Chapitre 11 - Émergence

Dans l'habitacle de la limousine, seul le ronronnement feutré du moteur de la limousine se fait entrendre. Chacun est perdu dans ses pensées. Alors qu'ils circulent sur l'avenue, Adan observe les lampadaires qui éclairent par intermittence les voitures de leur éclat miroitant. La ville a l'air si calme en apparence. Comment en est-elle arrivée à représenter une telle menace ? Leur véhicule tourne et s'engage doucement dans le boulevard menant à la villa. L'oreillette d'Adan bourdonne et il l'active. Ils sursautent tous en entendant Jessie crier :

« Adam ! Venez vite », supplie la femme. « Il se passe quelque chose ! »

Un choc sourd.

— Jessie ! crie Adan.

Aucune réponse. Les occupants de la limousine se regardent. Mich abaisse la vitre qui les sépare de l'habitacle avant :

— Chen ! Plus vite : à la maison !

La tension s'installe alors que le véhicule parcourt les derniers kilomètres en un temps record. Le passage de la guérite est un supplice de lenteur. Rendu devant la villa, Adan descend du véhicule alors que la limo est encore en marche. Il avale les marches du palier et ouvre l'immense porte devant une domestique aux traits surpris par l'entrée intempestive du journaliste. Derrière, Mich et Alva s'engouffrent à sa suite.

— Mitsou ! Où est le Docteur Naisha ?

— À la piscine Monsieur. Avez-vous besoin de quelque chose ?

— Je vous appelle au besoin...répond Mich en se précipitant aussi vers la piscine.

Alors qu'il arrive dans la pièce aux reflets bleutés, il voit Alva qui plonge dans l'eau, à demi dénudée, à la suite d'Adan qui s'immerge déjà vers le cocon. Ce-dernier tremble et des ondes lumineuses le parcourent. Il voit les mains de Broot qui se tendent vers l'extérieur de sa prison d'algues. Il tente de sortir.

Jessie est déjà sous l'eau, en jeans court et chandail sans manche, tout comme la femme médecin, Naisha Npundu. Adan les rejoint dans leurs tentatives pour briser la coque du nid de Broot. Mich fait sauter ses souliers et le haut de ses vêtements. Son couteau en main, il plonge à son tour et ajoute ses forces aux leurs. À eux cinq, ils arrachent sans ménagement les algues qui forment le cocon. La lenteur de leurs gestes sous l'eau les fait pester et ils craignent de blesser l'occupant. Ils remontent à tour de rôle pour s'oxygéner. Leur manège dure depuis un bon 15 minutes, mais tout ce qu'ils réussissent à faire c'est d'éparpiller des morceaux d'algues dans les eaux autour d'eux, donnant une couleur rougeâtre à la scène.

— Alva ! Pourquoi on ne peut l'en extraire ? grogne Adan, le souffle coupé.

— Le cocon se reforme et se referme encore davantage pour le protéger, observe la jeune femme.

— Plus on force, plus il résiste, constate Jessie qui vient de remonter.

Mich lance un regard vers Adan et range son couteau.

— « Utilise la force de ton adversaire : cède pour mieux vaincre. » cite le tibétain avec un regard appuyé, avant de replonger vers le cocon.

— Ne le forcez plus, ordonne Adan en suivant son ami.

Rendu au fond de l'eau, Adan freine les efforts de la docteure qui remonte à la surface. Il prend une des mains de Broot. Elle ne lui renvoie qu'une très faible pression. Il entoure le cocon dans ses bras alors que Mich en fait autant. Jessie et Alva les rejoignent et calquent leur geste. Ils semblent former une deuxième couche autour de l'habitacle du gamin.

Le cœur battant et les poumons en feu, Adan ferme les yeux et tend toute sa volonté vers la libération de Broot. Il sursaute alors que la chrysalide d'algues vibre sous ses mains et que les doigts du garçon s'agrippent d'un coup sec à sa main. Celle du gamin retombe ensuite, inerte dans la poigne de l'homme. Affolé, le journaliste fouille des yeux dans les interstices de l'enveloppe d'algues et se retient fortement pour ne pas forcer le dégagement de Broot de cette prison rouge, lorsqu'il voit le corps flotter sans tonicité.

