Fin Alternative de la Saison 4
Après leur étrange voyage à Salt Lake City chez Suzie, où ils avaient enfin pu obtenir les coordonnées de l'endroit où pouvait bien se trouver Eleven, Jonathan, Argyle, Will et Mike avaient ainsi repris la route dans le van. Depuis le début du trajet, ce dernier ne cessait de regarder la feuille qu'il tenait entre ses mains, celle où étaient imprimées lesdites coordonnées, avec des yeux rêveurs et emplis d'espoirs, enfin, c'est ce que voyait son meilleur ami, assis à sa droite, les bras croisés, replié sur lui-même.
Will ne savait pas vraiment à quoi il s'attendait. À ce que Mike redevienne entièrement comme avant ? Il se sentait si stupide, comme avait-il pu espérer que le garçon qu'il aimait depuis la maternelle allait lui donner de l'attention quand il serait de nouveau avec sa petite amie ? L'adolescent savait depuis des années qu'il devait vraiment passer à autre chose, du fait d'être seulement le meilleur ami du grand brun et d'être en plus le frère de la fille dont il est amoureux. Pourtant, alors qu'il pensait que ce déménagement pourrait l'aider, il a au contraire empiré les choses : l'absence du bouclé s'est tellement fait ressentir chez Will que celui-ci éprouvait une douleur presque physique, que le jeune homme ne pouvait calmer qu'en peignant quelque chose en rapport avec son premier ami.
— Hey mec, ça va ?
L'adolescent à la coupe au bol sursauta en entendant la voix du garçon auquel il pensait, et il ne put contrôler son regard qui se dirigea vers sa jambe, là où était posée sa main, et maintenant...celle de Mike également.
Will ne s'écarta pas. Pour la simple et bonne raison qu'il n'en avait pas la moindre envie. Mais ça ne voulait pas dire qu'il ne se sentait pas coupable. Il ne pouvait s'empêcher de penser à Eleven quand il voyait Mike. et vice-versa. Ces deux-là formaient un tout, ils étaient faits l'un pour l'autre.
Et l'adolescent se haïssait pour secrètement souhaiter la fin de leur relation et pour voire même prendre la place sentimentale qu'occupe sa sœur dans le cœur de Mike.
L'intéressé, n'ayant toujours pas obtenu de réponse à sa question, se répéta, les sourcils froncés, tout en resserrant son emprise sur la main de son ami, qui réagit enfin et répondit :
— Ah...oui, oui, ça va.
Il ne fallait pas être un génie pour déceler ce mensonge gros comme une maison. Même Mike le remarqua à la seconde près :
— Non, Will. Qu'est-ce qu'il y a ? Et ne me prends pas pour un imbécile, je vois bien qu'il y a un problème.
— Tu sais très bien que je souhaite qu'on retrouve El au plus vite. Mais...qu'est-ce qu'il va se passer quand elle sera de nouveau avec nous ? Tu me parleras comme tu me parlais à la piste de rollers ?
Le Wheeler n'en croyait pas ses oreilles. Il n'aurait jamais pensé que son meilleur ami continuait de penser à ce qu'il s'était passé alors qu'ils étaient en pleine expédition pour retrouver El, mais en même temps...il ne pouvait pas juste pas en vouloir à l'adolescent à la coupe au bol. Déjà, parce qu'il lui avait parlé de la pire des façons, et aussi...non, ce n'était pas possible.
Will aurait tout de suite réagi s'il avait compris le double-sens des paroles de Mike ce jour-là. Même si ce dernier ne s'en était pas rendu compte sur le moment, il devait l'avouer : il n'aurait kamais dû hurler qu'ils n'étaient qu'amis plusieurs fois, comme s'il voulait se le convaincre lui-même, il n'aurait jamais dû remarquer et se braquer sur les signes discrets de son ami montrant son ennui alors qu'il revoyait enfin sa petite amie, mais surtout, il n'aurait jamais dû essayer de faire comprendre à l'adolescent à la coupe au bol qu'il avait essayé de l'appeler de nombreuses fois, sans succès.
Quelque chose n'allait pas chez lui, il le savait. Il s'y était fait sans l'accepter pour autant. Il avait commencé à s'en rendre compte il y a des années maintenant, quand il a revu Eleven après qu'elle les ait sauvés, lui et tous les autres, des Demodogs venus les attaquer. Bien sûr, il était très heureux de la voir saine et sauve, mais...c'était tellement différent de tout ce qu'il avait pu imaginer avant. Il s'attendait à une joie et un soulagement immenses, mais tout ce qu'il ressentait était encore la peur intense et l'inquiétude de perdre Will, alors encore possédé par le Mind Flayer.
Depuis, tout s'était empiré. Entre son détachement envers El et son étrange désir de rester avec Will, Mike avait bien saisi malgré lui le lien entre ces deux situations, mais le bouclé avait décidé de garder tout ça bien enfoui dans un coin de sa tête, ne souhaitant surtout pas creuser et découvrir quelque chose qu'il regretterait amèrement.
Mais maintenant, tout cela s'échappait par ses paroles, sans même qu'il ait le moindre contrôle sur ces dernières.
Et la seule chose qui le retenait encore de cet affrontement avec son subconscient était la cécité de son meilleur ami. Et maintenant, il devait le rassurer pour éviter toute autre dispute :
— Mais...qu'est-ce que tu racontes ? Bon, je sais que j'ai été un vrai imbécile ce jour-là, mais je te promets que je ferai des efforts pour être un meilleur ami, Will.
— D'accord, Mike. Excuse-moi d'en avoir reparlé.
— Ce n'est pas grave.
Le Byers ne le croyait pas, ce qui alourdit le cœur du Wheeler. Mais qu'est-ce qu'il pouvait bien y faire ? Eleven était sa petite amie, elle devait bien passer avant, non ? Rien n'y faisait, le jeune homme revenait toujours à hésiter. Il savait qu'il allait devoir faire un choix tôt ou tard entre elle et son meilleur ami de toujours, mais il ne pouvait se résigner à prendre une décision. Ou plutôt à assumer celle que son subconscient lui hurlait de prendre depuis des années...
— Les gars, je crois qu'on est arrivés aux coordonnées indiquées par Suzie.
L'attention de Mike fut ainsi immédiatement renouvelée, ce que Will ne put s'empêcher de remarquer avec amertume, mais ce dernier se concentra lui aussi sur la route, prêt à apercevoir sa sœur n'importe où. Un lourd silence s'installa dans le van jusqu'à ce que Mike s'écria :
— Jonathan, arrête-toi ! Je la vois tout là-bas !
En à peine trente secondes, les quatre hommes descendirent du véhicule et coururent jusqu'à perdre haleine vers la silhouette que le bouclé avait indiquée plus tôt. Quand cette dernière les reconnut, elle se mit à courir également, et très bientôt, le couple se retrouva dans une longue étreinte, et quand El se sépara de son petit ami, elle fut vite reprise dans les bras de quelqu'un d'autre, cette fois ceux de son frère Will, trop heureux et même ému de la voir en vie :
— Oh...oh mon dieu, El..! Tu...tu vas bien ? Mais d'où tu viens ?
L'adolescente perdit vite son faible sourire et déclara à tous :
— Il faut partir d'ici. Vite.
— Mais pour aller où ? intervint Jonathan en donnant une petite tape rassurante sur l'épaule de sa petite sœur.
— À Hawkins. Nos amis ont besoin de nous.
