Entre deux pleurs, bousculés parmi les inspirations hasardeuses et paniquées, il y avait aussi des « Bergamote, s'il te plaît... » en plus des Lucas. Des « Bergamote, je t'en prie, aide-moi. » mal articulés, qui glougloutaient dans ses larmes pour l'éternité.

Mais la petite fille ne pouvait pas l'aider, un terrible mutisme avait pris possession de sa gorge, avait atrophié sa voix. Seules ses oreilles emplies de crachat, de gémissements, de cris, de Lucas, de cet insupportable tumulte arrivaient encore à fonctionner. Son cerveau sur pause ne voulait pas comprendre, ne voulait plus entendre. Des spasmes incontrôlables commencèrent à lui soulever la poitrine, elle tremblait de peur.

Sa respiration se fit plus forte, plus rapide et avide d'oxygène. Il lui fallait sa Ventoline. Seulement, le choc était tellement énorme qu'il l'avait privé de la maîtrise de son corps ; elle ne pouvait pas faire un mouvement. Elle avait besoin d'air, Camille avait besoin d'elle. Mais il lui fallait respirer.

Asthme.

Alors elle raccrocha. Machinalement, elle appuya sur ce bouton rouge au milieu de son écran, comme un furoncle qu'il ne fallait pas percer. Elle ne pouvait pas supporter plus. L'oxygène lui manquait et le flou lui montait à la tête. Le silence, celui que d'habitude elle aimait tant, emplis la pièce qui, entre temps, s'était mise à tourner.

Elle s'en foutait de Camille, elle devait

respirer.

Et puis là,

plus

rien.

Plus rien du tout.

Seulement la pénombre qui la prenait tout entière et Cam' qui voulait

crever.

Et Lucas qui résonnait encore dans le noir complet.