Tome 1 - Chapitre 9
C'est quand la vie reprend !
*******
Ça y est, Gaia est enfin sortie de nos vies, du moins c'est ce que nous espérons tous, car mon père est sûr de lui, elle va signer les papiers du divorce. Elle n'a pas d'autres solutions que d'accepter l'arrangement qu'il lui propose. Il m'explique alors ce que ses avocats ont découvert en épluchant minutieusement le contrat de mariage, que plusieurs choses les ont interpellés, il m'en donne les détails :
— La première chose qu'ils ont trouvée, et qui s'applique dans beaucoup de contrats, est que le mariage devait être consommé pour être validé. Comme je te l'ai déjà dit, je n'ai jamais eu d'autre femme que ta mère et je n'ai donc jamais couché avec Gaia. Mais cela restait à prouver, c'était sa parole contre la mienne, je n'avais aucune preuve assez convaincante pour qu'elles soient reconnues comme valides.
— C'est vrai qu'il paraît assez peu probable que l'on te croit sur ce fait, surtout en ayant eu un enfant.
— En effet, tu as entièrement raison. Heureusement pour nous, il y a deux autres conditions qui, pour le coup, sont irréfutables.
— Et quelles sont-elles ? demandé-je, un brin inquiète.
— De cette union devait naître au moins un enfant. Et c'est sans doute à cause de ça que Gaia a malgré tout accepté ta venue, car pour elle, ceci lui permettait de remplir les termes du contrat. Même si pour cela, elle devait accepter un enfant illégitime. Elle s'est donc assurée que je ne dévoile jamais la vérité, elle se pensait sans doute à l'abri.
— Mais tu m'as parlé d'une autre condition, quelle est-elle ?
— En fait, nous devions avoir au moins un garçon, pour pouvoir avoir un héritier qui puisse me succéder. Mais ça, apparemment, Gaia ne le savait pas. Son père n'avait pas dû le lui préciser.
— Donc en plus, tu veux avancer que je ne suis pas sa fille pour pouvoir divorcer, c'est ça ?
— Oui, avec mes avocats, nous avons fait toutes les démarches pour bien prouver que tu n'es pas la fille de Gaia mais bien celle de Madeleine et ainsi rendre sa place aussi à ta mère. De plus elle ne peut pas le réfuter, au vu de son dossier médical, qui prouve que Gaia est stérile.
— Mais alors, elle s'est jouée de vous en faisant semblant d'être scandalisée par ma venue ? dis-je en colère.
— C'est ça, Gaia a vite vu l'opportunité en acceptant cette grossesse de pouvoir remplir sa part du contrat. Mais pour qu'on ne se doute de rien, elle a fait tout ce cinéma et nous a obligés à rester mariés en me menaçant avec ce fichu contrat.
— Mais l'information sur sa stérilité, tu ne pourras pas t'en servir, vu que c'est dans son dossier médical ?
— Dis donc, tu aurais bien pu aider mes avocats sur ce coup-là, tu ne voudrais pas devenir avocate par hasard, ma fille ? lance-t-il amusé.
— Oh non, loin de moi cette envie ! Mais il suffit d'un peu de réflexion et de logique pour faire ces simples déductions, papa ! assuré-je, en rigolant.
— Ne t'en fais pas, même sans me servir de cette information, notre dossier est assez complet pour qu'elle accepte. Et puis, j'ai fait en sorte d'être assez généreux en lui octroyant une belle somme d'argent, ce qui finira de la convaincre d'accepter. J'ai juste ajouté quelques conditions : qu'elle ne s'approche plus de nous, qu'elle signe un papier comme quoi elle certifie sur l'honneur que tu n'es pas sa fille et qu'à partir du jugement, elle ne pourra plus jamais rien me réclamer. Je préfère être prudent avec Gaia.
— Tu penses que cela suffira pour qu'elle sorte définitivement de nos vies ?
— Nous ne lui en laissons pas le choix et je suis sûr que d'ici peu, on apprendra qu'elle a convolé en justes noces avec un autre pigeon plein aux as, me garantit-il avec persuasion.
Pendant que mon père prend le temps de tout m'expliquer, maman en a profité pour préparer le repas :
— Ça y est, vous avez fini de parler de Gaia et du divorce ? Tu lui as tout expliqué ?
— Oui, maman, c'est bon. Je sais tout à présent !
— Alors, passons à table et essayons de ne plus penser à cette sorcière enfin sortie de nos vies, nous annonce-t-elle avec un petit sourire.