Soudain, les algues, comme un écheveau de laine, se séparent et s'adoucissent sous leurs caresses. Elles s'écartent suffisamment pour qu'Adan puisse prendre le bras du petit et, doucement, il le fait émerger de son enveloppe. Ils remontent à la surface. Mich, Jessie et Alva les suivent.

Remplissant ses poumons d'air, Adan voit la docteure qui s'empresse de lire les signes vitaux du petit tout en le dirigeant vers le bord de la piscine.

— Il lui faut une assistance respiratoire, crie-t-elle.

Adan et Mich s'entraident pour propulser rapidement le corps du gamin vers les limites de la piscine. Le journaliste le prend finalement dans ses bras et le dépose avec soin sur la céramique blanche. Mich et Naisha s'installent rapidement pour faire les manœuvres de réanimation. Adan s'agenouille près d'eux et ne réussit pas à quitter le gamin des yeux.

Mark arrive avec des couvertures et il en offre aux deux femmes qui sortent de l'eau en grelottant. Il en pose une aussi sur les épaules d'Adan qui ne réagit pas.

Les manœuvres durent environ cinq minutes avant qu'il y ait une réaction de la part du petit qui tousse en crachant une substance visqueuse rougeâtre.

— Broot ! s'exclame Adan en le retournant de côté et en l'enveloppant de sa couverture. Respire. Doucement.

Naisha ausculte le gamin et hoche la tête de satisfaction. Les deux sauveteurs se regardent avec soulagement tout en acceptant la couverture que Mark leur donne.

— Bien joué Naisha !

— À ton service Gan... J'avoue que c'est la première fois que je sauve un noyé qui a macéré dans l'eau toute une nuit.

— Comment expliques-tu son état Docteure ? demande Mich en la voyant tâter la substance excrétée par l'ex-noyé.

— Il est inconscient mais son souffle est stable. Ses poumons sont libres. C'est comme si cette substance en avait bloqué l'accès. Un cas spécial.

— Oui, il est spécial, concède Alva.

— Comment ton père a fait ? demande Jessie.

— Je l'ignore, répond la jeune en passant une main dans sa chevelure blanche. Je ne crois pas qu'il m'ait mise dans une piscine.

Mich observe Adan qui enlace Broot. Il voit que le journaliste observe avec insistance les traits et les mains du petit.

— Ça va Adan ? demande Gan.

— C'est toujours Broot, déclare-t-il en repoussant une mèche de cheveu blanc sur le front du petit. Mais en plus grand, en plus vieux. Je dirais qu'il a pris cinq ans en une nuit. Alva ?

— Oui, je me rappelle que je me sentais pareille, mais différente. Cependant, vu les variations entre nous, je ne sais pas s'il sera comme moi.

Adan la voit prendre sa pochette de soirée pour en sortir sa petite bouteille et prendre un comprimé.

— Le médicament que tu prends ? s'inquiète Adan.

— Je l'ignore, avoue Alva avec la voix triste puis, elle murmure : En aura-t-il besoin comme moi ?

— J'aimerais bien comprendre son cas et le tien, déclare le médecin.

— Tu as compris le charabia du dossier Naisha ? demande Mich.

— Oui, en gros mais il est incomplet.

— Je m'en doutais, ajoute Alva. On doit aller au bureau de mon père, au labo du CCSS.

— J'ai reçu les plans, je t'accompagnerai, dit Mich. Et Mark restera ici pour capter les infos.

— Pourquoi je reste loin de l'action ? reproche l'intéressé.

— Car c'est toi le spécialiste des codes binaires mon cher, répond Mich en se relevant avec l'aide de son ami. Et moi, le Ninja de service !

Jessie épaule Adan qui se relève aussi, avec Broot emmailloté dans ses bras, pour se diriger vers la sortie de la pièce dont Alva s'empresse d'ouvrir la porte. Mich prend le bras de Naisha tout en replaçant la couverture sur ses épaules.

