Tome 2 - Chapitre 04

TRISTAN

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C'est quand...

Le temps me paraît trop long.

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Dix jours que je suis ici, et autant de jours sans la voir, sans l'entendre, ni la toucher ou la respirer... J'ai beau parler de Orphélia avec le psy à chaque séance ça ne me suffit pas. Ça ne comble pas le manque, le vide et l'absence. Je vis cela comme un nouvel abandon dont elle n'est même pas responsable mais la réalité est là et elle brille par son absence. Encore cinq jours à attendre, cinq longs jours où je vais penser à ma Princesse où je vais parler d'elle, où je vais rêver d'elle, où je vais écrire pour elle.

C'est la seule chose positive de notre séparation.

Je remplis mon carnet d'encre, de mots, de mélodies et de chansons.

J'écris sur ma Princesse, sur notre amour et sur tout ce qui nous est arrivé aussi. J'en ai besoin... Je dois coucher ces mots qui sont pour moi comme un exutoire. Comme autant de temps que je passerais avec elle en cherchant les mots ou la note qui lui correspondent le mieux.

Alors comme tous les jours après le repas de midi, je prends mon café, mon carnet et je vais m'asseoir sur le banc.

Mon banc.

Face à la petite chapelle blanche.

J'embrasse son ruban coquelicot qui sent toujours son parfum, je le respire avant de le nicher au creux de la main, je croise les bras sur mon torse puis j'allonge mes jambes, croise les pieds comme à chaque fois, et je la regarde, je l'observe, j'essaye de repérer le moindre détail laissé par le temps ou la main de l'homme. Sur le fronton au-dessus de l'imposante porte en bois brun, quatre chiffres ont été sculptés dans la pierre blanche : 1 847.

— La vache pour être vieille, tu es vieille...

Elle a dû en voir passer des choses, des gens, et même les deux guerres. Elle doit avoir tant de choses à raconter, à partager.

— Je suis là, je t'écoute si tu veux, je n'ai rien d'autre à foutre de toute façon.

Mais elle ne me répond pas, enfin pas encore, car je ne désespère pas que d'ici la fin de mon séjour elle ne le fasse. Ne vous inquiétez pas pour moi, ma santé mentale va bien. C'est juste un ressenti que j'ai depuis le premier jour ou j'ai posé les yeux sur cette chapelle. Je ne saurais vous dire pourquoi, mais je le sens au plus profond de moi...

— Eh bien en attendant, tu vas devoir m'écouter alors. Tu n'as pas le choix remarque, tu es coincée ici, tout comme moi.

Et depuis, c'est devenu notre petit rituel. Je lui parle et elle m'écoute lui raconter ma vie, mes envies, mes rêves et bien sûr je lui parle de Orphélia. Mon amour, mon cœur. Celle pour qui je fais tout ça.

Cette cure bien sûr, je la fais pour moi, car je dois me soigner, une bonne fois pour toutes, mais je la fais aussi pour qu'elle soit fière de moi, qu'elle n'ait plus peur que je replonge. Pour lui prouver que je peux être quelqu'un de stable, de responsable sur qui elle pourra compter, s'appuyer. Je ne veux plus être cette merde qui part en live à chaque fois que tout va mal.

Mais putain pourquoi je n'ai pas attendu le lendemain pour lui parler comme me l'avait conseillé son père ? On aurait pu en parler.

J'aurai pu lui expliquer...

Lui expliquer quoi ?

Comment j'aurai pu lui expliquer ce que moi-même je n'arrive pas à comprendre, à oublier...

Cette putain de soirée masquée au club. Une seule soirée aura suffi à me gâcher cette chienne de vie. Elle aura été responsable de mes deux overdoses. Mais comment je pourrais oublier ce qui s'y est passé. Comment ? Comment oublier ce que j'y ai fait ?

Cette soirée est devenue ma croix.

— Tu vois la vieille, je suis comme toi, moi aussi je porte ma croix. Je la traîne comme un boulet. Comme une cicatrice que l'on ne peut effacer, soigner.

— Tristan...

Je sursaute en entendant la voix. Il me faut quelque seconde pour me reconnecter à la réalité et comprendre que ce n'est pas la vieille qui me parle, qui me répond...

— Tristan ça va ? On dirait que vous avez vu un fantôme.

