Chapitre 9
Malcolm
— Bien le bonjour ! Nous salue le professeur, à peine nous sommes arrivés dans le gymnase. Je suis Victor Ashbourne et je serai votre professeur d'Assassinat Furtif cette année !
Ses yeux perçants parcourent la salle, étudiant chaque élève avec une attention presque trop marquée. Un léger frémissement parcourt nos rangs alors que mes quatorze camarades commencent à murmurer, échangeant des regards furtifs et curieux. Le professeur, toujours impassible, lève une main pour demander le silence.
— Je vous laisse cinq minutes top chrono pour vous changer !
D'un signe de la main, il nous désigne les vestiaires, qui se trouvent à l'autre bout de la salle. Nous nous précipitons tous dans la direction indiquée silencieusement.
Je m'éloigne discrètement des autres, me glissant dans un coin moins fréquenté du vestiaire, profitant de la solitude pour m'habiller en toute tranquillité. L'uniforme sportif est noir, avec des accents argentés qui captent la lumière à chaque mouvement. Sur la poitrine, un sigle distinctif de l'académie : un œil stylisé, entouré de deux croissants de lune entrelacés, symbolisant la vision secrète et l'art de l'ombre, flanqué des dix étoiles fines que j'ai remporté chaque année ici grâce à mon excellence. Le tissu, léger mais d'une grande robustesse, est conçu pour assurer une grande liberté de mouvement tout en épousant parfaitement la silhouette, sans jamais trop se fixer. Le pantalon est ajusté aux jambes, les poignets de la veste munis de bandes élastiques permettant une totale mobilité.
Je m'habille rapidement, mais soigneusement, évitant de laisser mes bras et mes épaules trop exposés.
Lorsque je termine, je remarque que je suis le dernier à être prêt. Les autres sont déjà habillés, discutant sans gêne, leurs rires et bavardages remplissant l'espace. Je me tiens là, observant discrètement du coin de l'œil, attendant la dernière minute pour sortir.
— Tout d'abord, vous allez faire un petit échauffement rapido ! Dix tours de terrain !
Le professeur claque dans ses mains, et ses mots résonnent dans le gymnase, interrompant les murmures de mes camarades. Je n'hésite pas une seconde et me mets à courir, suivant les délimitations d'un pas assuré. La sensation de mes pieds frappant le sol, le rythme qui s'installe lentement dans mes jambes... le sport m'avait vraiment manqué. Il y a quelque chose de réconfortant dans la simplicité d'un effort physique, dans la répétition du geste. Tout devient plus facile lorsque tu te concentres uniquement sur ta respiration et ton corps en mouvement. C'est agréable.
Je dépasse les autres, certains plus lents, d'autres encore hésitants dans leurs gestes. Mais moi, je me sens libéré. L'air frais entre dans mes poumons, et je sens mes muscles se réveiller sous l'effort. Dix tours de terrain. Ça peut sembler beaucoup, mais c'est exactement ce qu'il me faut pour retrouver ma concentration, pour oublier un instant l'ambiance tendue de la demeure familiale durant ces dernières vacances.
Chaque tour me rapproche un peu plus de la sensation de bien-être que je cherchais. La fatigue, au fur et à mesure, s'installe, mais je l'accepte comme une vieille amie. La douleur dans mes jambes, le souffle court, tout ça fait partie du jeu. Rien n'est plus agréable que de retrouver cette sensation de maîtrise de soi, celle qui me permet de me retrouver dans une sorte de bulle d'énergie pure.
J'ai toujours fonctionné ainsi, j'ai besoin de bouger pour me sentir bien, c'est comme si mon corps réclamait cet effort pour se réveiller, pour se libérer des tensions. Mais je ne pense pas que ce soit le cas des autres. Pour la plupart, ils n'ont même pas l'étoffe d'être ici. Ils courent sans conviction, sans cette flamme qui m'anime, ils se contentent de suivre le mouvement, sans se soucier de ce qu'ils font. Ça tape à l'œil, c'est évident. Ils cherchent l'apparence, l'image d'une performance sans jamais chercher à la comprendre réellement.
