Tome 1 - Chapitre 8
C'est quand tout est dit !
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Mes parents viennent de me raconter pourquoi, pendant plus de vingt et un ans, ils avaient été obligés de me mentir. Pourquoi ils avaient dû se taire et accepter les conditions de Gaia vu que l'avortement n'était même pas envisageable et que de toute façon, il n'était plus possible vu qu'ils avaient assez attendu pour le lui annoncer. Puis, ils m'ont raconté comment Madeleine avait dû se cacher chez ses parents pour que personne ne s'aperçoive de sa grossesse. Comment Gaia, elle, en avait profité pour repartir en Italie afin que sa soi-disant grossesse se passe au mieux. En prétextant que l'air de la montagne était meilleur pour elle. C'est comme cela qu'ils étaient arrivés à berner tout le monde. Jusqu'à ce que je naisse et que chacun reprenne sa place à la maison. Tout ça parce que Gaia avait refusé de divorcer, tout ça à cause de ce fameux contrat que mes deux grands-pères avaient signé, et qui les obligeait à rester marier quoi qu'il arrive. Ce contrat avait été fait pour préserver les intérêts des deux familles. Chacun y trouvait son compte et tout cela permettait d'assurer la richesse et la pérennité des deux entreprises.
Je n'arrive pas à comprendre comment on peut, au nom de l'argent, faire autant de mal. Car ce contrat a peut-être permis à mon grand-père de devenir plus puissant et plus riche qu'il ne l'était déjà, mais il a anéanti la vie de plusieurs personnes au passage. Dont celle de mes parents et, par conséquent, la mienne.
J'aurais pu avoir une enfance heureuse, entourée de mon papa et de ma maman comme tout enfant. Au lieu de ça, j'ai dû accepter l'absence de mon père qui fuyait la situation et l'ignorance d'une mère qui ne voulait pas d'enfant. Qui ne pensait qu'à elle et à ses frivolités.
Le seul point positif dans ma vie était Madeleine. Ma maman, je n'arrive pas à le réaliser. Elle est ma vraie maman. Ma maman, rien qu'à moi. Elle n'était pas là, à mes côtés, juste parce qu'elle avait été employée par mon père. Elle était là, car j'étais sa fille.
Sa fille...
Dans la même journée, je suis devenue la fille de mon papa et maintenant j'ai aussi la joie de découvrir que je suis la fille de ma maman. Ça peut paraître niais de dire cela, mais c'est vraiment ce que je ressens du fond de mon cœur.
J'ai toujours considéré Madeleine comme ma mère puisque pour moi, elle a tout d'une maman aimante envers sa fille. Et en fait, c'était le cas, sauf que moi, je ne le savais pas.
Mais est-ce que nos rapports auraient été différents si je l'avais su ?
Je ne pense pas.
Car je n'aurais pu l'aimer plus que je ne l'aime déjà. Par contre, j'aurais sans doute grandi différemment, en sachant que j'étais une enfant désirée, aimée, choyée. Et non l'enfant de parents absents.
D'ailleurs, en parlant de ma soi-disant mère – enfin, en parlant de Gaia pour être plus exact –, quel bonheur de savoir que cette femme hautaine, méprisante et sans cœur n'est pas ma mère ! Mieux encore, que ses gènes ne coulent pas dans mes veines ! Quel soulagement de savoir pourquoi elle m'a ainsi ignorée, rabaissée et méprisée toutes ces années !
Je n'y suis pour rien en fait. Ce n'est pas ma faute, comme je l'ai toujours pensé. Ce n'est pas parce que je suis une mauvaise fille ou parce que je n'ai pas eu que des vingt dans toutes les matières qu'elle s'est conduite comme cela avec moi. C'est juste que je ne suis pas sa fille.
Je ne suis pas la fille de Gaia ! chantonné-je.
J'ai envie de le crier à la terre entière !
Gaia n'est pas ma mère !
J'ai envie de danser autour d'un feu de joie pour remercier je ne sais qui ou je ne sais quoi. Tout ce que je sais, c'est qu'elle n'est pas ma mère, qu'elle ne pourra plus rien dire sur mon éducation, sur ma façon de faire ou de penser.
Je suis libre, heureuse et soulagée.
Je me mets à danser en tournant sur moi-même, sous le regard attendri de mes parents qui se tiennent tous les deux par la taille. Un moment de pur bonheur malgré toutes ces révélations, je me sens légère, délestée d'un poids énorme. Jusqu'à ce que le téléphone de maman se mette à sonner...
Elle décroche et répond : ok et merci, puis raccroche.
— C'est Alexandre, pour me prévenir qu'ils sont sur le chemin du retour et que d'ici trente minutes, Gaia sera là !
Retour à la réalité en quelques secondes, toute ma joie et mon enthousiasme ont disparu.
Je demande à mes parents :
— Et maintenant, on fait quoi ?
