Tome 2 - Chapitre 07


TRISTAN

C'est quand...

Mes nuits torturent mon âme.

≈ ≈ ≈ ≈

Chaque jour qui passe me permet de me livrer un peu plus et de comprendre mon mal-être. Mais le revers de la médaille à tout ça, c'est que chaque nuit, les souvenirs déterrés reviennent me hanter. Tout y passe : mon enfance, ma sœur, mes dérives et...

Même ma Princesse.

Depuis quelques nuits, ce cauchemar revient sans cesse me torturer : mon Orphélia est assise sur un banc en bois, de couleur vert menthe, avec un livre ouvert entre les mains, sans doute une nouvelle romance, comme elle aime tant en lire. Elle est concentrée sur sa lecture et ne me voit pas arriver, ne sent pas que je m'approche d'elle, et à chaque fois que je tends la main pour essayer de la toucher, elle disparaît. Elle part en fumée dans sa jolie robe fleurie, ses cheveux détachés qui volent au gré du vent. Orphélia me laisse seul avec ces images d'elle qui me bouleversent.

Au fil des nuits, ce cauchemar s'étoffe. Des scènes complémentaires viennent s'y ajouter. Hier, je pouvais lire sur son si beau visage, la peur se dessiner avec ses traits durcis et ses larmes dévalant sur ses joues. Et moi, ne pouvant que la regarder sans rien pouvoir faire pour l'aider.

Cette nouvelle nuit, je l'appréhende fortement. J'ai peur de connaître la suite de mon cauchemar. Pourtant je dois prendre sur moi et enfin découvrir ce qui ou quoi la terrorise à ce point.

Dormir...

C'est ce que je suis censé faire. Mais comment y arriver ? Comment accepter de fermer les yeux ? Je me demande à quoi sert, de vivre et revivre ces moments terribles ? Parce que je sais que je vais devoir affronter que mon Orphélia va endurer.

Cependant, je n'ai pas le choix. Je dois prendre sur moi si je veux comprendre et tel un automate, je me couche et après quelques minutes, j'accepte de céder mon éveil au sommeil.

Je laisse ce cauchemar prendre le dessus sur mon subconscient et saccager ce à quoi je tiens le plus... Ma petite femme.

Une nuit. Une de plus...

Un sommeil agité qui va me dévaster. Où je vais devoir faire face à cette lame de fond qui va tout emporter sur son passage.

Je le sais, c'est tous les soirs pareil, depuis que j'ai entamé les moments les plus critiques de ma vie et pourtant ces images vont venir à nouveau me heurter. Suis-je pour autant en train de vivre le cauchemar dans son intégralité ?

Je ne sais pas. Car toutes les nuits, je pense avoir touché le fond, je tremble, je hurle, je serre les draps contre moi à m'en faire mal aux bras et aux mains. Mes jointures sont douloureuses tant je suis tétanisé par la pensée de la perdre. Mes yeux sont grands ouverts et pourtant, je ne vois rien d'autre que mon Orphélia terrorisée par ce qu'il lui arrive. Tout ce que j'entends, ce sont ses cris qui me démolissent.

L'infirmière de nuit essaye de me calmer en me parlant doucement comme à chaque fois. Elle est habituée à mes nuits agitées et à mes réveils de plus en plus douloureux. Mais j'ai beau sentir ses mains me secouer, je n'arrive pas à décrocher de cette vision horrible. Je sens cette odeur métallique si particulière du sang dans lequel baigne la tête de ma Princesse. Elle gît au sol dans cette mare pourpre et visqueuse. Ses yeux me fixent, me suppliant de l'aider, mais je n'arrive pas à l'atteindre. J'ai beau pousser sur mes jambes, m'insulter, de bouger, je reste immobile tenaillé par la peur. Je la regarde, sans faire un geste, perdre ses dernières forces sans que nos regards ne se détachent.

Je l'abandonne encore une fois...

Même si cette fois-ci, je n'y suis pour rien, le résultat est identique.

Elle souffre encore et encore à cause de moi. J'ai l'impression de ne pas avancer, de ne faire aucuns progrès. Je me sens impuissant face à sa détresse, face à ses appels au secours, face à ma lâcheté...

- Tristan !

Une voix dure et froide me sort de mon état de choc.

- Tristan, réveille-toi. C'est un ordre ! Maintenant !

Je le regarde ébahi me demandant à quoi il joue. Pourquoi me gueule-t-il dessus de la sorte.

- Mais ça va pas de me réveiller ainsi Doc ?

- Tu n'arrivais pas à sortir de ton cauchemar et Sophie ne pouvait plus te contrôler, elle m'a donc bipé. Tu as de la chance que je sois de garde cette nuit.

Tout le temps où le Doc me parle, je me remémore au mieux les détails de ce nouveau cauchemar. Afin de ne rien oublier. Afin de pouvoir en parler avec lui. Afin de pouvoir comprendre...

- Tu veux qu'on en discute ici tant que tu t'en souviens ou on va...

