Tome 2 - Chapitre 03 - partie 2


ORPHÉLIA

≈ ≈ ≈ ≈

C'est quand...

La surprise prend le dessus sur l'angoisse.

≈ ≈ ≈ ≈

Je m'étais préparée à tout. À ce qu'il ne veuille même pas me recevoir, qu'il me claque la porte au nez, qu'il me prenne de haut comme son chef. Mais sûrement pas à ce qu'il m'accueille de la sorte en sachant pourquoi je venais le voir.

Il a l'air sûr de lui mais pas prétentieux. Par contre en le voyant aussi décontracté, je n'aurai jamais pensé qu'il soit docteur et encore moins psychiatre.

Je le suis jusqu'au salon et m'assois dans le fauteuil qu'il me désigne.

- J'allais me faire un café, vous en voulez un ?

- Un verre d'eau, ça ira, merci.

Je suis bien assez nerveuse comme ça, sans y ajouter, en plus, les effets de la caféine.

Je jette un coup d'œil à ce grand salon qui n'a rien de conformiste. Pas de table ni chaises ni buffet de salle à manger, juste une dizaine de tapis dépareillés recouvrant en grande partie le sol, une table basse qui a vécu si j'en crois le nombre de traces rondes laissé pas les verres. Deux grands canapés se font face accompagnés de plusieurs fauteuils aux formes différentes et une chaise. La sienne sans aucun doute, vu qu'elle est rangée sous le bureau. Contrairement à la pièce, c'est une vraie pagaille qui règne sur le plateau avec des dossiers qui s'empilent, des feuilles libres qui forment un patchwork de papiers.

Il n'a pas non plus de bibliothèque, mais des piles et des piles de livres formant des tours un peu partout contre les murs et notamment contre celui du fond recouvert de briques rouges.

Des tableaux abstraits sont suspendus par des fils descendant du plafond ainsi que des photographies en noir et blanc dont l'attractivité m'attire sans que j'en comprenne le pourquoi. Je suis attirée comme un aimant par ces fresques de vie.

Je me lève pour mieux les observer.

L'une d'entre elles me captive par son côté brut et urbain. Des barres d'immeubles formant un U en arrière-plan puis en leur centre, une aire de jeu ainsi qu'un terrain de basket qui n'en a que le nom. Au premier plan, deux personnes en shorts et tee-shirt larges sans manches. À gauche, un jeune homme d'une vingtaine d'années posant fièrement devant l'objectif les bras croisés contre son torse, le menton relevé et le pied posé sur un ballon de basket. Quant à l'autre homme à droite, il est plus âgé, la quarantaine je dirais et aborde un magnifique sourire en faisant avec ses doigts le signe V de la victoire...

- Votre eau, Mademoiselle.

Sa voix assurée me fait sursauter. Je ne l'avais pas entendu revenir tant j'étais absorbée par cette photo.

- Oh... Merci, bafouillé-je en attrapant le verre.

Je retourne vers le fauteuil tandis qu'il me fait face assis à califourchon sur la chaise du bureau avec ses bras croisés sur le dossier. Cette pièce respire la sérénité, la quiétude et pourtant je me sens en totale contradiction. Je suis inquiète, nerveuse et surtout intimidé par sa façon de me regarder comme si j'étais un sujet d'étude, cela me dérange et me met un peu mal à l'aise. Il attend sans doute que je prenne la parole, après tout, c'est moi qui ai demandé à le voir.

Je bois une gorgée d'eau pour me donner du courage et surtout pour retirer cette sensation pâteuse de ma bouche sèche.

- Orphélia, c'est ça ?

- Oui.

- Ça ne vous dérange pas si je vous appelle par votre prénom ?

- Heu... Non.

- En fait, j'ai l'impression de vous connaître. Tristan me parle souvent de vous, alors je pense, que j'aurais pu vous reconnaître en vous croisant dans la rue.

- Tristan, soufflé-je.

Tout en laissant échapper un soupir, me perdant dans le miroir de l'eau contenu dans ce verre que je serre un peu trop fort dans mes mains.

- Il va bien ?

- Il a des hauts et des bas, vous vous en doutez, mais il progresse bien et c'est l'essentiel. Vous comprendrez que je ne peux pas vous en dire plus.