— Eh Vieux ! s'étonne Mark. Jette un œil !

Mich et Naisha se retournent et suivent le regard de Mark vers l'eau de la piscine.

Plus une seule algue ne vient troubler la transparence de l'eau bleue et limpide. Gan déclare :

— Je l'ai toujours dit : une eau plus pure que la nature ! Une eau miraculeuse...

*****

Très tard dans la nuit, Alva et le tibétain entament une visite au bureau du laboratoire du défunt père de la jeune fille. Une certaine complicité s'est installée entre eux et, pendant leur court trajet vers la plus proche station de métro qui les mènera vers les sous-terrains, Mich en profite pour questionner Alva :

— Dis-moi, tu ne m'as pas dit le nom de ton père.

— Alfus Schäfer, Alfus Frederich Schäfer, spécifie-t-elle en replaçant sa perruque noire.

Ils entendent Mark qui actionne les touches de son clavier.

« Ça ne te déranges pas que je fasse de petites recherches sur lui ? » demande le geek de l'autre côté de l'oreillette.

— Non. Tu ne trouveras pas grand chose ayant rapport à ses activités ici. Il était plutôt illégal.

« Alfus Frederich Schäfer, né à Francfort, études supérieures à... Ouah ! L'université Humboldt de Berlin ! Il termine premier de promotion et obtient son PhD ès biologie moléculaire en un temps record. Il s'engage au post doc à l'âge de... 23 ans ! Dit donc ! Il est une grosse pointure le professeur Schäfer ! Son sujet de recherches : « Les enzymes de répliquants dans les chaînes polypeptidiques pour la protéosynthèse et la sourdine de la réaction immunitaire dans les croisements génomiques chez les graminées ». Là, je suis perdu ! Des graminées, c'est tout ce que j'ai retenu. Ça concerne quoi au juste ? »

— Faciliter les croisements de gènes inter espèces pour tenter d'éliminer les rejets, répond Alva doucement.

— Chez les graminées ? réfléchit Mich à haute voix.

Pendant qu'ils attendent à un feu rouge, Mich observe les rues animées par une foule bigarrée à cette heure tardive. Quelle drôle de ville que Santos ! Insouciante des drames qui se déroulent en son sein, et de leurs cotés fantastiques et incroyables surtout ! Et le voilà, le ninja de service, le fantome de Genève, qui se dirige pour une invasion d'un laboratoire de génétique pendant que ces zouaves s'amusent à festoyer dans les rues. Le feu pass au vert mais Michewa doit aussitôt freiner à mort pour eviter de percuter un de ces zouaves qui se précipite innocemment devant leur véhicule pour traverser la rue. Devant l'air renfrogné de Mich, le gars lui fait un doigt d'honneur avec un grand éclat de rire puis il poursuit sa route pour rejoindre d'autres fêtards sur le trottoir. Mich et Alva se regardent avec un soupir puis, le tibétain entend, dans son oreillette, Mark qui pianotent toujours.

Il discerne en arrière-plan une seconde voix.

« Je vous mets en mains libre, Jessie vient d'arriver », explique Mark qui rajoute envers la jeune femme : « C'est le père d'Alva ».

« Eh regarde ! » ajoute l'écossais. « Devinez où il a obtenu son dernier poste de recherches ? »

— J'opterai soit pour Genève, en Suisse ou , en Chine, suggère Mich en quittant les grandes rues pour accéder aux ruelles.

« En effet, on navigue en eaux connues toi et moi... Canton ! L 'université Sun Yat-sen dans la province du Guangdong. Il a participé aux premières manipulations sur des embryons humains. »

« Quoi ? C'est permis ? » s'étonne Jessie.

« En fait, cela a fait couler beaucoup d'encre à l'époque », explique l'écossais. « Mais les embryons étaient déjà non viables, atteint d'une maladie du sang. Leur but était louable : essayer de trouver une façon d'enrayer le gène fautif. On parle d'embryons, pas de fœtus, ni de bébés. Ce fut un demi-échec. »

— Et laisse-moi deviner ensuite, reprend Mich, soit le professeur Schäfer devient introuvable ou on retrouve sa trace disons ... à Genève ?

