Tome 2 - Chapitre 12


Tristan

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C'est quand... Je m'explique !

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Devoir l'avouer à haute voix me noue la gorge et me démontre à quel point ma sœur me manque.

- C'est bizarre ça, me dit-il en le notant dans son carnet. Sais-tu pourquoi ?

J'avale le peu de salive qui subsiste dans ma bouche sèche, et lui dévoile avec amertume.

- Nous pensons avec Orphélia, que Cerise a volontairement arrêté de me les donner.

- Pourquoi pensez-vous ça tous les deux ?

Je prends une grande inspiration afin de me replonger dans mes souvenirs.

- Il y a deux ans, j'habitais encore chez Cerise, et j'ai reçu une lettre pour mon anniversaire qui venait de ma sœur. Ce jour-là, j'étais malade, et j'étais resté couché, alors que Cerise était partie en cours. Heureusement, que le facteur avait insisté, à plusieurs reprises sur la sonnette, pour que je signe le reçu d'un colis en recommandé pour Cerise. Il en avait profité pour me donner le courrier en main propre, sinon je n'aurais jamais eu connaissance de cette lettre.

J'en ai la chair de poule en me souvenant de ce jour, en me revoyant sur le pas de la porte, avec cette lettre entre les mains, en apprivoisant les battements de mon cœur qui s'était emballé en reconnaissant, tout de suite, l'écriture de ma sœur...

- Quelle réaction as-tu eue en voyant cette lettre ?

- Après la surprise passée, de la colère, avoué-je honteusement.

- De la colère, pourquoi ?

- Cerise m'avait dit que les lettres que j'envoyais à ma sœur lui revenaient avec la mention « destinataire inconnu ».

- Donc si je comprends bien, Cerise t'a dit que ta sœur n'envoyait plus de lettres, et que les tiennes revenaient systématiquement. C'est bien ça Tristan ?

- Oui...

Le Doc note encore, et je sais très bien ce qu'il pense de tout ça. Qu'est-ce que j'ai pu être naïf et con, de la croire, de me laisser manipuler ainsi, sans rien voir.

- Tu comprends à présent que Cerise t'a utilisé à sa guise, et a usé de ta faiblesse, pour te couper de ta sœur, pour briser le seul lien qu'il te restait. La seule attache familiale qui aurait pu t'éloigner d'elle.

J'écoute le Doc et tout me paraît si simple, si limpide. Ses explications répondent aux questions que j'ai pu me poser par la suite. Mais à l'époque, j'étais bien trop préoccupé. Je voulais m'en sortir, je voulais guérir, décrocher et reprendre ma vie en main. Alors, je n'y ai pas prêté attention. Je l'ai cru sans même me rendre compte que je devenais sa marionnette.

- Sur le moment, je n'ai rien vu, ni rien compris. Elle m'avait sauvé, aidé, soutenu, et même aimé. Comment pouvais-je penser ou même m'en douter ? m'emporté-je, autant après elle qu'après moi.

- Elle a joué sur l'affectif justement, en te rendant émotionnellement dépendant d'elle. Tu as fait quoi de cette lettre Tristan ?

Mais quel con.

J'ai toujours cru que j'avais repris les choses en mains. En fait Cerise me l'a juste laissé croire. C'est tout juste si j'ose lever les yeux vers le Doc, afin de lui répondre, tant la crédulité dont j'ai fait preuve me fait honte. Mais je dois dépasser cet état, je sais que le Doc ne me jugera pas, et puis je veux savoir ce qu'il en pense.

- J'ai d'abord voulu la déchirer... Mais je n'y suis pas arrivé, avoué-je en déglutissant fortement. Malgré ma colère envers ma sœur, c'était un bout d'elle, de sa famille, de sa vie, que j'avais à nouveau entre les mains. Alors, je l'ai rangée et gardée précieusement dans mon portefeuille.

- Pendant combien de temps ?

J'attrape le portefeuille dans ma poche arrière, je l'ouvre, et la lui montre sans la déplier.

