Chapitre 8 - Immersion

Dans la grande demeure, Adan se fixe un instant, se rappelant la configuration des lieux et se dirige résolument vers la droite du grand escalier central pour emprunter un couloir qui part vers la gauche. Un homme vient pour l'intercepter mais Gan le renvoie de la main.

— Hey ! Le Reporter ! interpelle Michewa Li Gan en mimant une courbette.  Fais comme chez toi Hein ?

— Tu as toujours ta piscine « santé » ? lui demande Adan sans s'arrêter tout en faisant signe à Jessie d'ouvrir la porte vitrée devant lui.

— Oui, mais est-ce si pressant de se baigner ? demande le tibétain. 

Il les suit et actionne l'interrupteur qui éclaire la pièce vitrée d'une lumière feutrée.  Devant eux trône une grande piscine creusée aux eaux miroitantes.  Adan est ébahi par l'amélioration des lieux depuis deux ans.  À l'époque, seule la piscine occupait les lieux.  De forme rectangulaire, elle comporte une zone plus creuse et un tremplin.  À l'opposé, de larges marches permettent une entrée en douceur alors que dans la partie creuse, une échelle métallique sert d'accès.  Le fond de la pièce blanche est entièrement vitré et comporte des grandes portes coulissantes, donnant sur un jardin aménagé, actuellement sous la pluie qui a recommencé à tomber.  Dans un coin, un spa attend d'offrir ses bienfaits, juste à côté d'une porte de bois qui donne sans aucun doute à un sauna.  Des chaises et tables basses de rotin brun ainsi que de larges armoires meublent en deux îlots les côtés de la piscine.   Adan se dirige résolument vers les marches de la section peu profonde.

— Adan, ce n'est pas l'eau de l'océan ! s'objecte Alva.

— Non ! C'est bien mieux !  riposte Mich avec orgueil.   Système unique au monde.  Mieux que la réalité : sans produit chimique ni pollution, tout naturellement salé comme l'océan avant même que l'humain y ait trempé le bout de l'orteil... Mais pourquoi ?

— C'est vrai votre charabia naturiste ? lui demande Alva en se déchaussant, tout comme Jessie.

— Oui Máo bīng, si vous...

— De plus, c'est chauffé ! rajoute Adan en s'approchant du bord de la piscine.

— Hey, tu ne vas pas te baigner tout habillé ?  Cela demande du contrôle pour la qualité, et...

— Mich, ça va aller, lui répond Adan.

Du bout des pieds, Adan se déchausse tout en enlevant la couverture qui enveloppe Broot. Il pose le garçon sur la couverture.  Jessie et Alva viennent l'aider pour lui enlever son haut de pyjama, puis le pantalon qui est imbibé d'eau de mer et de sable.  Ce faisant, Adan découvre dans la poche du pyjama le coquillage toujours dans son sac de plastique.   Il reste un instant ému par sa trouvaille mais il se ressaisit puis la donne à Jessie qui le prend sans trop comprendre.  Rapidement, il enlève lui-même ses vêtements, ne gardant que son boxer.

— Allez viens, mon bonhomme, dit-il en reprenant Broot dans ses bras.  

Il observe le petit visage blanc aux lèvres figées et bleues.  Il passe un main inquiète sur les joues exsangues :

— Alva ! Il est glacé !

— Allez vite, il faut l'immerger, répond-t-elle.

— Quoi ? s'étonne Mich.  L'immerger ?  Hey, attends c'est quoi ?

— Ça va Mich, je gère.

Le tibétain observe Adan qui emprunte les marches d'accès à l'eau.  Détectant une présence, les lumières sous-marines s'allument automatiquement, illuminant la pièce d'une lumière aux vagues bleutées.  Adan se retrouve rapidement avec de l'eau jusqu'à la poitrine, le corps de Broot affalé contre lui, sa tête sur son épaule.  Alva s'agenouille sur le bord de la piscine et tend ses mains sous l'eau.

