CHAPITRE 13 : QUARTIER EST (Partie 2/2)
Clay quitta le quartier est en fin de journée. Sa tête bouillonnait et ses pensées s'y bousculaient et y faisaient un ravage tel une tornade. Il eut de la peine pour son ami. Il allait connaître la vérité, tôt ou tard, et vivre ainsi dans le mensonge n'était pas une chose facile à pardonner.
Le quartier est ne pouvait plus être ignoré de la sorte. Quelques mois de plus et il se comptera parmi les nombreuses menaces qui se dressaient contre la couronne. Décidé, Clay se dirigeait vers le palais dans le but d'en parler sur le champ à sa Majesté.
Le retrouver lui fit perdre une heure supplémentaire, l'équivalent d'une cinquantaine de lettres de la populace. Il finit par le trouver à l'entrée des sous-sol, il trouvait ça assez étrange quand même, car cette partie du palais ne contenait que la prison temporaire, celle où les détenus sont gardés provisoirement en attendant d'être jugés ou interrogés. Il ne comprenait pas ce que le roi Hector faisait là, non accompagné, alors qu'il n'y avait personne en bas qui sollicitait son intérêt.
En questionnant le roi, il n'eut pas de réponse convaincante, rien qui pouvait répondre convenablement à ses questions pourtant si simples, mais il se tut. Clay le suivit à travers les larges et déserts couloirs qui menaient vers le pavillon privé du roi. Montant à l'une des tours vers son bureau, il décida d'aborder le sujet :
- Concernant le quartier des ouvriers, commença-t-il. Avez vous des projets qui pourraient régler le problème et calmer ses habitants ?
Hector, à moitié perdu dans ses pensées, ne semblait guère intéressé par cette question.
- Quel problème ?
- Leur mode de vie, le taux de criminalité qui ne cesse de croître , sans oublier les générations de bandits qu'ils élèvent sous leurs mains !
En prononçant cette dernière phrase, c'était les enfants de Jonah qu'il avait en tête.
- Qu'ils se tuent entre eux jusqu'à ce qu'ils s'exterminent par eux-même.
Clay écarquilla les yeux, stupéfait par cette réponse aussi glaciale que les montagnes du nord. Aucun mot ne franchit sa bouche. Pas qu'il n'avait pas de quoi répliquer, c'était juste qu'aucune de ses réponses ne correspondait à un roi.
Hector remarqua la tension qui s'était créée entre eux, le visage crispé de Clay trahissait ses pensées. Le roi éclata d'un rire aussi fort qu'il fit résonner les étroits escaliers de la tour.
- Tu pensais tout de même pas que j'étais sérieux ! finit-il par dire, une tape sur le dos.
Clay grimaça, puis se força à sourire. Il ne plaisantait pas.
- C'est juste que j'ai beaucoup de choses en tête ces derniers jours. Mais tu as raison, je verrai ce que je pourrais faire pour ce quartier plus tard.
- Des nouvelles d'Aramys ? demanda Clay en essayant de changer de sujet.
- Ce jeune homme s'est totalement évaporé dans la nature.
- Nous devons le retrouver pour connaître sa version des faits, appuya Clay.
Il n'avait toujours pas confiance en Gareth et son témoignage. Quelque chose clochait dans ce gars mais il n'arrivait pas à mettre le doigt dessus. Mais avant qu'il ne parte, il réussit à installer en lui un léger doute, une méfiance qui ne cessait de croître jour après jour. Il se méfiait de tous ceux qui l'entouraient et - toujours honteux de se l'admettre - le roi était au sommet de la liste.
Arrivés au bureau, Hector s'installa sur son fauteuil et se mit à écrire sans relever sa tête une seule fois. Clay attendit en silence, regardant autour de lui, jetant quelques coups d'œil à l'extérieur, bien qu'il n'avait toujours pas réussi à triompher sur sa peur des hauteurs.
- Si je peux vous interrompre quelques instants, je voudrais savoir si vous pouvez m'envoyer à la recherche d'Aramys, finit-il par lâcher, à bout de patience. Vous ne serez pas déçu, je ferai du bon travail et vous aurez quelqu'un de confiance pour l'interroger.
Le roi demeura silencieux, écrivant toujours sa lettre. Clay retint sa respiration, le roi était en train de tester sa patience ou quoi ? Il ne voyait que ça.
- Et éloigner mon garde du corps de moi ? Ce n'est pas très sage, tu ne trouves pas ? Demanda Hector sans quitter la feuille du regard.
