10 : La fin
CÉSAR
L'appartement de Sélène n'était déjà pas bien grand pour une personne, alors essayer d'en loger deux était un véritable Enfer. Heureusement pour elle, ou pour César, ou peut-être les deux, ou bien pas heureusement du tout selon le point de vue, Sélène rentrait chez ses parents le lendemain. Une semaine loin de l'atmosphère toxique qui régnait dans la ville et dans leur groupe, César l'enviait. On était le samedi soir, elle partait aux aurores le dimanche. Le peu d'espace libre au sol était donc consacré à divers vêtements étalés, et à une pile de linge sale qu'elle allait devoir faire rentrer dans une petite valise. César était dans le clic-clac, et l'observait, pensif.
─ Ça va ? l'interrogea Sélène que son comportement intriguait. T'as l'air ailleurs.
César mit un temps à répondre, et après une longue inspiration, la rassura.
─ Ouais. Je me demande juste ce que je vais faire pendant les vacances.
Il n'avait pas envie de retourner à la colocation pour le moment, surtout parce qu'il serait seul avec Samuel. Pour autant, la perspective de n'être qu'avec lui-même pendant une longue semaine lui paraissait déjà insupportable. Il allait devoir trouver des moyens de se distraire, et mis à part fumer et regarder pour une énième fois Breaking Bad, il ne savait pas trop ce qu'il allait trouver.
─ Tu sais que tu peux venir chez moi, lui proposa Sélène. Mon père sera méga heureux de te voir.
César refusa poliment en secouant la tête.
─ Je veux pas déranger, ça fait longtemps que tu l'as pas vu.
─ Non, mais arrête tes conneries ! Tu vas déranger personne, il travaille, et la plupart du temps, Émile sera à la maison, ou moi, je serais chez lui.
D'un nouveau signe de la tête, César lui assura qu'il ne voulait pas venir. En réalité, une semaine au grand air lui aurait fait le plus grand bien, mais il ne pouvait pas partir, et il ne pouvait pas dire pourquoi il ne pouvait pas partir. Il était donc pris dans une spirale infernale à deux entrées : mentir et ne pas dire toute la vérité.
Leurs deux téléphones vibrèrent, interrompant la discussion, et les amis regardèrent chacun leur écran, avant de se dévisager l'un l'autre. Il n'y avait aucun doute, ils avaient reçu le même message. Il venait d'Émile, et ressemblait à un message codé : « rdv coloc, sam parle ». César afficha une mine intriguée, partagée par Sélène. La jeune femme fixa longuement son téléphone, avec de lever les yeux sur lui.
─ Tu crois que ça veut dire qu'il est en train d'avouer ce qu'il s'est passé ?
César haussa les épaules. Il n'en avait aucune idée, mais ça lui paraissait peu vraisemblable. Samuel avait beaucoup trop d'ego pour revenir sur ses positions. S'ils les baladaient vraiment depuis le début, alors il était désormais trop tard. Ils ne le sauraient jamais. En même temps, et malgré sa brièveté, le message était plus que clair, et ne pouvait faire référence à rien d'autre. Des sentiments mitigés naissaient en César, et il se sentit obligé de demander :
─ Tu crois qu'on doit y aller ?
─ Bah, carrément. Même si c'est pas le fin mot de l'histoire, Sam sait un truc, et il en train de le dire.
Elle se leva, abandonnant sa valise en vrac au milieu de la pièce, et disparut dans le petit corridor qui lui servait d'entrée pour aller mettre ses chaussures. César ne bougea pas du canapé, réticent à l'idée de retourner à la colocation. Une boule se forma au creux de son estomac, comme de plus en plus, ces derniers jours, et la sensation était plus désagréable à chaque fois. Comme il ne faisait rien, Sélène passa la tête dans la pièce.
─ Tu viens ? l'interrogea-t-elle.
─ Je sais pas, avoua-t-il.
─ Allez, t'es sérieux ? C'est peut-être le moment de faire un pas vers Sam.
César ne répondit rien, ce n'était pas ce qu'il avait en tête. Bien sûr, il y avait ça, mais à cet instant, son amitié fichue avec Samuel était le cadet de ses soucis. Complètement apathique, César réalisa qu'il était incapable de bouger, paralysé par toutes les pensées qui fusaient dans son esprit. Sélène, qui jusque là, n'avait pas semblé prendre la mesure de ce qui aimait son ami, afficha soudain une mine des plus inquiète, et revint dans la pièce principale pour s'asseoir à côté de lui.
