Tome 2 - Chapitre 19

Orphélia

C'est quand... Le couperet tombe !

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Ce dimanche de septembre est doux, ensoleillé et pourtant de gros nuages ne vont pas tarder à pointer à l'horizon. Ces formes à qui, enfant, j'aimais tant donner vie. Ils étaient tous différents à mes yeux de par leurs formes, leurs couleurs, leurs opacités, et leurs destinées. Certains se laissaient pousser par les vents, tandis que d'autres, se répandaient en pluie et pour les plus tumultueux d'entre eux, ils se transformaient en orage grondant et soufflant leur tonnerre et leur foudre.

Cet après-midi, le ciel était d'un bleu limpide, mais je sais pertinemment que les nuages noirs ne tarderont pas à se déverser sur nous. Emportant avec eux mon cœur foudroyé par leurs mots...

— Tu as faim ma Princesse ?

— Je suis affamée... Cette entrée m'a mise en appétit !

— Tu es insatiable ma tigresse.

— Ce n'est pas de ma faute, si je t'aime.

Oh ça pour l'aimer, c'était une certitude. Ma vie n'avait de sens qu'auprès de lui. J'en faisais l'amère expérience tous les jours. Son absence. La distance. Ces deux jours de visite, face à ceux que je passe sans lui, me donnent l'impression qu'ils comptent double. Je ne sais pas combien de temps je vais arriver à tenir encore comme ça.

Tout à l'heure le Doc veut nous voir et je dois savoir quand est-ce qu'il envisage de laisser sortir Tristan, au moins pour un week-end.

Deux jours entiers rien que nous deux, que nous passerons à l'appartement, que Tristan ne connaît pas encore. Je suis impatiente de lui faire découvrir notre futur nid d'amour.

Car oui, je suis persuadée qu'une fois la porte fermée plus rien ne pourra nous atteindre, que nous serons dans notre bulle afin d'y construire notre avenir.

— Je croyais que tu avais faim ma douce ?

— Ce n'est pas ça. J'ai...

— Je te sens contrariée, affirme-t-il en resserrant son étreinte.

— Pas contrariée Tristan, mais je suis soucieuse.

— Pourquoi ma Princesse ? Parle-moi.

— J'appréhende la séance avec le Doc, lui confié-je.

— C'est normal mon cœur, mais tu verras, le Doc saura te mettre à l'aise, crois-moi !

— Je n'en doute pas, il a été très sympathique l'autre fois. C'est plus la discussion qui m'angoisse, tu sais de quoi il veut parler ?

— J'en ai une petite idée oui...

— Et ? Tu peux m'en parler avant ou il faut qu'il soit là ?

— Je veux t'en parler avant, mais c'est le : « peux », qui me fais flipper.

— Tu sais que tu peux tout me dire mon amour.

Son hésitation et sa crainte à me parler me font penser que le sujet est grave et douloureux. Et je me demande, s'il m'en aurait parlé si le Doc ne le lui avait pas demandé.

— Je sais ça, mais comprends-moi Orphélia, parler de mon passé n'est pas une chose évidente pour moi ! Tu sais que j'en ai honte.

— Dis-moi, en as-tu parlé au Doc ?

— Oui... Et c'est pour ça que je veux t'en parler maintenant, avant notre séance à trois, pour que tu sois au courant de tout.

Il m'attrape la main et m'aide à me lever. Je frotte le bas de ma robe pour retirer le sable et je le regarde se figer face à moi. Il est pétrifié. Pourtant il sait que je peux tout entendre venant de lui.

— Mon cœur... Tu veux bien que l'on aille se promener sur la plage ?

— Si ça peut t'aider à te confier.

Je le sens me serrer la main juste en m'entendant prononcer le mot : confier. Mais pourtant, c'est bien ce qu'il est censé faire.

— C'est à propos des soirées dans ce club.

— Celles dont m'a parlé le détective avec la « dominatrice » ? précisé-je.

— Oui...

Pourquoi doit-il m'en parler ? Ses trois virées là-bas, ont-elles été, à ce point, bouleversantes pour qu'il en ait encore peur ?

— Orphélia, il faut que tu gardes à l'esprit, que pendant ces soirées, j'étais complètement défoncé, alors même si cela n'excuse en rien ce que j'y ai fait, et encore moins, ce que j'y ai subi, sache, que je n'en suis absolument pas fier.

— D'accord Tristan, je comprends. Mais tu sais que j'en sais beaucoup sur tes virées, alors que tu étais défoncé, alors pourquoi celles-ci te font aussi peur ?

— Parce que la deuxième fois où j'y suis allé, après ma « séance » de baise avec la dominatrice, en repartant, toujours autant défoncé, j'ai entendu des gémissements dans le couloir...

— Oh mon Dieu !

— Je me suis approché, et c'est là que j'ai remarqué, que les miroirs sans tain donnaient sur la chambre, que je venais de quitter quelques minutes plus tôt.