Ni une ni deux, en à peine quelques heures, tout le groupe put embarquer dans le prochain avion grâce aux combines de Jonathan et d'Argyle, lui toujours dans la lune ou dans...on ne veut pas trop savoir quoi. Mike et Eleven s'étaient installés juste devant Will et les deux adultes, mais l'adolescent à la coupe au bol essayait de se concentrer sur ce qu'il pouvait voir à travers l'hublot, en vain : il n'entendait qu'eux. Des mots doux, la voix de sa sœur murmurant des "je t'aime", les rires niais de son meilleur ami...c'était juste trop.
Le jeune homme se leva alors de son siège et alla vers les toilettes de l'avion pour respirer un semblant d'air frais, mais il fut vite rejoint par son aîné. Ils ne se dirent rien pendant un moment, jusqu'à ce que le plus âgé arriva enfin à prendre son courage à deux mains pour dire ce qui le tracassait depuis déjà trop longtemps :
— Tu sais, Will...tu mérites bien mieux que lui, pas vrai ?
— De...de quoi tu parles ?! demanda tout de suite l'intéressé en fronçant les sourcils, sur ses gardes, redoutant la tournure que pourrait prendre cette conversation.
— Hé, ne me regarde pas comme ça ! Je...je voulais juste dire que...enfin, Mike est vraiment, mais vraiment pas sympa avec toi depuis un trop long moment d'après moi. Je sais que tu...l'apprécies beaucoup, mais...je suis sûr que tu peux trouver des personnes bien meilleures que lui au lycée, par exemple.
— Que...qu'est-ce que tu veux dire par "tu l'apprécies beaucoup"..? demanda le plus sereinement possible l'adolescent à la coupe au bol, tout en tentant d'ignorer son rythme cardiaque qui s'accélérait.
— Petit frère...je le dis de la façon dont tu veux que je le dise, d'accord ? Tu restes mon frère quoi qu'il arrive. Je te le dis parce que j'ai l'impression que tu l'oublies en ce moment même. Quoi que tu ressentes pour Mike, tu n'y es pour rien, d'accord ? Tu n'as vraiment pas à te sentir coupable, tu m'entends ?
Will hocha la tête, les larmes aux yeux, avant que Jonathan ne reprenne :
— Que ce soit parce que Mike est un garçon ou parce qu'il sort avec El, tu ne peux pas contrôler tout ça, et c'est normal. Ne t'en veux pas si tu ne supportes pas de les voir ensemble, tu es humain et tu n'as pas à te faire subir tout ça. Et puis, si ça peut te rassurer, je ne peux pas me les voir non plus.
Même si l'adolescent lâcha un rire après la dernière remarque de son frère, les larmes finirent vite par prendre le dessus, ce qui conduit le jeune Byers dans les bras de son interlocuteur :
— Je...je l'aime tellement, Jonathan, parvint à dire le jeune homme entre deux sanglots étouffés. Je sais que ce que je ressens est mal, mais...je n'aurais jamais pensé qu'il puisse...m'abandonner comme ça. Tout ce que je voulais, c'était qu'il reste mon meilleur ami, mais je...je n'arrive même plus à le considérer comme tel.
Dire tout ça à voix haute donna le coup de grâce à Will, mais son grand frère savait très bien qu'il ne pouvait rien faire pour l'aider, si ce n'était que de rester auprès de l'adolescent à la coupe au bol, ne rien dire et le laisser déverser toute la peine qu'il gardait en lui depuis bien trop longtemps. Il fallut de longues minutes au benjamin pour se remettre de ses émotions. Quand ils mirent fin à leur étreinte, Jonathan remarqua au premier coup d'œil que les yeux de son frère étaient rouges et bouffis. Il comptait lui dire de ne pas croiser El et encore moins Mike, jusqu'à ce que, comme par hasard-
— Dîtes, vous savez si les toilettes sont libr- oh mon dieu Will, mais qu'est-ce qui t'arrive ?! s'écrie le Wheeler.
Quand Will perçut le regard noir que lançait son grand frère au nouveau venu, il prit rapidement la situation en main en laissant de la place à ce dernier dans le passage :
— Il n'y a personne, Mike, tu peux y aller.
— D'accord, mais...tu peux m'attendre, s'il te plaît ? lui demanda-t-il en ignorant royalement Jonathan. J'aimerais vraiment te parler, Will. S'il te plaît.
Même si l'adolescent sentait le poids du regard de son aîné sur lui, il ne put s'en empêcher. Il ne saura jamais s'y résoudre. À sa douce voix ? À ses yeux peinés ? Il ne savait pas comment lutter contre tout cela. Et il ne le saura jamais.
— Je...ça marche. Mais dépêche-toi.
Mike répondit par un simple hochement de tête et un sourire timide avant de disparaître dans une cabine, mais il n'en fallait pas plus au jeune Byers pour oublier tous les conseils de Jonathan, qui se retint de soupirer avant de dire en partant rejoindre sa place :
— Tu peux encore changer d'avis le temps qu'il soit aux toilettes, je te dis juste ça comme ça.
Will n'eut même pas le temps de répondre que son meilleur ami était déjà de retour, et cette fois-ci, il ne se montra pas aussi calme que la dernière fois, profitant du semblant d'intimité que leur offrait ce coin de l'avion pour l'agripper fermement par les épaules :
— Maintenant, fini de jouer, commença-t-il avec une voix assez basse pour s'assurer que personne ne puisse entendre leur conversation. Tu vas me dire ici et tout de suite ce qui t'a fait pleurer parce que je n'en peux plus de te voir triste comme ça.
Le jeune homme dut prendre sur lui pour ne pas lâcher ce mot, cette seule rafale qui balaierait d'un coup les restes de cette amitié qui était tout pour lui, et en même temps, que pouvait-il dire comme mensonge ? Il détestait mentir au Wheeler, qui, en plus, pourrait deviner qu'il ne disait pas la vérité.
Alors, à quoi bon ?
— C'est toi, Mike.
Will ne réalisa que cette phrase était enfin sortie de ses lèvres que quand les yeux de son interlocuteur s'écarquillèrent et qu'il recula d'un petit pas, sous le choc. Un douloureux silence s'étira pendant de longues secondes, seulement coupé par la voix du pilote venant des hauts-parleurs :
— L'avion entamera sa descente dans quelques minutes, nous vous demandons donc de regagner votre place et de bien attacher votre ceinture. Nous vous remercions pour votre écoute et votre compréhension.
Il n'en fallut pas plus à Mike pour faire vivement volte-face et retourner à sa place, laissant encore une fois son ami seul avec ses pensées. Il regagna son siège à son tour, n'arrivant toujours pas à croire qu'il avait finalement affligé le coup de grâce à sa relation avec son meilleur ami de toujours, et donc incapable de ne verser ne serait-ce qu'une larme. Car même s'il savait qu'après un temps plus ou moins long, le Wheeler finira par revenir vers lui pour avoir des explications, Will ne pourra tout simplement pas faire marche arrière, et il sait qu'il vaudra mieux être honnête quoi qu'il en coûte, pour au moins abréger des souffrances qui pourraient perdurer dans le temps par des secrets ou des excuses.
— Alors ? chuchota sèchement El. Qu'est-ce qu'il a ?
— Je...je ne sais pas, mentit instinctivement le petit ami de cette dernière, n'ayant absolument pas la force ni même la conscience de répéter les mots du Byers.
