chapitre 51

PDV Eijiro:
Je fixe le lit dans lequel je suis censé dormir. Je veux pas me coucher, je veux pas continuer à faire ce mauvais rêve...
Ça fait une semaine que Denki m'a bel et bien abandonné. Je n'ai pas faim. J'ai juste envie qu'on me laisse tranquille. J'aimerai pouvoir dormir pour toujours. Mais il y a ce foutu cauchemar qui n'arrête pas de venir me hanter. Même la nuit, je n'arrive pas à être serein.
Mon père toque doucement à la porte et rentre. Il ne dit rien pendant un long moment.

-Eijiro... Tu ne vas pas te coucher?

Je ne bouge pas.
Il s'avance, me fait pivoter vers lui et me regarde tendrement.

-Tu veux boire une infusion avant de dormir? Ça t'aidera peut-être...

Il sait très bien que je ne répondrai pas. Alors il m'amène dans la cuisine où une tasse fumante m'attend déjà. Je m'assois et la prends dans mes mains. Mais la chaleur ne vient pas réchauffer le trou de mon cœur.
Un long silence règne. Je fixe le liquide trouble.

-Je vais passer chez Aizawa demain matin récupérer des outils. Tu voudras venir?

Je hausse imperceptiblement les épaules.

-Il a retrouvé sa chatte tu sais. Elle est revenue avec un bébé entre les dents. On ne sait pas où est le reste de la fratrie mais on se demande si ce chaton n'est pas le seul qui reste.

Je l'écoute parler.
Je sais très bien qu'il essaie de me changer les idées mais je n'arrive pas à penser à autre chose. Mais je l'écoute tout de même, c'est la moindre des choses.

-Tu sais, ta mère aurait voulu avoir un animal. Un petit chien par exemple. Je n'ai jamais réussi à en trouver un qui pourrait lui plaire.

Il ne parle jamais de maman. Ça me rappelle que je lui ai dit des choses blessantes. J'ai très envie de m'excuser, mais je n'ai pas la force d'ouvrir la bouche. Plus tard...

-Tu ne veux pas manger un petit gâteau Eijiro ? J'ai acheté ça tout à l'heure en allant en ville.

Il me donne un chausson aux pommes. Mon regard se détourne de ma tasse pour venir fixer la pâtisserie.

-Tu devrais manger un peu. C'est important de garder de la force quand on travaille dans les champs.

Je hoche la tête.
Mais j'ai pas faim. Voir ce chausson aux pommes me donne envie de vomir.
Je reporte mon attention sur la tasse qui refroidit.

-Je me disais qu'on devrait aller t'acheter d'autres vêtements. Tes chemises doivent être un peu abîmées, non?

J'ose alors lever les yeux et me rends compte que mon père a le visage tordu par l'inquiétude. Il ne devrait pas se faire autant de soucis...
Pris de remords, j'apporte la tasse à mes lèvres et bois une petite gorgée du liquide amer. Je le sens descendre le long de ma gorge et l'entends tomber dans mon estomac.
Ne supportant plus la lueur alarmée dans les yeux qui me font face, je me lève. Je dis juste en bougeant mes lèvres et sans parler:

-Je vais me coucher...

Mon père me suit tout de même jusque dans ma chambre et vérifie que je me glisse dans mes draps. Une fois sûr que je suis bien installé à l'intérieur, il ferme la porte en le souhaitant une bonne nuit. Mais je sais très bien qu'elle va être mauvaise comme toutes les autres.

***
Je me retrouve en ville près du cimetière. Je rentre à l'intérieur de ce champs de mort et marche jusqu'à la tombe de ma mère. L'air est plutôt doux.
Je m'accroupis devant la pierre et essuie le nom de ma maman qui se salit avec le temps.

Le ciel se couvre lentement de nuage. J'entends le tonnerre au loin. Je ne sais pas combien de temps je reste là, à penser à ma mère, lorsque un éclair illumine le ciel. Apeuré, je sursaute et cherche instinctivement une main à côté de moi. Mais je ne rencontre que du vide. Je me retourne pour chercher la personne que je croyais avec moi mais il n'y a personne.
Je me dépêche de sortir du cimetière alors que la pluie se met à fouetter la terre. Je vais me réfugier contre un mur qui a l'air a l'abri de la pluie en attendant que ça passe. Et alors que les minutes passent, j'entends un rire féminin.