─ Eh, mais t'es sûr que ça va ?
César fixait un point au sol, pour concentrer son attention à un seul endroit, et il s'en détourna enfin, pour lui confier :
─ Je pense pas que je veux savoir ce qu'il s'est passé.
Sélène laissa échapper un rire nerveux, avant de froncer les sourcils.
─ Attends, s'étonna-t-elle. Quoi ?
─ Ça me fait flipper, je sais pas, imagine que Samuel dit enfin toute la vérité, et que c'est moi.
─ Je croyais que c'était pas toi, lui rappela Sélène.
César ferma les yeux, agacé, et chuchota :
─ Je sais pas...
─ Comment ça tu sais pas ? César ! Tu m'as demandé de te faire confiance, et de te croire ! Moi, je t'ai cru, alors que j'avais rien, pas de preuves ! Je te crois sur du vent, sur ta bonne foi, et maintenant tu me dis que tu sais pas ? J'en ai rien à foutre que ce soit toi ou pas, mais, putain, dis-moi la vérité !
─ J'ai dit que j'étais convaincu que ça ne pouvait être moi ! Mais je peux pas être sûr à cent pour cents.
De plus en plus, il doutait, car tout autour de lui l'accusait. Au début, il était persuadé que Samuel mentait, même s'il ne savait pas la raison derrière son acte, mais plus il y repensait, moins il était certain d'être extérieur à toute l'histoire. Il avait trouvé un appel datant du samedi soir, provenant de cette fille de sa classe, Sarah. À moins que Sam ait poussé le vice pour aller jusqu'à fouiller son téléphone pour faire concorder le maximum d'éléments, tout lui paraissait trop gros pour être monté de toute pièce. Bien sûr, il aurait pu aller parler à Sarah et demander si tout était vrai, mais pour divers facteurs il n'osait pas. Déjà, c'était une amie de sa petite sœur, et si c'était vrai, s'il avait couché avec elle, ça mettrait la merde non seulement dans son groupe d'amis, mais aussi dans sa famille. Ils étaient les derniers à avoir besoin de chaos. Puis, surtout, il ne voulait pas savoir. Absolument pas.
Sélène ne rétorqua rien, et ses yeux se perdirent dans le vide alors que sa respiration se faisait très profonde, comme si elle se contrôlait pour ne pas exploser. La jeune femme finit par abandonner l'idée de discuter, et se leva. Sa réaction perturba César, qui vit bien qu'il avait fait quelque chose de mal.
─ Eh... l'interpella-t-il.
─ Tu mets tes chaussures ? lui demanda-t-elle, un tintement brisé dans la voix.
Elle lui tourna le dos, et César observa les mouvements de sa respiration pour savoir si elle pleurait ou non. La poitrine du garçon se serra, il en avait marre de la faire souffrir inutilement, mais il ne savait pas comment s'y prendre pour ne pas la froisser. Il se dit qu'il était peut-être temps qu'ils aient une véritable conversation, sur leur relation, sur ce qu'ils attendaient l'un de l'autre. En tout cas, lui, à cet instant, se sentait prêt.
─ S'il te plaît, viens, l'encouragea-t-il.
─ Non, refusa Sélène, c'est bon. On y va. Si tu viens pas, j'y vais sans toi.
Face à la froideur de ses propos, les épaules de César se raidirent. Il resta assis, la gorge nouée, complètement démuni. Décidément, le plus gros problème qu'ils avaient, c'était le timing. Sélène sembla voir qu'il était perdu, alors elle s'expliqua.
─ Écoute... Clairement, y a un truc chez toi qui déconne. C'est pas méchant, c'est juste... On le voit, César. On est pas complètement teubés. Tu veux pas en parler, et ça nous soûle peut-être tous, mais, moi, je comprends. Dire les choses, c'est pas simple, et je te demande pas de le faire. J'en ai rien à foutre que tu veuilles tout garder pour toi, par contre, ça me fait clairement chier que tu mentes. Alors à partir de maintenant, si tu veux nous cacher des choses, bah, fais juste en sorte qu'on comprenne pas que tu nous caches un truc. Mais ne mens pas.
