CHAPITRE 01: UNE OPPORTUNITÉ QUI NE SE REFUSE PAS (Partie 2/2)
Rideaux tirés, portes et fenêtres fermées, la pièce dans laquelle s'assirent les trois jeunes hommes autour de la table était éclairée par une seule et unique chandelle. L'air bloqué à l'intérieur de la maison de Pitt était lourd, et l'odeur de moisissure piquait sévèrement le nez de Gareth. Depuis combien de temps cette maison n'avait pas vu la lumière du jour ? Il n'aurait su le dire, il ne pouvait y penser, ni même réfléchir tout court.
La mauvaise odeur lui montait à la tête, ce qui le mettait très mal à l'aise. Un bon nombre d'assiettes et de bols crasseux étaient empilés ça et là dans le coin qui lui servait de cuisine, les planches craquaient toutes seules et sans raison apparente, et les poutres qui servaient à maintenir la bâtisse debout étaient déformées par l'humidité de source inconnue qui régnait dans les lieux. Les piliers pouvaient lâcher, et la maison pouvait s'effondrer sur leurs têtes à tout moment.
Al ne semblait se plaindre de rien du tout. Par contre, les regards assassins qu'il lui jetaient étaient flagrants, mais Gareth décida de les ignorer, Alain était un mauvais perdant et il n'allait évidemment pas se rabaisser à son niveau. Sa victoire était totalement méritée, et il n'allait pas rendre la jument et abandonner sa récompense pour quelques regards inoffensifs.
- Pourquoi faudrait-il toujours que tu y ailles à l'extrême ! s'exclama Gareth agacé. J'ai horreur du noir et cette ambiance m'angoisse ! Toute ta maison m'angoisse; on pourrait y laisser la vie à tout moment !
- Ce que je m'apprête à vous révéler ne doit absolument pas être entendu, répondit Pitt instantanément.
Gareth roula des yeux, habitué à l'exagération de son compagnon. Ayant toujours le dernier mot, il répliqua :
- Je doute que le voisinage soit intéressé d'entendre les plans et les coups-bas de trois pauvres gars comme nous.
- Écoutons ce qu'il a à dire, intervient Al, l'impatience se lisait clairement dans le regard. Plus vite il parlera, plus tôt tu iras retrouver la lumière du jour.
S'adossant à son siège les bras croisés, il se tut à contre cœur.
- Bien ! lâcha Pitt, ravi. Une connaissance à moi qui habite à Föhra m'a parlé d'une demeure. D'après ces dires, il s'agit du manoir d'un noble qui vient juste d'être aménagé.
Les ombres qui dansaient sur son visage au rythme de la flamme ajoutaient du poids à ses paroles, la cicatrice qui lui fendait les lèvres, quant à elle, lui donnait un côté sinistre. Bien qu'il n'avait pas encore fini son idée, ses deux compagnons comprirent parfaitement où il voulait en venir.
- On s'en ait encore jamais pris à ce genre de personnes par le passé ! le coupa Gareth, surpris.
- Et alors ? demanda Al agressivement. Il y a une première fois à tout.
- Tu penses vraiment qu'un manoir serait aussi facile d'accès que les petites fermes dont tu as l'habitude ?
- Oh, les gars ! s'éleva la voix de Pitt, accompagnée du bruit sourd de son poing contre le bois de la table. Pouvez-vous me laisser finir ?
Le silence s'installa de nouveau. Mais une tension naissante était palpable entre les deux jeunes hommes.
- Le manoir est fraîchement aménagé mais n'est pas encore habité. Son propriétaire ne sera sur place que demain, après avoir assisté à je-ne-sais-quel événement au château, à la capitale. Ce qui nous laisse largement le temps de frapper.
Le jeune brun pensa qu'un noble qui avait un contact direct avec la famille royale n'est jamais qu'un simple noble. Cette histoire ne lui disait rien qui vaille.
- Et heureusement pour nous, les endroits tels que celui-ci ne sont jamais gardés, lâcha Gareth d'un temps sarcastique.
- Épargne nous tes commentaires débiles ! Le piqua Al.
- Et toi apprends à accepter la défaite ! Répondit instantanément Gareth.
- Le gars qui m'a communiqué cette information s'avère être l'un des gardiens du manoir, s'éleva la voix de Pitt pour venir couvrir les deux autres. J'en ai marre de vos disputes, on dirait de vieilles veuves !
Il attendit quelques secondes afin de s'assurer que les deux jeunes hommes se soient bien calmé, puis reprit :
- Il est prêt à nous aider à condition de partager les gains avec lui.
Gareth eut un léger rire moqueur.
- Tu ne peux pas croire tout le monde sur n'importe quoi, Pitt. Tu penses vraiment qu'il risquerait son poste pour que tu te fasse de l'argent facile ?
- Arrête de nous mener la vie dure ! C'est toi le petit nouveau entre nous et il te reste beaucoup à apprendre, fit remarquer Al.