« Exactement... Dernière publication de son prestigieux curriculum, en association avec l'université de biologie de Genève : « La réplication des brins d'ADN manquant et la complétion des codons chez les graminées et ... application chez le mammifère. » Ensuite... Plus rien n'apparaît. »

— Il quitte le monde théorique universitaire et aura été recruté par le Codecs Center. Il aura un peu de la paternité des Máo bīng.

« Ensuite, en Suisse, le grand ménage s'est fait sous nos yeux... Et il se retrouve de ce côté-ci de l'océan, à Santos. Travaillant main dans la main avec SSCC. »

Mich voit le regard triste d'Alva, assise près de lui, dans son véhicule tout-terrain. Il lui prend la main et rajoute, en la regardant de côté :

— Il aura trouvé une façon de rendre viable les Máo bīng. Il réalisera alors qu'il doit les sauver de SSCC. Enfin certains d'entre eux.

Alva lui coule un regard triste et nostalgique. Il ne la voit pas, occupé à stationner son véhicule 4x4 dans une ruelle derrière la bouche de métro. Il coupe le contact alors que Jessie, hésitante, prend la parole :

« Alva... Désolé de te demander cela... Mais tu es certaine que ton père, le Professeur Schäfer, est... n'est plus ? »

— Oui, c'est moi qui l'ai trouvé. Empoisonné, je dirais.

« Il en parlerait sur la toile non ? » questionne Mark.

— Il n'était pas ici officiellement. Personne ne le connaissait ou presque. Nous étions venus en secret. Moi surtout. Ce soir-là, il voulait me raconter des choses, m'expliquer tout. C'est pour cela que je me rendais chez lui. Mais il était trop tard. Après l'avoir trouvé affalé sur son bureau, j'ai entendu du bruit dehors et le temps de sortir, il y a eu une explosion au sous-sol et tout à flambé. Je n'ai sauvé que la partie de dossier que je tenais en main avant de sortir, il était au sol sous le bureau... Celui de C-14... Broot. J'ai pris peur et je me suis caché pendant deux semaines.

« Alva, c'est Adan. Dis-moi : pourquoi être venu me trouver ? »

Michewan, grâce à la lueur des réverbères qui entre par le pare-brise, voit Alva hésiter avant de murmurer :

— Je vous ai vu à l'auberge, toi et Broot. Je... savais que tu étais... devant l'immeuble de Jessie.

En disant cela, elle a fermé les yeux, ses lèvres ont à peine bougées alors que sa voix est claire et précise dans l'oreillette de Michewan. Le tibétain observe alors que le petit témoin lumineux de l'oreillette d'Alva est éteint, elle communique sans elle ! Il approche sa main et délicatement, il prend l'objet entre ses doigts, tout en ajoutant, pour justifier l'arrêt de la conversation :

— On vous laisse, on entre dans le métro là.

« Alva, je te jure qu'on va trouver qui a fait ça, affirme Adan. Tu me crois, hein ? »

La jeune femme privée d'oreillette, regarde Mich qui la toise en levant un sourcil, l'oreillette toujours posée sur sa paume.

« Alva ? »

La jeune fille soupire, d'un air résignée :

— Oui Adan, je te fais confiance, répond la voix d'Alva dans toutes les oreillettes.

— On reprend contact avec vous quand on sera dans l'immeuble, ajoute Mich avant de couper le contact.

Alva garde le silence. Michewan lui met l'oreillette sous le nez.

— Tu nous en parlerais un jour, ou non ?

— ...

— Tu as un don.

— Je... Je ne savais pas comment expliquer ça. Je trouve ça...

— Inexplicable, complète le tibétain avec un sourire rassurant. Mais je ne te juge pas, crois-moi.

— Comment peux-tu être si calme ? Moi ça me fout en rogne ! Je ne sais pas pourquoi.... Je suis une Máo bīng.