La seule réponse de l'adolescente fut son regard froid et perçant, et qui n'énerva même pas celui qui venait de s'asseoir car il savait qu'il l'avait mérité. Cependant, il ne put s'empêcher de se répéter pour au moins la dixième fois en quelques minutes :
— Mon dieu, El...je...je t'ai dit que j'avais besoin de temps, d'accord ? Tu sais que je suis toujours heureux, très heureux même, de l'entendre de ta bouche, mais le fait que je ne le dise pas encore ne veut pas dire que ce n'est pas réciproque ! C'est juste que...
— Oui, Mike, c'est juste que quoi ?! commença à s'emporter la jeune brune. J'ai besoin d'une explication, d'une raison. Et d'une bonne.
L'adolescent réfléchit à toute vitesse jusqu'à ce que les mots sortirent d'eux-mêmes de ses lèvres :
— C'est juste que....aucun moment ne me semble être le bon moment.
Mike n'eut qu'un regard noir en guise de réponse, puis El se tourna pour observer avec grande attention tout ce qu'elle pourrait apercevoir à travers le hublot. Son petit ami ne s'en préoccupa finalement pas tant que ça : les trois mots sortis de la bouche de Will se répétaient en boucle dans sa tête et il sentait que son cœur recevait l'équivalent d'un coup de massue à chaque fois qu'il repensait à l'image de son meilleur ami avec les larmes aux yeux...
Et il avait avoué que le jeune Wheeler en était le responsable..?
Il n'avait pas la moindre idée de ce qu'il avait pu faire, mais cela ne l'empêcha pas de s'en vouloir, loin de là. Et il avait beau chercher dans tout son séjour en Californie, de son arrivée à l'aéroport à cet instant présent, dans l'avion, mais il ne trouvait rien de très concluant. Bien sûr, il pensa d'abord beaucoup à la première journée et à leur dispute. Le jeune homme savait qu'il s'était encore mal comporté, étant sous l'emprise de la colère et de la frustration, mais en même temps...
L'adolescent soupira, défaitiste. Non, il n'aurait jamais été capable d'avouer à Will pourquoi il avait été si désagréable avec lui, et aujourd'hui, Mike le savait. Car non, il ne se sentait pas capable d'admettre que, même s'ils ne se sont parlés que deux fois cette année au téléphone, Mike avait essayé de l'appeler des dizaines et des dizaines de fois, en vain, la ligne étant tout le temps occupée pour le travail de Joyce.
Le Wheeler était trop fier pour le dire. Du moins, c'est ce qu'il pensait.
Le jour suivant, il s'était excusé en bonne et due forme auprès de son meilleur ami, non ? Il avait même réussi à lui dire que Hawkins n'était plus pareille sans lui. Même si ce n'était qu'une maigre part de ce que le jeune homme ressentait inconsciemment pour Will, c'était déjà un début ! Surtout que ce dernier semblait heureux d'entendre cela. Puis, leur périple à bord du van d'Argyle débuta, et même s'il avait beaucoup parlé de lui et d'El, l'adolescent à la coupe au bol s'était toujours montré compréhensif, à l'écoute, et même de bon conseil ! Mais maintenant, le jeune Byers pleurait..?
L'unique chose que le Wheeler pensait à pouvoir se reprocher, c'était d'avoir passé beaucoup de temps avec sa petite amie dernièrement. Mais elle avait disparu des radars pendant plusieurs jours et elle était même la seule raison pour laquelle ils étaient tous partis "en voyage" ! Et Will était bien le premier à dire qu'il fallait partir à sa recherche ! Mais alors...peut-être que le Byers voulait juste passer du temps avec celle qu'il considérait comme sa sœur, et si on suivait ce cheminement de pensées...El manquait en réalité à son meilleur ami, qui devait donc être énormément agacé par Mike, et qui, quant à lui, serait finalement une sorte de...nuisance ?
Non, ce...ça ne peut pas être ça, se dit celui-ci, même si juste penser à cette idée lui fit excessivement mal. Et puis...Will ne pleurerait pas pour ça, finit par se dire le jeune Wheeler. Surtout que son tout premier ami avait bel et bien changé, ne serait-ce que physiquement, déjà : même s'il était toujours plus grand que lui, l'adolescent à la coupe au bol avait tout de même pris quelques centimètres non négligeables, ses cheveux étaient justement plus courts, ce qui lui allait beaucoup mieux, son visage était maintenant plus carré, et surtout, il semblait être beaucoup plus musclé que Mike. Ce dernier savait très bien qu'il était loin d'être difficile de posséder plus de force que lui, mais ce changement physique de la part du Byers devait bien être l'une des premières choses que l'adolescent avait remarqué lors de son arrivée à l'aéroport, d'où son étrange et surtout embarrassante tape sur l'épaule, au lieu d'une étreinte. Car même si le jeune homme rougissait encore de honte et de gêne aujourd'hui en y repensant, il ne s'imaginait toujours pas dans les bras de Will et vice-versa sous le regard bienveillant mais interrogateur d'El, et sous celui de Jonathan et de son ami Argyle.
Sans même s'en rendre compte pendant ses rêveries, Mike s'était inconsciemment tourné vers le rang derrière son siège pour observer à travers l'espace entre sa place et celle de sa petite amie son meilleur ami qui s'était endormi, la tête sur l'épaule de son grand frère, les bras croisés, sûrement dans l'attente de l'atterrissage avant de sombrer dans le sommeil. L'adolescent trouvait cette pose assez drôle, du moins assez pour le faire doucement sourire. Cette simple joie pouvait aussi s'expliquer par le fait que la sage position prise par le Byers rappelait au jeune homme assis devant lui le calme et doux garçon qu'il était à Hawkins. Non pas qu'il était devenu l'opposé, bien sûr, mais le Wheeler avait également réalisé qu'il existait aussi un changement psychologique chez Will : même si ce dernier ne s'en était peut-être pas rendu compte, il semblait avoir plus confiance en lui, même juste par sa répartie plus cassante et l'expression de ses sentiments et émotions plus forte et plus authentique. Puis, grâce aux lettres écrites par El, il savait aussi qu'il s'était trouvé d'autres passions comme la peinture, comme il ne jouait plus à Donjons & Dragons, d'après sa sœur. Comme celle-ci avait deux amies, enfin - qu'elle prétendait avoir deux amies - Mike était persuadé que l'adolescent à la coupe au bol en avait également et il espérait secrètement que ceux-ci aimaient jouer à DnD, surtout depuis qu'il avait rejoint le Hellfire Club. Même si l'idée que Will puisse créer des campagnes avec la même passion qu'il en faisait pour lui, et aussi pour Lucas et Dustin, ne le réjouissait pas, le jeune Wheeler savait au fond de lui que s'opposer à cela relèverait du pur égoïsme et de l'hypocrisie.
Peut-être qu'il avait aussi des amies. En tout cas, le jeune homme n'aurait pas été surpris qu'une fille passionnée du fameux jeu de rôle puisse briser le mur que le Byers semblait avoir construit entre lui et la possibilité d'avoir une petite amie. Surtout avec son évolution physique depuis son déménagement, Mike imaginait sans peine que Will puisse être l'un des plus beaux élèves de son lycée, et qu'il devait y avoir donc au moins quelques filles à qui il plaisait. Et...c'est vrai qu'El lui avait confié dans une de ses lettres qu'elle pensait que Will peignait beaucoup, peinture qu'il avait l'air d'avoir amené à l'aéroport, se souvint l'adolescent aux cheveux bruns, pour une fille qui lui plaisait.
