"Il se réveille."
J'avais l'impression de renaître, comme si mon esprit s'était égaré depuis longtemps, et venait juste de retrouver le chemin de mon corps. Mes sens me revenaient peu à peu : mes yeux s'ouvrirent d'instinct, lentement, et captèrent la lumière d'un blanc brillant qui m'entourait. Oui, je me réveillais.
Effrayé.
"Rachel" murmurai-je aussitôt... "Rachel..."
"Mr Larre, vous m'écoutez ?" me demanda une voix qui m'était inconnue, "Vous êtes à l'hôpital." m'informa t-elle.
Je levai les yeux vers la personne qui prononçait ses mots, et bredouillai :
"Je...il ne faut pas...Celui-Qui-Voit...Celui-Qui-Voit..."
Je compris que c'était l'infirmière qui était en charge de me surveiller. Elle n'eut pas l'air de me comprendre, et m'annonça tout de suite :
"Ne vous inquiétez pas. Vous êtes hors de danger..."
Je jetai un regard circulaire autour de moi, un peu soulagé par cette nouvelle, et aperçut les noms sur les deux lits qui me faisaient face. Le puzzle se complétait.
"Sara...Juliette..." murmurai-je, effaré.
"Elles étaient avec vous lors de l'accident. On a bon espoir qu'elles parviennent à se réveiller bientôt. Ne vous inquiétez, nous nous occupons de tout."
"Qu'est-ce que j'ai fait..." sanglotai-je doucement, prenant ma tête dans mes mains.
"Tout va bien se passer." m'assura l'infirmière, "Je vais appeler le docteur Darn."
Mon sang se glaça dans mes veines.
Alors, cette histoire était bien réelle. Et elle ne faisait que commencer...
J'avisai une seringue sur le bord de la table qui se tenait à côté de moi, et vis que c'était un sédatif. La poignée de la porte qui me faisait face s'actionna.
Évitant à tout prix de regarder ce qui y entrait, je m'emparai de la seringue et enfonçai vivement l'aiguille dans mon bras d'un geste vif.
Je trouvai aussitôt le sommeil.
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Sara et Juliette étaient réunies toutes les deux, face à un homme qu'elles n'avait jamais vu...mais elles surent qu'elles avaient réussi quand elle le virent.
"Vous êtes le commissaire Perret ?", demanda Juliette timidement.
Déstabilisé, celui-ci répondit d'un signe de tête par l'affirmative, puis bégaya :
"Que...que se passe t-il ?"
Ce fut Sara qui le lui apprit :
"Vous vous trouvez dans un rêve partagé. Nous avons pris contact avec vous parce que nous savons que vous pouvez nous aider. Je vais vous donner une adresse, lisez la, s'il vous plaît."
Elle lui tendit un morceau de papier que le commissaire lut attentivement. Il demanda ensuite :
"Qu'est-ce que je suis censé faire de ça ?"
"Demain." dit Juliette, "Dès votre réveil, faites une descente avec vos hommes à cette adresse. Vous devriez y trouver, derrière une couverture, un laboratoire pratiquant des expériences illégales sur des êtres humains...dont nous faisons partie."
"Nous sommes en danger" ajouta Sara, "faites vite."
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Je me tenais debout, sur une colline balayée par le vent. Elle dominait de sa hauteur tout ce qui entourait, et je pus voir d'assez loin l'homme qui la gravit. Lorsque je le reconnus, je fus parcouru d'un tremblement incontrôlable.
Mr Darn.
Il était tel que je l'avais toujours vu, habillé de son éternel costume, il me transperçait de son regard. Un regard noir. Aussi noir que ses iris. Aussi noir que les yeux que j'avais vus dans le temple. Aussi noir que les ténèbres qui m'avaient entourées alors.
"Vous...C'était vous...Depuis le début !" lui lançai-je, criant pour couvrir les hurlements du vent.
"Quand as-tu compris... ?" me demanda t-il, s'arrêtant de marcher pour me dévisager.
