Chapitre 1 : J'en ai besoin
« Rachel, où tu l'as mis ? » demandai-je, agacé.
Je ne supportais pas quand elle mettait le nez dans mes affaires. C'était personnel.
« Je ne l'ai pas touché ! » j'entendai sa réplique qui venait de la pièce d'à coté.
J'étais persuadé d'avoir raison : elle l'avait déplacé. Et ce papier était trop important pour que je me permette de le perdre. Je mettais mon bureau sens dessus dessous, vérifiant chaque recoin, ouvrant chaque tiroir. J'étais dans une immensité de feuilles, de rangements, il y en avait trop : je ne le retrouverais jamais.
« Viens m'aider ! » m'écriai-je.
« C'est toi qui l'a perdu. »
Sa voix me stressait. J'étais à la fois énervé et honteux : je ne pouvais pas l'avoir perdu. C'était de sa faute.
Je tirais de plus en plus de poignées, cherchant désespérément. Je savais que le temps m'échappait. Jamais je ne le trouverais.
Des papiers. Jamais les bons.
Ouvrir, toujours chercher. Des papiers. Toujours pas le bon.
Persévérer. Se dépêcher.
Ouvrir un tiroir : un dernier.
Une tête.
Une tête coupée me regardait, rangée bien à sa place. Elle me fixait de ses yeux vides. Le visage était défiguré par des blessures atroces.
J'avais trouvé.
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J'ouvrais les yeux, secouant la tête.
« Un problème ? » fit une voix à mes côtés.
« Rien, Rachel » dis-je pour la rassurer.
« J'espère. Parce que la course demande pas mal de concentration. » me rappela t-elle avec un signe de tête qui appelait à regarder devant moi.
Je m'installai confortablement, jetant un rapide coup d'œil . La route commençait par une gigantesque ligne droite. Je souris légèrement : j'allais pouvoir libérer toute la puissance du moteur de mon bolide.
L'engin était magnifique : un tube de métal cylindrique, tout en longueur, d'un rouge éclatant. En quelques secondes, je me propulserais à mille kilomètres par heure et j'apprécierais cette impression de vitesse qui me grisait tant. Sans oublier le danger : il viendrait des autres concurrents.
Tout le monde était lourdement armé : mitrailleuses et missiles étaient de la partie.
Ayant effectué les derniers réglages, j'accordais un dernier regard à Rachel. Je ne pouvais pas voir son visage, derrière son casque.
« Prête ? » demandai-je vivement.
« Il faut bien ! » lança t-elle, amusée.
Le signal de départ, un coup de feu, retentit soudain. J'accélérai le plus fort possible : mon pied droit écrasa la pédale, qui s'abaissa pourtant lentement. Je continuais à appuyer, jamais je n'atteindrais le maximum de l'accélération, et pourtant le paysage défilait déjà à une vitesse folle.
J'avalai la route, excité, avec un besoin croissant de sensations. Je continuais d'appuyer sur la pédale, ne la sentant toujours pas bloquée.
Rachel me prévint soudain : « On se fait dépasser. Par un Treg... J'ai jamais aimé ces bêtes-là. »
Elle disait vrai : un regard sur ma gauche, à travers la vitre, m'apprit qu'un autre engin arrivait lentement à notre hauteur. Je pouvais voir le visage du pilote dans le cockpit : une véritable horreur. La créature semblait avoir un visage humain, mais complétement défiguré, ensanglanté et parsemé de très lourdes cicatrices. Un peu dégoûté, je détournais le regard et me concentrait sur la route : un tunnel s'annonçait, les appareils allaient traverser une énorme montagne par ce passage.
Je laissais mon concurrent passer devant, pensant à mon arsenal prêt à l'accueillir, et me ruait vers le tunnel.
C'est alors que Rachel s'écria : « Derrière ! On nous tire dessus ! ».
Un coup d'œil sur l'écran de contrôle me confirma l'information : des missiles étaient en approche. Décidé à les semer, j'accélérai encore. Le bolide s'engouffra dans le tunnel à une vitesse inimaginable. J'appuyais toujours plus sur la pédale, qui n'était pas encore décidée à donner tout son potentiel. L'accélération me collait au siège. Je voyais les missiles passer au dessus de mon véhicule, ils nous dépassaient !
Je n'allais pas assez vite.
Ils heurtèrent le plafond, et colorèrent tout mon champ de vision en rouge : le rouge du brasier infernal dans lequel je plongeais. Ma dernière impression fut une chaleur intense, puis la douleur, terrible.