C'est notre premier repas tous les trois ensemble et la gêne aurait pu être présente. Mais non, bien au contraire, j'ai l'impression d'avoir toujours fait cela. Ce n'est que du bonheur de les avoir là, en face de moi, assis à la grande table de la cuisine. Heureux, détendus, se lançant des petits regards en coin. Je n'en apprécie que plus mon repas et ai envie de leur parler de mon anniversaire. Car maintenant que Gaia n'est plus là, c'est à moi de m'en occuper, avec l'aide de ma mère bien sûr.
Nous convenons de commencer à nous en occuper dès le lendemain. Je suggère de faire une liste de ce dont j'ai envie et en profite pour remonter dans ma chambre pour les laisser tranquilles, tous les deux.
Je prends un bloc-notes et commence à détailler tout ce dont j'ai rêvé pour mon vingt-deuxième anniversaire.
— Alors, j'ai envie de quoi ? dis-je à voix haute en réalisant une liste pour ne rien oublier :
* D'une ambiance bohème et romantique.
* D'un buffet champêtre pour plus de convivialité.
* De grandes tables où les personnes pourraient s'asseoir où elles le souhaitent.
* Des lampions accrochés aux branches des nombreux arbres du jardin qui brilleront telles des lucioles.
* Des bougies placées dans des pots en verres et dispersées un peu partout dans le jardin, et surtout tout le long du ponton menant à la plage.
* Des bouquets simples réalisés avec des fleurs sauvages.
* Des guirlandes de fleurs au-dessus des tables cachant les fils de l'éclairage.
* Un petit orchestre mais pour cela, j'ai déjà mon idée.
Nous allons avoir de quoi faire et nous n'allons pas chômer cette semaine pour pouvoir mettre tout cela en place. Un vrai défi à relever qui me tire un fou rire à la fois heureux et nerveux, mais surtout libérateur après tout ce que nous venons de traverser.
*******
Le dimanche se passe tranquillement en famille, qu'est-ce que j'aime ce mot. J'ai, moi aussi, à présent une famille. Nous n'avons pas dérogé à nos dimanches matins de brocante et c'est avec surprise que je vois mon père nous y accompagner. Nous avons déambulé dans les allées de ce vide grenier, mes parents se tenant par la main et moi allant d'un stand à un autre pour y trouver quelques éléments qui pourraient rejoindre le décor de mon anniversaire.
C'est comme ça que nous avons déniché toute une série de pots en verre et d'anciennes lanternes qui feront très bien l'affaire. Mon père a même participé à cette chasse au trésor en trouvant plusieurs vendangeuses en bois dans lesquelles j'y placerai les bouquets de fleurs, ainsi que des caisses qui pourront servir à ranger les nombreuses bouteilles. Il ne me manque plus qu'à tomber sur d'anciens linges ou paires de draps pour me servir de nappes et nous aurons déjà bien avancé dans nos préparatifs.
Papa nous invite dans le petit restaurant du village se trouvant en terrasse à l'étage d'une ancienne maison. L'espace est recouvert d'une tonnelle sur laquelle sont accrochées des cannisses, ce qui nous permet de déjeuner à l'ombre. C'est simple comme restaurant, tenu par un couple qui cuisine tout eux-mêmes. Lui en cuisine et elle au service, pas de chichis ou de tenue chic. Ici, la convivialité et le partage sont les maîtres mots. Nous avons pris le menu proposé avec en entrée, une soupe d'été froide, en plat, une truite aux amandes et en dessert, une tarte à la rhubarbe. Et cerise sur le gâteau, tout ceci est réalisé avec les fruits et légumes de leur potager. C'est excellent et nous passons un très bon moment, comme j'en ai toujours rêvé.
De retour à la maison, je fais le point avec ma mère sur ce que nous avons acheté et sur ce qu'il nous reste encore à faire. Mon père, lui, s'occupe de téléphoner pour vérifier parmi les invités qui étaient prévus, ceux qui comptent toujours venir, car un grand nombre de ces personnes font partie des amis de Gaia. L'annonce de la séparation de Gaia et de mon père s'est répandue comme une traînée de poudre et les trois quarts des personnes ont donc décliné l'invitation.
— Bon ben, Gaia a été plus rapide que moi, rigole-t-il.
— Comment ça, papa ?
— Elle a prévenu toutes les personnes invitées de notre séparation et leur a interdit de venir à ton anniversaire, je suis désolé ma puce.
— Ma puce, c'est nouveau ça ? m'amusé-je de ce nouveau surnom.
— Eh bien, j'ai toujours voulu t'appeler comme ça. Alors maintenant, je ne vais pas me gêner !