Le jeune brun l'ignora tout bonnement, il était vrai qu'il était le dernier à intégrer leur petit groupe, mais il était bien sûr qu'il les surpassait grandement en matière d'intelligence, c'était d'ailleurs pour ça qu'ils avaient tant tenu à l'avoir parmi eux. Il leur avait épargné à maintes reprises, depuis son arrivée, à se faire prendre.
Les sourcils froncés par son mécontentement, il dirigea son regard vers Pitt :
- Bien ! Que propose ton ami ? Il doit bien avoir un plan, non ?
Pitt prit un moment, remettant de l'ordre dans sa tête et révisant les propos du gardien afin de n'en oublier aucun détail.
- Il s'avère être un gardien de jour. Il sera remplacé aujourd'hui à la tombée de la nuit, il ne sera donc en aucun cas soupçonné d'être impliqué dans ce cambriolage.
- C'est déjà un bon point, commenta Gareth.
Hochant la tête, comme pour appuyer les propos de son coéquipier, Pitt poursuivit :
- Il m'a gribouillé un plan approximatif du manoir, et des positions qu'auront les différents gardes présents cette nuit.
- T'as-t-il ajouté les clés des portes principales ou doit-on toquer ?
Al pouffa contrairement à Pitt qui ne trouvait cette question aucunement drôle, il se contenta de se masser lentement les tempes, simulant un mal de tête.
- Il m'a assuré qu'il allait laisser les deux portes du sous-sol déverrouillées, mais il faut agir avant que le gardien du rez-de-chaussée s'en aperçoive.
- Ce qui nous laisse combien de temps à peu près ? demanda Alain.
- Environ une heure.
- Une heure ! s'exclama Gareth. C'est très peu pour faire le tour d'un manoir ! Pour accomplir une infiltration aussi risquée que celle-ci, il nous faut fouiller un maximum de pièces et éviter de sortir les mains vides !
Pitt étala le parchemin où était tracé maladroitement un semblant de plan de maison. tapotant dessus avec impatience, il argumenta :
- Trois gardes seront disposés un peu partout à travers le manoir, on ne peut pas prendre le risque de s'y attarder !
- Je pense qu'on fonce tout droit dans la gueule du loup ...
- Moi, je suis partant. déclara Al calmement.
Les deux paires d'yeux se tournèrent alors vers Gareth, attendant sa décision finale. Ce dernier hésitait énormément, après analyse de la situation, il était convaincu que le plan de leur "meilleur coup" ne tenait qu'à un fil, et qu'il suffisait de rien pour que tout n'échoue et qu'ils se fasse prendre.
- ça sera sans moi, désolé. finit-il par dire.
- Quoi ? je m'attendais à mieux de ta part ! s'exclama Al, surpris.
- Contrairement à toi, j'ai un cerveau, répondit-il ennuyé. Je trouve que ce plan n'a aucune chance de marcher ... et les décorations des prisons n'ont jamais été à mon goût.
Pitt ne semblait pas du tout satisfait. se mordant l'intérieur des joues, il plongea ses iris sombres dans ceux de Gareth. Son regard en disait long sur ce qu'il pensait, il ne pouvait se passer de Gareth sur ce coup. Il fallait dire ce qu'il en était, Alain avait beau être un expert en cambriolages, il était loin d'avoir la vivacité d'esprit et la ruse nécessaires pour cette mission. Pitt avait besoin de Gareth, et ce dernier le savait.
- Tu sais très bien que ce coup ne peut réussir qu'en étant à trois, finit-il par dire.
Il transmit son message ainsi pour éviter de vexer le gros tas de muscles qui était assis à côté de lui, mais celui que son regard exprimait était clairement : " Tu sais très bien que ce coup ne peut réussir sans toi".
- Je tiens à ma liberté, insista le jeune brun, défiant son regard.
- Tu n'avais pas perdu une grande somme d'argent aux paris, la semaine passée ? demanda Al d'un air innocent. J'ai cru comprendre qu'elle appartenait à ton frère.
Gareth fronça les sourcils de mécontentement. Il n'appréciait guère cette façon de le convaincre de changer d'avis. Ils avaient touché un point très sensible
- Dans ce cas, tu ne trouveras pas une meilleure opportunité pour rembourser ton frère, enchaîna Pritt.
Ayant perdu son pari, il prit la liberté d'utiliser l'argent de son frère, Harold, pour payer ses dettes. Pour résultat à cet acte irréfléchi, il fut chassé de la ferme jusqu'à ce qu'il récupère l'argent perdu.
Si cette nuit se passe comme prévu, sa famille allait forcément l'accueillir de nouveau parmi eux.
Il en avait clairement marre de passer ses nuits dans ces ruines qui servaient de maison à Pitt, et pensait sincèrement qu'il était encore trop jeune pour mourir écrasé sous ses planches et ses briques.
Sans dire un mot de plus, il baissa la tête, fixant les fissures irrégulières de la table, et ses deux coéquipiers comprirent exactement ce que cela signifiait.
Quelques minutes passèrent, et pour une fois depuis le début de leur réunion, personne ne répliqua. Un silence tombal s'installa entre les jeunes hommes. Les regards échangés entre les trois étaient chargés de signification.
Ils allaient passer à l'action cette nuit.
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