Je veux parler avec Patrice...
— Waouh, tu m'épates !
— En fait, c'est Orphélia qui m'a expliqué, pourquoi tu avais agi ainsi, elle m'a fait comprendre, que je devais différencier ce que tu pouvais me dire, en tant que Doc, et en tant que Patrice.
— Je suis impressionné, par le discernement dont tu as fait preuve, Orphélia.
— Merci Doc.
Les voilà, repartis dans leur monde, ils sont fabuleux tous les deux, il suffit qu'ils se regardent, pour faire abstraction, de tout ce qui se trouve autour d'eux. Ils s'offrent un sourire pour se rassurer, un baiser pour se tranquilliser, puis un regard tourné vers moi, afin de me donner le signal.
— On t'écoute...
Je termine mon café, avant de reposer la tasse, pour prendre les cinq secondes dont j'ai besoin, pour me concentrer, avant de me lancer. Pourvu que j'arrive à lui expliquer... Mon regard se relève sur eux, alors que mes mains jointes et serrées sur ma bouteille d'eau, reposent sur le dossier de la chaise.
— Doc ou Patrice ? Tu as choisi ?
— Patrice ! Car il n'y a quand étant entièrement moi, que je pourrais tout te dire.
— Ça nous va !
Me répond-il après avoir consulté du regard Orphélia.
— Alors... On pensait, avec tes grands-parents, que d'entendre la voix de Naty, et d'apprendre à la connaître, par le biais de la statue, te permettrait de la laisser entrer dans ta vie, que tu apprendrais à lui faire confiance en te confiant à elle, chose que tu n'aurais jamais faite si je te les avais présentés sans les connaître. Tu aurais rejeté en bloc cette partie de ta famille, tandis que de lui parler, t'a permis de tisser un lien. Un lien que je pensais assez fort, pour qu'ensuite tu acceptes, qu'ils fassent partie de ta vie. La rencontre n'était que la finalité de cette approche. Je devais prendre des gants, y aller doucement sous peine d'un rejet complet de ta part. Alors tant pis si tu m'en veux, tant que tu gardes ce lien précieux avec eux, c'est le plus important. Ils t'aiment tu sais...
— Oui, je m'en suis rendu compte...
— Ils sont ta famille, tout comme ta sœur.
— Tout comme toi, me surprend-il.
— Moi, non... Je n'en fais partie.
C'est une question que je me suis souvent posée. Est-ce qu'ils sont ma famille ? Juridiquement non, mais dans mon cœur, il n'y a aucuns doutes. De plus, j'ai toujours gardé à l'esprit, bien que j'aie eu de bien piètres parents, le moment venu, je devrais agir, en tant que fils... Leur décès me l'a encore prouvé, entre l'enterrement, la succession, la vente de la maison... Toutes ces choses, que je n'aurai jamais à faire pour Naty et Victor, parce qu'effectivement, je ne suis pas légalement de leur famille. Frédéric devra assumer ce rôle qu'il a abandonné, depuis trop longtemps.
Je termine de boire ma bouteille, quand Tristan enchaîne en se bidonnant :
— Tu veux aller pisser Papy ? Ou je peux continuer ?
Pour toute réponse, je lui balance ma bouteille vide, qu'il rattrape facilement avec un sourire en coin. Il a su me sortir de mes réflexions, et je me dis que j'ai fait du bon boulot avec lui.
— Comment avez-vous fait pour que j'arrive à entendre Granny ?
— Tu vas voir, c'est tout simple. Ton grand-père connaissait cette bâtisse comme sa poche, le moindre recoin, le moindre passage et la moindre installation, pourtant gardé secrète pendant des siècles, n'avait aucun secret pour lui. Il s'est servi d'un conduit existant qui avait été mis en place des centaines d'années en arrière. Du temps où les religieux tenaient à ce que les fidèles n'aient aucuns doutes sur le côté spirituel des apparitions. Ils leur suffisaient de parler, et la voix prenait un côté irréel...
— Tu veux dire, que cette installation servait déjà, pour faire croire que la statue parlait ?
— Oui, c'est exactement ça. Tu vois, on n'a rien inventé, on s'est juste servi...
— Vous m'avez berné, comme tous ces gens crédules.
— Tu peux le voir ainsi, mais, ce n'était pas notre but.
— Je dois reconnaître que ça a fonctionné, puisque je pensais vivre quelque chose de surnaturel. Cette voix, et ces mots correspondaient tellement à l'image, que je me faisais d'une grand-mère...
— Sauf, que ce n'était pas qu'une image ou qu'une expérience mystique.
— Je n'aurais jamais pensé pouvoir les rencontrer un jour. Pour moi ils devaient être morts...
— Comme tu as pu voir, ils sont bien conservés pour leur âge.
— C'est vrai...
Cette fois-ci, c'est lui qui termine sa bouteille, et avant qu'il ne me la balance à la tête, j'ai le temps de lui demander s''il veut se rendre aux toilettes.
— Tu m'as appelé pour quel motif ? Je suppose que ce n'est pas parce que je te manquais !
— Je voulais te parler de ma sœur.
— Tu as ouvert la lettre ?
— Oui... Ce matin.
— Et ?
— Elle m'aime toujours... Enfin, c'était il y a trois ans... Mais...
