Chapitre 33

J'ai besoin de réfléchir, alors, je rejoins ma cachette secrète. Elle est tout en haut de la colline, où je peux observer toute la citée. Quand je suis arrivée, je suis étonnée de découvrir qu'elle n'a pas changé d'un pouce. L'herbe n'a pas poussé, l'arbre n'a ni grandi ni vieilli. Je m'allonge et observe le ciel étoilé. Les lunes ne sont pas encore présentes, alors j'attends. Je me souviens, depuis cette colline, les lunes semblent plus grandes et plus lumineuses. Cependant, quand elles arrivent, elles sont voilées de noir, comme la dernière fois. Je panique, est ce que la créature sombre va apparaitre de nouveau ? que se passe-t-il ? Alors, comme pour me rassurer, Diafi se matérialise sur mes genoux et réclame des caresses. Je m'exécute, je caresse son doux pelage, sa tête, entre ses deux cornes. Elle en profite pour me lécher les doigts, j'en oublie complètement les lunes. Quand je suis complètement sereine, Diafi décide de m'expliquer :

- Pour trouver ta famille, tu dois suivre les lunes, elles connaissent le chemin.

- Je le sais, c'était écrit dans la lettre de mon frère.

- Oui, je sais. Cependant, tu ne cherchais pas vraiment. Tu n'essayais pas de comprendre. Louis t'a pourtant montré ce qu'il a découvert grâce à ces livres. Tu as toutes les pièces du puzzle en main, maintenant, il faut juste que tu les assembles. Et peu importe ce que tu vas découvrir, même si cela ne te plaît pas, il faut que tu le fasses.

Je ne comprends pas ce qu'elle veut dire, ni où elle veut en venir. Alors, j'essaye de comprendre. Je résume ce que je sais, et met de côté ce que j'ignore. Soudain, j'ai un déclic. Comment est-ce que j'ai pu manquer ça ? Je me lève brutalement, faisant tomber Diafi qui ne semble pas apprécier et qui retourne dans ma tête. Je me précipite en direction de la bibliothèque, en chemin, je bouscule de nombreuses personnes : des enfants, des entraineurs qui pestent, enfin, sauf ceux qui me connaissent. En revanche, les enfants, eux, me crient dessus. Certains, des intemporels surtout, commencent à prononcer une formule pour me lancer un sort, comme pour se venger. Cette fois, contrairement à quelques heures plus tôt, je n'ai pas peur de perdre le contrôle. Alors, j'encaisse leurs attaques, mais, comme prévu, elles ne me font rien, pour plusieurs raisons évidentes : grâce à Diafi et mon imagination, j'ai pu matérialiser un champ de protection, les entraineurs arrêtent certains des enfants et ils sont un peu trop faibles pour le moment. Ébahie, que je résiste à leurs sorts, ils me laissent passer. J'atteins la bibliothèque en quelques minutes et rejoins la table de tout à l'heure. Je m'attendais à revoir mes livres éparpillés un peu partout sur la table, mais non, le bibliothécaire semble avoir fait son travail, c'est-à-dire ranger les livres. Alors, je ressors un à un tous les livres, les répands sur la table et les ouvre à la même page. Le premier livre est sur les lunes, le deuxième sur la Grande Guerre, le troisième sur les Dieux et le dernier sur les grandes lignées. Je retourne vers l'étagère consacrée aux différents dieux pour en trouver un sur Tinùviel. Malheureusement, je n'en trouve aucun, comme si quelqu'un avait voulu effacer toute trace de son existence. Je retourne déçue vers ma table, m'assois et feuillette l'ouvrage sur les dieux. De nombreuses enluminures attirent mon attention. Elles représentent les différents dieux. Au centre, il y a Ulena qui est la fondatrice de la lignée des Oraculus, déesse des lunes et des divinations. A sa gauche, Ulthoz, fondateur de la lignée des Dassinatus, dieu de la création, ainsi que pleins d'autres dieux, environ une dizaine, mais, aucune représentation de Tinùviel. Finalement, je trouve un petit paragraphe sur lui à la fin du livre.

Selon la légende, Tinùviel est un dieu qui serait tombé par accident dans le lac d'Oxotz. Il aurait épousé l'Orrylienne qui lui a sauvé la vie, c'est ainsi qu'est né la lignée de Tinùviel.

Je referme le livre, déçue. Je n'ai rien appris de très intéressant, je connaissais déjà toutes ces informations et, ce livre n'a pas répondu à mes questions, au contraire, maintenant, j'en ai des nouvelles ! Je prends le livre sur les grandes lignées dans l'espoir d'apprendre quelques choses d'utiles. La première page est la définition d'une grande lignée.