- À la plage.

- Tu es sûr ? L'autre jour, ça ne t'a pas permis d'en parler...

- J'ai dit la plage Doc ! Tu es sourd ma parole ?

Et sans attendre son autorisation, je me dirige vers la sortie. Même si j'entends Sophie lui rappeler, que nous ne pouvons pas sortir du centre la nuit, je ne m'arrête pas pour autant.

Les pas du Doc résonnent dans mon dos. Je m'arrête devant la porte en fer, bras croisés sur le torse, en attendant qu'il passe son badge.

Il me tend un pantalon de jogging et un tee-shirt, que je saisis. Me balader en caleçon ne me dérange pas le moins du monde. Qu'est-ce que j'en ai à battre moi de pas être présentable.

- Tiens, passe au moins ça.

Je râle mais j'obéis et enfile le tout, juste pour qu'il se dépêche d'ouvrir et que je puisse partir au plus vite vers la plage.

Le clic que fait la serrure en s'ouvrant me donne le signal pour reprendre rapidement mon sprint. Au bout de cinq minutes d'une course désordonnée à travers les chemins et les sentiers, je me jette à genoux sur le sable en me prenant la tête entre les mains.

Mon cœur bat trop vite. Bien trop vite.

Les images terrifiantes de ma princesse ensanglantée ne veulent pas disparaître malgré l'effort effréné que je viens de faire. J'ai beau crier, balancer tout ce qui me passe sous les mains. Coquillages, bout de bois flotté, cailloux. Rien ne résiste à mon désarroi. Elles sont toujours présentes et me narguent, parce que je ne peux rien faire contre elles. J'enfonce rageusement mes poings dans le sable humide. La succession des coups tasse le sable un peu plus à chaque fois, le rendant de plus en plus compact. Pourtant, je continue et j'enchaîne les coups en les accompagnants d'injures. Mes mains me hurlent d'arrêter, mais je n'y arrive pas. Plus je frappe, plus la douleur s'impose sournoisement entre mes phalanges. Je m'en veux tellement d'être incapable de devenir cet homme prêt à tout pour sauver celle qu'il aime.

- Tu peux me dire à quoi ça sert tout ça ! lui grogné-je dessus.

Je l'entends haleter à mes côtés, peinant à reprendre une respiration normale. Plié en deux, mains en appui sur ses genoux, il essaye tant bien que mal de me répondre.

- Tu le sais... C'est pour ton bien, me lâche-t-il à bout de souffle.

- Mon bien ? Laisse-moi rire. Ça fait plus d'un mois que je suis ici et plus ça va plus les cauchemars prennent de l'ampleur. Je veux bien comprendre ceux sur mes parents, admettre ceux sur ma sœur ou sur le moins que rien que j'étais, mais pas ceux sur...

Ma voix se brise et je n'arrive même pas à prononcer son nom.

- Orphélia ? C'est d'elle dont tu as rêvé encore une fois ? me demande-t-il stupéfait.

- Tu appelles ça un rêve toi ? Elle était couchée dans une mare de sang et je ne faisais rien pour la sauver. J'étais là. Je la regardais sans rien faire, sans pouvoir bouger ! Elle me suppliait du regard pour que je l'aide...

Mes larmes coulent et je ne fais rien pour les retenir. J'en ai rien à foutre de passer pour un faible. D'être ce genre de mec qui chiale pour sa gonzesse. Orphélia est tout pour moi. Tout ce que je désire. Tout ce que j'aime. Tout ce que j'ai toujours voulu. Alors pourquoi suis-je ce mec bousillé par la vie qui n'a rien à lui offrir...

Mon regard se perd vers la mer.

Le soleil est en train de se lever tandis que moi, je sombre.

- Tristan, tout ceci est normal. Tu avances très vite, peut-être trop vite et ton subconscient est là pour te freiner et te dire de ralentir.

- En faisant mourir la seule personne que j'aime ? Là c'est toi qui délires Doc.

- Je te l'ai dit l'autre jour, parler de tes parents, de leur abandon, de leur désintérêt pour toi n'a rien d'anodin.

- Mais qu'est-ce que ça à avoir avec Orphélia ? Je n'ai qu'une envie, c'est de partir d'ici, de la retrouver, de vivre avec elle...

Je m'arrête. Encore une fois, il a mis le doigt sur le problème, en me faisant parler et comprendre où était mon erreur. L'abandon de mes parents, leur indifférence, leur mépris et l'absence de réactions face à mes besoins. Tout ce passé remonte et se mélange à mon présent sans que je ne puisse le contrôler.

- Tu as compris à ce que je vois.

Je vais pour redonner un coup de poing dans le sable, quand une douleur sournoise me stoppe.

- Tu me fais grave chier Doc avec tes théories à la con.

D'un bon, un seul, je me lève et cours vers l'eau avant de plonger tête la première dans les vagues. L'eau est fraîche en ce mois de septembre, mais je m'en fous. J'ai besoin d'évacuer ce trop-plein... De tout.