Mes parents se regardent, hochent la tête chacun leur tour, puis mon père me dit :
— Ma fille, on va faire comme on l'a décidé avec ta mère, sauf que nous allons accélérer un peu les choses, si tu es d'accord, bien sûr, me demande-t-il.
— Qu'est-ce que vous voulez accélérer ?
— Notre décision de dire à Gaia, que nous allons, Madie, et moi vivre ensemble. Que je vais demander le divorce. Lui dire que tu es au courant de tout et que tu sais surtout que tu n'es pas sa fille. Nous ne voulons plus nous cacher et plus que tout nous souhaitons plus que tout que tout le monde sache que tu es notre fille, notre amour, notre merveille à tous les deux. Tu es d'accord, ma fille ? me questionne-t-il encore, le cœur au bord des lèvres.
— Oh oui. Oui, et encore oui... Bien sûr que je suis d'accord ! Mais papa, comment vas-tu faire pour divorcer ? Tu m'as expliqué que ce n'était pas possible à cause du contrat !
— Tu le sauras en même temps que Gaia. Je suis désolé, ma fille, je n'ai pas le temps de tout t'expliquer en détail maintenant, mais sache qu'avec mes avocats, nous avons trouvé une parade à ce contrat ! À présent, il est temps de rentrer et de faire face à Gaia et pour cela, nous ne serons pas trop de trois pour le faire.
Nous reprenons le chemin de la maison en nous tenant par la main, mon père, trop fier d'avoir ses deux femmes à ses côtés. Le silence aussi nous accompagne, chacun perdu dans ses pensées pour réfléchir à comment nous allons annoncer tout ça à Gaia, quand elle sera là !
Je prends la direction de ma chambre, laissant mes parents dans la cuisine pensant qu'ils ont besoin de se retrouver pour parler.
J'en profite pour prendre une douche. Je sens l'eau couler sur mon dos et détendre mes muscles qui, sous le coup de toutes ces révélations, sont un vrai sac de nœuds. Ça me permet aussi de faire le point sur tout ce qui s'est passé et sur tout ce qui s'est dit !
Une fois séchée, je passe une petite robe légère et des claquettes avant de m'asseoir à mon bureau pour me confier à mon fidèle journal... Il ne va pas en revenir quand je vais écrire sur sa nouvelle page blanche, les révélations du grand secret, que je n'ai plus un père mais un papa et que Madeleine n'est plus ma nounou mais ma maman. Qu'ils ont décidé de vivre ensemble et, cerise sur le gâteau, que Gaia n'est pas ma mère. Que je ne vais pas épouser Charles, puisque mon père est d'accord pour que je vive ma vie.
Ce samedi sera à jamais entouré d'un gros trait rouge dans mon journal, dans ma tête, mais aussi dans mon cœur.
D'ailleurs, en parlant de Charles, je vais devoir l'informer de ma décision cette semaine. Lui dire que je ne veux pas l'épouser, lui expliquer que ça n'a rien à voir avec lui, mais que je ne peux accepter ce mariage arrangé. C'est vraiment quelqu'un de très gentil, de plutôt mignon, avec un regard franc qui m'a toujours rassurée. J'espère qu'il ne sera pas fâché contre moi, car j'aimerais que nous restions amis. Je n'en ai pas beaucoup et il est quelqu'un d'important pour moi, c'est comme le grand frère que je n'ai pas eu.
Nous avions grandi ensemble, nous n'avions que deux ans de différence et l'on se voyait assez souvent, vu que nos parents respectifs étaient amis. Il était d'ailleurs un des seuls garçons que j'avais le droit de côtoyer et avec qui j'avais le droit de jouer. Nous aimions beaucoup lire et passions du temps à nous raconter nos dernières lectures, assis sous le saule pleureur se trouvant au fond du jardin. Lui, aimait les romans d'aventures, les histoires qui lui permettaient de voyager de pays en pays. Il disait toujours que son rêve serait de partir un ou deux ans pour visiter tous ces pays qu'il avait découverts à travers ses lectures. De mon côté, je lui racontais comment je rêvais en lisant ces belles histoires d'amour. Il rigolait en me disant que je croyais trop aux histoires de princes et de princesses. Et qu'il était déjà mon prince vu que nos parents en avaient décidé ainsi...
Je sors de mes pensées et dépose mon journal quand j'entends des éclats de voix venant du salon. Gaia crie à s'en faire exploser les cordes vocales. Je me précipite dans les escaliers pour les rejoindre au plus vite.
— Gildas, de quel droit tu te permets de me parler de la sorte ? Je suis ta femme !
— Tu es ma femme mais plus pour longtemps. Les papiers du divorce ont été rédigés par mes avocats et en voici une copie pour toi.
— Il n'est pas question que je divorce, et tu sais tout aussi bien que moi, que tu n'en as pas le droit !