En dix ans de scolarité, j'ai observé ces gens, toujours les mêmes, qui se laissent aller dans la facilité, qui arrivent à sourire bêtement et à bavarder entre amis comme si de rien n'était. Leur insouciance me sidère. Ils vivent dans un monde où rien ne semble les perturber, rien ne semble vraiment les toucher. Mais moi, je suis différent. Je suis le seul à prendre tout réellement au sérieux. Chaque geste, chaque mouvement, chaque détail compte pour moi. Parce que je sais que ce sont ces petites choses qui feront la différence, qui feront de moi quelqu'un d'autre, de meilleur. Pour plaire à la hyène.
Ils ne comprennent pas. Ils sont pathétiques, à leurs yeux tout est un jeu. Pour eux, cette académie est juste un décor, une scène où ils jouent leur rôle sans en mesurer les enjeux. Ils ne voient pas ce que cela demande, ni ce que cela implique. Mais moi, je le vois. Et tout ce que je vois, c'est une foule de visages déconnectés, perdus dans leur propre reflet, incapables de comprendre la véritable importance de ce qui se passe ici.
— Très bien ! Rassemblement !
Le ton du professeur est sec et autoritaire, nous incitant à nous déplacer immédiatement.
— Pour aujourd'hui, on va faire des révisions de l'année dernière. Vous allez tous refaire le parcours "Enfer des Ombres". Sauf que cette fois, ce sera moi votre cible. Prenez garde aux pièges et surtout je ne dois pas savoir à l'avance que vous tentez quoi que se soit pouvant me ôter la vie !
Une onde de murmures traverse le cinquième gymnase. Les visages de mes camarades se sont éclairés, et certains échangent déjà des sourires excités. Pour eux, c'est un exercice comme un autre, presque une partie de plaisir. Mais moi, je sais que ce ne sera pas aussi simple. Chaque détail de ce parcours compte. Le professeur a bien l'intention de nous mettre à l'épreuve, et il ne va pas hésiter à rendre les pièges plus redoutables que jamais.
Le professeur nous indique qu'il va se placer quelque part dans la zone, mais il garde le lieu secret. On doit attendre dix minutes avant de commencer le véritable cours. Une pause stratégique, mais elle semble interminable. Certains s'installent sur le sol pour se concentrer ou discuter de leurs projets pour les futurs examens, d'autres se lèvent et commencent à faire quelques étirements, comme s'ils étaient déjà en mission. Moi, je me tiens là, les bras croisés, observant les différents visages autour de moi. Le temps me paraît lourd. L'adrénaline commence déjà à monter, mais je n'ose pas me laisser distraire.
Je lève le nez vers le panneau d'affichage. 19h15. C'est parti !
Sans perdre une seconde de plus, je m'élance hors du bâtiment, sentant l'air doux de ce début de soirée caresser mon visage. Mes jambes se mettent en mouvement presque instantanément, mes pieds foulant le sol avec une rapidité contrôlée. Je me dirige sans hésiter vers la zone EDO. La nuit est splendide, un ciel parsemé d'étoiles qui brille avec une intensité presque surnaturelle, et l'air est vif, parfait pour l'effort.
Il n'y a que comme ça qu'on peut bien commencer l'année !
Une première épreuve pour tester nos capacités, pour voir si la pause estivale a bien fait son travail de récupération ou si, au contraire, elle nous a affaiblis.
