Tome 1 - Chapitre 12
C'est quand je me lâche !
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Assise à une des tables, je les laisse choisir pour moi un menu. Je ne suis jamais venue dans ce genre d'endroit, car je ne peux pas appeler cela un restaurant. Bien sûr, j'en ai déjà entendu parler, ne me prenez pas pour une demeurée, tout de même. Mais, de là à venir y manger, où devrais-je dire engloutir toutes ces choses grasses, dégoulinantes de sauce et... je ne sais même pas comment l'attraper, comment le tenir, comment le manger. Alors j'attends, je regarde faire Cerise et Elena, elles sont à l'aise, elles. Elles ouvrent les boîtes, renversent les frites dans le coin de la boîte vide, prennent un sachet de mayonnaise et de ketchup et les versent dans l'autre angle. Mes yeux s'écarquillent au fur et à mesure, tant cette nourriture et cette façon de faire me sont si étrangères. Et puis cette odeur me dérange, je n'arrive pas à la définir, mais elle me donne mal au ventre alors que je n'ai même pas encore porté ce sandwich à la bouche. J'essaye de me raisonner, de faire comme elles en ouvrant ma boîte, en déposant mes frites, mes sauces et prends délicatement le sandwich et le porte à ma bouche.
Ferme les yeux, surtout ne respire pas, Orphélia, allez, croque dedans... Maintenant mâche.
Puis je rouvre les yeux. À cet instant, je vois deux regards me dévisager en attendant de savoir si je peux avaler ce que j'ai dans la bouche ou si je cours aux toilettes pour rendre ce qu'elle y contient... À vrai dire, moi aussi j'hésite, je mâche à nouveau et me rends compte que c'est moins dégoûtant que je ne l'imaginais, j'avale et leur dis :
_ Je ne dirais pas que c'est bon, mais ça se laisse manger, disons.
Je reprends une bouchée de mon sandwich, puis une frite que je trempe dans la sauce, une gorgée de soda et rétorque en me moquant d'elles :
_ Ben alors les filles, vous ne mangez pas, ça va être froid !
_ Non, mais tu es incroyable, ma belle, vu tes grimaces de dégoût, tu donnerais envie de vomir à n'importe qui !
_ Et en plus maintenant, tu te régales, Orphélia, alors que moi, je n'ai même plus faim, rajoute Elena.
_ Enfin, « me régaler », c'est un grand mot, c'est surtout que j'ai faim ! Vous n'allez quand même pas me laisser finir toute seule, je vous rappelle que vous allez avoir besoin de forces, vu l'après-midi qui nous attend.
Alors, tout en finissant nos sandwichs, nous parlons de ce que je vais devoir acheter pour avoir un look plus « cool » selon Cerise.
_ Déjà, ma belle, il te faut des jeans, tee-shirts, blouses, petites robes légères, bustiers, jupes, vestes, shorts, maillots, paréos et aussi des chaussures à talons, des converses : ça c'est incontournable, des baskets, ballerines, sandales...
_ Sans oublier, des nuisettes, des jolis dessous... Et bien sûr, la robe pour ton anniversaire, Orphélia !
_ On ne va quand même pas acheter tout ça aujourd'hui ?
_ Oh non, il va nous falloir au moins deux ou trois shoppings pour ça, ma belle !
_ Là, on va aller à l'essentiel ! Alors prêtes, les filles ?
_ Deux minutes, je vais aux toilettes, je vous rejoins dehors, d'accord ?
Je profite d'aller aux toilettes pour téléphoner à Charles. Je dois le voir pour lui annoncer ma décision de ne pas l'épouser et je ne peux pas faire ça devant les filles. Elles ne sont pas au courant et je tiens à ce que cela reste comme ça. J'ai écrit son numéro sur un morceau de papier, je le rentre dans mes contacts, puis fais glisser mon doigt sur son nom pour l'appeler.
_ Allô ?
_ Charles, bonjour, c'est Orphélia.
_ Orphélia ? Il y a un souci ?
_ Non, non, ne t'inquiète pas.
_ Comment ne veux-tu pas que je m'inquiète, Orphélia ? C'est la première fois de ta vie que tu me téléphones.
_ Je le sais bien, mais beaucoup de choses ont changé ce week-end. C'est pour cela que je voulais te voir.
_ Oui, j'en ai eu quelques échos et, en effet, je pense que nous devrions en parler.
_ Nous pourrions nous voir mercredi et dîner ensemble, si tu es libre ?
_ Deux minutes, laisse-moi regarder mon agenda, s'il te plaît.
_ Bien sûr, Charles, j'attends.
_ C'est bon, je vais m'arranger, tu veux que l'on se voie où ?
_ Nous pourrions aller dîner au restaurant ?