— Tu dois l'immerger Adan... au complet.

Adan la regarde, inquiet et incrédule.   Il regarde Jessie mais n'y trouve aucun encouragement. Elle est aussi interdite que lui, immobile.  Il constate qu'elle semble avoir froid elle aussi, ses lèevres tremblent.  Devant leur inertie, Alva se relève et fait mine de se déshabiller.  Mich la bloque dans son geste et l'attrape par l'épaule.

— Que vas-tu faire ?

— Je sais ce qui doit être fait pour le sauver.

Michewa lui prend la tête et dénude ses cheveux à gauche et observe son cou près de l'oreille.

— Que me veux-tu ? riposte la femme en le repoussant.

— Ne t'avise pas de faire un geste de travers Máo bīng ! la menace-t-il en tenant sa main.

— Je constate que tu en connais plus qu'eux, réplique-t-elle en le fixant de ses yeux pâles, donc tu sais aussi que ce n'est pas moi la méchante dans histoire.

Elle se libère et enlève manteau et pantalon avant de sauter dans l'eau à son tour.  En t-shirt, elle tend à nouveau les mains vers Adan.  Celui-ci la regarde intensément avant de relâcher quelque peu son étreinte sur le gamin.  Alva pose ses mains sur le torse de Broot mais n'insiste pas.  Elle s'immerge alors doucement dans l'eau en ne quittant pas Adan des yeux.

Sous les yeux ébahis d'Adan, de Jessie et de Mich, elle reste sous l'eau, les yeux ouverts, un air très calme et serein sur le visage.  Ses cheveux blancs flottent en auréole autour de son fin visage.

— Adan, qu'est-ce que cela veut dire, demande Jessie agenouillée près du bord de la piscine avec Mich.

— Je n'en sais rien... Broot adore l'eau, murmure-t-il comme si une manie d'enfant pouvait expliquer les évènements.

Adan scrute le visage inerte du garçon puis, en inspirant une grande goulée d'air, il s'immerge à son tour, refusant de lâcher Broot au complet.  Alva pose ses mains sur les bras d'Adan qui encercle le petit corps.  Dans le flou reflet bleuté des eaux, Adan devine le sourire d'Alva qui l'encourage d'une pression sur ses bras pour qu'il lui confie Broot librement.  Toujours lové sur son torse, le jeune homme sent le corps de Broot qui se réchauffe sensiblement et semble se détendre.  Pour sa part, Adan sent ses poumons demander grâce et il n'a pas le choix que de ressortir sa tête hors de l'eau.  Regardant vers la profondeur, il voit les mains tendues d'Alva.  Il dépose un baiser sur le front du petit, puis avec un petit frisson, il dirige le corps du garçon vers les bras accueillants de la jeune femme.  Alva le recueille et s'installe en tailleur dans le fond de la piscine. Le regard plongeant vers l'eau, Adan ne la quitte pas des yeux.  La jeune femme lui fait un signe de tête encourageant avec un sourire.

— Adan...

Il se retourne vers Jessie, qui est elle aussi venue à l'eau, délaissant son manteau et son tailleur jupe sur le bord de la piscine.  Elle s'approche de lui dans l'eau chaude, tentant de soigner ses frissons.  Sa blouse blanche et ses longs cheveux auburn flottent en vagues autour d'elle.   Il lui prend la main pour l'approcher de lui.

— Ça va aller, affirme-t-il en passant sa main le long de la joue de son amie.

— On dirait bien qu'elle sait ce qu'elle fait, hasarde Jessie en tremblant de froid tout en étreignant doucement la main d'Adan.

— Même si c'est complètement aberrant, oui.

— Oui. Complètement.

— Viens ici, tu es frigorifiée, ajoute Adan en étreignant son amie et en l'emportant pour maintenir ses épaules dans l'eau chaude et salée.