Pour César, ce fut comme si on lui avait tapé sur la poitrine avec un marteau. La réplique de Sélène avait tellement d'implications qu'il ne savait pas comment tout démêler. Comment ça, ils voyaient qu'il avait un truc qui déconne ? Est-ce qu'il se doutait de quelque chose ? Sélène avait l'air déçue, pourtant, César n'avait pas l'impression d'avoir menti : lui était certain de n'y être pour rien. Enfin, pas complètement... Mais l'inverse lui paraissait peu probable. Il ressentit le besoin irrépressible de se justifier, il ne voulait pas qu'elle soit fâchée juste parce que Samuel avait instillé un doute en elle.
─ J'ai pas menti, j'ai juste...
─ Mais non ! s'agaça un peu plus Sélène. Bien sûr que tu m'as pas menti les yeux dans les yeux. Mais tu m'as d'abord demandé de te croire, et après, tu m'expliques que t'es plus trop sûr. Ce que t'aurais dû faire, c'est me dire depuis le début que tu te souvenais de rien, et qu'il y a peut-être une possibilité que ce soit toi. C'est tout. Mais tu fais toujours ça ! Tu joues sans arrêt sur l'ambiguïté. Et c'est lassant, c'est super lassant.
Le jeune homme comprit que le sujet de la discussion débordait la simple affaire de préservatif. Ce n'était pas ainsi, néanmoins, qu'il se serait imaginé aborder leur relation. Paralysé sur le canapé, il voyait devant lui se dérouler un film dans lequel il n'était même pas acteur. Il ne se sentait même pas en mesure de renchérir, car répliquer aurait signifié prendre une position et avouer des sentiments, ce qui lui paraissait toujours impossible. Mais Sélène avait plus d'assurance, et eut le courage de dire ce que pendant six ans, ils s'étaient obstinés à taire :
─ Je pense pas qu'un jour, on puisse être ensemble. Très sincèrement. Cette histoire à la con, au moins, elle m'aura fait ouvrir les yeux. T'es génial, t'es drôle, t'es sensible, tu sais écouter, et ça fait de toi un super pote. Mais t'es trop toxique pour moi. Là, je me lève tous les matins en me demandant si tu m'aimes, et je base toute mon estime de moi sur la réponse, c'est juste... c'est pas soutenable !
César inspira longuement pour empêcher les larmes qui lui montaient aux yeux de couler trop vite. Il n'osait pas la regarder dans les yeux, par honte, principalement. Honte de lui-même, car avec les années, il avait pu prendre la mesure de l'attachement que Sélène lui portait, et il n'avait jamais pu y faire quelque chose. Il aurait pu au moins la rejeter une fois, pour son bien, pour qu'elle passe à autre chose, il ne l'avait jamais fait. La gorge serrée, César réussit à articuler, d'une voix étranglée.
─ C'est le cas, en fait...
─ De ? demanda Sélène en étouffant elle-aussi son sanglot et en essuyant sa joue.
─ Bah, je... je t'aime. Mais... je peux pas. Je... j'suis désolé. T'as raison, y a un truc qui déconne chez moi, mais je peux pas te dire, et du coup, je pourrais pas être physiquement et émotionnellement avec toi tant que... bah tant que je le pourrais.
Ça ne voulait rien dire, mais ça avait le mérite de sortir du fond du cœur. Sélène, calme, appuya sa tête contre l'arrête du mur contre lequel elle se tenait, et lui adressa un sourire bref mais vrai, avant d'acquiescer.
─ Je sais, chuchota-t-elle. Mais merci. D'avoir levé le voile, je veux dire. Et ça change rien au fait que je suis là pour toi.
César hocha la tête à son tour, le souffle un peu plus léger, comme si on lui avait retiré un poids des épaules. Pourtant, l'issue était plus que dramatique, et bien loin de celle à laquelle il aspirait. Il lui semblait néanmoins que tout allait un peu mieux, qu'ils avaient dit ce qu'ils avaient à se dire, et que tout pouvait repartir sur de meilleures bases. Sélène lui fit un ultime signe pour l'inviter à la suivre, et cette fois-ci, César fit l'effort de se lever. Il était prêt à entendre la vérité, même si elle l'impliquait.