— Alors, sache que ta puce n'est pas du tout déçue que ce panier de crabes ne soit pas présent à son anniversaire, réponds-je en rigolant.
Nous dressons donc une nouvelle liste d'invités, puisqu'il faut se dépêcher afin qu'ils soient prévenus dès lundi matin et puissent nous confirmer rapidement leur venue.
Dans cette liste, il y a bien sûr Charles et ses parents, certains cousins ou cousines de mon père qui lui restent fidèles et qui sont apparemment ravis qu'il ait enfin viré Gaia de sa vie. Des amis de ma mère qui habitent toujours au village.
Je laisse mes parents terminer la liste, car je dois me rendre au plus vite au foyer du village. Je prends ma bicyclette bleue, j'attache mes cheveux avec un ruban et me rends au village sous ce beau soleil qui me lèche la peau et me donne le sourire en ressentant cette sensation conjuguée à celle du vent.
En moins de cinq minutes, je suis déjà arrivée au foyer et j'entends la musique qui perce à travers les portes vitrées grandes ouvertes.
Quand la voix pure et grave de Tristan se fait entendre à son tour, cela me provoque des frissons, comme à chaque fois.
Je dépose ma bicyclette contre le mur et prends appui sur le montant d'une des fenêtres ouvertes, afin de ne pas les couper dans leur répétition.
Les Galopins, j'adore leur nom puisqu'il les représente bien, comme les sales gosses qu'ils sont aux yeux des villageois.
Ça fait à peine un an que le foyer a ouvert à leur demande pour avoir un endroit où jouer de la musique. Il fallait convaincre le maire que c'était une bonne chose pour le village, que cela amènerait de la vie et que les jeunes auraient plus envie de rester ici ou d'y revenir tous les week-ends.
Et c'est grâce à l'ouverture de ce foyer que j'ai fait leur connaissance.
*******
Un an plus tôt...
Un jour, une fille et deux garçons avaient sonné à La Lavandine alors que nous étions dehors avec Madeleine en train de jardiner. Je levai les yeux, attirée par cette couleur rouge qui brillait. Ce n'était autre que la belle chevelure de cette jeune fille souriante. M'approchant du portail, je l'entendis me dire :
— Salut, je m'appelle Cerise.
Puis elle me présenta le beau brun à sa gauche qui se nommait Thomas et celui qui était à sa droite avec une crête décolorée sur le dessus de la tête portant le nom de Dimi. Sans doute le diminutif de Dimitri, me fis-je comme réflexion.
— Bonjour, je m'appelle Orphélia, répondis-je.
— Oui ça, on sait, on te connaît, nous ! me dit Dimi.
— Ne commence pas, tu vas nous l'effrayer, lui rétorqua Cerise en soufflant.
— Comment cela, vous me connaissez ? demandai-je en rougissant.
— Ben oui, attend tout le monde au village connaît la famille de Saint-Péone, énonça Thomas.
— Orphélia ? Oui, enfin si je peux me permettre de t'appeler comme ça, demanda Cerise.
— Mais bien sûr, comment tu veux m'appeler sinon ? l'informai-je, intriguée.
— Ben, Mademoiselle de Saint-Péone ? pardi*, lança Dimi en rigolant.
Je me mis encore plus à coquelicoter*, en entendant sa réponse, terriblement gênée.
— Bon Dimi, tais-toi maintenant et laisse-moi lui parler. Tu sais, Orphélia, ici, au village, on nous a toujours dit de respecter comme il se doit la famille de Saint-Péone, déclara-t-elle.
— Tu sais, quand je suis ici, j'apprécie tellement d'être une jeune fille de vingt ans comme les autres et non l'héritière de l'empire de Saint-Péone.
— D'accord, Orphélia, je suis désolée, je pensais bien faire.
— Mais il n'y a pas de soucis, Cerise, alors dis-moi, pourquoi êtes-vous ici ?
— Nous venons te voir pour te parler de notre projet.
— Votre projet ? les interrogeai-je complètement paumée.
— Ouais, tu sais quand même que l'on joue de la musique, non ? s'enquit Thomas.
— Heu oui... je vous ai déjà entendu jouer en passant à la place du village. Mais là, je ne vous ai pas reconnu de loin, c'est tout, assurai-je de plus en plus embarrassée.
Madeleine se rapprocha, voyant que j'avais du mal à m'exprimer, pourtant ces jeunes avaient mon âge, mais nous étions tellement différents...