Si elle savait.

— Bonjour Sophie, désolé j'étais perdu dans mes pensées.

— C'est l'heure de votre séance avec le Docteur Vallois.

— Déjà ?

— Il va être quatorze heures, vous devriez vous dépêcher, il n'aime pas qu'on soit en retard.

— Ouais et là, l'excuse d'un souci de transport ne passera pas !

Elle sourit à ma blague avant de retourner dans la grande bâtisse.

— Allez Tristan, bouge-toi le cul, c'est l'heure de passer sur le gril. Allez, à demain la vieille.

Est-ce que je vais enfin gagner une partie ? De toute façon, je n'ai pas le choix que de vaincre aujourd'hui. Je dois me motiver. Hier, le Doc m'a lancé un nouveau défi !

Si je gagne, il y aura une belle surprise pour moi à la clé. Franchement je ne vois pas ce que ça pourrait être. S'il croit que je vais me défoncer le cul pour un supplément dessert, il se fout le doigt dans l'œil. Par contre, si j'arrive à négocier un appel à ma Princesse. Là oui je suis partant. Putain depuis qu'il m'a parlé de ce défi, j'en rêve. Pouvoir lui parler, entendre sa voix, savoir comment elle va. Est-ce que je lui manque autant qu'elle me manque ?

Là elle doit être à Villedard dans notre appartement, à l'aménager toute seule, alors que j'aurais dû être avec elle pour l'aider, pour qu'on fasse cela ensemble. Mais non, moi j'ai préféré jouer au con.

Obnubilé par mes pensées, je suis arrivé au terrain de basket sans même m'en rendre compte et je vois le Doc en train de s'échauffer. Il ne va pas me rendre la tâche facile ça c'est sûr, mais cette fois-ci, j'ai ce surplus de motivation qui fera toute la différence.

Orphélia... Ma Princesse.

— Salut Doc.

— Bonjour Tristan. Tu m'as l'air motivé.

— Fini la rigolade, aujourd'hui c'est moi qui gagne.

— Ah tu crois ça !

Je retire mon tee-shirt et c'est juste muni de mon short que je commence à m'étirer en prenant appui sur le banc. J'essaye comme je peux, d'endormir sa vigilance afin de prendre tout de suite l'avantage.

— Je vois que tu as très envie de ta surprise. Je me demande bien qu'est-ce qui peut te motiver à ce point ?

— J'espère bien que cette surprise concerne ma Princesse.

— Et si ce n'est pas le cas ?

Je m'arrête de courir avec le ballon dans les mains et le fusille du regard.

— Tu déconnes Doc ?

— Ben non, je ne voudrais pas que tu te fasses de fausses idées.

Je balance le ballon avec force et vais m'asseoir pour essayer de contrôler ma colère et ma frustration. Le Doc me rejoint et me balance avec un sourire ironique :

— Eh bien, je ne pensais pas qu'il serait aussi facile de te démontrer que tu baissais trop vite les bras.

Je relève la tête pour voir s'il ne se fout pas de ma gueule.

— T'es sérieux là ?

— Tu crois que nos parties de basket sont justes là pour qu'on se défoule ? Non elles font partie de la thérapie, pour que tu me parles mais aussi pour que je puisse analyser ton comportement, tes réactions et te tester.

— Et moi qui croyais que tu étais cool.

— Mais je suis cool... Mais je serais un bien piètre psy si je ne faisais pas mon boulot.

— Si tu le dis.

— Bon, tu fais la gueule ou on reprend la partie ?

— Tu me fais chier Doc !

— Je sais, répond-il avec un large sourire.

Il me balance le ballon que je rattrape juste à temps.

— T'as visé ma tronche, j'ai pas rêvé ?

— Qu'est-ce que je peux être maladroit, parfois !

— Bon, ça y est tu as fini de te foutre de ma gueule ?

— Tu as fini de faire la tronche ? Tu ressembles à un gamin de cinq ans à qui on a refusé un bonbon.

— Ah non tu ne touches pas à mon bonbon !

Et je lui plante un dunk.

— Va falloir que tu m'expliques ce qu'il a de si spécial ce bonbon ! Tu as piqué ma curiosité.

— Alors là, c'est toi qui rêves !

Il tente de me passer mais j'intercepte le ballon.