Se rappeler cela fit un petit pincement au cœur du Wheeler sans qu'il ne comprenne pourquoi. Cependant, il avait du mal - ça lui faisait mal - d'imaginer son meilleur ami, alors très timide quand une fille l'abordait des années auparavant puis totalement désintéressé d'elles l'année dernière, sortir avec une fille et même l'embrasser.
Le jeune homme tâcha d'oublier tout cela en sortant de sa bulle et de revenir dans le moment présent, sauf qu'il réalisa que son regard, malgré qu'il avait été surtout dans le vide, était tout de même resté posé sur Will pendant tout ce temps, surtout qu'il n'avait pas réalisé que le Byers avait entrouvert un œil quelques fois et avait bien constaté que le garçon assis devant lui le fixait pendant de longues minutes, ce qui fit rosir ses joues malgré lui. De son côté, Mike reprit enfin ses esprits et tourna sa tête dans un premier temps vers sa petite amie pour voir comment elle se portait, mais elle était toujours concentrée sur ce qui se passait de l'autre côté du hublot, donc l'adolescent décida de ne lancer aucune conversation, surtout que ses épaules semblaient s'être raidies.
Ses nombreuses pensées ayant provoqué une migraine au Wheeler, celui-ci profita qu'une hôtesse de l'air passait dans les rangs pour demander un médicament qui calmerait sa douleur, qu'il reçut, et enfin l'heure de l'atterrissage arriva. Dès qu'ils furent dans l'aéroport, le groupe courut pour aller louer une voiture, et en à peine quelques minutes, même si cela leur avait paru comme une éternité, ils furent en route pour Hawkins.
Le silence qui régnait entre eux fut bien plus pesant que dans l'avion. En plus, Mike, avec sa chance légendaire, se retrouva sur le siège du milieu, entre Will et El. Il prit sur lui car, peu importe où était sa place, il se voyait mal parler avec soit son meilleur ami qui lui, ne le voyait que comme une nuisance, son grand frère, sa petite amie qui l'ignorait en tout point parce qu'il ne parvenait toujours pas à lui dire qu'il l'aimait, et l'ami du grand frère, qui lui est juste...défoncé à la weed.
L'adolescent se mit très vite à s'ennuyer, et en tournant sa tête pour observer le paysage qui défilait devant ses yeux, il remarqua que Will s'était rondormi, toujours les bras croisés. Le Wheeler l'envia, même si les sourcils de l'assoupi était froncés.
Qui soudainement ouvrit les yeux.
Il se trouvait dans un endroit familier : le seuil de la cave de la maison de son meilleur ami. D'habitude, se tenir ici lui apportait joie et excitation car il s'apprêtait à lancer sa campagne de DnD, ou même à juste passer un bon moment avec Mike et les autres. Mais cette fois-ci, son cœur était lourd dans sa poitrine et battait vite : il ne savait pas comment il s'était retrouvé à cet endroit, et surtout, il n'entendait pas les trois voix enjouées de ses amis, mais seulement deux, basses et sérieuses.
Le Byers descendit lentement les marches de l'escalier menant au sous-sol pour éviter de les faire grincer et pour aussi tenter d'identifier ces deux voix. Il reconnut facilement celle de Mike, mais il prit plus de temps pour l'autre. Dès l'instant où il commença à mettre un nom dessus, une frisson lui parcourut toute l'échine et il se précipita finalement au bas de l'escalier pour réaliser que le jeune Wheeler était accompagné de la dernière personne que Will souhaitait voir : son père, Lonnie Byers.
Ni l'un ni l'autre n'avait encore remarqué la présence du nouveau venu. Ils continuèrent donc leur conversation avec le cinquantenaire qui demanda :
— Alors, c'était bien sur ce canapé que cette pédale a réalisé qu'il flashait sur toi ?
Le cœur de l'adolescent rata bien un battement et il se sentit tout à coup très pâle et nauséeux : ils étaient bien assis sur le sofa où Mike et Will avaient discuté seul à seul le soir d'Halloween 1984, et s'étaient dits qu'ils perdraient la tête ensemble. Et le Byers avait effectivement réalisé qu'il ressentait beaucoup plus que de l'amitié envers le garçon qu'il considérait jusqu'alors comme son meilleur ami. Ce dernier finit par répondre à son interlocuteur :
— Et ouais ! Dès que j'ai vu qu'il commençait à me sourire bizarrement, j'ai vite détourné la tête parce que...beurk, quoi !
Will était encore habitué aux insultes que lui disait son père, donc celle qu'il venait d'entendre ne lui faisait ni chaud ni froid, mais ce qu'il venait d'entendre de la part de Mike...parce que, en effet, ce dernier avait bel et bien détourné le regard alors qu'il souriait, mais...il était persuadé que le jeune garçon lui avait rendu son sourire. L'avait-il imaginé ?
Cette réflexion poussa l'adolescent dans une profonde concentration imprégnée d'angoisse, ce qui le fit sursauter lorsque son père haussa la voix :
— Mais tiens, regarde, quand on parle du loup ! Enfin, du pédé, dans le cas présent.
Le Wheeler lâcha un rire franc, moqueur...qui approuvait les paroles de Lonnie, qui continua de parler à son fils :
— Et il sursaute comme une fillette, en plus.
Nouveau rire approbateur de Mike.
— Allez, viens me prouver le contraire, gamin. Viens me prouver que t'es un homme.
L'intéressé n'avança pas. Il ne fit même aucun mouvement. Il avait appris très jeune par le biais de Jonathan que répondre aux provoquations de leur paternel ne leur apporterait que coups, bleus et larmes quand Joyce était encore au travail. Cependant, Will garda la tête droite, prêt à voir son père l'approcher et ainsi l'esquiver s'il le fallait, voire se défendre :
— T'as vraiment pas changé, putain...souffla Lonnie en se levant, contrairement à Mike qui ne bougea pas du canapé. T'es toujours la pauvre petite chochotte que quand t'étais gosse.
Alors que son interlocuteur avançait lentement vers lui, le jeune Byers restait immobile et le regard bien fixé sur l'homme, mais il ne pouvait s'empêcher de trembler et de vouloir prendre ses jambes à son cou, la peur de son père étant toujours ancrée en lui, et ce, depuis son plus jeune âge.
Ce dernier était maintenant juste en face de son fils, et sans un mot, avec seulement un regard déçu et méprisant, il lui asséna une gifle que l'adolescent ne vit pas arriver mais qu'il reçut en silence, même si les larmes lui montèrent aux yeux, retrouvant cette violence qui avait longtemps disparu :
— Bah alors, sale pédé ? pestiféra Lonnie en attrapant le jeune homme par le col et en le secouant brutalement. Me dis pas que tu vas chialer parce que je t'ai foutu une claque, quand même ! Je croyais que tu t'étais endurci, mais non, bordel ! T'es toujours la même tapette qu'avant et-
Mais Will n'écoutait même plus le ramassis d'insultes que son père lui crachait au visage. Son regard était posé sur Mike, toujours assis sur le sofa, mais maintenant, il s'était redressé et ses lèvres bougeaient, mais sa voix semblait venir de si loin qu'il fallut plusieurs secondes à l'adolescent pour comprendre que son meilleur ami prononçait juste son prénom :
— Will...Will..! Will !
Et seulement en un clignement d'yeux, le décor autour de l'intéressé se transforma et le visage colérique de son paternel à celui inquiet de Mike :
— WILL !!!