— Mark et moi, on a vu des trucs bizarres en Suisse, tu sais, lui dit-il très simplement. Mais je ne peux pas expliquer non plus pourquoi tu es ce que tu es. Je le voudrais, crois-moi. Pour toi, pour Broot, pour... arrêter ces malades qui manipulent et utilisent ces gens, ces enfants. Tu n'es pas responsable de quoi que ce soit. Oui, tu es différente mais, crois-moi tu es aussi une jeune fille incroyable.

« Mon père le savait. Je veux savoir. »

Elle n'a pas ouvert la bouche, crispée sous des émotions envahissantes de tristesse et de colère. La voix est modulée dans l'oreillette : claire et nette. Via les ondes.

— Génial, avoue le tibétain qui lui redonne l'oreillette en ajoutant : Pour m'entendre. Car moi, je ne sais pas faire ça.

Alva allume et remet son oreillette en place.

— C'est plus sûr ainsi, mais si je me concentre, je t'entendrai sans ça.

Mich ouvre de grands yeux :

— Sérieux ?

— Ne me demande pas pourquoi.

— Okay. Tu es Prête ? demande-t-il en lui serrant la main.

Alva acquiesce avec un air décidé, tout en ouvrant sa portière.

*****

Dans le calme de la nuit, ils se dirigent sans bruit vers la bouche de métro. Les lieux sont quasiment abandonnés. Ils ne rencontrent que des souris ou des clodos qui grognent dans leur sommeil sous une pile de vieux journaux. Les rames de métro qui fonctionnent toute la nuit en automatique n'assurent le service que quelques fois par heure. Ils ont donc tout le loisir de se glisser dans le tunnel pour rejoindre les voies d'entretien et de débordements qui passent sous les immeubles du centre-ville.

Armé, sur son cellulaire, des plans des sous-sols que ses contacts officieux lui ont fournis, Gan se dirige habilement dans les méandres de ces lieux sombres et à l'écho humide. La seule difficulté est le passage des tunnels du métro jusqu'aux stationnements souterrains de l'immeuble convoité, mais l'aptitude ninja de Mich et la souplesse d'Alva leur permettent de passer outre les grillages cadenassés qui se sont dressés devant eux. Furtivement, ils se sont finalement introduits dans la cage de l'ascenseur principal partant du deuxième sous-sol. Dans l'habitacle, un panneau de contrôle sans commutateur, contrôlé par une clef électronique les bloque. À distance, Mark contourne pour eux le système de sécurité de l'élévateur qui les amène aux niveaux de la SSCC, à partir du dixième étage. C'est ainsi que quelques minutes plus tard ils se retrouvent au sein des étages de la « Sciences Santos ».

À la sortie de l'ascenseur, Mich l'arme au poing, suivi d'Alva sur le qui-vive, empruntent l'escalier centrale et montent sans bruit deux étages plus haut. Ils se retrouvent devant trois couloirs qui s'étirent devant eux. Alva emprunte sans hésiter celui de droite et ils le parcourent sur presque toute sa longueur avant de s'arrêter devant une des portes noires identifiées d'un numéro.

Ils n'ont pas à forcer la serrure électronique codée car Alva n'a qu'à poser sa main sur le dispositif pour qu'il s'ouvre.

— On est sur la même longueur d'onde... murmure-t-elle avec un œil désinvolte vers Mich.

Ils pénètrent dans le bureau du Professeur Schäfer.

— Tu sais que tu pourrais être riche avec ça, réplique le tibétain en refermant derrière eux.

Puis il rajoute, à mi-voix en réactivant son oreillette pour leurs acolytes à la villa :

— Nous y sommes.

Environ une demi-heure s'est écoulée depuis leur départ de la voiture. Ils n'ouvrent aucune lumière, la clarté de la ville illuminant suffisamment les lieux par une large porte-fenêtre qui occupe le mur du fond. Suspendu au douzième étage du gratte-ciel qu'occupent en grande partie les services technologiques de la SSCC, le bureau ne paye pas de mine et a tout d'un lieu abandonné pour cause de sinistre par tornade.