— Et 3 à 0 Doc. Je vais finir par croire que tu me laisses gagner.

— Tu me connais mal. Contrairement à toi, je ne baisse pas les bras. Alors ce bonbon ?

— Tu parles trop Doc ! le nargué-je

— Et bim. 3 à 1. Je sens que je vais tout connaître sur ce « fameux » bonbon.

— Il n'en est pas question, pesté-je.

— 3 à 2... Hum, je vais me régaler. Il est à quel goût ce bonbon ?

De hargne et de colère mélangée, je mets un nouveau panier.

— 4 à 2. Un goût que tu ne connaîtras jamais, le nargué-je.

— Ah parce qu'en plus, c'est un bonbon rare. Tu m'en diras tant. Un challenge de plus pour que j'en aie envie. 4 à 3. Alors Tristan tu baisses les bras ?

J'essaye de le passer mais il me chipe le ballon avec une dextérité qui me laisse sur place.

— 4 à 4. Je sens que le bonbon va être pour moi, j'en salive d'avance.

La rage monte en moi. Je sais qu'il le fait exprès pour me provoquer, pour me pousser à bout et ça marche.

— Tu ne me priveras pas ni de ma surprise ni de mon bonbon, dis-je rageusement.

— 5 à 4. Ok tu as gagné Tristan. Tu vois quand tu veux t'en donner les moyens.

Il me serre la main et va s'asseoir. Il boit sa bouteille d'eau par petites gorgées contrairement à d'habitude et ferme les yeux le temps de reprendre son souffle en appuyant son dos contre l'assise du banc. Je sens qu'il prend tout son temps pour ne pas avoir à me parler.

— Bon alors Doc, c'est quoi cette surprise ?

— Assieds-toi, bois, respire... On n'est pas pressé...

— Parle pour toi !

— Profites-en pour apprécier le paysage. Toi qui aimes tant la mer, savoure, plaisante-t-il.

— Bon assez joué Doc, je vois bien que tu le fais exprès pour me faire mariner.

— Moi ? Non, je n'oserais pas.

— Je ne vais pas te supplier, alors balance !

— À une condition.

— Tu veux savoir l'histoire sur le bonbon, je parie !

— Tu commences à comprendre. En effet, tu m'as mis l'eau à la bouche avec cette saveur rare.

Je souffle, il n'abandonnera pas, alors autant que je lui réponde et comme ça, je connaîtrais plus vite ma surprise.

— En fait, Orphélia avait employé la même expression que toi un jour où je boudais...

— Ah donc, ce n'est pas qu'avec moi que tu boudes, me voilà, rassurer, ironise-t-il.

— Bon, je peux finir ou tu comptes m'interrompre toutes les trente secondes !

— Eh, tu es toujours aussi mal luné ?

— Non. Mais tu as le chic pour me faire chier !

— Donc Orphélia t'a fait remarquer que tu boudais comme un gamin qui n'a pas eu son bonbon, et ?

—Et... Le reste c'est ma vie privée, merde, râlé-je.

Je veux bien que je doive tout lui raconter mais quand même je ne vais pas nourrir son esprit tordu d'images de ma petite femme.

— Vu comme je commence à te connaître ça a dû se terminer au lit, me provoque le Doc pour que je lui réponde.

— Non contre une porte, ricané-je.

— Carrément, Don Juan !

— Avec Orphélia, c'est...

Je ferme les yeux et il ne m'en faut pas plus pour sentir ses baisers humides sur la peau de mon cou, de deviner son épiderme qui se couvre de frissons sous mes doigts et d'entendre ses gémissements qui me font complètement craquer.

— Tristan ? ! Je comprends que tu préférerais être dans ses bras, mais si tu veux je peux te faire un câlin pour te consoler, se fout-il de moi.

— Bats les pattes le Doc, non mais tu m'as pris pour qui ? crié-je en me levant.

— C'est bon Tristan, c'était pour rire, mais apparemment j'ai mis le doigt sur quelque chose.

Je ne compte pas lui répondre et lui parler de cette partie de ma vie. Je fais donc comme si je ne l'avais pas entendu.

— Bon, tu me dis ma surprise Doc ? J'ai tenu ma part du marché à toi d'en faire autant !

— Ok, comme tu voudras, mais on en reparlera.