Celui-ci sursauta vivement et regarda frénétiquement autour de lui : il était de retour dans la voiture de Jonathan et beaucoup de monde s'était attroupé tout autour, mais la première chose qu'il sentit était la poigne des mains du jeune Wheeler, qui le tenait par les épaules. Le Byers se dégagea durement de cette emprise et sortit en trombe du véhicule pour respirer de l'air frais. Il profita de ce moment pour aussi réaliser qu'ils étaient enfin arrivés à Hawkins, plus précisément devant la maison des Wheeler.
Au lieu des vieux souvenirs joyeux habituels qui envahissaient son esprit quand il revoyait ce lieu, aujourd'hui, il ne parvenait qu'à se rappeler de la scène de son...rêve ? Alors, ce n'était qu'un rêve ? Ce que Mike avait dit était donc faux ? Il lui avait bien rendu son sourire pendant leur discussion à Halloween ? Et son père était alors encore à Indianapolis, loin de lui ?
Se poser toutes ces questions donna un énorme mal de tête à l'adolescent. Il devait cependant présenter ses excuses à son meilleur ami pour l'avoir repoussé si violemment, et aussi prêter attention à toutes ces personnes qui étaient autour de la voiture et dont il s'était éloigné sans même leur avoir adressé un regard. Il était heureux de revoir Dustin, Lucas et Max, même s'ils semblaient être au bord de l'épuisement, en particulier la rousse, qui avait son casque posé autour de son cou. Il reconnut évidemment Nancy, qui avait retrouvé son petit ami, puis Steve, Robin et Erica, qu'il n'avait pas vus depuis ce qu'il s'était passé au Starcourt Mall l'année dernière, d'après ses souvenirs. Une personne cependant lui était inconnue : un homme du même âge que son frère environ, il avait une très longue coupe mullet, des cheveux bruns et des vêtements dans le style metal. Il se trouvait à côté de Dustin donc Will déduisit qu'ils se connaissaient ou qu'ils étaient amis, même si cette possibilité lui semblait hautement improbable quand on voyait à quel point les deux garçons étaient différents.
Pourtant, la joie des retrouvailles ne semblait pas être au rendez-vous : tout le monde le regardait avec inquiétude. Il se doutait que son comportement a dû les étonner, mais en voyant les visages pâlissant à vue d'œil de ses trois amis de Hawkins, il se dit que cette réaction était quand même excessive :
— C'est bon, ne me regardez pas comme ça ! J'ai juste fait un cauchemar et je me suis réveillé en sursaut.
— Oh putain, lâcha Dustin en passant ses mains dans ses cheveux dans un geste de panique, ce qui fit tomber la casquette qu'il portait. Putain, putain, putain !
Will regarda son ami avec un air interrogateur, mais Max, toujours aussi blanche, attira son attention en le prévenant :
— Will, tu...tu saignes du nez.
L'intéressé, surpris, porta sa main à ses narines, et quand il sentit un liquide, son étonnement décupla en regardant ses doigts maintenant teintés de rouge. Nancy, qui semblait elle aussi avoir compris la situation qui échappait au Byers, prit la parole et haussa la voix pour que tout le monde l'entende :
— Allons tous dans le sous-sol ! Je pense qu'une réunion d'urgence s'impose !
Tout le monde obtempéra et profita de l'absence des parents Wheeler pour s'installer dans la cave de la maison sans fournir la moindre explication. En descendant l'escalier qui y menait, Will ne put s'empêcher de repenser à son mauvais rêve, et même si cela était idiot, il ressentit une once de soulagement en voyant que le canapé était entièrement libre. Il s'assit dessus et Mike s'installa à sa droite, comme à cette fameuse soirée de Halloween. Les autres trouvèrent d'autres sièges et les placèrent autour d'eux, ou restèrent tout simplement debout par manque de place. Dustin prit la peine d'expliquer tout ce qu'il s'était passé à Hawkins depuis le départ de Mike en Californie, c'est à dire depuis la mort de Chrissy, à laquelle Eddie - l'homme à la longue coupe mullet - avait assisté et était déclaré récemment aux informations comme suspect principal, à la découverte de Vecna, mais Jonathan l'interrompit :
— Attends, attends, c'est qui ce Vecna ? C'est encore un nom tiré de Donjons et Dragons ?
— C'est ça, confirma son petit frère. Je ne me souviens plus exactement de ses capacités, mais en tout cas, c'est un monstre surpuissant dans le jeu.
— Il l'est aussi dans la vraie vie, assura Lucas. Il a failli prendre Max comme il l'a fait avec Chrissy, Fred et-
— Mais je vais bien, maintenant, le coupa la principale intéressée en voyant le visage de son ex-petit ami repâlir et ceux du groupe venant de Californie se décomposer.
Elle reprit d'une petite voix, presque timide, par peur de ce qu'elle allait avancer :
— Et depuis quelques minutes, vraiment peu de temps avant votre arrivée, en fait, je me sens comme libérée du joug de Vecna, mais alors, ça voudrait dire que-
— Oh ! l'interrompit Dustin sans s'en rendre compte. On a failli oublier, mais Vecna a montré une vision à Nancy !
Tous les regards se braquèrent sur elle, et quand on se concentrait sur son visage, on pouvait facilement y lire des signes de fatigue et de stress : des cernes sous ses yeux, sa lèvre inférieure mordillée par la supérieure, ou même des inspirations et expirations très profondes pour tenter de se calmer. Elle commença en parlant à la limite du chuchotement, alors que les larmes lui revenaient déjà aux yeux :
— Il m'a montré des choses qui ne sont pas arrivées...pas encore, du moins. Je...j'ai vu un...énorme portail et il y avait des monstres, tellement de monstres...
— Dans notre Hawkins, précisa Steve. Pas dans votre autre dimension, là...
— L'Upside Down, lui rappela son jeune ami en levant les yeux au ciel. C'est si difficile que ça de retenir ce nom, pour toi ?
Alors que l'homme lançait un regard noir à Dustin, Nancy tâcha de les ignorer et de continuer son récit d'une voix encore plus faible :
— Et j'ai vu des...morts...
Des sanglots lui vinrent mais elle tenta de les ravaler. Les nouveaux venus, de plus en plus agités, attendaient la suite des paroles de la Wheeler, mais son petit frère, qui perdait patience, la pressa en lui demandant :
— Alors ? Quels morts ?
Maintenant, l'aînée pleurait en silence, mais elle parvint à continuer, sans toutefois finir :
— Notre famille...Maman, Papa...Holly...et...
Quand Mike, qui comprenait ce que sa grande sœur ne parvenait pas à lui dire, pointa un doigt légèrement tremblant dans sa propre direction et qu'elle acquiesça en lâchant un sanglot, un frisson d"effroi parcourus ceux venus de Californie. Le principal concerné tenta de contrôler au mieux sa respiration tout en demandant :
— Est-ce que...vous avez réfléchi à un plan, ou au moins à quelque chose pour éviter que cette vision ne devienne réalité..?
— On a pensé à vous emmener hors de la ville, toi et ta famille, et si possible, le plus loin possible, lui expliqua Steve.
— Mais le problème, reprit Nancy avec maintenant une voix plus forte, c'est que, contrairement à toi qui connaît la véritable situation et donc le danger, le reste de notre famille ne sait rien et il va donc falloir trouver une excuse pour les convaincre de quitter Hawkins.
— Mais peut-être que ces visions ne vont pas du tout arriver ? hasarda Jonathan, se voulant rassurant.