Je ne veux plus penser, ni réfléchir, ni ressentir, ni éprouver cette détresse qui me crève le cœur. La tête sous l'eau, l'air me manque... Je dois arrêter de me planquer, de fuir, d'esquiver les difficultés. Même si j'ai mal.

Quand je ressors, remonté à bloc de cette détermination retrouvée, je grelotte de la tête aux pieds et le Doc se marre. Je repasse en vitesse mon jogging et mon tee-shirt que j'ai balancé avant d'entrer dans l'eau.

- C'est ça, fous-toi de ma gueule. En attendant cette virée dans l'eau m'a fait plus de bien qu'une heure de thérapie avec toi, lui signifié-je hargneusement.

- Tu es rude avec moi, m'accuse-t-il.

- Parce que toi non ?

- Ce n'est pas facile d'entendre la vérité, j'en ai conscience.

- Et encore moins de l'accepter.

- Pourtant tu l'as analysé et compris de toi-même.

- Ça ne rend pas l'issue moins brutale.

Je sais maintenant que je vais devoir affronter le pire afin de comprendre toute mon histoire. Car je suis persuadé que la clé réside dans ces cauchemars. Il passe son bras autour de ma nuque en une brève accolade avant de me dire:

-Allez, viens boire un café et te changer, tu vas attraper la mort.

- Alors là Doc, tu t'es surpassé, blagué-je à cette évocation qui pourtant me tourmente tant.

Notre éclat de rire est libérateur et me permet de relâcher une bonne partie de mes tensions. Malheureusement, les images de ma Princesse ensanglantée demeurent et ne se dissolvent pas aussi simplement.

≈ ≈ ≈ ≈

Le reste de la semaine se passe sans grands changements.

Orphélia est venue comme tous les jeudis et plus ça va, plus je la trouve fatiguée, limite absente par moments. Notre balade sur la plage lui a fait du bien et je suis soulagé de savoir que Madeleine va la chouchouter pendant deux jours. J'espère la retrouver en forme dimanche...

Durant les séances avec le Doc, nous avons encore plus parlé de ma sœur et de mon Orphélia ainsi que de leur importance dans ma vie. Ce qui a laissé le champ libre aux cauchemars qui ont continué leurs progressions... Ils ont encore évolué, et s'agrandissent à chaque fois en m'apportant de nouveaux indices. Les deux dernières nuits ma sœur est venue s'y ajouter. Et de la même façon que mon Orphélia, elle a terminé au sol.

D'ailleurs cette nuit, j'ai enfin découvert qui leur avait tiré dessus. J'aurais dû m'en douter et même le comprendre bien plus tôt. Mais j'étais tellement focalisé sur cette horrible scène que je n'arrivais pas encore à le voir ou alors mon subconscient ne voulait pas encore me le montrer, ne me sentant pas prêt pour cette révélation.

Après m'être réveillé en sursaut et en sueurs... J'étais resté assis en tailleur dans mon lit en attendant que le jour se lève et que je puisse enfin sortir de la chambre pour faire mon jogging matinal dans le parc. Après ma douche, j'ai récupéré deux cafés et deux croissants et j'ai rejoint le Doc dans son bureau pour faire le point.

C'était devenu notre rituel au fil des jours... Un de plus...

J'entre sans frapper comme à mon habitude.

- Salut Doc, room service.

- Salut Tristan, tu as encore oublié de frapper, me fait-il remarquer.

Le Doc secoue la tête en ricanant.

- À quoi ça sert Doc, tu sais bien que c'est moi.

- Et si j'étais occupé ?

Son regard pétille de malice en me balançant cette ineptie.

- Arrête tes conneries, depuis plus d'un mois que je viens tous les matins, tu es toujours...

Je me tais et reste comme un con en voyant une silhouette bouger derrière le paravent et un petit sourire en coin poindre sur le visage du Doc.

- Heu... OK ! Bon ben je laisse le petit dej et on se voit plus tard Doc. À plus Sophie, balancé-je fier de moi de l'avoir reconnu.

Je sors sous le regard amusé du Doc et sur la tête ébahie de Sophie qui sort de derrière le paravent.

En passant devant la cafétéria, je récupère un nouveau café et un croissant. J'espère bien pouvoir le manger tranquillement sur mon banc face à la chapelle. Il fait beau ce matin et ce moment se promet d'être agréable.

Mais c'était sans compter sur Eryn.


≈ ≈ ≈ ≈

Les voilà de retour !

Je sais, vous êtes nombreuses à vouloir lire la suite, mais j'ai été très occupée.

Je voulais attendre de terminer mon Tome II avant de publier à nouveau.

Mais je suis consciente de votre impatience et envie de savoir comment vont Tristan et Orphélia.

Alors je vais essayer de vous publier un chapitre chaque semaine !

≈ ≈ ≈ ≈

😘 Bisous mes Loulous 😘

Et bon week-end prolongé !

Kty

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