Les deux amis s'observent un instant, Jessie passe une main dans la tignasse brune d'Adan sous prétexte de libérer ses yeux et d'observer son hématome sur la joue.

— Ça va ? demande-t-elle.

— Ça peut aller... et merci.

— Pourquoi ?

— D'être là.

Avec un toussotement, Mich se relève et se dirige vers une pièce vitrée derrière lui :

— Je vais vous chercher des serviettes et des peignoirs, annonce-t-il.  Vous en aurez besoin quand vous aurez fini de barboter ou... de vous noyer.

********

Trois heures plus tard, Broot est toujours dans l'eau avec Alva.  Les deux êtres sont en position fœtale au fond de la piscine.  Leurs silhouettes semblent en symbiose dans l'onde bleutée, les cheveux blancs flottant comme des algues autour d'eux.

Les spectateurs ont peu parlé, se contentant de vérifier de temps à autre l'état de Broot et d'Alva.  Adan a fait les cent pas le long de la piscine, incapable de se poser longtemps au même endroit.  Installés sur le bord de la piscine, ils ont tout trois fait honneur au repas qu'une femme aux yeux bridés leur a servi avec discrétion et courbettes.  Adan et Jessie, emmitouflés dans de chauds peignoirs blanc, ont maintenant les pieds dans l'eau.  L'homme a les yeux perdus dans le vague.  D'une main, il applique un sac de glaçons sur sa joue et de l'autre il triture distraitement le coquillage de Broot.   À côté de lui, Jessie referme le dossier du SSCC concernant C-14 et le dépose avec un air incertain sur la table basse où trônent les restes de leur repas.

— Vous voilà plus calme enfin, déclare Michewa en entrant.

Il pose le plateau de thé qu'il tient à la main sur la table basse avant de s'installer lui-même souplement au sol.  Avec des gestes posés, il commence à faire la préparation du thé.  Malgré son vêtement de coton noir très simple, il se dégage de lui une aura de mystère oriental.  Jessie le trouve impressionnant et ne peut quitter des yeux son profil droit, tatoué depuis le bout des doigts jusqu'à sa mâchoire.   Il semble tout entier investi dans le modeste geste de servir le thé. Finalement, il prend une des tasses blanches sans anse et la tend à Jessie avec un sourire. Étrangement, ce simple geste enlève à la jeune femme toutes ses appréhensions envers lui.  Avec une léger sourire, elle accepte la tasse avec un hochement de tête.  Elle s'installe dans un fauteuil de rotin, à la table basse derrière Adan, en ramenant ses jambes sous elle, pour déguster sa boisson chaude.  Adan pose le sac de glaces et le coquillage près de lui, puis prend la tasse que Mich lui offre.

— Ils sont hors normes tes amis, tu le sais ? questionne le tibétain en s'installant près d'Adan.

— Différents, on ne peut le nier maintenant, répond Adan, alors que Jessie se contente d'opiner de la tête et d'écouter leur conversation, curieuse d'en savoir plus.

— Broot est avec moi depuis quoi ?  Trois jours ! reprend Adan.  Je connais Alva depuis aujourd'hui.   Elle s'est présentée à moi en me disant que Broot et moi étions en danger et qu'elle pouvait nous aider.  Mon appartement a été vandalisé.  Avec des menaces graffitées sur mes murs et sur mon visage !  Je ne reconnais plus des gens que je connaissais avant.  Jessie est surveillée à son travail.  L'auberge de Laureen est détruite... Et elle et Mikel...

La voix d'Adan se brise.  Mich glisse un regard de compassion vers Adan, il connaît son histoire.  Il touche l'épaule du reporter, mais Adan lui fait signe de ne pas s'épancher plus qu'il ne le faut.

— Je dois savoir la vérité, murmure Lescaux.

— Il y a un sens a toute vague sur l'océan, explique Gan. 

— Mais, tout cela n'a aucun sens !  Ça n'a pas de sens ! rajoute-t-il en désignant les deux êtres qui sont sous l'eau.

