1 0. E D E N.
Au début, Eden avait cru que c'était une blague. Elle avait pensé que ce Camille faisait, c'était juste pour la briser, pour mettre un terme à leur pseudo amitié faite de discussions formelles. Mais non, il s'avérait qu'elle, elle n'était pas comme les autres, elle avait réussi à voir sa valeur, à regarder dans les yeux ses sentiments et leurs complexité.
Ses sentiments.
Non, ce n'était pas la première fois. Les filles, à Eden, c'était son truc. Camille, c'était son truc. Alors, l'embrasser, comme dans un rêve un peu trop flou pour être crédible, c'était juste... invraisemblable. Lorsque, dans son étreinte, elle s'était retrouvée à la merci du baiser de cette fille, elle n'avait pas voulu s'abandonner à cette farfelue réalité, la vivre comme jamais elle n'avait vécu.
Et la vérité, c'est qu'elle aurait dû. Ces instants lâches, qui ne veulent pas rester, elle aurait pu les savourer, les retenir prisonniers juste un peu plus longtemps avant que tout ne soit détruit.
Cette petite morveuse pleurnicharde avait tout gâché, avait réduit à néant son histoire parfaite, son conte de fée aux couleurs un peu trop flashy. D'un seul et unique sanglot, tout fut balayé, Camille s'écarta d' Eden, la repoussa comme on chasserais une bête dégoûtante du revers de la main. Elle oublia tout de leur baiser.
Et puis, elle accourut en direction de Bergamote comme si elle était la chose la plus précieuse et fragile du monde, la prunelle de ses yeux, son âme sœur malgré la distance. Elle la poursuivit sur bien une dizaine de mètres puis, certaine de ne plus pouvoir la rattraper, elle se pica l'arête du nez en secouant la tête, victime d'un désarroi monumental.
Eden, toujours adossé sur un mur, près d'une grande porte rouge, regardait tout ça ; cette situation qui en devenait légèrement ridicule. Ouais, elle aurait pu rire si jamais elle ne s'était pas sentie un peu plus vide à chaque secondes qui défilaient devant elles, pressées, inflexibles. Elle aurait pu rire si la dure vérité ne lui avait pas explosée à la gueule, lui brûlant les paupières, lui arrachant des morceaux de joues au passage.
Cette vérité dure comme l'asphalte, elle lui coulait le long de la gorge, lui courrait sur la colonne vertébrale, lui faisait mal de partout.
Ça lui avait paru évident sur le coup, comme si rien ne pouvait contester cette affirmation presque divine.
Eden était inutile. Et pour cause, dans la cour de récrée, personne ne la remarquait hormis Camille qui, après l'avoir embrassée, l'avait écartée violemment pour une gosse de onze ans.
Seuls ses livres lui trouvaient de l'intérêt. Enfin, et elle en était sure, ils se seraient enfuis si elle ne les retenais pas de ses mains, la tête plongée dans leurs pages
Si Bergamote avait été là, elle aurait dit :
-Cette vérité, peut être que ce n'en est pas une, Eden. Après tout, la nuance nous emmêle les pinceaux pour qu'au final, on ne puisse plus discerner le vrai du faux, c'est fait exprès, c'est un bon camouflage. Camille, elle, elle arrive à voir les choses fausses, tu lui demandera si tu veux, je suis sure qu'elle pourra te répondre.
Ou alors :
-Faut pas pleurer, c'est moche de pleurer. C'est moche de penser à tous ces trucs méchants. Faut pas pleurer, Eden.
Sauf que Bergamote détestait Eden et ne la connaissait pas si bien que ça. Alors, elle allait devoir laisser cette vérité-pas-forcément-vraie lui ronger les tripes, comme un lapin sur un fil électrique qui le boufferait jusqu'à le scinder,
jusqu'à couper le courant.
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