Deux.

    Le lendemain, Aloys eut du mal à se lever, le dimanche matin était toujours aussi douloureux pour lui, devoir se réveiller avant midi était un vrai supplice. Il grogna tout le long de sa préparation et sa mère le déposa enfin à la boxe. Il serra la main des connaissances qu'il avait là-bas et se mit en condition, enfilant ses gants après avoir entouré ses mains d'un ruban blanc. Il se déchaussa et commença son entraînement méticuleusement, échauffant chaque membres pour éviter des blessures autant internes qu'externes. Il frappa contre le sac, alternant coups de pieds et coups de poings, donnant tout ce qu'il avait dans le ventre. Après quelques minutes à se défouler, il sentait déjà la sueur perler son front et le bas de son dos, malgré son short et son débordeur assez ample, qui laissait apparaître sa fine musculature.

Quelques minutes après, Vahé fit son apparition dans la salle et se dirigea directement vers Aloys pour le saluer, ils se firent une simple accolade, enfin, un effleurement plutôt et il partit dans les vestiaires pour se préparer lui aussi. Une fois sorti, l'entraîneur lança à leur attention :

— Aloys et Vahé, sur le ring dès que vous avez fini votre échauffement.

Ils se regardèrent avec étonnement puis commencèrent à s'échauffer sérieusement, les deux voulant être au top pour affronter l'autre.

Quand ils furent fin prêts, ils montèrent sur le ring et Aloys eut un drôle de sentiment, il n'arrêtait pas de se ressasser la scène d'hier, le moment où il leur avait avoué son homosexualité, ses désirs, ses envies. Il repensait à la réaction neutre de Vahé, à sa façon étrange de le regarder.

Aujourd'hui, il semblait normal, mais il avait l'impression qu'il cachait bien ses émotions, et même avec les mots rassurants de ses amis, il ne pouvait s'empêcher de croire que Vahé ne l'acceptait pas. Son regard avait trop changé sur lui.

Les yeux se rencontrèrent lors du décompte et Aloys était prêt à annuler. De un, monter sur le ring était quelque chose de stressant, de deux, il aurait voulu s'entretenir avec son ami avant de débuter un combat entre eux.

Heureusement, il faisait depuis plus longtemps que lui de la boxe et connaissait très bien son adversaire pour s'être entraîné avec de nombreuses fois. Il le savait plutôt dans la technique, attendant le bon moment pour frapper là où s'était sensible. Il ne frappait jamais le premier...

Enfin, jusqu'à maintenant.

Aloys n'avait absolument pas anticipé le coup et se prit son poing directement dans le nez, à la fin du décompte de leur entraîneur et cela le fit chuter au sol sous la force qu'il avait employé. Ses yeux s'agrandirent en découvrant les gouttes de sang s'échapper de son nez et s'échouer sur le sol, mais il fut plus surpris encore en découvrant les yeux inexpressif de Vahé, qui tenait encore ses poings devant lui, prêt à redonner des coups ou en intercepter, ce qui lui cachait le bas de son visage.

— Allez mec, fais pas ta chochotte et relèves toi, lança son ami.

Il essuya le sang d'un revers de son avant-bras et se releva. Il n'était pas prêt à perdre contre lui, surtout devant pas mal de monde, qui était venu les regarder. Il se remit donc en position et comprit que cette fois, Vahé avait changé de technique, il ne devait plus se fier à ce qu'il savait de lui.

Durant les minutes qui suivirent, il donna et encaissa, et remarqua que son ami était beaucoup plus brutal et violent que d'habitude, comme s'il se défoulait pleinement sur lui. Il ne put résister à l'envie de faire un lien avec cette attitude et sa réaction d'hier. Cela prouvait ce que Aloys pensait.

A la fin du combat, Aloys fut déclaré vainqueur avec beaucoup de mal et la respiration très difficile. Pour une fois, il avait du tout donner pour remporter la première place, Vahé s'était franchement amélioré ! Il ne s'en était même pas rendu compte. Dans les vestiaires, ses gants posés sur le lavabo, Aloys nettoya son nez quand une personne sortit des douches, une serviette autour des hanches.

— Désolé pour ton nez mec, s'excusa Vahé.

Il avait terriblement envie de regarder son corps à moitié nu, juste par curiosité, mais il s'en empêcha, ayant trop peur que l'autre pense qu'il fantasme sur lui ou juste le mette mal à l'aise. Déjà qu'il semblait l'être d'après Indy et Dael, alors autant de ne pas enfoncer le clou.

— Les risques du métier, plaisanta-t-il.

Il partit sous la douche lui aussi, se débarrassant de tout la transpiration qui collait ses vêtements à son corps. Il se dépêcha pour ne pas tomber avec une autre personne et se sécha rapidement également, enfilant des fringues propres.