— Je ne veux pas prendre le moindre risque quand ma famille est concernée. Mike et moi trouverons une solution pour mettre tout le monde en sécurité.
Alors que l'intéressé hocha la tête, Dustin, qui semblait hésiter à dire ce qu'il pensait, finit tout de même par parler :
— Ou alors...peut-être que ces visions sont inévitables.
Cette supposition jeta un froid dans la pièce. Tout le monde fixa l'adolescent, mais qui ne se sentit nullement intimidé, donc il continua d'exposer son hypothèse :
— En fait, tout dépend de si on croit que l'on peut modifier son destin ou non. Si on y croit, alors tout va bien et Mike et sa famille vont se planquer loin d'ici. Et...si on se trompe, alors...
Le silence qui suivit ses paroles fit très bien comprendre que tout le monde voyait où Dustin voulait en venir. Tout le monde était nerveux par cette possibilité, en particulier le principal concerné, bien sûr. Après ce lourd silence de plusieurs secondes, Max prit la parole pour donner des précisions aux nouveaux venus :
— On a aussi compris que le plan de Vecna "fonctionne par quatre" : pour faire court, il lui faut quatre victimes pour que son plan fonctionne.
— Et il en a déjà eu trois, prévint Lucas. Max est celle qui lui manque.
— Mais j'ai réussi à lui échapper, expliqua cette dernière, puis elle pointa du doigt son casque posé autour de son cou et son lecteur de cassette qui était dans sa poche. Grâce à ça : la musique est la solution, la "bouée de sauvetage" pour revenir à la réalité. Tant que j'en écoute, il ne peut pas m'atteindre.
— Donc là, il peut t'attaquer à tout moment parce que tu n'écoutes pas de musique, c'est ça ? déduisit rapidement Will, inquiet pour son amie. Remets vite ton casque, non ?!
— C'est le point dont je voulais parler avant que Dustin ne m'interrompe en parlant de la vision de Nancy. Il y a quelques minutes, environ cinq, ou peut-être dix avant votre arrivée, j'ai soudainement arrêté...de sentir le poids de la malédiction de Vecna. Je pense donc qu'il a changé de cible. De quatrième et dernière victime.
— En parlant de "poids de la malédiction de Vecna", commença Will, qu'est-ce que tu veux dire par là ?
— Il y avait d'abord cette impression constante d'une menace imminente, répondit la jeune fille rousse. Je n'ai aussi plus la moindre vision ni aucun autre symptôme.
— Et quels sont ces symptômes ?
Max inspira avant de se lancer :
— Des cauchemars. Saignements de nez. Maux de tête-
— Tu as mal à la tête ? s'empressa de demander Mike à son meilleur ami, se rattachant comme il pouvait à l'espoir que la condition de Will était moins alarmante qu'il n'y paraissait.
— Non, enfin...pas spécialement, non. C'est supportable.
Le silence qui suivit ses paroles était lourd, alors que chacun réalisait petit à petit à quel point la situation avait finalement empiré.
— Je...je vais aller te chercher des médicaments contre la douleur, déclara Nancy, qui remonta au rez-de-chaussée en compagnie de Jonathan.
Le petit frère de ce dernier, trop curieux par rapport à la malédiction qui apparemment venait de s'abattre sur lui, continua de poser des questions à l'ancienne maudite :
— Et qu'est-ce qui suit après ces symtômes ?
— Des visions éveillées. Normalement, tu vas d'abord en avoir une avec une horloge dont tu vas entendre quatre coups qui sonneront comme...déformés, si je peux dire ça comme ça. Peut-être que tu verras aussi des araignées. Je n'en ai pas vu, mais on sait que d'autres victimes, parmi celles que Vecna a déjà eues, en ont vu. Et puis, à la seconde vision, Vecna va te faire voir un...véritable cauchemar avec une personne à laquelle tu tiens, puis...il va se montrer sous sa véritable forme. Et enfin, il y a une dernière vision, mais...
— C'est celle qui nous est fatale, c'est ça ? déduisit le jeune Byers après le silence de son amie, qui hocha la tête suite à ses paroles. Et tu l'as eue, c'est bien ça ? continua-t-il. Qu'est-ce que Vecna t'a montré, cette fois ? Enfin, si ça ne te dérange pas d'en parler, bien sûr, ajouta-t-il rapidement après avoir réalisé que le visage de l'adolescente pâlissait.
— Non, non ne t'inquiète pas, ça va, le rassura-t-elle en fronçant néanmoins les sourcils. À ce moment-là, il m'a montré Billy très grièvement blessé, comme s'il venait tout droit de ce qu'il s'est passé au Starcourt Mall l'année dernière. Donc...j'imagine que pour cette dernière fois, il prend l'apparence de ton traumatisme, car c'est ce qui lui permet de te maudire, et le rend encore plus horrifique.
— Mais c'est bien la musique qui t'a sortie de ta vision, non ? intervint vite Mike, qui semblait à bout de nerfs. Il en faut une particulière pour que ça marche ?
— Non, répondit la rousse. Lucas et tous les autres ont mis ma chanson préférée pour que cela me motive. Mais techniquement, n'importe quelle chanson peut marcher. Après, plus elle plaît à la victime, plus elle lui donnera la volonté et la force d'échapper à Vecna.
— Will, tu as pensé à prendre des cassettes pour votre...voyage ? demanda Dustin, qui fit rappeler à ceux venus de Californie qu'ils n'avaient même pas encore eu l'occasion d'expliquer ce qui leur était arrivé là-bas.
Cependant, le concerné répondit par la négative, ce qui ajouta un plus à l'anxiété des gens encore présents dans le sous-sol.
— C'est pas très grave, tenta Mike pour rassurer tout le monde, y compris lui-même. Nancy et moi avons plein de cassettes à l'étage. Tu n'auras qu'à choisir celle qui te conviendrait le mieux et on prendra le lecteur de Max.
— Hum...vous ne pensez qu'on pourrait à la limite aller acheter un lecteur et une autre cassette au magasin ? proposa lentement Lucas, comme s'il était gêné par sa demande.
— Pourquoi faire ? répliqua sèchement le Wheeler. Ce ne serait qu'une grosse perte de temps, et évitable, en plus !
— Mais qu'est-ce qui te dit que Max est complètement à l'abri de cette foutue malédiction ? Peut-être que Vecna va vite se rendre compte que Will a aussi la solution pour lui échapper et il va donc tout de suite s'attaquer à nouveau à Max !
— Soit, mais ça va nous prendre quoi, même pas une heure, pour aller acheter ça ! Ta copine peut bien survivre sans sa musique pendant quelques minutes, non ?
— Alors déjà, la copine, elle a un nom ! répliqua vivement l'intéressée, qui commençait à devenir rouge de colère à cause du jeune homme qui l'énerve au plus haut point depuis le jour de leur rencontre. Et depuis quand tu prends autant de précautions, déjà ? T'es encore pire qu'avec El l'année dernière, je sais même pas comment c'est possible...
— Ne m'en parle pas, intervint durement celle-ci, qui jusque là n'avait pas adressé la moindre parole à qui que ce soit depuis son arrivée, et qui avait passé son temps à juste...regarder dans le vide.
La passivité inhabituelle de l'adolescente jeta un nouveau froid dans la pièce, et suscita la surprise et l'interrogation de sa meilleure amie, qui la questionna :
— Euh...El ? Tout va bien ?