Ce qu'il n'espérait pas.
**
Le trajet jusqu'à la colocation se fit dans le noir, et en silence. César marchait derrière, les mains dans les poches, remuant ses pensées. Devait-il faire un pas vers Sam ? Ses amis, et l'ambiance de la coloc – et puis sa chambre ! - lui manquaient. Ça ne valait peut-être pas le coup de tout abandonner pour quelques accusations diffamatoires (qui ne l'étaient peut-être même pas, Samuel avait peut-être raison). Et si Samuel avait effectivement menti, et l'avait incriminé à tort, alors César pouvait entendre ce qui l'avait poussé à le faire. Visiblement, lui-même n'était pas non plus un modèle d'honnêteté.
Ils entrèrent dans l'appartement, et César eut une drôle de sensation, entre l'inconnu et le familier. C'était comme la première fois où il avait découvert les lieux, au moment d'emménager. Puis, une fois, le sentiment étrange dissipé, la pièce lui parut vraiment être chez lui, et il réalisa qu'il devait revenir absolument, que sinon, tout n'irait qu'en empirant.
Samuel et Émile étaient dans le canapé, bien enfoncés dans le moelleux des coussins. La télévision en face d'eux était allumée, sans le son. L'arrivée des deux amis semblaient couper court à une discussion.
─ Amina n'est pas encore là ? interrogea Sélène.
─ Elle a baby-sitting, expliqua Émile. Et... en fait, je lui ai pas envoyé de message.
─ Pourquoi ?
Pour simple réponse, Émile leur fit signe de les rejoindre. César fronça les sourcils, et, ayant retiré ses chaussures, enjamba le dossier du sofa pour se caler au bout. Samuel fuyait ses yeux, le regard fixé sur le sol devant lui. Émile, à ses côtés, prit une longue inspiration, avant de prendre la parole.
─ Du coup. Bah, Sam et moi, on a beaucoup parlé, et on s'est dit qu'il valait mieux que la vérité sorte enfin. Sam ? J'te laisse.
Samuel se redressa sur le canapé, et osa pour la première croiser les yeux de César et Sélène. Les deux amis étaient suspendus à ses lèvres. Le moment semblait presque irréel : après une semaine de chaos, ils allaient enfin découvrir la vérité. À moins que Samuel ne les balade à nouveau.
─ C'était pas César, avoua-t-il. C'était moi.
Plusieurs émotions éveillèrent César. Déjà, un profond soulagement, il avait eu raison de se défendre : bien évidemment que ça n'aurait pas pu être lui. Puis, une certaine colère, qu'il chercha à refouler, ce n'était pas le moment de péter à nouveau les plombs. Enfin, une incompréhension totale : pourquoi n'avait-il voulu rien dire ? Est-ce que c'était parce que cela impliquait vraiment une autre personne du groupe ? Si c'était Sam et Sélène ? Peut-être avait-il monté une histoire pour protéger César, Sam avait toujours été un bon ami, après tout.
─ OK, souffla Sélène, et ?
─ Y avait une autre fille. C'était moi, et une autre fille.
Silence dans l'assemblée. Sélène regarda César, qui fronça les sourcils à son tour. Il s'était préparé à une bombe, à une révélation qui expliquerait toutes les réactions disproportionnées, et les mensonges qu'il leur sortait depuis une semaine. Dans tous les cas, il ne s'était pas attendu à... ça. Samuel avait couché avec une fille qui ne faisait pas parti du groupe. Ouah, quelle histoire ! Sélène parut partager son amertume, et rit jaune, avant de s'agacer, sa voix montant dans les aigus.
─ Quoi ? C'est tout ? T'as foutu la merde parce que tu t'es tapé une meuf, et dans ton lit, en plus ? J'ai fait qu'un an de psycho, alors je suis pas spécialiste, mais tu m'as l'air perturbé comme type.
─ Tu pourrais arrêter de dire aux gens qu'ils sont perturbés, lui glissa César d'une voix à peine audible.
─ Avec Élise, ajouta alors Sam. C'était moi, et Élise.
─ Élise, Élise. La Élise d'Amina ? questionna Sélène. Hein ? Mais ? Comment ?
