Dans le jardin de Madame Desprécive, on pouvait trouver de nombreuses plantes qu'elle cultivait malgré elle et qui grandissaient, qui prenaient de plus en plus d'ampleur à la surface comme sous la terre. Les racines s'infiltraient et grouillaient jusque dans les entrailles de son jardin. Parmi ces plantes, Madame Desprécive voyait proliférer de nombreuses mauvaises herbes qui étouffaient toutes les fleurs et les fruits gorgés de soleil et de pluie. La pauvre jardinière s'épuisait à arracher ces envahisseurs, ces dévastateurs, à couper leurs têtes et leurs bras s'agrippant à tout ce qu'ils pouvaient, lacérant les arbres et asphyxiant les jeunes plantes, ne leur laissant aucune chance de s'épanouir. Madame Desprécive en oubliait même de détruire les racines qui continuait de se faufiler dans les moindres recoins de son jardin.

Madame Desprécive ne les supportait plus alors elle acheta un désherbant chimique et puissant dont elle ne pouvait plus s'en passer. Il devint son meilleur allié. Dès qu'elle voyait une feuille non désirée dans son jardin, elle y versait son produit magique. Toutefois, les fleurs et les fruits avaient subitement changé de goût. Ils étaient devenus de moins en moins sucrés et acidulés. Lorsqu'elle épuisa son désherbant, les mauvaises herbes reprirent leur ampleur d'antan. Rien n'avait changé.

Madame Desprécive comprit qu'il fallait trouver une autre solution. Elle observa d'abord plus précisément le comportement des mauvaises herbes. Elle apprit à les reconnaître à leur état de jeunes pousses pour les retirer de son jardin au fur et à mesure qu'elle en apercevait. Elle comprit qu'elle ne pourrait jamais se débarrasser complètement de ces plantes car c'était son sol qui était favorable à ce développement non désiré. Elle ne pouvait pas changer la nature de son sol. Madame Desprécive devait donc apprendre à cohabiter avec ces plantes qu'elle cultivait malgré elle et qui faisaient désormais partie de son jardin.

Avec le temps, Madame Desprécive s'y habitua et assuma ces mauvaises herbes. Ces dernières se sentant un peu plus acceptées, cessèrent de proliférer anarchiquement et le jardin de Madame Desprécive en devint un peu plus coloré et sucré.