- Oui, bien sûr, je comprends. Par contre, comment saviez-vous que j'allais venir ?

- Mon chef vient de me téléphoner, répond-il en grimaçant.

Il boit une gorgée de son café, pose le mug sur la table basse en bois, occasionnant une nouvelle trace et reprend :

- Alors comme ça, vous voulez un passe-droit ? me demande-t-il sans détours.

- Ce n'est pas comme ça que je l'aurai formulé, mais...

- Mais le résultat est le même. Vous voudriez que je vous accorde un droit de visite allant contre le règlement et contre l'avis de mon chef, énonce-t-il.

- C'est vrai que formulé de la sorte, ça y ressemble beaucoup, lui avoué-je.

- Alors pourquoi je vous accorderais ce passe-droit ? Si tenté que j'en ai les moyens, bien sûr !

- Et vous les auriez ces moyens ? osé-je demander timidement.

- Tout dépend si je juge que votre requête est fondée et qu'elle apporte un plus à mon patient, m'explique-t-il calmement.

Je ne sais pas si c'est le fait de savoir qu'il peut envisager cette visite ou bien si c'est le fait de parler de Tristan, mais je retrouve du mordant et lui annonce :

- Alors cher Docteur Vallois, apprêtez-vous à le signer ce passe-droit, affirmé-je en me redressant et en appuyant bien sur les mots pour qu'il me prenne au sérieux.

- Et bien, et bien, dites-moi, quel aplomb d'un seul coup, lance-t-il en souriant. J'ai cru à un moment que Tristan m'avait menti.

- Comment ça ?

- Physiquement vous correspondez bien à la personne décrite, par contre, pas du tout au niveau du caractère.

- Et alors ? Il a quoi mon caractère, Monsieur Vallois ?

- Vous savez ce que vous voulez et vous êtes déterminée à l'obtenir, ça se lit dans votre regard, dans votre gestuelle et dans votre voix aussi !

- Donc je n'ai pas besoin d'insister plus pour obtenir mon passe-droit.

- Si je vous l'accorde, et je n'ai pas dit que c'était fait, ajoute-t-il rapidement, ça sera autant pour vous que pour Tristan.

- Vous êtes d'accord alors ?

- Je ne peux pas vous dire oui tout de suite, car je vais devoir obtenir l'aval de mon chef.

- Ben alors c'est mort ! mentionné-je d'un air dépité.

- Pourquoi dites-vous ça, Orphélia ?

- Parce que ce matin, il a été catégorique et m'a bien fait comprendre que vous n'aviez pas votre mot à dire et qu'il était le seul à décider.

- C'est ce qu'on verra. Tristan est mon patient et je suis persuadé que ça lui fera du bien de vous voir. Ça lui prouvera que ses efforts sont récompensés et que ma méthode marche.

- Je sais bien que vous ne pouvez pas me parler de vos séances à cause du secret médical, mais votre méthode consiste en quoi ?

- En fait, elle consiste à le faire sortir de mon bureau, parce que j'ai vite compris qu'il ne parlerait jamais sinon. Alors en ce moment nos séances se passent sur un terrain de basket.

Je me tourne tout de suite vers la photo qui m'avait tant attirée toute à l'heure et j'ose lui demander :

- C'est votre père qui vous a appris à jouer au basket ?

- Ce n'est pas mon père... Mais c'est bien lui qui m'a appris à jouer au basket. C'est mon docteur ou plutôt mon Doc comme dirait Tristan !

Je pivote à nouveau vers lui avec un regard interrogateur.

- Vous aussi vous avez été suivi par un psy ?

- Oui, un homme exceptionnel qui m'a sauvé et donné l'envie à mon tour d'aider les autres. C'est pour lui, que j'ai repris mes études et que je suis devenu psy.

- Et donc vous employez la même méthode sur Tristan. Et elle marche ?

- On en est qu'au début, mais après trois séances dans mon bureau à ne pas entendre le son de sa voix, j'ai décidé de changer.

Sa révélation ne me surprend pas et me fait même sourire.

- Je peux savoir ce qui embellit ce visage au point d'en sourire, Orphélia ?