A la base de chaque grande lignée, il y a un dieu ou une déesse qui se marie avec un Orrylien. Ensemble, ils donnent naissance à un enfant avec de grands pouvoirs et la capacité du divin. En gros, l'enfant a de puissant pouvoir et en plus, de temps en temps la capacité du parent divin.

Quand je lis cette définition, je ne comprends pas. Je ne comprends pas pourquoi sa lignée, celle de Tinùviel n'est pas considérée comme Grande ? Pourtant, Tinùviel est un dieu. Je range mes questions dans un coin de ma tête et regarde rapidement la fin du livre qui parle des différentes lignées et de leurs caractéristiques. Puis, je prends l'œuvre sur la Grande Guerre. Il est plus abimé que les autres, comme s'il avait été plus souvent lu et emprunté. Cependant, même si le texte semble passionnant, ce n'est pas ça qui attire mon attention. Non, ce sont les petites annotations dans le coin des pages qui m'intéresse. Même si les écrits ont été gommés de nombreuses fois, j'arrive à entrevoir des mots. La bibliothécaire n'aimant surement pas que quelqu'un écrive sur ses précieux ouvrages, je prends une feuille de papier, la pose sur le livre et colorie. L'écriture effacée apparait, mais, ce n'est pas ça qui m'étonne le plus, non, c'est l'écriture. C'est celle du vieux chercheur. Néanmoins, il semble beaucoup, beaucoup plus jeune. En effet, le vieux chercheur que je connais ne l'était pas autant de point d'exclamation. Ayant toujours trouvé ses recherches très intéressantes, je lis les petites notes dans l'espoir de trouver un indice.

Les créatures de l'ombre viennent des désirs et des illusions des Orryliens abrutis, pourquoi vous n'arrivez pas à le comprendre ?!!!! Comment ont-elles pu disparaitre ????? La population augmente, donc, les désirs et les illusions, alors comment ??? Y a-t-il un lien avec cet étrange dieu que je semble avoir oublié ? S'ils ne comprennent pas, elles vont revenir, c'est inévitable.

En lisant ces notes, une seule pensée me vient en tête, pourquoi cet abruti n'a-t-il rien dit ? Il aurait pu éviter ce carnage, tous les événements d'aujourd'hui. Dans ma tête, Diafi se tortille, comme quand elle se retient de me révéler une information. Alors, je lui demande :

- Pourquoi n'a-t-il rien dit ?

- ...

- Je sais que tu connais la réponse, alors, pourquoi ?

- ...

D'habitude, Diafi est très bavarde, pourtant, depuis peu, elle semble avoir perdu sa langue. Alors, que j'ai besoin d'elle. Je prends le dernier livre sur les lunes, cependant, quand je l'attrape, je fais tomber un bout de papier avec des notes dessus. Je le ramasse, elles viennent d'un intemporel. Les notes, étant toujours plus intéressantes que le livre, je commence à la lire.

J'écris cette note, à l'intention des futures générations. Dans cette note, vous trouverez toutes mes interrogations et observations durant cette Grande Guerre, qui, merci Kroünos, est terminée. Premièrement, durant la Grande Guerre, à plusieurs reprises, je suis sûr d'avoir vu les lunes plus sombres qu'à la normal, ce qui, est insensé. Comment serait-ce possible ? De plus, certaines nuits, elles étaient si brillantes, comme si elles se reflétaient dans un miroir. D'après mes calculs, seuls quatre lacs ou étendu d'eau peuvent jouer ce rôle de « miroir » : le lac d'Aerul, la mer d'Ujinthe, le lac d'Oxotz, le marais d'Ortiz.

Cette note, en plus de m'apprendre de nombreuses choses, confirment mes soupçons, il faut que j'aille au lac d'Oxotz, sinon, pourquoi serait-il mentionné dans un livre et une note ? Heureuse, je range les différents livres et va à l'étage des cartes. Cependant, il n'y en a que des récentes, où, le lac d'Oxotz n'est pas mentionné. Cependant, je ne me laisse pas abattre, je sais qui est ce qui conserve les cartes. Alors, je sors, et me dirige vers la maison de Cerise. Dans les rues désertes et sombres, je profite du silence, de cette joie d'avoir piste, même faible. Je suis étonnée, de découvrir que la lumière est encore allumée malgré l'heure avancée. Mais, cette lumière m'invite à toquer sans aucune gêne. On m'ouvre rapidement la porte, cependant, ce n'est pas Cerise que je découvre, mais Charotte qui s'exclame :

- C'est une blague j'espère. Pourquoi est-ce que les macaques viennent chez moi maintenant ?!

Je ne sais pas si c'est la voix de sa fille ou l'expression macaque qui attire Cerise, mais, elle se précipite vers nous.

- Charlotte, ce n'est pas comme ça que je t'ai élevée ! la réprimande-t-elle, Il est tard, va te coucher, maintenant.

