Le jour est un grand, un long mouvement fugace. Le jour est un grand geste, un balayement, un souffle de vent large et généreux. Le jour est un tourbillon effréné, une danse qui fait virevolter les jupes des dames. Bientôt, les jambes s'épuisent, les poitrines faiblissent, et le crépitement d'une vive ardeur qui piquait la plante de pieds brulants s'éteint, et l'exaltation de la passion chez de jeunes danseurs s'amenuisent. Le bal s'arrête, le jour prend fin.

Vient ensuite la nuit. La nuit est un silence dans un écrin, une caresse des ténèbres sur la peau, un arrêt sur image. Les vents se modèrent, prisonniers dans les arbres ou le creux des montagnes. Les danseurs s'assoient sur leurs chaises, les joues rouges, l'oeil éclatant et la poitrine vibrante. La nuit, ô la nuit, la nuit est magique. De la poudre noire comme l'encens, des paillettes d'étoiles comme de l'or. À cette heure, sous un ciel étoilé, auprès d'une lune grise, pleine et débordante de lumière, il semble qu'il suffit d'espérer, qu'il suffit de demander pour que le bonheur se montre. La nuit, ô la nuit, la nuit est magique. Elle m'emporte souvent. Elle m'emporte loin. Se déguise en un navire sur lequel je m'embarque et qui n'amarre qu'au petit jour. Elle m'emporte souvent. Elle m'emporte loin. Elle m'emporte et ne ramène qu'au petit jour. La nuit m'amène près de chimères paresseuses qui occupent avec une allure lascive les recoins de mon esprit débordé. Il semble qu'à nouveau, l'air que rien ne remue, que rien ne secoue, que rien n'agite, se pose comme un oiseau sur son perchoir, se cristallise comme un flocon en hiver, durcit comme de la lave sortit du coeur d'un volcan. Les bruits se taisent, et la voix ! la voix dans ma tête ! elle hurle, comme un hibou filant dans la nuit, elle hurle, en poussant un cri sinistre, chaque peur, chaque angoisse, que le vacarme du jour submerge. La voix triomphe, soulève sa coupe au-dessus de mon crâne, victorieuse, sadique et, je sens que je lui appartiens tout entière.