_ Au restaurant ? Tous les deux ? s'étonne-t-il.
_ Oui, à part si cela te dérange ?
_ Non, bien sûr que non, Orphélia. Je suis juste surpris, tu t'en doutes. Nous n'avons jamais eu le droit de se voir seuls, tous les deux.
_ Je comprends bien évidemment ton étonnement, Charles.
_ Gaia ou ton père ne vont pas s'y opposer, tu en es sûre ?
_ Rassure-toi, il n'y aura pas de soucis et je t'expliquerai tout mercredi.
_ D'accord, Orphélia. Je réserve donc une table pour vingt heures ?
_ Oui, ça serait très bien, Charles.
_ Je passe te prendre. Tu seras en ville ou au village ?
_ Je suis au village en ce moment, ça ne te dérange pas d'y venir ?
_ Bien sûr que non. Je réserverai donc au restaurant de la garrigue.
_ Merci beaucoup, Charles, passe une bonne journée et à mercredi.
_ Merci, bonne journée à toi aussi, Orphélia, et à mercredi.
Je raccroche, file en vitesse aux toilettes, puis rejoins les filles qui discutent de l'endroit où se rendre pour notre shopping.
Nous partons donc pour la grande rue piétonne qui est, d'après elles, l'endroit idéal pour trouver toutes les boutiques qu'elles ont sélectionnées. Je me laisse donc guider, mais au vu de la première boutique et surtout des tenues qui sont exposées sur les mannequins, je me demande ce que je vais faire là :
_ C'est une plaisanterie, les filles ?
_ Fais-nous confiance, d'accord ! insiste Cerise.
_ Orphélia, tu as voulu que l'on vienne pour t'aider à changer de look ?
_ Oui, mais là... Tout de même.
Je ne vois que des jupes plus courtes les unes que les autres, des tops échancrés, des couleurs criardes...
Elles m'attrapent chacune par un bras et me tirent vers l'intérieur, ne me laissant pas le choix, ni le temps de refuser. Elles prennent les choses en main, en me disant d'aller m'asseoir dans une cabine pendant qu'elles vont faire une sélection.
Je pars donc m'installer sur un pouf et en profite pour envoyer un texto à ma mère pour lui dire que tout va bien. Puis je les vois arriver, les bras chargés de vêtements. Elles les déposent sur un portant et commencent à les ranger par catégorie. Les jupes et robes d'un côté, les jeans de l'autre et au centre tous les hauts.
_ Ben alors, tu n'es pas encore en tenue d'essayage, ma belle ?
_ Comment ça ?
_ Orphélia, tu comptes essayer tout ça, me dit Elena en balayant de la main le portant, en restant habillée ?
_ Non, bien sûr, mais ne sachant pas ce que vous alliez sélectionner, j'attendais avant de retirer le haut ou le bas. Mais vu le portant, j'ai compris, je retire tout ! sourié-je.
_ Oui, enfin, garde quand même tes sous-vêtements, Orphélia ! s'esclaffe Elena.
_ Déjà, on va choisir un basique, me dit Cerise en me tendant un jean taille basse.
Les essayages durent plus d'une heure, avant que l'on soit toutes les trois d'accord sur les articles que je dois absolument prendre. Je passe en caisse et là... Grand moment de stress. Car, pour la première fois, je vais devoir utiliser la fameuse "gold". La vendeuse passe tous les articles devant son lecteur puis me tend un boîtier noir avec des chiffres dessus. Je le prends en main et jette rapidement un regard aux filles et demande en chuchotant :
_ Elena, je fais comment ?
Elle me regarde, étonnée, regarde ma carte, le boîtier, puis me dit :
_ C'est simple regarde, tu l'insères comme ça, côté puce et ensuite tu tapes le code.
Je fais exactement ce qu'Elena vient de m'expliquer pendant que la vendeuse remplit les sacs de mes achats. Ouf, elle n'a rien vu, la situation est assez gênante sans supporter en plus son regard.
_ Ne t'inquiète pas, elle est tellement envoûtée par la somme à quatre chiffres qui s'affiche sur sa caisse qu'elle n'a rien vu de ta gêne, me chambre Cerise arborant une jolie pâquerette.🌼🌼🌼🌼
_ Tu mets des fleurs dans les cheveux toi, maintenant ? lui demande Elena.
_ Ce n'est pas mon genre, voyons ! C'est un cadeau pour ma cousine Laura, elle aime trop ça, donc je lui en ai acheté une, tu connais son côté fleur bleue.
Nous sortons avec les nombreux sacs remplis des "indispensables" comme les appelle Cerise. Il nous faut à présent trouver la robe pour mon anniversaire, ainsi que "la fameuse petite robe noire" et Elena sait exactement dans quelle boutique aller pour les trouver. En jetant un œil à la vitrine, celle-ci correspond plus à ce que je porte d'habitude, mais en moins guindé.
