Chapitre 18
April
OK, calme-toi, Apy, calme-toi. Respire... Ҫa va aller... Ҫa va forcément aller.
Un jour, j'ai lu dans un livre qu'on pouvait s'hypnotiser soi-même. Rien de bien compliqué, disait l'auteur : il suffit de se répéter des affirmations positives et de croire très fort en leur pouvoir.
Sauf que moi, je n'y arrive pas. J'essaie pourtant, depuis des heures. Je ferme les yeux, inspire profondément, et je me répète en boucle : "Tout ira bien, tout ira bien, ton kidnappeur va rentrer, il va te détacher gentiment, peut-être même te raccompagner chez toi..." Mais à chaque répétition, un rire cynique me monte à la gorge.
Je n'y crois pas une seconde. À vrai dire, je n'ai jamais cru à ce genre de conneries. Les contes de fées, les sauveurs héroïques, ça n'existe pas. Je le sais. Je l'ai appris à mes dépens.
Je tourne en rond, littéralement, dans ces deux mètres carrés étouffants. D'abord à genoux, puis accroupie, je finis par me balancer d'avant en arrière, comme pour me bercer, pour me rassurer. Mais ça ne marche pas. Rien ne marche.
J'en ai ras le bol d'être enfermée !
Cela fait combien de temps, maintenant ? Des jours ? Des semaines ? J'ai arrêté de compter. D'abord la camionnette, puis la cage, ce mur gris, et maintenant... un putain de placard ! Un simple placard, à peine assez grand pour que je m'allonge, éclairé par une ampoule nue au plafond. Je vais craquer.
Mon bras me fait mal. Cette douleur sourde, constante, me rappelle la longue cicatrice qui le traverse. Ils m'ont droguée, ça, je le sais. Je me souviens à peine des détails, juste des bribes : l'aiguille, l'engourdissement, puis l'obscurité. Quand je me suis réveillée, mon os, que je pensais brisé, avait été réparé. Pourquoi ? Pourquoi prendre soin de moi pour ensuite me traiter comme... comme une proie ? Une marchandise ? Une chose ? Je ne comprends pas. Je ne comprendrai peut-être jamais.
Piquée par une curiosité née de l'ennui pesant, je finis par me redresser. Mes genoux protestent, mais je me hisse sur la pointe des pieds pour examiner les étagères au-dessus de moi. Des vêtements soigneusement alignés. Une pile de pantalons, une autre de T-shirts, des chemisiers, des joggings. Et là, un bac rempli de chaussettes et de sous-vêtements. Rien d'intéressant, rien qui puisse m'aider. Juste à côté de l'entrée, un minuscule espace penderie. Deux vestes et un manteau y pendent, tristes et abandonnés. Et pourtant, quelque chose attire mon attention.
Dans le mur, juste derrière les vêtements, il y a une anomalie. Une légère protubérance, un relief inhabituel. Comme si quelque chose se cachait à l'intérieur. Mon cœur s'accélère. Une cachette ? Un passage ? Ou bien... rien du tout, juste mon esprit qui joue des tours ?
Je tends la main, hésitante, mes doigts effleurant le mur. Mais avant que je puisse m'attarder, un bruit me paralyse.
Une porte s'ouvre quelque part dans la pièce.
Aussitôt, je tire sur le fil suspendu au plafond pour éteindre l'ampoule. L'obscurité m'enveloppe, mais je me force à respirer calmement. Pas de panique. Pas encore. Je me recouche, dos à l'ouverture, feignant un sommeil profond. Mon cœur bat si fort que j'ai l'impression qu'il va trahir ma présence.
Ne bouge pas. Ne fais pas un bruit. Attends.
— Toujours en vie, petite conne ?
La voix masculine résonne à travers la pièce, rauque et empreinte d'un mépris glacé. Le cliquetis de la serrure m'annonce que la porte va s'ouvrir.
Je ne sais pas pourquoi il m'appelle ainsi. Ça me dérange profondément, mais je garde le silence. Je ne veux pas lui parler, ni même lui accorder un regard.
— Je t'ai apporté un truc à bouffer.
Je sens un objet s'écraser contre moi, probablement un sac plastique ou une boîte. Peu importe. Je fais comme si de rien n'était, gardant les yeux fermés, respirant doucement pour simuler un sommeil paisible.
— Oh, tiens tiens, elle dort !
Son ton est moqueur, et je devine qu'il ne croit pas un mot de ce qu'il dit.
— Allez, on me la fait pas à moi. Ouvre les yeux.