Quand il sortit, Vahé était devant l'établissement, son sac à ses pieds et son dos collé au mur, une jambe remontée.

— On fait la route ensemble ? proposa Vahé.

— Ok, répondit Aloys.

Cela tombait bien, il avait des choses à se dire. Ils marchèrent en silence durant les premiers mètres, leur sac de sport sur le dos et les cheveux trempés. Il devait être au alentour de treize heures et leur ventre se mirent à gargouiller, réclamant de la nourriture.

— Alors comme ça, t'es gay ? dit Vahé, brisant le silence.

— Faut croire.

— Et t'as quelqu'un en tête ?

Aloys se tourna vers lui, tandis que son ami gardait son regard droit devant lui. Il essayait de déchiffrer ses mots, son attitude pour voir s'il était vraiment en colère de sa sexualité.

— Personne, finit-il par répondre.

Cette fois, ce fut Vahé qui tourna son regard vers lui, il lui offrit un petit sourire et reposa ses yeux en face.

— Dis, est-ce que... Est-ce que ça te gêne, que je sois gay ? se lança-t-il enfin.

— Non pourquoi ? Si c'est parce que je ne t'ai pas pris dans mes bras, tu sais très bien que j'aime pas les démonstrations d'affections Aloys, ça voulait pas dire que je ne t'accepte pas, soupira son ami.

— Non ça je sais. Je parlais des regards étranges que tu m'as lancé, le fait que tu n'aies rien dit hier alors que tout les mecs me posaient des questions, puis aujourd'hui, c'est pas ton style d'être un gros bourrin, pourtant tu m'as bien démonté.

— Pour hier, j'ai pas posé de questions parce que je n'en avais pas, le fait que tu sois gay me suffit, je m'en fiche du reste. Et pour ce qui est de notre combat, j'ai juste tenté une nouvelle approche, c'est ce qu'il faut pour progresser, lâcha-t-il naturellement.

Son ton semblait si normal, mais un doute demeurait tout de même. Ils continuèrent leur discussion sur un autre sujet, mettant de côté celui sensible.

Chez lui, deux mots lui trottaient dans la tête « attention particulière », il se demandait sans cesse ce que cela pouvait bien signifier. Il n'en avait aucune idée et ça l'énervait énormément. Il se prenait vraiment trop la tête pour rien. Peut-être que Vahé l'appréciait tout simplement , comme il appréciait les autres de la bande ?

Le lundi qui arriva, il somma à ses amis de se taire quant à son homosexualité, il n'était pas prêt à faire son coming-out dans sa fac, surtout qu'en deuxième année, tout le monde se connaissait, seul Merlin ne suivait pas le même cursus et était en fac de droit. Malgré cette interdiction, certains s'amusèrent à le taquiner, mais cela resta bonne enfant et même lui en riait.

Cependant, il ne put résister à l'envie d'espionner Vahé à la volée, lui jetant quelques coups d'œil et encore une fois, il le trouvait plus distant que d'habitude. Il ne parlait à personne et se contentait de suivre bien sagement les cours.

Sans le vouloir, cela donna un pincement au cœur d'Aloys, il avait peur que ça ne se passe pas bien avec lui. Alors que tout ses amis semblaient très bien le vivre, le prenant à la rigolade ou lui montrant des mecs qu'il pourrait « se taper ». Ils s'étaient tous mis en tête de lui trouver son premier petit-ami, ce qui fit beaucoup rire celui-ci.

Durant le reste de la semaine, ils ne s'étaient toujours pas calmés avec ça et continuaient à le taquiner, lui envoyant des vidéos pornos gays, des textes détaillés pour le sexe entre hommes, des photos de mecs gays de leur fac et bien d'autres encore. Des vrais enfants ! Ils étaient insupportables, à croire qu'ils étaient heureux que l'un d'eux fasse parti de la communauté LGBT. Tous, sauf Vahé, mais Aloys s'était mis en tête que ça lui passerait et qu'il finirait par redevenir normal. Enfin, c'était avant qu'il ne reçoive un message de Finn, le samedi suivant.

De Finn : Mec..., fallait que je te le dise, mais Vahé nous a invité dans sa seconde résidence, sauf qu'il n'a pas voulu qu'on te prévienne. Je crois qu'il faut que vous aillez une conversation tout les deux, on a bien remarqué que Va' était crispé ces temps-ci, mais pas au point de faire ça. Va le voir et mettez calmement les choses à plat, si t'as besoin d'aide, n'hésites pas à nous le demander gros on est là pour toi.

Ce message finit de l'assommer et la tristesse se fit ressentir en lui. Alors comme ça, il ne voulait pas de lui ?