Ce nouvel élément changea la donne, et petit à petit, les pièces du puzzle commencèrent à s'assembler dans l'esprit de César. Si Samuel avait couché avec l'ex-petite amie d'Amina, alors ça expliquait tout.
─ Élise et Amina ont rompu dans la journée. Pendant toute la soirée, Amina a harcelé Élise pour qu'elles viennent s'expliquer, et du coup, elle m'a tout dit, au bout d'un moment. Même si elle s'en souvient pas. En fait, Élise est venue, mais je voulais pas qu'elle rentre, je voulais pas qu'elle voit Mina et qu'elle lui fasse encore plus de mal. Du coup, on est resté à discuter sur le pas de la porte. Et... et je sais pas, le courant est passé, et j'étais bourré, et vous savez comment le cerveau des gens soûls fonctionnent. Je crois bien que je me suis dit que j'allais la faire espérer, et la jeter, pour qu'elle souffre comme Mina souffrait. Faut vraiment pas chercher de logique... J'étais trop con ! J'vous jure, ça me bouffe depuis que c'est arrivé. C'est horrible.
Un blanc s'installa, et César, qui ne savait pas quoi dire. Oui, c'était mal, c'était malhonnête envers Amina, mais c'était selon lui, bien moins pire que ce qu'il s'était imaginé. Néanmoins, il pouvait comprendre pourquoi Samuel se sentait aussi mal. Il avait cherché à protéger Amina, comme il le faisait tout le temps, et il avait produit un effet complètement inverse. Il chercha dans les yeux des autres la réaction appropriée. Émile paraissait totalement indifférent, ayant déjà entendu l'histoire, apparemment, mais Sélène... Sélène paraissait horrifiée. Elle mit un temps à parvenir à articuler.
─ Attends... mais... ça explique rien du tout ! Je veux dire, il y a des messages, et... et Amina s'en serait rendue compte, si elle était tombée sur Élise pendant la soirée !
─ Non, je... j'ai demandé à César de vous occuper. Là, vous avez fait les coloriages. Et César a compris ce qui arrivait, alors il m'a couvert, même s'il l'aurait pas fait s'il avait vraiment tout compris. J'ai fait rentrer Élise. Elle est repartie quasiment après que ce soit terminé. Genre une demie-heure.
─ Mec, l'arrêta Émile. Une demie-heure ? Franchement, pas à nous.
─ Bon OK, quinze minutes. Et là, j'ai paniqué. Alors j'ai bidouillé les téléphones sans que personne s'en rende compte, parce qu'il y avait personne dans le salon. J'ai envoyé des messages à partir du téléphone d'Émile, parce que sur le coup, je me suis dit que si tout était découvert, et qu'on pensait que c'était lui, ce serait moins grave. Sauf que vers trois heures et demie, la sœur de César est venue, et là, j'ai capté que ça pourrait être mon plan de secours. J'avais juste à faire croire que c'était une fille que personne ne connaissait, de toute manière, vous étiez tous arrachés, alors personne n'allait me contredire.
─ Ma sœur est venue ? répéta César, qui n'avait aucun souvenir de ce moment.
─ Ouais, elle voulait parler avec toi, mais t'arrêtais pas de lui mettre des vents. Elle a bu un verre, et elle est repartie parce que tu la soûlais, elle t'a traité de gros con, je crois.
Cela expliquait donc pourquoi il avait reçu cet appel. A tous les coups, ce n'était pas Sarah, mais sa sœur, avec le téléphone de Sarah. Elle était donc venue ? Elle avait voulu lui parler ? Et lui, complètement arraché, n'avait pas pu être là pour elle. César fut piqué d'un sentiment intense de culpabilité, il savait à quel point sa sœur avait besoin de lui, surtout en ce moment, surtout ce soir-là. Comment avait-il être pu si débile et insensible ?
─ Mais je vous ai pas drogués, rajouta soudain Samuel. Je vous le jure. J'ai rien fait. Je pense que c'est Élise, parce qu'elle a pas intérêt à ce qu'Amina apprenne tout ça. Mais je sais pas comment elle aurait pu faire pour prendre les médocs de César et...
─ Hein ? s'étonna le concerné. C'est quoi cette histoire de médocs ?
─ On sait pas vraiment, expliqua Sélène On se disait que peut-être quelqu'un avait utilisé tes médicaments contre l'anxiété pour nous droguer. Ça expliquerait le black-out collectif.
