|LE POIDS DE LA VÉRITÉ| Sirius Black

S'il avait bien compté, ça faisait deux semaines qu'il était là. Peut-être plus ? Le caillou qui lui servait à écrire sur les murs rapetissait de jour en jour et bientôt, il n'en aurait plus. Bientôt, il sombrerait dans les méandres de ses sombres pensées, sans aucun repère.

Deux semaines à Azkaban. Sirius se demandait si lui aussi deviendrait fou. A crier à chaque heure du jour ou de la nuit. Comme les autres.

Sirius se sentait nu dans le tissu qui lui servait de vêtement. Il se sentait mal de ne pas pouvoir prendre soin de lui. Il se sentait sombrer, de plus en plus profondément et personne ne pouvait rien y faire.

Une violente rafale s'engouffra dans sa cellule. Il frissonna et ramena ses genoux contre son torse. Il attrapa le substitut de craie et repassa les inscriptions blanchâtres sur la pierre glaciale. Des noms. « Lily, James, Harry, Remus ». C'était ceux qu'il ne voulait pas oublier. Il ne refit pas les autres identités, celles des membres de l'Ordre, de ses anciens camarades d'école. Ca ne servait à rien. Il allait dépérir ici, comme ses voisins. Mais il voulait mourir en se rappelant. Il ne voulait pas devenir fou à lier. Il ne voulait pas. Il aurait voulu hurler. Hurler ces noms pour se libérer, avoir un semblant de deuil. Mais il s'en empêchait. Pour ne pas devenir fou. Comme les autres. Alors, il gardait ses cris, coincés dans sa trachée, lui lacérant le cœur, déchirant les poumons, lui tirant des gémissements à ravir le monstre assoiffé de pouvoir qu'était Barty Croupton.

Des ses souvenirs, se détachait souvent Peter. Peter... Sirius sentit une haine sourde lui écraser la poitrine. Il ne put se contenir et se laissa aller, poussant un cri de rage qui venait du fond du cœur. Ses émotions, sans aucun doute très fortes, attirèrent deux Détraqueurs. Sirius ne sentit même pas leur effet, il devait être anesthésié à force. Malheureusement, les créatures immondes restèrent. Longtemps. Et Sirius sentit qu'il commençait à entendre dans son esprit les échos de ses pires souvenirs, éloignant la colère. Son enfance désastreuse... la fois où sa mère lui a lancé le Doloris, lui faisant prendre conscience qu'il devait quitter le nid familial... les heures sombres de l'Ordre... le jour de la mort de James et Lily... La trahison de Peter lui revint en tête, chassant le reste. Il reprit contenance et essaya difficilement de se lever. Debout, il se sentit puissant. Il commença à faire les cent pas et hurla. Pas de folie, non. De colère, de déception, de douleur, de haine, de tout. Il hurla, encore et encore. Il hurla à s'en casser la voix pour des jours, hurla sa peine, hurla sa vérité. Sa vérité que personne n'avait pris le temps d'écouter. Sa vérité que personne ne voulait écouter. Sa vérité qui le mutilait, presque physiquement. Sa vérité qu'il était le seul connaître. Sa vérité qui ne libérerait jamais. Sa vérité qui, au-delà de toute croyance, l'obnubilait.

Sur ses épaules, pesait le lourd poids de la vérité. Il n'avait rien fait, il était accusé à tord. Et lui, il n'avait même pas eu la chance d'essayer de se défendre, de faire peser les chefs contre le rat, le traître. Une dernière fois, il hurla. Il hurla le nom de Peter, le faisant résonner contre les parois froides et rugueuses d'Azkaban, le faisant résonner dans les oreilles de chacun, déjà devenu taré ou non, créant des vibrations dans la peau visqueuse des Détraqueurs.

Sur ses épaules, pesait le poids de la vérité et il se promit qu'il ne sombrerait pas. Non, il ne sombrerait pas. Rien que parce qu'il avait l'espoir qu'un jour, soit rétablie la vérité. Rien que pour voir poindre ce jour, il ne sombrerait pas, soulevant toujours plus haut le lourd poids de la vérité.

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