Nous nous déployons dans la boutique à la recherche du Graal. Puis nous nous rejoignons devant la cabine pour comparer nos choix. Pour la robe noire, nous sommes tombées tout de suite d'accord, car j'avais trouvé "la robe" qu'il me fallait. À la fois simple et élégante, droite, arrivant juste au-dessus des genoux, avec une encolure un peu échancrée et un dos tout en dentelle fine.
Pour la robe de mon anniversaire, là par contre les discussions sont âpres et mouvementées :
_ Regarde, je t'ai trouvé toute une série de robes plus belles les unes que les autres.
_ Cerise, franchement ce n'est pas mon style. C'est trop court, trop voyant, trop...
_ Trop quoi ? Tu vas être à tomber et tellement sexy avec ça !
_ Eh bien, justement, je n'ai pas envie de refléter cette image, qui plus est, le soir de mon anniversaire devant mes parents.
_ Elle n'a pas tort, dit Elena. On pourrait en sélectionner une ou deux mais plutôt pour un soir en boîte, non ?
_ Une sortie en boîte ? Mais... Je n'y suis jamais allée et puis je n'y serai pas à ma place.
_ Tu racontes vraiment n'importe quoi, ma belle. Il est temps, justement, de montrer ton corps et de le faire bouger ailleurs que sur ton parquet de danse classique. Allez, arrête de discuter et va les essayer. Tiens, me dit-elle en me tendant deux petits bouts de tissus.
Je les prends sans plus discuter, car je sais qu'elle ne va pas lâcher tant que je ne les aurai pas essayées. Alors, je me fais violence et passe cette robe rouge qui lui tient à cœur. Je me regarde dans le miroir de la cabine et je pense que mes joues sont encore plus rouges que la robe, quand j'entends Cerise me dire :
_ Allez, sors que l'on voit si j'ai raison !
J'ouvre le rideau sans oser bouger, sans oser sortir. J'ai tellement peur de leur réaction, de leur jugement.
_ Oh mon Dieu, Orphélia...
_ Waouh, ma belle, tu es hypersexy !
_ Tu veux dire que je ne ressemble à rien, sans doute, m'étonné-je.
_ Orphélia, il va falloir que tu prennes conscience de ta beauté. Ça ne se fera pas en un claquement de doigt, mais fait-nous confiance si l'on te dit que tu es très belle avec cette robe, m'encourage Elena.
_ Mais regarde comme elle met en valeur tes belles jambes fuselées. Il ne te manque plus que de jolis escarpins et tu seras magnifique.
La vendeuse, nous ayant entendues, arrive avec une paire d'escarpins à la main et me les donne en disant :
_ Vos amies ont raison, vous êtes magnifique et vous le serez encore plus avec ces talons.
Je passe ces fameux escarpins en me tenant au montant de la cabine pour ne pas tomber. Puis, je me tourne vers le miroir extérieur pour voir le résultat et je ne me reconnais pas. Ce n'est pas possible, cette fille qui apparaît là, ça ne peut pas être moi. Je me retourne vers les filles et la vendeuse et je comprends que si, c'est bien moi.
_ Tu vas tous les avoir à tes pieds avec cette tenue !
_ Cerise a raison, Orphélia, tu vas faire des ravages lors de notre prochaine sortie.
_ Mais je ne peux pas sortir comme ça, m'exclamé-je. Je reconnais que cette robe, même si elle est un peu trop courte, bien trop décolletée et beaucoup trop rouge, est belle, mais...
_ Il n'y a pas de « mais » ma belle, on est toutes les trois d'accord pour dire que tu es à tomber ! Et je suis sûre que si les garçons étaient là, ils auraient la langue pendante et les yeux sortant de leurs orbites. Alors, si tu as envie de faire craquer Tristan, c'est cette robe qu'il te faut ! m'assure Cerise.
_ Oh oui, là, Tristan sera à tes pieds, rajoute Elena.
_ Mais vous ne pouvez pas me laisser tranquille avec ça !
_ On t'avait prévenue qu'on ne lâcherait rien. Alors vu que tu ne veux rien nous dire et bien nous, on agit !
Je rentre dans la cabine en râlant. Même si je sais qu'elles font ça pour moi, je ne me sens pas prête à porter ce genre de robe. Mais pour éviter leur courroux, je vais la prendre, même si je ne la mets jamais. Je la tends à la vendeuse en lui indiquant :
_ C'est bon, je la prends, mais pour une soirée, lancé-je en faisant une grimace aux filles.
_ Te voilà raisonnable, enfin !
_ Bon, on peut passer à ma robe d'anniversaire, maintenant ?