Michewa ne dit mot mais baisse les yeux.   Adan se retourne vers lui et son regard sombre se plante dans les yeux bridés du Tibétain :

— Survivre sous l'eau... Tantôt, tu as parlé de... les cheveux blancs : Máo bīng... Cheveux de glace ?  Tu en sais plus que tu ne veux me dire !

— ...

— Mich ?  Raconte.

— Oui, Dǎn dà , toujours aussi audacieux hein !  Rien ne t'arrête.   J'ai bien pensé à toi depuis deux ans.   Tu m'as inspiré tu sais, rajoute-t-il en buvant son thé.  Ne jamais se contenter de demi-mesure, suivre ses valeurs.

— D'accord Cáng, explique-moi alors.  Dis-moi ce que tu sais.  Je suis impliqué là-dedans.  Nous le sommes tous de près ou de loin... dans cette ville qui part en vrille je ne sais où.  Je suis perdu et inquiet comme jamais.  Je veux aider Broot.  Il ne sait pas qui il est.   Alors, mon ami, explique-moi.

Mich pose sa tasse près de lui, se penche sur l'eau et y plonge les mains et referme ses poings sur l'onde insaisissable, puis il se rafraîchit le visage de ses mains mouillées avec un long soupir.

— Oui, Máo bīng , commence Mich en désignant Broot et Alva.  Ils en parlaient dans les groupes non recommandables.  Ceux que je fréquentais à la demande « des patrons ».  Ailleurs et... ici.  En fait, je ne m'attendais pas à ce que Santos soit atteint.  Jusqu'à ce que tu débarques ici.  Des Máo bīng, oui j'en ai vu : de tout jeunes enfants mais aussi .... votre amie est l'une des plus vieilles que j'ai rencontrés... 

Ses yeux se voilent et il fait une pause. 

— Tu en as déjà vu ?

— Oui, des petits... murmure-t-il en baissant la tête.  Morts.

— Vont-ils mourir ? s'inquiète Adan.

— Elle semble savoir ce qu'elle fait.  Comme une autre que j'ai connu.  De toute façon, il y a ici des trucs qui nous dépassent.

— Où as-tu vu les enfants Mich ?

— À Genève principalement mais on en a vus aussi à Berne et Zurich.

— En Suisse ?

— Oui, je suivais la piste d'un trafiquant d'armes biologiques et chimiques en Europe.  Cela m'a amené en Suisse.  Puis il s'y est rajouté du trafic d'organes... biosynthétiques

— Des quoi ?

— Des organes « élevés » en bouteilles, enfin c'est ce qu'on croyait.  Quelle avancée technologique ce serait !  Mais finalement, on a réalisé que souvent les fameux organes étaient prélevés sur des êtres vivants.  On avait affaire à un trafic d'organes...

— Pourquoi alors les appelles-tu « biosynthétiques » ?

— Au départ les organes étaient prélevés sur des êtres humains normaux : disparus, des sdf, des fugueurs puis... Tiens-toi bien... Le scoop du siècle !  Ensuite ce fut des clones de ceux-ci dont on retrouvait des traces dans des incinérateurs.  Même code génétiques... plusieurs fois.    Ensuite, à Genève on a retrouvé de nombreux bébés Máo bīng... aux cheveux blancs... « cheveux de glace » en chinois.  Sensiblement identiques.  Dans une décharge... Affreux.  Pas d'organes prélevés dans ces cas mais des bébés morts, sans identités, sans mandats de recherches, aucune famille, des inconnus de la société...  Certains corps avaient des traces d'opération, d'investigations chirurgicales, des malformations, des piqûres, des maltraitements...

Derrière eux, Jessie devient blanche et retient une plainte.  Adan ne peut quitter Broot des yeux en se souvenant de son récit le soir où ils se sont rencontrés.  Il rage intérieurement.  Michewa se tait, visiblement enfoui lui aussi dans ses souvenirs.