Une fois arrivé sur la ligne de départ, je m'immobilise volontairement, laissant mes camarades continuer d'avancer. Je prends une profonde inspiration, ajustant mentalement ma concentration avant de m'élancer à mon tour. Pourtant, au moment où je m'apprête à faire un premier pas, un grondement lointain attire mon attention. Ce bruit, reconnaissable entre mille, provient d'un moteur. Intrigué malgré moi, je tourne légèrement la tête, incapable d'ignorer cette curiosité qui s'impose. À quelques mètres, j'aperçois trois camionnettes débouler à toute allure, soulevant un nuage de poussière dans leur sillage. Elles se dirigent droit vers le sixième gymnase, celui qui, comme chacun le sait, est formellement interdit d'accès aux étudiants.
Les véhicules s'immobilisent brutalement, leurs moteurs grondant encore brièvement avant de s'éteindre. Un silence tendu s'installe, mais pas pour longtemps. Les portières claquent presque simultanément, et une poignée d'hommes cagoulés descend avec une précipitation qui en dit long. Mon souffle se bloque lorsque je les vois ouvrir les coffres. Une par une, des silhouettes humaines en émergent, tirées sans ménagement par ces hommes. Mon cœur s'emballe, mais je reste figé, hypnotisé par la scène. Qui sont ces gens ? Pourquoi les emmènent-ils là ?
Sans vraiment comprendre pourquoi, une petite voix dans ma tête me murmure de me rapprocher, de ne pas quitter des yeux ce spectacle fascinnant. Malgré l'appréhension, je cède à cette impulsion. Prudemment, je me glisse entre les buissons qui bordent le gigantesque domaine, m'enfonçant dans l'ombre pour éviter d'être vu.
De ma cachette, je distingue enfin clairement les formes qui descendent des véhicules. Il y a des personnes d'âges divers : des adultes, des petits enfants, et même un ou deux visages marqués par le poids des années. Mais parmi eux, une figure se détache. Une jeune fille avec de longs cheveux clairs qui scintillent sous la lumière blafarde des phares. Elle semble perdue, désorientée. Ses yeux balayent les alentours avec panique, comme si elle cherchait désespérément une échappatoire ou peut-être un secours invisible.
Je fais un pas en avant, mon cœur tambourinant dans ma poitrine à cause de l'excitation, mais au moment où je tente de m'approcher davantage, nos regards se croisent. Elle me voit. Une peur inexplicable la traverse, mais elle n'a pas le temps de réagir.
— Qu'est-ce que tu regardes ? hurle une voix rauque.
Un des hommes s'avance brusquement vers elle, la saisissant violemment par le bras. Elle grimace sous la pression.
— Vous me faites mal ! proteste-t-elle d'une voix tremblante, presque suppliée.
Je plisse les yeux. Il la touche à peine.
Quelle sainte-nitouche.
— Je t'ai demandé ce que tu regardais, petite conne ! Éructe-t-il.
Son pied fuse sans préavis et percute son flanc. Elle s'effondre lourdement au sol, étouffant un gémissement.
Fragile.
— Rien, grogne-t-elle en tentant de se redresser, le visage crispé de douleur.
L'homme, agacé, fait passer le faisceau de sa lampe-torche sur le périmètre. Mon cœur manque un battement. Je me recroqueville instinctivement derrière les feuillages, espérant que l'obscurité suffira à me dissimuler. Le faisceau balaie l'endroit où je me tiens, puis s'éloigne enfin. Une fois sûr qu'il ne regarde plus dans ma direction, je relève la tête juste à temps pour voir la jeune fille être poussée sans ménagement à l'intérieur du bâtiment.
Pourquoi ? Pourquoi sont-ils là ? Une multitude de questions se bousculent dans mon esprit, mais aucune réponse ne semble venir. Une seule certitude s'impose : je dois découvrir ce qui se passe.
Pourtant, je me rappelle vite qu'il serait suicidaire de rester ici plus longtemps. L'endroit est trop exposé, et j'aurait des problèmes avec la direction si ces hommes me surprenaient. Je jette un dernier coup d'œil, gravant l'image de la scène dans ma mémoire, puis tourne les talons.
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