La Prison

Dans la nuit éclairée par les lampadaires et les souvenirs

parsemés çà et là, la ruelle

abrite un homme âgé comme un arbre de soixante cernes.

Sa démarche est neutre mais sa jambe droite, qui peine un peu,

semble être prise dans un faux tourbillon mémorable

provenant d'un passé.


Dans cette ruelle, l'homme est bloqué comme dans une prison

et passe son temps à se libérer de ses chaînes composées de regrets :

il achète du temps depuis son enfance lointaine

et le revend à des personnes qui sont en manque de temps.


Les souvenirs de l'homme sont abandonnés près d'un lampadaire


Ses iris s'orientent en fonction de l'heure :

son œil gauche donne les heures,

son œil droit donne les minutes

telles les aiguilles d'une montre.


Il est vingt-trois heures trente-huit.


Un regard troublant, mais commun, n'est-ce pas ?


Par hasard, il lui arrive de trouver des souvenirs égarés dans la prison,

des souvenirs qu'il aurait tant voulu avoir,

des souvenirs qui ne sont jamais à lui,

des souvenirs qu'il n'a jamais pu vivre.

Il les recueille dans ses bras et les berce

comme on console un nouveau-né pleurant des nombres.

D'un seul baiser tendre sur le front,

l'homme réconforte l'enfant et le place sur sa tête,

sur ses cheveux,

qui sont en réalité des aiguilles

et transperce le corps de l'enfant.
Les aiguilles absorbent les chiffres

et les placent dans le cadran-cerveau du vieillard.
Le bébé fait maintenant parti

des souvenirs de l'homme.


Les personnes qui dialoguent avec lui

et celles habitant cette ruelle

abandonnent leurs souvenirs près des lampadaires.
Tant d'innocents se font voler par le temps

des sentiments,

de l'amour,

de la vérité,

du temps.


Ces quelques milliards d'êtres humains

emprisonnés dans cette ruelle

donnent avec leurs iris

vingt-trois heures trente-huit

pour toujours.


Lorsqu'on entre dans cette prison,

on n'en sort jamais,

on y perd notre temps,

on y perd nos souvenirs

à tout jamais.

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