- Oui maman. Marmonne-t-elle en montant les escaliers pour rejoindre sa chambre

- Excuse-moi Emelyne, entre, fais comme chez toi.

J'entre, essuie mes chaussures et rejoins le petit salon. Cerise me rapporte une tasse de thé fumante, comme si elle savait que j'allais venir. Quand nous sommes toutes les deux bien installées, elle me demande :

- Que puis faire pour Emelyne ?

- Est-ce que tu aurais une vieille carte s'il te plait ?

- Oui, elles sont dans le grenier. Mais, pourquoi en as-tu besoin ?

- Je crois que j'ai retrouvé ma famille, mais, il me faut une ancienne carte.

- Pourquoi, les nouvelles ne te conviennent pas ?

- Non, le lac que je cherche n'y figure pas.

Alors que Cerise réfléchit à ma proposition, j'en profite pour bailler. Cerise esquisse un sourire et dit :

- Il se fait tard, nous en parlerons demain matin. Tu peux dormir sur le canapé.

- Merci.

- Pas de problème, je suis heureuse que tu sois revenue. Ajoute-t-elle avant de partir

Je prends les couvertures qui sont au pied du canapé, éteins la lumière et m'endors, exténuée par l'étrange journée que je viens de passer.

Je cours, je cours seule dans une forêt sombre. Je fuis, je fuis un danger imminent. Je ne sais pas qui est cette menace, mais je sais qu'il faut que je cours, il ne faut pas qu'elle m'attrape. Je la sens, je la sens se rapprocher, lentement, très lentement mais surement, très surement. Quand je suis épuisée, je regarde mes mains. Une sorte d'épaisse fumée noire en sort. D'un coup, je me retourne. Elle est là, la menace est là. Une énorme masse noire est dans mon dos, c'est elle, c'est la menace. Elle se rapproche et commence à m'engloutir, j'hurle, je tremble, je suis terrifiée, soudain, elle se rétracte en sifflant. Elle me regarde droit dans les yeux, et se prépare à m'attaquer de nouveau ...

Je me réveille en sursaut grâce à Diafi. Je regarde autour de moi, désorientée, avant de me souvenir de la journée d'hier.

- Merci Diafi.

- Pas de problème Emelyne, je suis là pour ça.

Je regarde la pendule, il n'est que 3 heures de matin. Ne sachant que faire et, en espérant que Diafi est de bonne humeur, je l'interroge :

- Diafi, comment c'était quand tu étais enfermée, je veux dire, pourquoi est-ce que je ne te sentais pas ?

- Je ne sais pas vraiment, mais, j'avais l'impression de n'être qu'un simple spectateur dans ta vie. Régulièrement j'ai voulu t'aider mais je ne le pouvais pas. Puis, quand tu as commencé à te souvenir, j'étais si heureuse, je me suis dit que j'allais être de nouveau libre, que nous serions de nouveau amies. Mais, tu as été influencée par ton crétin et monstrueux frère, il t'a dit que tu manipulais les mots.

- Mais, comment est-ce que j'ai fait pour manipuler les mots, alors, que, d'après ce que tu me dis, que j'utilise le pouvoir des créatures divines. D'ailleurs, ça veut dire quoi ?

- Tu as pu manipuler les mots surement grâce à Tinùviel et d'autres créatures divines. Et, je t'ai déjà dit que je ne pouvais t'expliquer pourquoi.

- Même pas un petit indice ? supplié-je

- Juste un. Soupire-t-elle. Trois œufs c'est énorme pour les anigis dragon, la plupart du temps, le troisième œuf ne survit pas à la ponte.

- Et...

- Et quoi ?

- C'est tout ? Il est nul ton indice.

Vexée, Diafi coupe court à la conversation, me laissant seule dans le grand salon. Je patiente plusieurs heures, les yeux ouverts à fixer le plafond, à réfléchir sur son indice. Puis, vers 8 heures, j'entends Charlotte et Cerise descendre. Je saute du canapé pour les accueillir. Charlotte ne semble pas du tout ravie de me voir, elle me lance un regard rempli de rage avant d'aller à la cuisine. Cerise, elle, est beaucoup plus amicale :

- Tu as passé une bonne nuit ?

- Oui, et toi ? mentis-je

- Parfaite, viens prendre le déjeuner avec nous.

Nous nous dirigeons vers la cuisine où Charlotte est installée. Je mange quelques fruits et bois du lait avant de demander :

- Alors, es-tu d'accord pour que je t'emprunte tes cartes ?

- J'ai une seule condition.

- Laquelle ? demandé-je en haussant les épaules

- Tu dois donner une leçon de magie à ma fille Charlotte. Tu dois lui apprendre à se contrôler.