Clay s'apprêtait à argumenter quand le roi lui tendit la feuille, à présent roulée et cachée avec le sceau royal.
- Tiens ! Je te charge d'envoyer ça à Gathême par pigeon voyageur.
- C'est pour mon père ? Questionna Clay.
Le roi soupira.
- Oui. Je tiens à l'informer de l'arrivée de ma fille peu de temps après la réception de cette lettre.
- Vous ne le lui dites que maintenant ? Ça fait quatres jours que la princesse Dahlia a quitté Ürain !
Le roi le foudroya du regard. Bon, il avait peut-être dépassé ses limites en s'immisçant constamment dans les affaires du roi. Il était le fils du conseiller et non le conseiller lui-même.
Il prit le bout de papier de la main du roi et s'inclina avant de quitter le bureau en silence.
Cela n'avait absolument aucun sens. La princesse échappe à une tentative de meurtre, un complot contre elle est confirmé grâce à un témoignage le lendemain, et le roi ne daigne même pas en parler à son conseiller ? En jugeant la panique et la peur dont il avait été victime ces derniers jours, Clay pensait que son père allait être rattrapé et ramené sur le champ. Sans parler de cette confiance aveugle qu'il avait en ce témoin. Aucun roi ne confie son héritière à un inconnu, même le plus fou d'entre eux !
Certainement, quelque chose ne tournait pas rond chez le roi. Chaque pas supplémentaire qui le menait vers la tour où était gardée la volaille faisait croître son doute et ses questionnements. La curiosité rongeait son cœur alors que le bout de papier roulé tournait entre ses doigts habiles. Il grimpait les escaliers deux à deux, faisant ressortir cette impatience qui flamboyait en lui.
Arrivé à destination, le garde du corps s'immobilisa devant les cages, regard orienté vers le fameux message à envoyer.
" Il pourrait contenir quelques réponses à mes questions. " résonna une voix dans sa tête. L'envie s'empara soudainement de lui, ses mains devinrent moites et le rythme de son cœur s'accéléra.
" L'espionnage, c'est pas fait pour moi. Mon rôle est de le servir et non de nourrir ma curiosité. " se dit-il en ouvrant la cage.
" Pourtant je suis impliqué ! Comment le défendre si je ne connais même pas la nature du danger !" d'un geste lent referma la même porte.
Il s'éloigna de là, vers une torche accrochée au mur. Il regarda le sceau royal et réfléchit. S'il ouvrait le message ici, le destinataire le saura, pour sûr. Mais si jamais il l'envoyait sans en connaître le contenu, cela allait le ronger toute sa vie. Après tout, il n'avait qu'à tout nier, il était un serviteur exemplaire du roi, un fils sage et digne de confiance. Pourquoi est-ce qu'ils douteraient de lui ?
Il serait le dernier à avoir le message entre les mains, certes, mais les routes sont pleines de surprises. Quelqu'un pourrait très bien intercepter ce pigeon. Les espions sont partout.
Clay sortit son épée de son fourreau. Le son métallique le fit frissonner. Il fit passer la pointe de son arme sur les flammes dansantes de la torche, le faisant à peine chauffer. Puis, avec la plus grande des précautions, il fit soigneusement passer la chaude lame entre la cire et le papier. C'était une tâche assez compliquée, vu la différence de taille entre son épée et la petite forme circulaire qu'avait le sceau. Heureusement, Clay était quelqu'un de très patient, ce qui l'avait grandement aidé lors de cette pratique délicate. Cela ne prit guère beaucoup de temps avant que le sceau de cire ne se détache complètement du papier.
" Bien !" Se dit-il " il ne reste plus qu'à réchauffer à peine la cire pour que tout recolle à merveille. "
Il essayait de se rassurer autant qu'il le pouvait, mais son angoisse ne quittait pas sa poitrine.
Le jeune blond soupira. Il avait réussi après tout. De ses doigts légèrement tremblants, il déroula le bout de papier et fit face à la fine écriture du roi. Ce message ne contenait que cinq phrases séparées. Elles ne représentaient rien de révélateur pour Clay, mais elles étaient quand même assez inquiétantes. Il n'y avait rien compris, mais il savait qu'elles n'informaient pas Arynn de l'arrivée de la princesse. De plus, les mots employés n'avaient rien de rassurant.
" Ce qu'on redoutait est enfin arrivé. L'histoire refait surface. C'était dur mais j'ai pris ma décision. Cela mérite le sacrifice. Le problème sera très vite éliminé pour de bon."
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