"Ce n'est pas important" éludai-je.
"Au contraire." m'apprit t-il, "Ça a toute son importance."
Ses yeux brillèrent d'une lueur de compréhension soudaine.
"Tu es venu pour m'éliminer." affirma t-il.
"Je croyais l'avoir déjà fait !" m'exclamai-je, dégoûté..
"Tu n'en as pas le pouvoir ! Personne ne l'a ! Pas même ces idiots qui me retenaient !"
Je tins tête à mon ennemi, le regardant droit dans les yeux.
"Ils vous retenaient ?" demandai-je, cherchant à gagner du temps, pour trouver un moyen de prendre le dessus.
Sa voix était déformée, inhumaine. Peu à peu, l'écho surnaturel qui habitait le temple prenait de plus en plus d'importance dans le timbre de Darn.
"Ils m'ont enfermé...Shy'yrykta... Ils me mettaient à l'étude...Et puis, quand ils ont compris ce qu'ils tenaient entre leurs mains, ils ont construit une prison pour moi. Une prison faite d'esprits. Alors, il me fallait la détruire. Mais je ne pouvais pas le faire de l'intérieur." expliqua Darn, possédé.
"C'est pour ça que vous nous avez envoyés détruire le temple ?".
"Oui. Je savais que j'y survivrais, on ne peut me détruire. Je suis invincible." affirma t-il alors.
Était-ce vrai ? Si c'était le cas... Ce que j'avais fait était irréparable.
"Pourquoi nous avoir laissé en vie ?" demandai-je.
"Vous m'étiez utiles... J'ai tout de suite repéré votre détresse, vous et vos pauvres âmes torturées par vos histoires. J'ai pu percevoir cette lueur en dehors de mon temple, je l'ai suivi, sous une forme diminuée, sans rien dire aux autres humains... J'ai pris le contrôle d'un de leurs scientifiques... Je ne leur montrai que ce que je voulais bien qu'ils voient. Et je n'ai que faire de votre vie. Ce que je désirais, c'était reprendre mon pouvoir perdu, ma liberté. Pouvoir me repaître de tous les cauchemars humains, m'insinuer dans tous leurs esprits... Je veux voir la folie vous consumer, tous, et me grandir de cette conquête. Je deviendrai... Votre dieu."
"Je t'élimine, ici et maintenant. Tu ne tortureras pas un esprit de plus." affirmai-je.
Les souvenirs affluaient dans mon crâne. Parmi tous ceux qui revenaient, l'un d'entre eux était particulièrement net :
"Fais confiance à la magie. C'est ton seul moyen de sortir d'ici."
Mes bras s'enflammèrent instantanément. D'un mouvement fluide, je les tendis vers mon ennemi, et un torrent de flammes se déversa aussitôt sur lui. Le brasier le contourna sans même le toucher, comme s'il était protégé par un bouclier invisible.
"Pitoyable." cracha t-il, et mes jambes quittèrent soudain le sol : j'étais projeté en l'air par une force irrépressible.
Je me reçus sur le dos dans un choc rude, sentis quelques uns de mes os se briser au passage. Je me relevais péniblement, grimaçant de douleur, et entendis un puissant écho d'un langage inconnu résonner dans mon esprit :
"Kesiska noï !"
Un tentacule brun, muni de longues griffes sur ses côtés, transperça le sol et s'abattit sur moi, me coupant le souffle.
"A terre, là où est ta place !" me cria Mr. Darn.
Ses pas noircissaient la terre à ses pieds.
Je n'avais pas réalisé qu'il était si proche...
Un œil d'un noir liquide, tourbillonnant, se creusait peu à peu dans son front.
"Et maintenant, donne moi tes yeux" me susurra t-il doucement.
Ses mains couvrirent mon visage, et je sentis sa puanteur terrible...alors je réalisai pleinement ce que j'avais fait :
J'avais lâché Celui-Qui-Voit sur le monde...
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