Quand j'entends sa requête, je manque de m'étouffer avec mes fruits. Je crois que la principale concernée est tout aussi consternée que moi. Pourquoi me demander de faire ça ? Je ne sais même pas me maitriser ou encore manipuler correctement Diafi et elle veut que je l'enseigne à sa fille ? C'est une blague j'espère ? C'était pourtant mon entraineuse, elle le sait pourtant que je ne sais pas me contrôler. Alors que je m'apprête à refuser, Diafi, qui semble avoir soudainement retrouvé sa langue, m'explique :

- Il faut que tu le fasses.

- Mais, je ne sais pas te contrôler, me contrôler, alors, comment veux-tu que je lui apprenne ? rétorqué-je

- Tu trouveras un moyen, comme ton frère, qui, t'a aidée, elle a besoin d'aide. De plus, c'est le moyen le plus rapide d'avoir une ancienne carte

- Ok, tu as gagné.

Je me reconcentre sur Cerise et lui répond :

- Très bien, je vais le faire.

- Merci infiniment Emelyne.

Je ne rajoute pas un mot. J'emprunte des affaires de sport à Cerise et rejoins la salle d'entrainement, qui est étrangement vide. Charlotte me suit sans un mot. Quand nous arrivons, elle se place devant moi. Elle semble prendre ce cours très au sérieux et, je ne lis plus de la haine dans son regard. C'est déjà ça. Cependant, avant de commencer, une petite question trotte dans mon esprit depuis un moment.

- Tu vis à la citée depuis ta naissance ?

- Oui.

- Tu as donc reçu toutes les prémices de la formation de futur grand sorcier. Tu as les bases.

- Oui, je suis au début de la formation. répond-elle en bombant un peu le torse, fière

- Tu dois avoir 6 ans.

- Exact, mais où voulez-vous en venir ?

- La première leçon que nous apprenons dans cette cité et la seule obligation pour pouvoir commencer la formation est le contrôle de la magie. Peux-tu me dire pourquoi, est ce que tu ne contrôles pas ta magie ?

- Je maitrise la glace, mais, il y a eu cet accident en automne. Je me suis emprisonnée dans ma glace, et, en même temps une intemporelle. Elle ne faisait pas partie de la famille royale, donc, je n'ai été que réprimandée et puni. Néanmoins, depuis, je n'arrive plus à me contrôler, je perds en permanence le contrôle alors que j'étais la meilleure. Mes amies me fuient et ne veulent plus qu'on s'entraine ensemble. S'énerve-t-elle, des tremolos dans la voix, la tête baissée, honteuse

Je la comprends, Louis aussi s'enfermé dans ces illusions et moi aussi je perdais le contrôle. D'ailleurs, je suis impressionnée qu'elle est accès à la formation de grand sorcier, nous n'y avons pas eu le droit avec Louis. Je la comprends, alors, je vais l'aider.

- D'accord, je vais t'entrainer un peu.

J'essaye de la mettre en colère en la poussant, l'attaquant, et utilise de multiples techniques pour lui faire perdre le contrôle, mais rien ne fonctionne. Alors, je lui demande :

- De quoi as-tu peur ? Je veux dire, vraiment peur.

- ..., de blesser mes amies. Répond-elle après quelques instants de réflexions

- Alors, imagine que tu les blesses, que tu es sur le point de les tuer.

La petite ferme ses yeux, et, grâce au froncement de ses sourcils, je vois qu'elle y pense vraiment. Elle tremble de peur et de la glace commence à se former autour d'elle.

- Maintenant, attaque-moi. De toutes tes forces, ce n'est pas grave si tu m'emprisonnes.

Charlotte n'hésite pas très longtemps. En même, je la comprends, c'est difficile de retenir son pouvoir quand il veut sortir, et puis, je crois qu'elle voulait m'attaquer dès le début, alors. Le choc de sa glace est plus violent que ce que j'avais prévu, mais, Diafi me réchauffe rapidement et la glace fond. Charlotte est époustouflée.

- Comment ? Comment as-tu fait pour en sortir aussi facilement ?

- Grace à mon pouvoir. Mais ce n'est pas important, ce qui l'est, c'est que tu aurais facilement pu augmenter l'épaisseur de la couche, tu aurais pu être bien plus puissante, mais tu ne l'as pas fait. Il ne faut pas que tu oublies cette peur, c'est grâce à elle que tu ne franchiras jamais la limite, mais tu ne dois pas te laisser paralyser par elle.

En disant ces mots à voix haute, j'ai l'impression qu'il ne s'adresse pas uniquement à Charlotte, non, c'est comme si Diafi me les disait. Charlotte ne répond rien, et nous restons un silence complet un long moment. Ce silence est brisé par Cerise qui a observé tout l'entrainement.

- Merci infiniment Emelyne. Les cartes t'attendent à la maison.

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