- Tristan. Je le reconnais bien là. Il n'aime pas les psys et ça ne m'étonne pas qu'il soit resté muet. C'est bien trop conformiste pour lui, même si je ne le pensais pas adepte du basket.

- Oh et quel autre sport aime-t-il ?

- Le foot et le rugby, mais son truc c'est la musique. Il est auteur-compositeur et chante dans un groupe.

- Il aime la musique, c'est intéressant ça, surtout s'il compose. Vous venez de me donner de nouvelles pistes de travail. Merci Orphélia.

- Avec plaisir, même si je ne pensais pas que ces informations seraient aussi importantes.

- Vous m'avez beaucoup aidé. Il est donc normal que j'en fasse autant de mon côté.

J'ouvre grand les yeux et reste suspendue à sa décision.

- Ça veut dire ?

- Oui Orphélia. Je vais plaider votre cause auprès de mon chef et je vous tiens au courant. Par contre, pour pouvoir négocier avec lui, je vais devoir lâcher du lest et donc mettre en avant que votre visite sera plus courte. J'en suis désolé, dit-il sincèrement.

- Je comprends, soufflé-je déçue. Courte comment ?

- Normalement les visites vous autorisent à quatre heures maximum. Là je vais devoir couper la poire en deux et proposer deux heures.

- Ah non ! Il n'en est pas question. Trois heures et ce n'est pas négociable Doc.

- J'étais sûr que vous alliez essayer, me lâche-t-il, accompagné d'un rire franc et honnête.

- Trois heures Doc... Tapez-la !

- Vous êtes incroyablement tenace, Orphélia.

Et il me tape dans la main scellant ainsi notre accord.

- Et vous un fin stratège.

- Je vous tiens au courant, vous aurez votre réponse demain.

- Ne me décevez pas Doc, ajouté-je soulagée.

- Tristan a bien de la chance d'avoir une petite amie comme vous, ça lui permettra de guérir plus vite.

- Je dois être forte pour lui et pour nous, dis-je d'un ton déterminé.

- En effet Orphélia, mais vous devez aussi penser à vous. Vous voyez quelqu'un ?

- Comment ça ?

- Est-ce que vous voyez un psy ?

- Pour quoi faire, je ne suis pas malade, tenté-je offusquée.

- Certes le malade, c'est Tristan, mais vous avez vécu un vrai traumatisme avec son overdose et je suppose que vous vous posez beaucoup de questions.

- Certes, mais...

Il me tend une carte que je prends avant de la lire.

- Docteur Centi Caroline ?

- C'est une consœur qui pourrait vous aider pendant la cure de Tristan et faire en sorte que vous alliez mieux quand il sortira.

- Merci Doc, mais je n'en ai pas besoin.

- Aussi têtus l'un que l'autre. Vous allez bien ensemble tiens, ajoute-t-il en ricanant.

- Je peux vous demander une dernière faveur ?

- Au point où on en est.

- J'ai écrit une petite lettre ce matin, vous pourrez la lui remettre ?

- Je suis désolé Orphélia, mais c'est contre le règlement. Et entre choisir la visite ou la lettre, je suppose que vous préférez le voir ?

- En effet, soufflé-je. J'aurai essayé !

Je hausse les épaules en pensant qu'il ne pourra pas lire mes mots.

- Allez ne soyez pas triste et je vous tiens au courant pour votre visite.

- Il vous faudrait mon numéro de téléphone ?

- Tristan me l'aurait donné, mais tenez, notez-le sur ce carnet.

Je lui tourne le dos, inscris le numéro et sans qu'il s'en rende compte, je glisse l'enveloppe dans le carnet en espérant qu'il la lui donne tout de même.

- Merci Monsieur Vallois de m'avoir reçue, écoutée et rassurée.

- Ça a été un plaisir de vous rencontrer Orphélia.

Il m'ouvre la porte, me serre la main que je lui tends déterminée. Je termine cette entrevue avec un grand sourire et je précise :

- À dimanche Doc.

Son rire franc m'accompagne jusqu'à la voiture et je pousse un long soupir de soulagement en m'asseyant dans la voiture de Lina.

≈ ≈ ≈ ≈

Bisous mes Loulous.

Kty

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