─ Attendez, attendez, l'arrêta César. Moi, j'ai pris des médocs, ce soir-là. J'en ai mis dans mon verre. Ce truc est super puissant mélangé à de l'alcool. Est-ce que vous avez bu dans mon verre ?
Émile et Sélène se regardèrent, avant d'acquiescer lentement, pendant que Samuel, lui, signifia que non, puis demanda, d'une voix inquiète :
─ Pourquoi t'as pris des médocs ?
Sélène vint à sa rescousse :
─ Peu importe. La vraie question, c'est quand est-ce que tu vas dire tout ça à Amina ?
─ Est-ce qu'il est obligé ? interrogea César en fronçant les sourcils. Moi, à sa place, je voudrais pas savoir.
─ Ouais, souffla Émile. Honnêtement, c'est pour ça que je lui ai rien envoyé. Vaut peut-être mieux qu'on garde la version où c'est César et une autre fille pour elle. Genre, on dit que César assumait pas, parce qu'il a eu une panne pendant l'acte, et c'est pour ça qu'il était aussi énervé, j'en sais rien. Mais... je sais pas... on doit peut-être pas lui faire plus de mal que ça.
Sélène écarquilla les yeux.
─ Non mais vous êtes sérieux ? On s'est pratiquement déchiré à cause d'un mensonge, et vous voulez réitérer l'expérience ? Vous avez la mémoire courte de ouf, en fait ?
─ Eh, l'interpella César, avant de venir, tu m'as dit que si on voulait cacher des choses, fallait faire en sorte qu'on le sache pas. Si Amina est persuadée que l'affaire est résolue, elle cherchera jamais plus loin, et elle s'en portera mieux.
─ Détourne pas mes propos, toi, s'irrita-t-elle avant de marquer une pause, et soupirer un grand coup. Bah vous savez quoi ? Faîtes ce que vous voulez. Si vous voulez mentir ensemble, c'est votre problème, mais quand Amina l'apprendra, bah, je ferais la choquée moi aussi. Pas question que je sois mêlée à ça.
Elle se leva du canapé pour prendre la direction de l'entrée.
─ Tu vas où ? lui lança Émile. Eh, je passe toujours te chercher à huit heures ?
Comme elle ne répondait pas et était sur le point de claquer la porte, il la suivit pour l'interpeller. Samuel et César restèrent donc tous les deux, l'un à côté de l'autre. Au début, leurs regards s'évitèrent, en particulier celui de Sam, plus que fuyant. Finalement, après une poignée de secondes de silence gênant, il s'adressa enfin à César.
─ Désolé, mec... Je... je voulais pas que ça dégénère. J'étais juste vraiment hyper mal, j'essayais presque de me persuader que c'était toi, et pas moi.
César secoua la tête, pour lui montrer qu'il ne lui en tenait plus rigueur. Il comprenait, et il n'avait plus non plus envie de tenir une rancœur pour si peu. S'il avait été aussi sur les nerfs, jusque là, c'était parce que l'idée qu'il puisse être celui dans l'affaire le hantait, et lui filait la nausée. Maintenant qu'il était totalement innocenté, il allait mieux, et il pouvait pardonner son ami des crasses qu'il avait faites.
─ T'inquiète, murmura César.
─ Mais, eh, ça va ? C'est bizarre que t'aies pris tes médicaments samedi... C'est pas que pour les examens normalement ?
César pouffa de rire devant la maladresse.
─ L'anxiété c'est une maladie, c'est pas juste un état de stress. Mais... en fait, non, ça va pas du tout. Y a... des trucs de ouf qui se passent dans ma vie. Mais je peux pas t'en parler, pas encore, parce que ça concerne pas que moi.
─ OK, souffla Samuel. Bah, quand tu pourras, du coup...
César acquiesça dans un sourire, heureux de savoir que les choses s'étaient arrangées d'elles-mêmes. Sam et lui se connaissaient tellement qu'ils n'avaient même pas besoin de se faire des excuses en bonne et due forme, ils savaient que l'autre était réellement désolé de son comportement.
─ Tu restes ? reprit Sam. On va sûrement descendre se faire un tacos.
─ Ouais, accepta César. Et je pense que je dors ici, aussi. La coloc me manque.
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