— C'est ça... éludé-je en haussant les épaules.

— J'ai vu Orphélia.

— Comment ça ? Tu l'as vue quand ? Comment ? Putain mais réponds Doc !

— Si tu me laissais en placer une...

— Ok je t'écoute, dis-je impatient.

— Elle est venue me voir jeudi matin chez moi.

— Chez toi ? Mais pour quoi faire ? Qu'est-ce qui se passe ?

— Calme-toi, elle est venue me demander une faveur.

— De quel genre ?

— Elle voulait un passe-droit.

— Pour ?

La peur me noue la gorge. Je n'arrive pas à parler. Je ne veux pas me faire de fausses illusions.

— Ça te dirait de la voir demain ?

Je lève les yeux embués vers lui, ne voulant pas croire ou comprendre ce qu'il vient de me dire.

— Orphélia vient demain ?

— Oui Tristan. Ta surprise te plaît ?

Je n'arrive pas à le croire, comment c'est possible ? Elle ne pouvait pas venir avant jeudi, c'est le règlement... Comment ?

— Si c'est une blague Doc, elle n'est vraiment pas drôle !

— Voyons Tristan, je ne plaisanterais jamais sur ce genre de sujet. Pas avec toi.

— Comment ?

— Comment quoi ?

— Comment c'est possible ?

— Nous avons discuté, je l'ai écouté et j'ai décidé de passer outre le refus du docteur Gomain en pensant que ça ne pouvait que te faire du bien. Tu as fait beaucoup de progrès, tu me fais confiance et je voulais te prouver que tu ne faisais pas tout ça pour rien. Et puis, je vois bien que tu deviens de plus en plus irritable et qu'elle te manque énormément.

— Orphélia...

Je me mords la lèvre en fermant les yeux. Oh oui elle me manque.

— Elle va bien ? demandé-je en essayant de contenir mes sanglots.

— Elle est comme toi en fait.

— Comment ça ?

— À fleur de peau mais déterminée.

Je souffle et je m'en veux car si elle souffre, c'est encore à cause de moi. Mais je dois me raccrocher au fait qu'elle vienne demain.

— Putain, elle vient demain... Elle vient demain, crié-je en balançant ma bouteille d'eau en l'air.

— Ça y est tu le réalises ?

— Moi qui pensais négocier avec toi un appel et là tu me dis carrément que je vais pouvoir la voir. T'es le meilleur Doc.

— Tout le mérite revient à ta petite amie. C'est elle qui a eu le culot de venir me trouver chez moi pour m'en faire la demande.

— Je te l'avais dit qu'elle était exceptionnelle ma petite femme.

— Ta petite femme, répète-t-il avec un petit sourire.

— Oui Doc. Si j'ai une certitude dans ma putain de vie, c'est elle. Je sais que c'est la femme de ma vie, confié-je sûr de moi.

— Ça tombe bien, car je peux t'assurer que Orphélia est aussi engagée que toi.

Je souris comme un imbécile heureux mais je m'en fous, je vais voir ma Princesse demain. Le Doc me sort de mes pensées en ajoutant :

— Donc, tes jours de visites seront le jeudi et le dimanche, il te suffira de dire à l'avance qui tu veux voir.

— Orphélia.

— Oui j'ai bien compris que tu voulais la voir mais sur les quatre-heures de visites, tu peux les fractionner et voir d'autres personnes.

— Non, je ne veux personne d'autre que ma Princesse, il n'est pas question que je gâche ne serait-ce qu'une heure de notre temps.

— C'est toi qui choisis Tristan, par contre demain, vous n'aurez que trois heures.

— Ok, soufflé-je.

— Et bien, moi qui m'attendais, à t'entendre râler !

— Je sais que ça n'a pas dû être évident à faire accepter ça à ton chef, donc, non je ne vais pas râler. Merci Doc, dis-je en lui tendant la main.

Il me la serre et me regarde droit dans les yeux.

— Tu le mérites Tristan.

≈ ≈ ≈ ≈

Comment ça va mes Loulous ?

Une surprise qui je l'espère vous fait plaisir avec ce nouveau chapitre que je vous poste en avance !

Voici le retour de Tristan, ça fait du bien, non ?

≈ ≈ ≈ ≈  

Gros bisous et bonne soirée :*

Kty

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