— Tu veux dire que des gens vous ont regardés, pendant que vous « baisiez » ? Je ne suis même pas sûre, que ce mot soit assez fort, pour ce genre de femmes ?

— Peu importe le mot, il ne sera jamais aussi sale, que ce que j'ai fait là-bas. Et oui, des gens nous regardaient Orphélia, mais ça, je ne le savais pas.

— Ok, je comprends que tu te sois senti gêné de m'en parler. Ça a dû être difficile pour toi de savoir, que ces personnes ont assisté et je suppose, participé à leurs manières à vos ébats...

Tristan baisse les yeux, comme s'il avait besoin, de puiser la force au fond de lui, afin de me dire la suite. Je lui laisse le temps de trouver l'énergie pour le faire, mais le voir ainsi souffrir, me fait tellement mal. Mon homme est terrorisé, je le vois bien, ses yeux ne me regardent pas, ils me fuient. Il n'essaye même pas d'y puiser le courage, dont il pourrait avoir besoin.

— Donc...

— Tristan, tu n'es pas obligé.

— Si ma douce, je veux que tu connaisses la vérité. Le Doc m'a expliqué certaines choses, et je veux savoir ce que toi tu en penses, car ton avis compte tout autant que le sien. Tu comprends ?

— Oui Tristan, je comprends. Prends ton temps...

Après quelques nouvelles respirations, il se lance enfin, je tremble intérieurement de tout mon être en attendant de savoir, ce qui peut bien le terroriser.

— Je me suis approché à mon tour, et je te passe les détails de ce qu'il se passait dans cette chambre. C'est devant ce miroir, que... Que j'ai senti une main...

Il déglutit et regarde l'océan pour se donner du courage, car contrairement à ce que j'avais pensé, l'histoire n'est en rien terminée, et à mon avis la suite va être douloureuse à raconter, si j'en juge à sa façon de donner des coups de pied dans tout et n'importe quoi, se trouvant sur le sable. Je le regarde impuissante, ne sachant quoi faire. Je ne suis pas sûre qu'il apprécie que je le prenne dans mes bras, tant il est tendu... Alors je le laisse déverser sa colère dans ces gestes rageurs. C'est tellement dur pour lui. Mais ça l'est aussi pour moi... Les larmes emplissent mes yeux de le voir ainsi déchiré par la souffrance. Je suis prête à lui dire d'arrêter, mais sans même me regarder, il reprend :

— J'étais encore bourré d'endorphines et de coke, et au début j'ai cru, qu'une de ces « chiennes » en voulait encore, mais c'est quand on m'a murmuré un « chaton » d'une voix grave, que je me suis retourné violemment, et que je suis revenu dans le monde réel.

— Tu veux dire... Heu... Que...

— Que c'était un homme oui ! Le même qui à ma troisième soirée a essayé de me violer.

— A essayé quoi ? De te violer ? fulminé-je. Mais pourquoi tu ne m'en as jamais parlé ? Tu pensais quoi Tristan ? Que je ne te croirais pas ?

— Non ce n'est pas ça putain ! dit-il, en se retournant vivement vers moi. Tu crois, que c'est facile pour moi ? Tu crois, que je n'ai pas honte de moi ? Tu crois, que tu pouvais tout entendre Orphélia ? Que tu étais prête pour ça, pour rentrer en collision avec mon monde dépravé ?

Comment peut-il avoir encore des doutes sur ma capacité à encaisser « son monde » comme il le dit si bien ? Nous avons grandi aux antipodes l'un de l'autre, je le reconnais, mais ce n'est pas pour autant que je ne peux pas comprendre...

— Tu crois quoi Tristan ? Que je suis une poupée fragile qui va se briser au moindre choc ?

— Peut-être pas, peut-être que oui, je sais que maintenant tu es bien plus forte que ce que tu laisses penser, mais tu ne t'es jamais dit, que je ne voulais pas t'entraîner avec moi dans cet enfer ?

— Comment tu peux dire ça Tristan ! Quand on aime quelqu'un, que l'on veut vivre avec, on n'a pas le droit de lui cacher des choses aussi importantes ! Je suis déçue de voir que si le Doc ne te l'avait pas demandé, tu ne m'en aurais, sans doute jamais parlé, je parie ! lui lancé-je, en retirant ma main de la sienne.

— Putain Orphélia, tu ne peux pas te mettre deux minutes à ma place ? Tu crois que, c'est un sujet de conversation que l'on a entre le plat et le dessert ou même après avoir fait l'amour ? Tiens au fait je ne t'ai pas dit : pendant mes soirées de débauches, j'ai failli me faire violer ! Tu en penses quoi ? Alors je t'en parle maintenant, et c'est tout ce qui compte.

— J'en pense que...

— Laisse-moi finir, la prié-je de patienter. Sinon je n'y arriverai jamais, et je n'ai pas envie, que l'on passe le peu de temps qu'il nous reste, à nous engueuler.