- Tu ne l'as jamais ouverte ? s'étonne le Doc.

- Non.

Je comprends très bien l'étonnement du Doc. Mais je n'ai jamais trouvé le courage de la lire, ni de m'en séparer.

La cartouche d'encre de son stylo-plume est vide, et le Doc se dépêche de la changer. Il n'a jamais autant pris de notes.

- Pourquoi ? reprend-il, à nouveau concentré sur moi.

- Par peur, par lâcheté... Deux ans, que je n'avais plus de nouvelles. Deux ans, qu'elle m'avait abandonné. Deux ans...

Mes mains nouées entre elles se crispent, alors que mes yeux se verrouillent sur le buste. J'ai besoin d'elle... Orphélia, il n'y a qu'elle, qui pourra me donner cette force de pouvoir la lire. Je souffle pour terminer cette pause mentale et finie de m'expliquer.

- J'allais mieux, j'étais en train de m'en sortir et j'ai paniqué. Putain, j'avais la trouille de replonger. Merde, tu peux comprendre Doc ! Imagine cinq minutes que je lise des trucs négatifs, hein ? J'avais personne à qui me confier...

La voix chargée de sanglots, je n'arrive plus à parler.

Le Doc me tend un verre d'eau et attend que je me calme. J'ai toujours aussi peur de la lire, aussi peur de ce qu'elle contient. Je bois une gorgée, mais j'ai le ventre tellement noué que rien d'autre ne passera. Je garde le verre entre mes mains, malgré tout, pour canaliser mes tremblements.

- Tristan, je comprends tout à fait ta décision, et je dirais même, qu'elle était sage et nécessaire.

- Vrai ?

- Oui, tu n'aurais pas su gérer son contenu s'il avait été négatif. Je suis juste triste de me dire que quatre ans sont passés sans que tu saches, et ta sœur non plus.

- Si tu savais, combien de fois j'ai voulu le faire...

- Est-ce que tu veux qu'on la lise ensemble ?

Je fixe la surface de mon verre d'eau. La seule que je vois, c'est ma petite femme, ma douce. La seule qui pourra calmer mes peurs et mes angoisses. La seule qui saura trouver les mots. La seule qui prendra part à mon bonheur, si...

- Maintenant, j'ai quelqu'un avec qui la partager. Je voudrais la lire avec Orphélia, l'informé-je tout en relevant la tête. C'est possible Doc ?

- Bien sûr que c'est possible ! Je suis tout à fait d'accord, c'est même une bonne idée, et que penses-tu si dimanche, après votre temps de visite, on faisait une séance tous les trois ?

- Tous les trois... Mais pourquoi ?

- Pour parler de la lettre, de ta sœur, de tes parents, de Cerise, de tes progrès, de votre relation, de votre avenir... Une séance pour faire le point en quelque sorte.

- Pourquoi pas, j'en parlerai à Orphélia, et si elle est d'accord, alors pas de souci.

- Très bien, acquiesce-t-il. Une dernière chose !

- Oui Doc ?

- Est-ce que tu as envie de revoir tes géniteurs ou bien de leur envoyer cette lettre ?

- Hors de question que je les revoie. Quant à la lettre, je ne sais pas... D'un côté, j'ai envie de leur montrer que malgré tous leurs mauvais traitements, je m'en sors et d'un autre côté, je me dis qu'ils s'en foutent royalement.

- Ce qui m'intéresse Tristan, ce n'est pas ce qui leur ferait plaisir, c'est de savoir ce que toi tu as envie ?

Franchement, je n'en sais rien. Cette lettre, j'ai eu envie de l'écrire. C'était un besoin vital, mais je n'ai pas réfléchi à ce que j'en ferais ensuite. Parce que pour moi il n'y avait pas de suite.

- Leur envoyer cette lettre signifierait pour moi qu'une page se tourne, que toute la vaisselle que j'ai cassée, que tous les morceaux de porcelaine se sont transformés en mots, et que maintenant, c'est à eux de recevoir tous ces putains de débris. C'est la seule suite envisageable pour moi. La seule chose que j'accepte de faire s'il le faut vraiment, mais pas question de revoir leurs tronches de cons.