— Qu'avez-vous fait ? grogne Adan à voix basse.

— On a ramassé des évidences mais aucun lien, aucune preuve pour incriminer qui que ce soit. Nous avions les corps, les examens, des analyses génétiques en cours... Puis, il y a eu une commande de nettoyage.

Face au regard d'incompréhension d'Adan, il explique :

— Nettoyage des lieux, personnes, preuves.  Des vols, des feux, des explosions, des meurtres, des disparitions... sur les lieux de nos enquêtes et perquisitions mais aussi parmi nos propres rangs... Tout est parti en fumée !  Du néant, c'est tout ce qui est resté : ils ont disparu de la carte, du commerce.  Presque tout ceux qui travaillait avec moi... éliminés.  J'ai une étoile qui protège mes fesses de métis... Quinze morts, seulement trois rescapés : moi et mon collègue, tu te rappelles l'écossais, Mark Rileys.

— Le geek polyglotte imberbe... sourit Adan.  Oui, on ne peut pas l'oublier.

— On a été muté en Afrique du Nord.  On nous a imposé le silence radio.  Ce n'était même pas loin de menaces.   On nous a servi des compensations sur des plateaux d'argent.  Depuis plus de dix mois.

— Et tu joues le jeu ?

— Comme tu vois... Cette villa est retapée.   J'ai bien utilisé leurs bakchichs non ?

Il se retourne vers Adan qui le regarde avec un air de reproche.

— Ne sois pas outragé le Boy scout !  Je ne suis pas en Afrique du nord !   Ni moi, ni Mark, ni... le troisième rescapé.  Nous sommes disparus de la carte mondiale.  Adieu Michewa Li Gan et bienvenue Monsieur Shen Liang de Santos !  Héritier un peu irrévérencieux et malhonnête. Grand voyageur des océans, aux origines un peu nébuleuses.

— Donc les tatous, les piercings ?

— Nouveau profil.

— Donc c'est fini les « Patrons » ?

— Oui, je n'ai plus confiance.

— Shen Liang ... « Deuxième vie ».  Pourquoi avoir attendu tout ce temps pour réapparaître maintenant ?

— Je ne voulais pas être remêlé à quoi que ce soit...  encore moins à tout ça.  J'ai eu à protéger... à régler des problèmes familiaux...

— Toi, une famille ?

— La troisième rescapée, ma fiancée... elle est loin maintenant... En sécurité.  Elle attend un enfant, rajoute Mich en portant une caresse à un anneau doré qu'il porte en collier.

— Désolé de t'y replonger, murmure Adan.

— Ça me suit on dirait.  Je dois y remédier.  Voilà mon destin.

Un silence s'installe.  Les lieux sont dans la pénombre, le ciel n'ayant plus de soleil pour essayer de l'éclaircir.  Le soir s'installe doucement.  Jessie s'est réinstallée près de Michewa.  Elle a réuni du sable venant de leurs vêtements et y dessine distraitement deux «c» accrochés ensemble. Mich voit le sigle et la regarde :

— Ce sigle est pour « Codecs Center », explique-t-il à une Jessie surprise de cet aveu.  Une industrie européenne que l'on croit être à l'origine du trafic d'organe sur les clones.  Pas les « cheveux glacés », mais les autres.

— Selon le dossier qu'Alva nous a donné, réplique Jessie en lui tendant le classeur, c'est le sigle de SSCC : « Santos Sciences Cybernetic Center ».  Adan et moi, on a vu ce symbole en tatou sur le poignet de personnes qui réapparaissent après une « absence» plus ou moins régulière.  Ce sont les mêmes... mais différents.  Sur le mur de l'appartement d'Adan aussi, ce sigle y était.

— Oui, avec en message on ne peut plus clair de m'en aller...