— Les jeunes, cela vous dit de rentrer boire une limonade, vous serez mieux à l'ombre pour discuter, n'est-ce pas ?
— Merci Madame, c'est très gentil à vous et c'est avec plaisir, répondit Cerise en faisant un clin d'œil aux deux autres.
Nous nous rendîmes sur la terrasse, et je leur fis signe de s'asseoir, le temps d'apporter le plateau de verre et la limonade aux citrons qu'avait préparée Madeleine le matin même.
Le silence s'installa le temps du service, chacun prit son verre et but une bonne gorgée de cette merveilleuse limonade.
— La vache ! Elle est trop bonne votre limonade, Madame, lâcha Dimi.
— Veuillez excuser le langage de mon ami, dit Cerise en le foudroyant du regard.
— Ce n'est rien Cerise, je suis contente qu'elle soit à votre goût, jeune homme !
— Heu, c'est Dimi, moi Madame, s'exclama-t-il.
— D'accord, Dimi, à condition que vous m'appeliez tous Madeleine et non pas madame, répliqua-t-elle en souriant.
Ils hochèrent tous de la tête puis je leur demandai ce qu'il nous valait leur visite :
— Ben voilà, nous sommes cinq amis, trois garçons et deux filles et nous jouons de la musique. Nous avons même monté un groupe, mais ça, tu le sais.
— Oui, en effet, m'exclamai-je, les yeux pétillants de curiosité.
— On s'appelle Les Galopins, me notifia Thomas.
— Les Galopins, répétai-je en souriant. Quel étrange nom pour un groupe !
— C'est un ancien du village qui nous traitait toujours de galopins, de vauriens. Tout ça parce que l'on grattait de la guitare et chantait sur le banc de la place. Du coup, rien que pour l'emmerder, on a décidé de s'appeler ainsi, m'expliqua Dimi en riant.
— Donc, nous sommes venus te voir, me dit Cerise, pour que tu nous aides.
— Que je vous aide ? répliquai-je intriguée.
— On veut convaincre le maire de nous fournir un endroit pour pouvoir répéter et jouer notre musique, un genre de foyer où les jeunes pourraient se retrouver, tu vois ? m'annonça avec enthousiasme Cerise.
— Oui, je vois et ça serait vraiment bien pour apporter un peu de vie dans ce village. Mais je ne vois pas en quoi je peux vous aider !
— Ben si c'est toi qui vas voir le maire, il n'osera pas te le refuser.
— Je suis sûre que si vous allez le voir, il vous écoutera, tu sais.
— Mais on y est déjà allés, qu'est-ce que tu crois, grogna Thomas excédé.
— Il n'a presque pas écouté ce que l'on avait à lui dire et nous a remballés en disant qu'il n'était pas question qu'il finance un foyer pour des jeunes comme nous ! Tu vois pourquoi on a besoin de toi, me signifia Cerise en soupirant.
Je fus étonnée de la réaction du maire, qui avait toujours été gentil et courtois avec Madeleine et moi quand nous le rencontrions au village. Je me tournai vers elle, puisqu'elle s'était mise un peu à l'écart et lui dis :
— Madeleine, tu as entendu ça ? Pourtant, Monsieur Duroches a toujours été aimable avec nous !
— Ben oui, la vanne, ricana Dimi !
— C'est pour ça que l'on est venu de te demander de l'aide, car à toi, la fille de Saint-Péone, il ne te le refusera pas ! m'annonça Cerise.
J'essayai rapidement d'analyser le truc et me rendis compte qu'ils avaient raison. En fait, j'étais trop naïve sans doute pour me rendre compte que toutes ses courbettes étaient dues au fait que j'étais une Saint-Péone.
Je leur répondis donc d'une voix assurée :
— Comptez sur moi, je ne vais pas le laisser vous traiter de la sorte. J'ai ma petite idée pour qu'il accepte !
Et ce fut comme ça qu'après avoir vu le maire et lui avoir exposé ma façon de penser sur ses agissements que le foyer fut créé. En plus, il ne pouvait pas refuser, étant donné que la maison que j'avais proposée pour tenir lieu de foyer était à ma grand-mère. Il avait fallu que j'insiste, mais juste un tout petit peu, pour qu'il accepte quand même de réaliser les travaux.
*******
Et voilà comment est né le foyer.
Cela a du bon, parfois, d'être une Saint-Péone !
*Pardi : petit juron familier qui signifie le plus souvent, bien sûr.
* Coquelicoter : verbe que j'ai inventé, il y a longtemps, pour remplacer le verbe « rougir », vu que je suis une grande amoureuse des coquelicots.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top