Toutes les surfaces sont occupées pêle-mêle par des piles de livres, de revues, de tirés-à-part d'articles sur différents domaines scientifiques. Pas de traditionnelle chaise dans ce domaine, mais un épais tapis en occupe le centre avec un gros coussin. Un guéridon, comme ceux que l'on voit sur les estrades de remises de prix prestigieux, en bois verni, orné d'un plat rempli de crayons plumes et d'une lampe de bureau toute traditionnelle, occupe un coin près de la large fenêtre. Une imprimante laser trône sur un meuble de service surélevé, lui aussi encombré d'une multitude de références de toute acabit. Le seul autre meuble notable et aussi non conventionnel, à l'opposé du guéridon, est un fauteuil méridien, aux allures confortables, accompagné d'un plaid chaud et d'un oreiller orthopédique. Sur les murs, des rayons comblés de livres, de CD-ROM, de quelques portraits, d'une sculpture aux mains tendus vers le ciel qui supporte une panoplie de clef USB, comme s'il s'agissait d'une collection de bracelets et de bagues, et, juste à côté, un ordinateur portable format grand écran. Tous les espaces libres sur les murs sont tapissés d'articles simplement punaisés. Des articles lus, froissés, annotés d'une main ferme avec une écriture fine et des termes obscurs et abrégés.

« Vous avez environ 15 minutes... » fait la voix de Mark

— Dans ce barda ! On n'y arrivera pas ! Tu n'avais pas éteint l'alarme ? reproche Mich.

« Oui, mais il y a une alarme silencieuse que je n'avais pas identifiée », répond Mark tout en s'activant sur son clavier. «Désolé. Je peux donner une impression d'une défaillance mais ils enverront un vigile, c'est sûr. »

— Ce sera amplement suffisant, réplique Alva en se dirigeant derrière le fauteuil ottoman.

« Mich, s'il y a un ordi, connecte-toi comme je t'ai montré. »

— Okay, ça vient.

Michewa prend le portable, mais les piles sont à plat.

— Alva ! On se connecte où, demande-t-il en cherchant les connexions.

— Allonge-toi sur le coussin, répond la jeune femme en désignant le tapis. Et oui, mon père souffrait de maux de dos ! la position assise lui tait insupportable, explique-t-elle devant l'air ahuri de Michewan.

Mich prend place en tailleur sur le tapis confortable, un peu incrédule et se rend compte que devant lui, non seulement se retrouvent des piles de livres, mais aussi toutes les connexions nécessaires au travail informatique. Il branche l'appareil à l'électricité et actionne l'interrupteur. En attendant, que l'écran d'accueil apparaisse, il remarque un fil USB qui dépasse d'un ouvrage ancien. Avec un froncement de sourcils, il consulte le titre « De l'origine des espèces par Charles Darwin ». Curieux de trouver cet œuvre en livre de chevet, ainsi équipé d'une connexion USB, il l'ouvre et découvre un livre creux où est installé un disque externe d'une grande capacité.

— Bingo ! fait-il en montrant sa trouvaille à Alva. Je ne crois pas que l'on ait besoin de fouiller l'ordinateur. J'ai trouvé une unité de stockage Mark.

« Alva, tu crois que tout est là-dessus ? » demande la voix d'Adan.

— Oui, mon père était très « copie de sauvegarde ». Et moi, j'ai trouvé des dossiers dans sa cachette secrète. Je prends tout, on fera le ménage plus tard.

Mich voit la jeune femme refermer une trappe derrière la méridienne. Il l'interroge du regard.

— Je me suis caché là quand j'étais plus... petite. Comme Broot... bien... avant. Une erreur de conception dans la déco. Une unité de climatisation qui n'a jamais été installé.

Alva tient deux dossiers. Elle voit « C-14 » sur l'un d'eux et sur l'autre l'identification de SSCC « A-6 » lui fait froid dans le dos.

« Un garde vient » souffle Jessie.

Mich se relève souplement et empoche le livre de Darwin alors qu'Alva fait la même chose des deux dossiers.

« Taillez-vous et... silence radio » suggère Mark.

Le vigile est à l'extérieur et fait le code. Il se trompe. « Ah ces vieux excentriques et leur code particulier ! » bougonne-t-il.