- Tu es sûr de toi Tristan ?

- Oui, je me dois bien ça, et à mon Coquelicot aussi, il faut que je lui prouve que je suis prêt à avancer, et à laisser ce putain de passé derrière moi.

- Tu m'épates Tristan, j'étais persuadé que tu ne le ferais encore ! Mais te voir à ce point motiver pour t'en sortir et montrer à Orphélia, que tu as bien évolué et changé est tout en ton honneur !

- Ben, tu n'imagines pas ce que l'amour de ma Princesse me ferait faire ! Bon, on va le chercher ce timbre ?

- Je dois d'abord avoir l'accord de mon chef ! Tu ne peux pas sortir d'ici comme ça, et tu le sais bien. Je dois le convaincre, que ça peut faire l'objet d'un test pour voir comment tu vas réagir une fois dehors.

C'est quand même incroyable, qu'une chose aussi banale, que de poster une lettre soit soumise à demande du chef, et qu'ils prennent ça pour un test. Ce n'est pas comme si je devais faire les courses, ça pour le coup, ça aurait été vraiment une corvée et un test, tant je déteste les faire. Je me marre en pensant à un truc :

- Putain avec le prix payé pour le séjour dans ce foutu centre, vous n'avez pas de timbre ? Et puis dehors, tu veux que je réagisse comment ? Je sais encore me tenir tu sais !

- Bien sûr que nous en avons au secrétariat, mais ils ne sont pas destinés aux patients.

- Bon alors, va voir ton connard de chef, on ne va pas y passer toute la séance !

- Tu m'as l'air bien pressé Tristan, tu crains quoi ? De changer d'avis ?

Fais chier, je ne peux rien lui cacher, bien sûr que j'ai peur

- Quoi ? Non pas du tout, c'est juste, que plus vite elle sera envoyée, plus vite cette page sera tournée.

- De toute façon, le chef n'est pas là, c'est mercredi !

- Ah ouais le jour des enfants ! balancé-je d'un ton ironique.

- Et oui, que veux-tu, même cette tronche de con a des enfants, et même des petits enfants dont il est totalement gaga.

- Tu crois que d'ici dimanche j'aurai l'autorisation ? Ou sinon je demande à ma Princesse de m'en apporter un demain !

- Tu ne demanderas pas à Orphélia vu que je veux te tester ! Tu devras prendre le bus, aller au centre-ville et acheter toi-même ton timbre.

- Bon ben j'aurai essayé !

- Tu dois comprendre que cette phase est décisive pour voir comment tu t'en sors, même si ça te paraît ridicule. Et surtout, tu dois terminer cette démarche d'envoyer la lettre tout seul. Ne crois pas que ça va être si facile que ça de te retrouver confiné dans le bus ou de devoir affronter le regard des gens. Tu n'es plus habitué à tout ça, ici on te protège, là tu seras tout seul.

- Je te l'ai dit, je suis prêt, c'est comme un putain de défi, et ma ligne d'arrivée est d'envoyer cette lettre. Alors Doc prêt à me suivre ?

- Tristan quand je dis tout seul, c'est tout seul ! Je ne viendrais pas avec toi. Mais vu ta détermination je suis sûr que ça ira !

- Mais oui Doc, ça ira comme sur des roulettes !

Demain, j'irai en ville, j'achèterai ce putain de timbre, et je posterai cette satanée lettre, et toute cette merde sera enfin terminée...


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😍 Coucou mes Loulous d'amour 😍

Cette longue séance est terminée...

Envoyer une lettre timbrée n'est pas une action insurmontable en soi.

Mais qu'en sera-t-il pour Tristan ? Arrivera-t-il à passer ce dernier test ?

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📍 On se retrouve mardi pour un chapitre avec Orphélia 📍

😘 Bonne soirée, bisous mes T&O-Love 😘

🌸 Kty. Auteure 🌸

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