Tristan sort l'enveloppe de son portefeuille et me la tend.
— Tu es sûr Tristan ?
— Ne te fais pas prier, tu en meurs d'envie.
— C'est vrai...
Je lis ses mots, ses excuses, les reproches qu'elle se fait, les souhaits qu'Héloïse à pour son frère, et surtout, j'y lis l'espoir, en voyant inscrit cette adresse et ce numéro de téléphone. Je la replie précautionneusement, et la rends à Tristan en le remerciant.
— Alors ?
— Qu'as-tu ressenti en la lisant ?
— Du bonheur, du soulagement, de la colère, et de l'espoir.
— Tu as eu le temps de réfléchir à ces quatre sentiments ?
— Pas entièrement... Mais, tu te doutes bien que ça a été un vrai bonheur, et un sacré soulagement de lire ces mots.
Orphélia, jusque-là silencieuse, enchaîne :
— Nous en avons juste parlé dans le parc, après que Tristan ait lu la lettre, puis nous sommes rentrés chez nous, et ensuite il t'a appelé. Il tenait à la partager avec toi.
— Je t'en remercie Tristan, après ton départ, j'ai eu peur que... Alors quand j'ai entendu ta voix, j'étais tendu...
— Je t'en veux encore de n'avoir pas joué franc jeu avec moi, mais je sais aussi, que tout ce que tu as fait, c'était dans mon intérêt. Et puis, tu es mon Doc et j'aurais beau faire, ça ne changera pas ! On a vécu trop de choses, pour que je te raye définitivement de ma vie. Alors, après que j'ai lu la lettre avec Orphélia, j'ai eu envie d'en parler avec toi.
L'émotion me gagne, en pensant, qu'il a eu envie de m'en parler. Mais, je n'ai pas le temps de m'étendre sur le sujet, qu'il reprend déjà.
— Je suis tellement en colère après moi, si tu savais...
— Tu as compris cette colère ?
— Oui, je m'en veux, car je sais que je l'ai fait souffrir, alors qu'elle voulait simplement avoir de mes nouvelles, alors, que ça fait trois ans, que je ne lui en donne plus, et que je regrette d'avoir fait preuve d'autant d'égoïsme...
— Tu l'as fait pour te protéger, mon amour.
— Orphélia a raison, tu ne voulais pas souffrir, alors que tu étais persuadé que ta sœur ne voulait plus te répondre. Dois-je te rappeler, ce qu'a fait Cerise ?
— Je l'avais oublié cette garce...
— Pourtant, elle a une grande part de responsabilité dans ta prise de décision. Bon, passons sur ce sujet, parce que ce qui m'intéresse, c'est toi et ton ressenti. Tu m'as dit avoir de l'espoir ?
— Il y a ses coordonnées... Alors je pensais... Enfin... Tu crois que ça serait imprudent si j'essayais de reprendre contact ?
— Est-ce que tu en as envie ?
— Oui, maintenant que je sais, je rêve de lui parler...
— Alors commence par une lettre. C'est une prise de contact qui lui laissera le choix.
— Celui de me répondre ou pas, c'est ça ?
— Oui Tristan, malgré, ces trois années, je suis persuadé qu'elle te répondra, mais tu dois garder à l'esprit, cette infime éventualité, qu'elle pourrait ne pas le faire.
— Tout comme moi, il y a trois ans...
— Si tu veux, on peut vérifier au moins si elle habite toujours à cette adresse ?
— Oui, faisons ça.
Orphélia tient toujours sa main, elle la serre pour qu'il relève la tête vers elle. Je sais qu'elle s'inquiète pour lui. Certes j'ai cette petite peur au fond de moi que sa sœur ne lui donne pas de réponse, mais j'ai cette intuition, que malgré le temps qui les a séparés, rien ne pourra détruire leur amour fraternel... Reste plus qu'à lui laisser écrire la lettre, la poster et attendre. Tiens, ça me rappelle, qu'avec tout ce qui s'est passé au centre, il n'a toujours pas posté celle à ses géniteurs...
Le fera-t-il un jour ?
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Coucou les T&O-LOVE 😍
😱Désolé pour ce retard de publications, mais j'ai très souvent des coupures d'internet, et depuis hier, ça n'arrête pas... Aussi, j'ai préféré attendre un retour à la normale, avant de poster. Pourvu que ça dure !😁
Un chapitre charnière, un peu plus long, mais qui était nécessaire (je trouve) pour faire la synthèse sur leur relation, et sur ce qui s'est passé au centre !
Et oui, le Doc a dû démissionner.
Est-ce vraiment une mauvaise nouvelle pour autant ?
On s'est maintenant, comment ils ont fait parler sa grand-mère.
Vous étiez quelques-unes, à vous poser la question, j'espère que j'y ai répondu ?
Quant à la prise de contact, ça sera une lettre...
Le Doc a expliqué pourquoi, et je trouve aussi que c'est plus prudent...
Allez savoir, ce qui a bien pu se passer pendant ces trois années ?
Alors répondra ou répondra pas ? Affaire à suivre 📧🧐🕵️♀️📱
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On se retrouve demain pour un chapitre révélations... 📍
Gros bisous 😘
Kty. Auteure 🌸
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