Son ordre fuse, coupant l'air comme un coup de fouet. Mais je reste immobile, obstinée dans mon mutisme.
— Dépêche-toi d'obéir, je ne suis pas d'humeur.
Je sens ses pas lourds approcher. Ils résonnent, amplifiant ma tension. Un coup, puis un autre, léger mais insistant, se fait sentir dans mon dos. Il utilise son pied, me bousculant comme on secouerait un jouet cassé.
— Ne me force pas à devenir mauvais, la conne !
Son ton a changé, plus grave, plus menaçant. Avant que je ne puisse réagir, il saisit brusquement mon bras droit. Une douleur aiguë explose là où la cicatrice court sur ma peau. Il appuie, pas assez pour me blesser davantage, mais juste assez pour que je crie, incapable de retenir un gémissement de souffrance.
Dans un geste rapide, il m'attrape et me soulève comme si je ne pesais rien, écrasant son bras contre ma bouche pour étouffer ma voix
— Ferme.ta.putain.de.gueule, articule-t-il, chaque mot sifflement à mon oreille, glacé et tranchant.
Lorsqu'il me relâche enfin, un mélange de panique et d'adrénaline me pousse à agir sans réfléchir. Je me jette sur ses jambes, les saisissant fermement pour lui faire perdre l'équilibre. Il vacille, et dans le chaos, je glisse hors de l'armoire, refermant violemment la porte derrière moi avant de verrouiller la serrure.
Je reste immobile un instant, le souffle court, mon cœur battant à tout rompre. Qu'est-ce que je viens de faire ? Une partie de moi se félicite, mais une autre tremble déjà des conséquences.
De l'autre côté de la porte, sa voix gronde, furieuse. Les coups pleuvent contre la surface, mais elle ne cède pas. C'est là que je réalise que ce que je prenais pour un placard en bois n'était qu'un habillage. À l'extérieur les murs sont en parpaings. Je m'attarde dessus comme si cela avait une réelle importance alors que pas du tout.
Je balaie rapidement la pièce du regard. Elle est plus grande que je ne l'avais imaginé. Il s'agit d'un studio, presque impersonnel. Dans un coin, un lit double aux draps froissés. Une petite table pour deux, vide. Une porte ouverte laisse entrevoir une minuscule salle de bain où trône une machine à laver. Enfin, la porte d'entrée, imposante, mon seul espoir de fuite.
Je me précipite vers elle, les mains tremblantes, mais elle refuse de bouger. Fermée à clé. Pas de poignée intérieure. Pas de verrou visible.
Elle ne s'ouvre pas... Et si...
Je fouille frénétiquement la pièce, retournant les draps, inspectant les coins, ignorant le silence étrange qui s'est installé. Mais alors que mes doigts effleurent la table, une poigne brutale me saisit par le col.
Je tourne la tête, mes yeux s'écarquillant de terreur. Il est là, son visage fermé, froid. Il n'a pas démoli la porte. Ce qui signifie... La clé était ici, avec moi, depuis le début.
— Tu croyais quoi, petite conne ? Pouvoir m'échapper aussi facilement ?
Sa voix est posée, presque calme, mais ses yeux gris lancent des éclairs de colère. Mon estomac se noue. Je ne réponds pas, incapable de formuler le moindre mot.
La gifle part, violente. Ma joue brûle et un gémissement de douleur m'échappe.
— Tu n'apprendras donc jamais, hein ?
Je ne bouge pas, tétanisée. Mon regard glisse vers le sol. Puis je me mets à me tortiller, un mouvement involontaire qui trahit ma gêne. Je ressens une pression désespérée, un besoin physique qui s'impose à moi.
— Envie de pisser, peut-être ?
Je hoche timidement la tête, évitant toujours son regard perçant.
— Je ne sais pas... Tu m'as beaucoup énervé, souffle-t-il, un sourire cruel étirant ses lèvres. Je ne crois pas que tu le mérites.
Mes jambes tremblent, mes pieds restent cloués au sol. Je lève les yeux, croisant les siens. Il sait. Il voit mon visage rougir sous l'effort de me retenir.
— Alors ? Qu'est-ce que tu dis ? Tu mérites un petit tour aux toilettes, petite conne ?
Je ne réponds pas. Je ne peux pas. Mon silence semble le satisfaire, mais mon humiliation est totale.
— Je veux des mots. Dis-moi que tu vas être sage.
— O-oui...
Il m'empoigne fermement par le bras gauche, me tirant à l'intérieur de la pièce. Une fois à l'intérieur, il claque la porte derrière nous et reste appuyé contre celle-ci, les bras croisés, me surveillant comme un fauve prêt à bondir.