— À ta place, je lirais ceci avant de lancer des menaces sur ce que j'ai ou non le droit de faire. Gaia, cette période est révolue.
Mon père lui tend les papiers, attend un peu qu'elle le lise dans les grandes lignes avant de lui asséner le coup final.
— Comme tu as dû t'en rendre compte, mes avocats ont trouvé un petit alinéa bien caché dans ce fameux contrat, signé par nos pères, qui me donne à présent le droit de divorcer.
Gaia le foudroie du regard, sachant très bien que mon père avait tout découvert. Ma mère et moi sommes là comme des spectatrices de ce règlement de comptes entre mari et femme, nous les regardons chacun leur tour à chaque fois qu'ils parlent.
— Tu n'as pas l'air surprise de ce que je t'apprends Gaia ? J'aurais dû comprendre que tu étais au courant et voilà pourquoi tu tenais tant à ce que personne ne sache qu'Orphélia était la fille de Madeleine, dit-il excédé.
— Tu lui as dit ? hurle Gaia en me regardant.
— Oui, Orphélia sait à présent que tu n'es pas sa mère et que celle qu'elle a toujours considérée comme sa maman l'est vraiment!
Le château de cartes de Gaia s'effondre petit à petit, toute cette vie de mensonges est en train de partir en fumée et tout ce qu'elle s'est évertuée à cacher est à présent révélé à tous ceux qui sont concernés. Elle déchire les papiers du divorce avec rage et veut partir, mais mon père la retient par le bras.
— Gaia, tu peux toujours le déchirer, un autre exemplaire t'a été envoyé en recommandé par mes avocats et celui-là, tu devras le signer. Je ne t'en laisse plus le choix. Je reprends ma vie en main et tu n'en fais plus partie. Maintenant, tu peux partir, je vais demander à Alexandre qu'il te conduise où bon te semblera.
Gaia redresse la tête fièrement, retire vigoureusement son bras de l'emprise de mon père et se tourne une dernière fois vers moi. Je vois dans ses yeux toute la colère et même la haine qu'elle me porte.
— En effet, Orphélia, tu n'as jamais été ma fille et heureusement. En fait, il n'y a qu'une cruche innocente et naïve comme toi pour croire que moi, Gaia, j'aurais pu être ta mère. Tu manques tellement de classe et de personnalité, ma pauvre Orphélia... mais regarde-toi un peu, fait-elle en me montrant de la tête aux pieds avec sa main.
Puis elle regarde ma mère et ensuite se retourne à nouveau vers moi pour m'achever.
— Ah çà, on peut dire que de ce côté-là, tu as pris tous les gènes de ta maman. Mais quel bonheur cela va être à présent de ne plus avoir honte à cause de toi devant mes amies, glousse-t-elle...
— Gaia ! hurlé-je, ce qui a pour effet de l'arrêter net, tant ma voix est dure et froide. Je n'ai pas de caractère selon toi ? Mais pour le savoir, il aurait fallu que tu passes du temps avec moi, que tu me connaisses un minimum, alors je ne te permets pas de me juger de la sorte. Quant au bonheur de ne plus avoir honte, alors sache que c'est réciproque. Si tu savais à quel point je suis ravie de ne pas avoir hérité de tes gènes de femme arriviste, superficielle et prétentieuse. Quant à ta beauté, dont tu es si fière, elle ne durera qu'un temps. Car tu auras beau payer les plus grands chirurgiens plastiques, la médecine a ses limites et tu n'es pas loin de les avoir atteintes ! Qu'est-ce qu'il y a Gaia ? Je te choque ? dis-je d'un air amusé que je ne me connaissais même pas.
Mes parents, qui sont restés en recul jusqu'à présent pour me laisser le temps de répondre et de déverser toute la colère que j'avais en moi, se rapprochent, sentant sans doute que l'échange va s'envenimer.
— Espèce de morveuse, comment oses-tu me parler ainsi ? rugit-elle.
— La morveuse ou bien la bâtarde, comme tu aimais tant m'appeler, est fière de te dire que tu n'es qu'une horrible mégère, qui terminera sa vie seule et abandonnée de tous comme tu le mérites.
À ces mots, je prends une claque magistrale venant de Gaia qui me fait perdre l'équilibre. Mon père me rattrape de justesse avant que je ne tombe. Je l'ai méritée, certes, car je n'ai pas été éduquée pour parler de la sorte, et encore moins à mes parents... mais elle.
Elle n'est plus rien pour moi et avant que je n'aie le temps de lui indiquer la sortie, elle balance à mon père :
— C'est bien ta bâtarde, il n'y a aucun doute là-dessus.
Puis, elle fait demi-tour, relève la tête et nous laisse là sans réactions. L'échange a été si intense et violent que nous n'en revenons toujours pas et pourtant... Elle est partie pour de bon cette fois-ci.
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