— En vrai, ça va, soupira-t-elle. J'allais me plaindre que ce salopard qui veut se faire passer pour mon frère essaye désespérément d'attirer l'attention de MON petit ami à cause de ses pauvres traumatismes de merde, mais finalement, si ça peut te permettre de rester en vie, Max, ça en vaut largement la peine ! Je connais très peu de personnes que je souhaite voir disparaître, mais Will est l'une des rares exceptions.
Un énorme silence s'abattit sur le reste des adolescents, en même temps qu'un coup de massue s'abattit sur le cœur de l'intéressé. Cependant, les paroles d'Eleven ne semblèrent que choquer les autres pour un temps car ces derniers finirent tous par répondre :
— C'est vrai que je ne comprends toujours pas pourquoi on se donne tant de peine pour...Will, quoi.
— C'est sûr qu'on s'en sortait plutôt bien avant qu'il revienne avec ses problèmes.
— Limite, s'il s'était laissé avoir par le Démogorgon, on serait dans une meilleure situation, aujourd'hui !
Chaque mot donnait l'impression au Byers de se faire poignarder dans le dos par chacun de ses meilleurs amis, chacun leur tour. Ses pires craintes se confirmaient : il n'était pas le seul à se percevoir comme un poids, un problème qui aurait dû être...supprimé depuis déjà longtemps. Pourtant, Mike se mit à parler en dernier, le sourire – le même sourire qu'il avait pendant qu'il parlait à Lonnie – aux lèvres, comme s'il prenait plaisir à asséner à Will le coup de grâce :
— El, ma chérie, je ne pensais pas le dire alors qu'il serait là, mais au final, pourquoi pas ? De toute façon, cet abruti commence en plus à penser que j'étais sincère avec lui quand je faisais comme si je me souciais de lui, alors qu'il ne me fait que pitié. Je voulais au départ ménager ce malade, ce taré de homo, parce que ça se voit qu'il ressent quelque chose de dégueu pour moi, mais je me disais qu'il n'y pouvait pas grand-chose, mais maintenant, j'ai peur qu'il se fasse des films ! Et puis, je m'en veux de ne pas avoir vu que tu n'avais pas compris que je faisais semblant. Mais je t'assure que c'est toi que j'aime, El. Je t'aime. Jamais je n'aimerai quelqu'un d'autre que toi, et encore moins ce sale pédé.
Le jeune homme n'arrivait pas à en croire ses oreilles, ni même ses yeux : son meilleur ami et sa sœur se regardaient avec un air tellement empli d'amour qu'il se demandait s'ils venaient bien de dire toutes ces choses si cruelles et si blessantes sur lui. De leur côté, Dustin, Lucas et Max l'observaient avec une telle méchanceté et un tel mépris que...non, se résigna le Byers, il avait bien entendu. Il n'avait qu'une seule envie, pleurer et fuir, mais le moindre signe de faiblesse ici ne donnerait aux autres adolescents qu'une nouvelle occasion d'humilier Will, et ce dernier le savait. Alors, il décida de simplement fermer les yeux en espérant qu'il n'était qu'en train de faire un mauvais rêve, mais la voix de Mike finit malgré tout par le hanter une nouvelle fois :
— Non mais sérieusement, Will ? Comment tu pouvais croire que quelqu'un puisse...aimer quelqu'un comme toi ? Tu n'es qu'une erreur. Comment tu peux encore croire qu'on tient à toi alors qu'on a abandonné les recherches pour te chercher dès qu'on a rencontré El ? Alors que je ne pensais qu'à la retrouver l'année suivante ? Et que je ne voulais que passer du temps avec elle l'année d'après ? Quand est-ce que tu t'en rendras compte, William ?
L'intéressé sursauta en relevant la tête pour découvrir son interlocuteur qui avait pris la place du Wheeler : une sorte de...créature humanoïde couverte de vignes et gluante, avec une voix beaucoup plus grave et intimidante que celle de l'adolescent, comme si...comme si elle venait de l'Upside Down.
— Vecna...
— Cela fait bien longtemps que je ne t'avais pas vu en chair et en os, William. Enfin, cela ne va pas tarder à se produire. À moins que tu ne réalises enfin ce que tu es aux yeux des êtres qui te sont chers : un poids mort, un boulet, une erreur, un obstacle à leur bonheur. Tu ne représentes plus rien pour eux, à présent. Et je comprends que cette pensée fasse mal. Je l'ai ressentie aussi. Nous sommes plus semblables que tu ne le crois. Mais maintenant...je suis plus fort qu'eux tous, et je me suis vengé. Tu mérites la même chose, et je t'aiderai même à l'accomplir, si tu acceptes de m'accompagner à partir de maintenant. Rejoins-moi, William.
Une main immense et rebutante s'offrit au jeune homme, mais celui-ci ne put qu'afficher une mine de dégoût en la repoussant et en répliquant :
— Je t'interdis de m'appeler William, mon nom est Will ! Et nous n'avons rien en commun ! Tu- tu n'es qu'une espèce de taré sociopathe, alors que moi, j'ai une famille aimante, des amis aimants !
— Pourquoi t'obstines-tu à croire ce mensonge quand tu connais au fond de toi la vérité ? Que diraient ces "amis", cette "famille" s'ils pouvaient lire dans tes pensées, William ? Dis-moi, seraient-ils aussi aimants s'ils découvraient qu'au fond, tout au fond de toi, tu souhaites prendre ta revanche ? Te venger pour toutes les injustices que tu as subies...
— La ferme ! S'emporta l'adolescent, le visage déformé par la haine. Toutes ces injustices que j'ai subies, comme tu dis, elle viennent de TOI ! De toi, et de seulement toi ! Tu peux essayer autant que tu veux d'utiliser la haine que j'ai pour toi pour arriver à tes fins, mais tu perds ton temps !
— Je suis responsable de toutes les injustices dans ta vie, tu me dis ? Et ton père, alors ? Tu ne souhaites pas le voir pour lui montrer le fils qu'il a laissé ? Pour qu'il regrette ses actes ? Tu sais très bien que c'est tout ce qu'il mérite.
Cette fois-ci, Will ne dit rien. Car il savait qu'il pensait cela. Vecna, qui le comprit également, continua donc pour affaiblir encore plus sa victime :
— Et celui dont tu es amoureux depuis toujours, William ? Non seulement tes sentiments pour lui ne seront jamais réciproques, mais il ne te verra plus jamais de la même façon si tu lui avoues ton secret. Il te détestera, William. La vision que je t'ai montrée plus tôt n'est pas seulement ta plus grande peur, c'est ce qui arrivera si tu lui dis quoi que ce soit. Et tu le sais.
Cete fois encore, le silence répondit à la place du Byers.
— Ce que je te propose, c'est l'opportunité de te débarrasser d'eux en même temps de tous ces sentiments qui t'affaiblissent. De leur prouver que tu es fort, bien plus fort que tu ne le penses. Rejoins-moi, Will.
La même main se présenta une nouvelle fois à l'intéressé, qui était maintenant étonnament calme. Il afficha même un sourire en avouant au monstre :
— Je ne comprends toujours pas ce que tu peux voir en moi qui pourrait te faire croire que je te suivrai dans tes idées...complétement folles. Et même si ma vie n'est pas comme je l'imaginais et que je ne suis pas entièrement heureux, voir ceux que j'aime l'être me convient largement. Alors, tu auras beau me dire tous les arguments du monde, mais non, je ne te rejoindrai pas, Vecna.