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« Aïe ! » m'exclamai-je.
« Quelque chose ne va pas ? »
Encore une voix féminine. Mais je ne la connaissais pas.
« Rien. » répondis-je. « Je me suis brûlé, je crois. »
« C'est le risque avec les boules de feu » répliqua mon interlocutrice avec un grand sourire.
« Sara, arrête ! » ordonna quelqu'un derrière elle.
Je plissais les yeux pour reconnaître l'homme qui l'avait interpellé. Habillé, comme la femme, d'une grande cape turquoise et d'un chapeau pointu, il planta son regard perçant dans mes yeux.
« Tu sais bien que ce n'est pas facile au début. Allons, recommence. »
J'acquiesçai d'un signe de tête, puis me concentrai, profitant du silence qui régnait dans cette calme plaine.
Je laissais le vent caressait ma peau, trouvant qu'il ressemblait au fantastique courant qui parcourait mon corps quand je manipulais cette énergie : la magie. Je sentais cette étincelle en moi, je savais comment en profiter.
Le feu vint à moi naturellement : il s'alluma dans mes paumes et illumina mon visage. J'attendis quelques secondes pour le maitriser, puis laissa échapper ma joie et alluma ainsi un brasier flamboyant.
Je souris aux applaudissements de Sara et de mon maître, qui récompensaient mes efforts.
« Bien. » déclara t-il, « Passons maintenant à l'étape suivante. Faites apparaître de la nourriture ! »
« Facile ! » lança Sara, qui ferma les yeux immédiatement et se mit à se concentrer.
« Attendez ! » demandais-je « Comment suis-je censé...? »
« Fais confiance à la magie. C'est ton seul moyen de sortir d'ici. » assura mon mentor avec un hochement de tête.
« Sortir ? Mais... » commençai-je sans finir ma phrase : un fraisier me faisait face, prêt à être englouti... Je n'avais rien fait pour qu'il apparaisse.
« Mange. »
J'hésitais.
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« Tu ne manges pas ? » me demanda Rachel, soucieuse.
Mes yeux restèrent rivés sur ce dessert. Un gâteau aux fraises, coulis de fruits rouges, cela m'agressait les yeux.
« Si. » me décidai-je finalement à répondre, « J'adore. »
« Tu sais, si je t'ai amené au restaurant, ce n'est pas sans raison. » fit Rachel pendant que le goût de la fraise envahissait mon palais.
« La raison ? » demandai-je, curieux.
« Je veux savoir si tu me fais confiance. » déclara t-elle.
Je hochai la tête plusieurs fois, en signe d'affirmation.
« Bien sûr » confirmai-je.
« Si tu faisais quelque chose qui me mettrait en danger, et que je te dirais d'arrêter, tu arrêterais ? »
« Oui, évidemment. »
« Même si ce que tu fais est très important pour toi. Très... Plaisant ? »
Je gardai le silence quelques secondes.
« Pourquoi tu me demandes ça ? »
« Réponds-moi, s'il te plaît. »
« Oui, bien sûr, j'arrêterais. »
« Et si je te disais que c'est mon sang que tu manges, tu arrêterais ? »
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« Haaaaaaaaaa ! »
J'étais sur un lit drapé de blanc. Dans une salle d'un blanc éclatant, plusieurs personnes m'observaient, en blouse blanche... Tout ça m'aveuglait.
« Nooooooooon ! »
Quelqu'un hurlait. C'était moi.
« Encooooore ! ENCORE ! »
Je me débattais furieusement. Des sangles me retenaient au lit, offrant aux personnes présentes une lutte inégale pour ma liberté.
« J'en ai besoin ! J'EN AI BESOIN ! »
Je voulais fuir, fuir ce monde insupportable. Enfin, ils me répondaient.
Il me répondait.
« Vous êtes un patient remarquable, Mr. Larre. Tous les autres doivent prendre de force le traitement, et vous, vous le réclamez avec vigueur. »
Je trouvais encore la force de répondre : « Donnez-le moi ! DONNEZ-LE MOI ! »
« Bien sûr » fit-il avec un grand sourire et le plus grand calme. « Votre petite pilule rouge. »
Il sortit le médicament écarlate de sa poche intérieure et l'agita devant moi.
« S'IL VOUS PLAIT. »
« Tenez, avalez-la » me dit-il en me la tendant. « Mais ne prenez pas ça trop à cœur... Après tout, tout ça c'est dans votre tête. »
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