_ Oui, j'ai vu quelques robes qui vont te plaire, m'informe Elena.
_ C'est un excellent choix et je suis sûre que vous allez aimer. C'est un style qui va bien avec votre personnalité, je trouve. C'est la collection d'une jeune créatrice que je trouve très douée, nous dit la vendeuse.
Je vois une longue robe écrue tout en dentelle fine, avec une doublure en mousseline qui arrive à hauteur du genou. De fines bretelles qui retiennent deux triangles réalisés au crochet qui, je le sens, épouseront très bien ma poitrine. Je suis en adoration devant cette robe. La vendeuse me la tend en souriant, je prends cette robe avec engouement et rentre tout de suite dans la cabine pour l'essayer en espérant qu'elle m'ira, car je l'adore déjà. Je passe la main à travers le rideau pour récupérer les chaussures aux talons compensés des mains de la vendeuse. Puis, quand je suis prête, je sors en espérant que les filles aimeront autant que moi, car je suis sous le charme. Et au vu des sourires de mes amies, je sais que j'ai trouvé "ma robe".
_ Franchement, on dirait que cette robe a été faite pour toi, ma belle.
_ Oh, Orphélia, tu es vraiment magnifique et c'est vrai qu'elle te va à ravir, rajoute Elena.
_ Regardez, me dit la vendeuse, je vous ai aussi trouvé une chaînette de fleurs ressemblant à celles qui sont brodées sur la dentelle de la robe. Elle serait magnifique dans vos cheveux et terminerait votre tenue bohème chic, comme on l'appelle.
_ Eh bien, je crois que j'ai trouvé mon nouveau style vestimentaire grâce à cette jeune créatrice, annoncé-je avec un grand sourire.
_ Si ça ne vous dérange pas, je demanderai à la créatrice de faire quelques retouches afin que la robe en soie épouse au mieux vos formes et qu'elle la raccourcisse un peu pour contre entrevoit un peu plus vos jolies jambes.
_ Vous pensez que c'est possible ?
_ Oh oui elle y tient tout particulièrement pour ce genre de pièce et vous pourrez venir la chercher en fin de semaine. Ça vous convient ?
_ Oh oui, merci beaucoup, ajouté-je, heureuse.
En effet, toutes ces pièces me plaisent, avec les robes tunique en dentelle fine, les pièces en jeans qu'elle retravaille en y ajoutant de la dentelle ou du crochet, surtout cette jupe dont toute la ceinture est en jeans et à partir des hanches part en un jupon de voile vaporeux, ou même ce short découpé dans un ancien jeans et dont les bordures ont été réalisées au crochet par elle-même. Je trouve aussi une belle robe de plage tricotée au crochet et une autre, dont le dos est décoré en attrape rêves. Je suis radieuse, tellement j'aime, j'adore et je suis ravie d'avoir découvert cette boutique, cette créatrice et sa si gentille vendeuse.
Nous repartons avec pas moins de dix pièces, chaussures et autres accessoires. Pensant mon shopping fini, je dis aux filles :
_ Eh bien, pour une première journée shopping, on en a trouvé des fringues !
_ Mais on n'a pas encore terminé, rigole Cerise en faisant un clin d'œil à Elena.
_ Qu'est-ce que vous avez encore dans la tête toutes les deux ?
_ Souviens-toi, on t'a parlé de sous-vêtements et vu ce que tu portes, il y a vraiment urgence, me confirme Cerise.
_ Comment ça ? Ils sont bien mes sous-vêtements !
_ Oui, pour une grand-mère, rigole Elena.
_ Si vous le dites, alors on fait vite, car je suis épuisée là.
_ Promis, tu vas voir, à toutes les deux, on va te relooker tout ça !
Nous voilà arrivées à la boutique qu'elles ont sélectionnée et je n'en reviens pas de voir toute cette lingerie, ces nombreux tissus, formes et couleurs différentes.
_ Alors, je dois dire que vous aviez raison, mes sous-vêtements au vu de ceux-là font vraiment vieillots.
_ Youhou, je sens que l'on va s'éclater alors si en plus, tu es d'accord avec nous, s'exclame Cerise.
Après plus de vingt ensembles essayés, j'en ai sélectionné quatre, avec tangas et strings, encore une première pour moi, et les soutiens-gorge qui vont avec, bien sûr. Il ne me manque plus que l'ensemble qui ira sous ma petite robe noire et celui de ma robe d'anniversaire, quand Cerise arrive avec des maillots de bain et paréos assortis.
_ Attends, on vit au bord de la mer, tu dois être au top là aussi !
_ Bon, ok, mais ensuite, on arrête, j'en peux plus !
Voilà comment terminer une belle journée de shopping. Que dis-je, ma première journée entre filles et certainement pas la dernière...
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