Un long frisson parcourt mon échine et mes yeux tombent sur un couple au milieu de la rue. Un homme blond tient une femme par la main. Cette dernière s'est dessinée des triangles rouges sur les joues et rit de bon cœur en posant sa main libre sur le torse de son petit ami.
Je cherche encore une fois à attraper le bras de la personne à côté de moi. Mais lorsque je regarde, il n'y a personne. A ce moment là, je croise le regard de l'homme blond. Je me rends compte alors qu'il n'est pas du tout où il devrait être.
Encore par réflexe, je tente de me blottir contre un corps chaud mais je ne rencontre que de la pierre froide.
Je tente de ne pas pleurer devant cet homme qui devrait être avec moi. Mais les larmes coulent sans que je puisse y faire quelque chose.

Je murmure le prénom de l'homme que j'aime mais il se détourne et reporte son attention sur la femme. Il lui caresse les cheveux au moment où des gouttes de pluie viennent s'écraser dans les miens. Il lui touche la joue alors que les larmes continuent de glisser sur les miennes. Et alors qu'il l'embrasse, je sens la bile remonter dans ma gorge.
Leur baiser se fait plus passionné. J'ai envie de m'enfuir mais quelque chose ma paralyse.
Denki plaque alors la fille juste à côté de moi contre le mur et colle bien leur corps ensemble. Il me fixe alors qu'il passe ses mains sous son tee-shirt.

-C'est tellement mieux avec une fille...

Il lui mord alors l'oreille et je sens une brûlure déchirante contre la mienne.
Et alors que ses mains viennent se poser sur ses seins, j'ai plutôt l'impression qu'elles viennent arracher mon coeur sans aucune pitié.

***

PDV Denki :
J'observe Eijiro s'agiter dans son sommeil. Il ne fait aucun bruit mais je vois ses larmes qui commencent à perler. Son corps est alors secoué de spasmes incontrôlables.
Qu'est-ce que j'ai fait...?
Je m'assois sur le rebord du lit et pose ma main sur son front brûlant.

-Eijiro... Eijiro calme-toi... Ce n'est qu'un mauvais rêve, respire...

Rien que sous le toucher de ma main, ses tremblements se font moins violents mais toujours présents.
Je caresse doucement sa joue et pose mes lèvres contre son front.

-S'il te plait Eijiro, sois fort... Je ne sais pas de quoi tu rêves, mais ce n'est pas la vérité.

J'essaie de parler le plus doucement possible. Je n'ai pas envie de le réveiller ni lui ni son père. Je veux juste qu'il dorme bien...
Sous mes doigts, je sens ses joues creusées.
Tout ça c'est ma faute. Je suis un idiot mais je ne peux pas retourner en arrière. Je ne peux pas effacer mes erreurs.

-Allez Eiji, sors de ce cauchemar. Je veux que tu fasses de beaux rêves. Les plus beaux rêves qui soient. Je sais que tu en es capable.

Je caresse tendrement ses cheveux. Je reste un moment mais il finit par se calmer. Je soupire lentement et me relève.
Je ne peux pas rester ici.
Alors que je sors de sa chambre, je vois M. Kirishima devant la porte d'entrée.

-Je ne t'ai pas autorisé à rentrer.

Il est plus que froid.
Je baisse la tête.

-Je suis désolé. Je voulais juste voir comment aller Eijiro.
-Tu croyais qu'il allait bien?

Il ouvre la porte.

-Allez, rentre chez toi.

Je passe devant lui et sors. Avant qu'il ne ferme, je murmure :

-Vous savez, je regrette vraiment ce que j'ai fait. Je ne sais pas si c'était la bonne solution, mais je veux qu'il soit heureux... Et je veux qu'il puisse montrer à tout le monde de qui il est amoureux...
-Il était heureux. Ce que vous aviez lui suffisait. Rentre chez toi.

Il ferme la porte.
Je tourne la tête vers le ciel noir.
En voulant nous éviter une relation qui doit rester secrète, je nous ai conduit tout droit au gouffre du désespoir.

...
Que pensez-vous du cauchemar?

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