— Ce n'est pas un hasard, affirme le tibétain en jetant un œil rapide dans le dossier à la lueur des lumières sous-marines.  Les Máo bīng ont aussi ce tatou, derrière l'oreille.  Votre amie, Alva...  Elle l'a.  Derrière l'oreille gauche.  J'ai vérifié avant qu'elle ne plonge...

— Mais on n'est pas en Europe, c'est différent.

— Non, c'est seulement que le CC a changé de carré de sable, rajoute-t-il en fouettant de la main le sable près de lui.   Je crains que ce ne soient les mêmes.

— Pourquoi reprendre ici ? demande Jessie.

— En Europe, après les manœuvres exécutées sous la gouverne de mes « Patrons », les lois, les règlements ainsi que la surveillance sont de plus en plus sévères.  Alors qu'ici !  Je ne leur fait plus confiance aussi... « ils » ont changé de camp !

— Les dirigeants de Santos ont donc pris le contrôle de tout, affirme Adan amer.  Les finances, les développements industriel et commercial, la Presse... tout passe par eux.

— Le SSCC s'est donc payé un milieu pour continuer leur trafic ?  hasarde Jessie.

— Le trafic d'organe ou encore plus... affirme sombrement Mich.  Les gens disparaissent puis reviennent... des clones ?  Ils contrôlent même leur personnel.  Sous la menace, les promesses ; sinon en les transformant en cybernétiques ou en implantant des doubles plus dociles.

— C'est affreux, non !   Impossible.

— J'ai vu bien des choses affreuses Jessie, murmure Mich.   Si le SSCC et le CC sont des entités conjointes, nous ne sommes pas au bout de nos peines.

À cet instant, Alva remonte à la surface... Elle est faible et peine à se maintenir à flots.

— Aidez-moi... murmure-t-elle.

Mich saute à l'eau et la prend dans ses bras alors qu'Adan, délaissant son peignoir, plonge chercher Broot qui flotte entre deux eaux. Quand il revient près de la surface, Alva étendue sur le bord de la piscine, sur les genoux de Mich, tout dégoulinant, ajoute :

— Garde-le sous l'eau. Il ne doit pas ... à l'air.

— La peau de Broot est bouillante.

— C'est bien...

— Que peut-on faire pour toi ? demande Mich en la couvrant d'un peignoir.  Tu es frigorifiée.

— Dans mon sac.  Mon comprimé... Je...

— C'est vrai, complète Adan en étreignant le garçon, elle prend un comprimé tous les quatre heures, pour ... je ne sais pas trop.

Jessie fouille dans le sac d'Alva, en extirpe la bouteille et administre à la jeune fille sa médecine avec un peu de thé.  Mich qui a abandonné ses vêtements détrempés la prend dans ses bras afin de lui communiquer sa chaleur.   Jessie les enveloppe d'un autre peignoir.

— Combien de temps restera-t-il ainsi ?  s'inquiète Adan, les yeux sur Broot dans ses bras.

— Douze à vingt-quatre heures, souffle la jeune fille du bout des lèvres.

— Comment tu le sais ? demande Michewa près de son oreille.

— Mon père m'a sauvé ainsi...

Un murmure qui s'éteint doucement alors qu'Alva perd conscience dans les bras du tibétain. Adan s'installe dans les marches de la piscine, de l'eau jusqu'au menton. Broot git, étendu dans ses bras et sur ses genoux.  Les lueurs des lampes de la piscine font des zébrures sur sa peau, alors que les dernières vagues meurent à la surface de l'eau.  Lorsque la surface se calme, Adan tourne doucement la tête de Broot et examine derrière son oreille gauche... et y trouve le tatou tant redouté.

Il observe le corps du gamin et y cherche des traces de sévices mais ses yeux s'embuent rapidement.  Sous l'eau, il pose sa grande main sur la petite joue chaude.

— Tiens bon Bonhomme.  Je suis là.  Je ne te laisse pas tomber.

La veille commence.

Ils vont se relayer d'heure en heure auprès du gamin... du Máo bīng.

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