— Elias, t'es sûr que c'est de là que provient l'alarme, crache-t-il à son radio, agraffé à son épaule ?

« Oui, je sais que c'est impossible. Le système déconne. Mais l'alarme doit être silencée dans tous les cas, donc va-y ! »

— Alors, fournis-moi le code. Cette porte ne répond pas au même que les autres.

« Attends Charles... voilà : 24-10-68».

Le gardien entre les chiffres sur le clavier, la porte s'ouvre, il allume la lumière... Rien de spécial.

Il fait le tour de la pièce. Ne constatant rien d'anormal, il revient vers la porte, fait un code sur un petit panneau près de la porte, pour annuler l'alarme des lieux. Il referme le tout et quitte.

— Fausse alerte Elias. Réinitialise le système. On devrait demander de placer le même code pour tous les bureaux. Ce serait plus pratique, non ? J'en profite pour faire ma ronde de 4 heures. Je fais l'étage et je redescends. Pars un café, j'en ai besoin.

«Entendu, Jannett m'a préparé des biscuits macadam. Tu en veux ?»

— Qui résisterait ? Je fais le tour et j'arrive.

Dans le bureau du Professeur Schäfer, tout est silencieux. Une tuile de plafond s'ouvre soudain au-dessus du fauteuil méridien.

— Que fais-tu ?

— Une dernière chose et on continu à jouer aux rats de plafond, répond Alva en glissant habilement au sol, puis elle ajoute :

— Mark ? Si je t'ouvre une session, tu peux avoir accès au contenu de l'ordi ?

«Oui vas-y, mais quittez ensuite. Moi, je me protégerai des indiscrets. »

— Cherche les codes C-14 et A-6. Mon père tenait un journal vidéo aussi. Prends tout ce qu'on a besoin puis tu l'effaces.

« Mich ? »

— Oui, c'est bon, murmure le tibétain toujours dissimulé dans le double plafond. On n'aura pas à transporter l'ordinateur et nous laisserons moins de traces ainsi. Simule un virus ou un truc du genre : je sais que tu as toujours de bonnes idées sous la main.

Alva pianote rapidement et ouvre une session au nom de son père.

— Le chemin t'es ouvert Mark, à toi de jouer.

« C'est bon, je suis dedans : un virus qui ouvre la session d'un fantôme ! Allez, quittez ! Je m'occupe du reste. »

— On vous laisse, déclare Michewan. Prochain contact dans la voiture, à moins d'un pépin.

«Bien reçu. Over.»

Pendant cet échange, Alva empoche les clefs USB puis, avisant un petit cadre poussiéreux, elle en prend la photo qui rejoint les clefs dans son sac en bandouillère et remet le cadre vide entre deux livres.

Elle grimpe sur le fauteuil et, sans un regard derrière elle, tend ses mains vers Mich qui la remonte habilement vers le plafond creux.

Mich, après avoir remis la tuile de plafond en place, prend une des mains d'Alva dans la sienne et observe un instant les yeux pâles et brillants de la jeune femme qui ne réussit plus à articuler un mot, submergée par l'émotion.

« Allez, Ninja ! » fait la voix d'Alva dans son oreillette... « Passe devant, je te suis. »

Lorsque le gardien utilisera l'ascenseur pour rejoindre Elias et son café au rez-de-chaussée, il ne sera pas le seul à redescendre des hauteurs de l'immeuble. Sans le savoir, il offrira un chemin de retour aisé pour deux ombres dans la nuit, l'une aussi pâle que l'autre est sombre.

Premièr manipulation génétique sur embryons humains (non viable ) en 2105 Ref : http://www.sciencesetavenir.fr/sante/20150423.OBS7818/premiere-mondiale-des-chinois-modifient-le-genome-d-embryons-humains.html


    Pourquoi Canton ?  Première manipulation génétique sur embryonshumains (non viable ) en 2105 Ref : http://www.sciencesetavenir.fr/sante/20150423.OBS7818/premiere-mondiale-des-chinois-modifient-le-genome-d-embryons-humains.html    

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