Il était partagé entre la colère qu'il ne l'ait pas accepté et la peine qu'il rejette. Ce qu'il avait craint se passait finalement... Mais seulement avec l'un d'eux. De plus, avec l'un des mecs avec qui il était le plus proche, ils passaient souvent leur temps ensemble, surtout quand ils avaient besoin de calme et de silence, ils se suffisaient l'un et l'autre, ils s'apaisaient mutuellement et se comprenaient avec peu de mots.

Il mit ses baskets et enfila une veste avant de sortir, il savait où le trouver. Il se dirigea donc vers leur salle de kickboxing, la tête remplie d'interrogations et d'anticipations sur les évènements à venir. Il se demandait ce qu'il devait faire, ne pas faire, s'il devait lui laisser le temps de s'expliquer ou directement l'accuser. Il n'en savait rien. Tout ce dont il était sûr, est qu'il ne voulait pas briser leur amitié qui lui était si précieuse. Il savait qu'il pourrait en pleurer si l'autre voulait qu'il arrête de se voir, de se parler juste pour ses préférences. Il se sentait terriblement mal en poussant la vieille porte et en s'engouffrant à l'intérieur.

A cette heure de la soirée, plus personne n'était là. Le coatch devait être dans son bureau en train de faire les papiers. Il repéra directement son ami, seulement vêtu d'un short, frapper dans un punchingball avec force. Son dos était recouvert d'une fine pellicule de sueur et ses cheveux étaient tirés en arrière pour un petit chignon. Il n'avait pas encore remarqué la présence d'Aloys derrière lui. Aloys en profita alors pour le pousser par l'épaule, Vahé réagit instantanément en se retournant vers lui. Il avait des énormes cernes sous les yeux et suait à grosse gouttes. Il fut surpris en voyant son ami devant lui et retira tant bien que mal ses écouteurs, avant d'arracher les scratchs de ses gants pour les retirer.

— Qu'est-ce que tu fais là ? demanda-t-il l'air de rien.

— C'est quoi ton problème avec moi ? gronda Aloys, son ton fut plus dure qu'il ne l'aurait voulu.

L'autre fronça les sourcils, ne comprenant pas où il voulait en venir.

— Pardon ?

— Fais pas genre mec, pour ta seconde résidence et le fait que tu ne veuilles pas de moi, lança-t-il amer.

Vahé sembla enfin comprendre car ses yeux reprirent leur forme normale et il reconcentra son regard sur ses rubans, les détachant soigneusement.

Aloys lui redonna un coup dans l'épaule, le faisant se reculer de quelques pas. Vahé ferma quelques secondes les yeux et Aloys savait parfaitement que ce geste était pour se métriser, il réagissait toujours comme ça avant que la fureur ne le gagne complétement et qu'il se mettre à frapper dans le tas. Signe qu'il l'énervait.

Par colère et provocation, il lui redonna un autre coup, sauf que celui-ci fut intercepté entre des doigts qui serrèrent sa peau, auquel Aloys poussa un couinement de douleur.

— Joues pas à ça Al', prévint-il.

— Et toi joues pas au con, je t'avais demandé si ça t'embêtait que je sois... Un putain de gay et tu m'as répondu non ! Tu m'as menti ! Si je te dégoûtais, alors fallait me le dire plus tôt ! s'exclama maintenant furieusement Aloys, laissant exprimer sa colère.

— Ne hausses pas le ton avec moi, le mit-il en garde très calmement, trop calmement.

— Je fais ce que je veux, t'es qu'un sale con d'homophobe ! cria-t-il.

Aussitôt, il reçut une gifle sur sa joue, claquant violemment sa peau, mais il ne se laissa pas faire et répliqua en envoyant son poing dans son visage, peu importe où il touchait, il avait besoin de se défouler. Ils enchaînèrent coup sur coup, parfois l'un prenait l'avantage, parfois l'autre, ils se livrèrent à un combat non-organisé, non-toléré et surtout, sans gants de boxe, ce qui rendaient leurs jointures douloureuses à force. Vahé prit finalement le dessus, empoignant le col de son t-shirt pour le plaquer brutalement contre le mur le plus proche. Aloys allait se défendre mais son ami le devança :

— Bordel Aloys je t'aime bien ! Je t'ai toujours apprécié plus que les autres, d'une manière que je n'ai jamais trop comprise et que je mettais dans la case « admiration », parce que ouais, t'es beau, t'as du charme, tu sais mieux boxer que moi, t'es un vrai aimant, tout le monde t'aime et veut te parler. Alors... Quand t'as annoncé cette putain d'homosexualité, ça a remit mes doutes en questions, je savais plus quoi penser de toi, tout a été chamboulé dans ma tête et je sais plus quoi penser ! Je suis putain de perdu par ta faute ! 

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top