Je patiente tout en le détaillant. Pas une parcelle de son corps n'est épargnée par la tension, la peur, le stress, la honte... Il déglutit fortement, inspire une grande goulée d'air, avant de recommencer son récit :

— Donc, je te disais... Heu... Ce mec a essayé de me violer... Je venais de baiser avec trois nanas et j'avais accepté que la dominatrice m'attache au lit quand je me suis retrouvé, seul, qu'avec elle. J'ai entendu une porte s'ouvrir mais je ne me suis pas méfié, c'est uniquement quand j'ai entendu sa voix dire « chaton » que j'ai compris. J'avais affaire à l'autre psychopathe. Il lui a demandé de sortir afin d'être seul avec moi. J'ai essayé de me détacher, et plus j'essayais, plus ça l'excitait. Et puis tout à coup, il a commencé à me sucer, à me caresser en disant que j'aimais ça, puisque mon corps réagissait. Alors dans un moment de lucidité, je lui ai dit que ce qu'il me faisait était contre ma volonté, et s'apparenter à un viol. Au moins, ça l'a fait réagir et il m'a détaché une main avant de partir. Voilà, tu sais tout mon cœur, mais tu ne peux pas savoir comme j'ai eu honte, que mon corps ait réagi comme ça, j'ai cru pendant toutes ces années que j'étais coupable. Alors qu'en fait, le Doc m'a fait comprendre que j'étais une victime.

Je suis assise sur le sable, totalement abasourdie, par ce qu'il vient de me confier. Il a failli être violé par ce pervers, mais bien sûr il a cru qu'il était responsable de la situation. Je comprends mieux, sa réticence à m'en parler, de peur que moi aussi je ne l'accuse, d'avoir cédé et aimer, ce que lui faisait ce pervers.

— Mon amour, jamais je n'aurai jamais pensé que c'était aussi grave, et heureusement, que le Doc a su te faire comprendre que tu n'y étais pour rien !

— Je t'aime mon coquelicot, plus que tout. Tu es ma vie, mon âme, même si elle est restée jusqu'à maintenant, en partie noire.

— Mon amour, je suis tellement triste que tu aies vécu tout cela sans jamais en parler. Te laissant même accuser de choses, que tu n'avais pas faites...

— Tu ne peux pas savoir le bien que ça me fait, de tout t'avoir raconté, me coupe-t-il.

— Pourquoi tu as laissé Gaia nous laisser croire que tu l'avais baisé ?

— Parce que j'étais un détraqué qui aimait la drogue et le sexe, et que je ne valais rien... Mais plus que tout, j'avais peur de voir dans ton regard de la honte d'être ma petite amie...

— Je n'ai jamais eu honte de toi mon amour...

— Je le sais maintenant, mais ce soir-là, j'ai agi comme un lâche. J'ai préféré en finir pour que tu n'en souffres pas plus, tu en avais déjà assez encaissé comme ça à cause de moi. Alors sans penser aux conséquences, j'ai franchi la ligne rouge, et tout est devenu plus léger...

— Tu as fait ça pour moi ?

— En quelque sorte oui !

Je lui tends mes mains afin qu'il me rejoigne. Je ne supporte plus ce vide qu'à creuser sa confession entre nous. Il les accepte et tout de suite me tire vers lui, pour que je me blottisse contre son cœur. Plus il passe du temps ici, et plus j'ai l'impression que notre lien n'est plus aussi solide, qu'il ne pouvait l'être avant. Alors être tout contre lui me rassure, me calme et me fait penser que malgré tout ce qu'il a vécu, notre avenir n'en sera pas compromis.

Du moins je l'espère, parce que ma crainte de cette discussion avec le Doc m'angoisse, encore plus maintenant, que je connais cette histoire qu'il a vécue comme une tare.

La colère, la haine, la tristesse, voilà mes sentiments en cette fin de dimanche, pas de honte non, sûrement pas, car pour moi Tristan a toujours été une victime. D'abord de ses parents, ensuite de Cerise, et enfin de toutes ses nanas qui s'en servaient pour leur plaisir.

Alors non, mon amour tu n'es pas un détraqué, parce que si tu l'es, moi aussi je le suis de t'aimer.

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Coucou mes T & O-LOVE💕

Ça y est, Tristan a enfin pu lui dire ce qui l'avait bousillé pendant toutes ses années. Contrairement à ce qu'il pensait, Orphélia n'a pas honte de lui, ne le croit pas coupable. Certes, Orphélia ne pensait pas, qu'une chose aussi grave avait pu lui arriver.

Pourront-ils surmonter cette nouvelle épreuve ?

D'après vous, qu'est-ce que le Doc va leur dire lors de leurs séances à trois ? 

Orphélia a-t-elle raison de s'en faire ? 

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On se retrouve la semaine prochaine avec un chapitre de Tristan 💖

Passez un bon week-end, gros bisous mes T & O-LOVE 😘😍

Kty. Auteure 🌸

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