— Dépêche-toi.
La voix sèche et autoritaire ne laisse place à aucune hésitation. Ignorant ma gêne, je m'installe sur la cuvette, tentant de cacher du mieux que je peux mon entrejambe. Heureusement que ce t-shirt informe est beaucoup trop grand et me couvre presque entièrement.
Mon souffle est court, haché par la tension qui règne dans cette minuscule salle de bain. Sous son regard perçant, je me soulage, les joues en feu. Une fois terminé, je tire la chasse d'eau et me lave les mains, prenant un temps infini, comme si retarder l'inévitable pouvait m'apporter un semblant de contrôle.
Il s'approche lentement, ses gestes calculés, et attrape une serviette qu'il pose avec nonchalance sur le bord du lavabo.
— Maintenant, entre dans la cabine de douche.
Sa voix claque à nouveau, un ordre net et précis. Je déglutis, l'estomac noué, mais j'obéis. Je ne veux pas le contrarier davantage. Il récupère alors quelques affaires posées non loin : un caleçon, un élastique et un t-shirt blanc propre. D'un geste rapide, il dépose le tout sur la machine à laver.
— Déshabille-toi.
Mon cœur rate un battement. La peur me saisit à la gorge, mes jambes se dérobent presque sous moi. Je recule instinctivement, jusqu'à ce que mon dos touche la paroi froide de la cabine. Une vague de panique me submerge, mes pensées tournant à toute vitesse. Est-ce qu'il veut me faire subir la même chose que ses camarades, cette nuit-là ? Mon corps tout entier se met à trembler, incapable de cacher ma détresse.
Mais à ma grande surprise, son visage change. L'intensité brutale de ses traits s'adoucit légèrement, bien que sa posture reste menaçante.
— Tu n'as pas à avoir peur à ce sujet avec moi. Je ne vais pas te toucher, sauf si tu le demandes, bien sûr.
Ses mots se veulent rassurants, mais ils ne font qu'amplifier ma méfiance. Je secoue la tête frénétiquement, reculant encore, bien que la cabine ne me laisse aucune échappatoire.
— Écoute, insiste-t-il avec un soupir exaspéré, je veux juste que tu te laves. C'est tout. Alors, enlève ce foutu t-shirt.
Je secoue de nouveau la tête, incapable de prononcer un mot.
— Arrête de jouer à ce jeu, ça commence à sérieusement m'agacer. Si tu ne m'obéis pas, je vais devoir te forcer. Et crois-moi, ça ne te plaira pas.
— Je peux le faire seule... soufflé-je enfin, d'une voix à peine audible. Je ne vais rien tenter, alors... s'il te plaît, laisse-moi un peu d'intimité.
Il hausse un sourcil, comme si ma requête était d'une absurdité sans nom.
— Non. Je ne te quitterai pas d'un seul œil. Et demain, je te bâillonnerai pour être sûr que tu ne t'enfuies pas pendant la nuit.
Je le supplie du regard, désespérée, mais il reste inflexible. Il réitère sa demande d'un ton encore plus sec :
— De toute manière, je t'ai déjà vue à poil. Donc, t'inquiète pas.
Justement, je m'inquiète ! C'est un homme ; je suis une jeune fille !
— Trois secondes. Trois secondes pour enlever ce putain de vêtement, sinon je te l'arrache moi-même !
Le ton ne laisse plus place à la discussion. Résignée, tremblante de honte et de peur, je défais lentement le tissus blanc qui me sert de seule protection et dévoile ma nudité. Mes joues brûlent, rougies par l'humiliation.
Je remarque une lueur fugace dans ses yeux, presque imperceptible, mais suffisamment claire pour m'ébranler : un éclat perversement admiratif. Pourtant, il reprend vite une façade neutre et me montre comment allumer l'eau, comme si rien ne s'était passé.
— Lave-toi bien, et n'oublie pas les cheveux, ajoute-t-il en se retournant pour me laisser me mouiller.
Je reste figée un instant, puis je me force à bouger. Alors que l'eau ruisselle sur ma peau, je croise son reflet dans le miroir. À ma grande surprise, je découvre des traits séduisants, presque irréels, qui tranchent avec son attitude glaciale. Il est beau. Terriblement beau. Mais je détourne vite les yeux, horrifiée par mes pensées.
Je me hâte de me laver, pressée de sortir de cette situation terrifiante. Pourtant, son ombre plane toujours au-delà de la porte vitrée, un rappel constant qu'ici, je ne suis jamais seule.
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