La créature semblait à présent encore plus menaçante qu'avant, si cela était possible, et elle haussa sa voix terrifiante, alors que des coups d'horloge, quatre pour être plus précis, retentirent dans un bruit assourdissant et pétrifiant, tandis que Will ne parvenait pas à définir leur provenance :
— Tu n'as pas l'air de comprendre la situation dans laquelle tu es, William. Soit tu me rejoins et survis, soit tu périras, comme tous les autres. Tu es la seule personne à qui je fais cette proposition, alors tu devrais réfléchir et saisir cette chance.
— Je ne pense pas qu'on pense la même chose quand il s'agit de chance, contredit le Byers en gardant toujours ce sourire qui insupportait de plus en plus son interlocuteur. Mon réponse ne changera pas. Et mon nom est Will.
— Tes amis sont condamnés par ma puissance, et je te donne une chance de vivre en venant à mes côtés. Comment peux-tu refuser d'appartenir à nouveau à mon monde, là où tu seras enfin capable d'utiliser toute la puissance que tu possèdes ?
— Je préfère encore mourir avec ceux que j'aime plutôt que de vivre sans eux, si je ne peux pas les sauver. Et c'est ce que je vais faire.
— Vraiment ? Et comment ?
Will se sentait un peu honteux d'avoir recours à cette solution, mais il n'avait trouvé que celle-là pour tenter de s'échapper dans un temps : fuir. Il se précipita dans les escaliers pour remonter au rez-de-chaussée, mais il entendit malgré tout son ennemi lui crier :
— Crois-tu sérieusement que tu peux m'échapper ?! Cours autant que tu veux, William, mais tu me rejoindras, que tu le veuilles ou non ! Tu m'appartiens !!!
Maintenant que le jeune homme était sorti de la maison des Wheeler, il s'attendait à se retrouver avec de l'air frais qui lui aurait fait le plus grand bien, mais pourtant, être à l'extérieur ne lui permit pas de se sentir mieux, au contraire : il avait encore plus l'envie de pleurer, réalisant qu'il avait beau courir, il ne pourrait pas échapper à Vecna.
Il avait envie de s'arrêter, de tout arrêter. De se laisser avoir comme il s'était fait avoir par le Mind Flayer il y a quelques années. Mais pourquoi sa disparition devait avoir un si grand impact sur l'avenir de ses proches ?! Pourquoi ne pouvait-il pas être un sacrifice ?! Cela aurait été tellement plus facile...
— Au secours...murmura-t-il pour lui-même alors qu'il ralentit inconsciemment son pas.
Et comme si son appel à l'aide avait été entendu, une voix reconnaissable entre mille l'appela d'un endroit que le Byers ne sut définir, comme si elle venait de partout et de nulle part à la fois :
— Will ?! Will, je t'en supplie, réveille-toi ! Je te jure que ce que tu vois n'est pas vrai, Vecna te manipule ! Will, par pitié, reviens-nous !! Will !!!
— Mike..? Mike, où est-ce que tu es ?! Dis-moi comment je peux sortir d'ici, je t'en prie ! Je ne sais pas quoi faire !!!
— Will, je ne sais pas si tu peux nous entendre, mais si c'est le cas, écoute-moi bien. C'était Max, qui, contrairement au Wheeler, semblait calme, ou ne cédait pas à la panique, du moins. Je ne peux pas dire avec certitude dans quelle vision tu es, mais je pense que tu ne peux pas t'échapper de ton plein gré : la vision s'arrêtera d'elle-même. Au cas où que cela se passe différemment de ce que moi, j'ai vécu, éloigne-toi le plus possible de Vecna. Ne t'arrête pas de courir. Je sais que tu peux le faire.
Porté par les encouragements de son amie, l'adolescent accéléra le pas, et cette fois-ci, il se fit la promesse de ne ralentir sous aucun prétexte, sourtout qu'il continuait d'entendre les paroles de ses amis :
— Allez, Will, courage ! s'exclama El. Je te promets que je vais nous débarrasser de lui, mais il faut que tu sortes de son emprise ! Tu vas y arriver, je crois en toi !
— Dis Will, commença Dustin, il faut au moins que tu reviennes pour jouer à DnD avec nous et Eddie, je te jure ! Vous allez vous adorer, et puis...on veut que tu rejoues avec nous, on le veut vraiment. Tu nous as vraiment manqué.
— C'est sûr ! Renchérit Lucas. Comment on pourrait gagner contre Vecna et les autres monstres sans Will le Sage ?
Alors que cette pensée fit sourire le Byers, son aîné prit soudainement la parole, ce qui rendit son petit frère légèrement ému, sachant que Jonathan n'aimait jamais prendre la parole dans de tels moments :
— Allez, frérot, encore un effort, tiens bon. Reviens à la maison, je...Maman, El ont besoin de toi. J'ai besoin de toi. Et on t'aime tous. On t'aime bien plus que tu ne le réalises, je pense.
L'intéressé était tellement bouleversé par les paroles simples mais lourdes de sens pour lui que le jeune homme n'avait pas réalisé qu'il venait déjà de traverser une partie de Hawkins et qu'il coupait maintenant par les bois, allant inconsciemment vers le lieu le plus marquant de son enfance. Enfin, comme pour l'achever de la meilleure des façons possibles, son meilleur ami reprit la parole :
— Ton frère a raison, Will, mais...mais ta famille n'est pas la seule qui tient à toi et qui a besoin de toi. On tient tous énormément à toi, et moi y compris..! Même...même si je te l'ai très mal montré depuis déjà longtemps, maintenant...
La voix du Wheeler était plus tremblante à présent, comme s'il était, tout comme le Byers, au bord des larmes :
— Je...je me ferai pardonner, Will ! Je te le promets ! Alors...reviens pour me laisser une chance, je t'en supplie..! Je sais que j'ai été un vrai enfoiré ces dernières années, mais je te jure, tu m'entends ?! Je te jure que je ferai tout ce que je peux pour que notre amitié redevienne comme avant ! Parce qu'elle me manque, Will !! Nos moments passés ensemble me manquent...TU me manques..! Il faut que tu reviennes pour que les choses redeviennent comme avant, je t'en prie...
Les larmes coulaient maintenant à flots sur les joues de l'intéressé, qui ne pouvait s'empêcher de lâcher des "c'est pas grave, Mike..!" et des "bien sûr que je te...pardonne !" entre deux sanglots. Puis, soudainement, il vit le Château Byers encore debout, ce qui était illogique car il l'avait détruit quelques mois avant son déménagement. À ce moment précis, une étrange sensation de chaleur s'empara du cœur de l'adolescent : il se rappela de tous les beaux souvenirs qu'il avait eus ici avec son frère, sa mère, Mike, et ses autres amis, et il se dit que...peut-être, de nouveaux souvenirs tout aussi agréables pourraient se créer ici. Il murmura avec un étonnant sentiment de légèreté et de soulagement :
— Je veux rentrer à la maison.
Il ferma les yeux, empli de confiance, et quand il les rouvrit, il était bien de retour à la maison. Sa véritable maison. Les expressions sordides et mesquines de ses amis s'étaient transformés en visages morts d'inquiétude, tous regroupés tout autour du jeune homme. Et en à peine une seconde, Jonathan et Mike, puis tous les autres, virent qu'il était enfin revenu à lui, alors la plupart se précipitèrent sur lui pour le serrer dans leurs bras, alors que ceux qui étaient les moins proches du Byers restèrent à leur place mais ne prirent pas la peine de cacher leur immense soulagement.
— Je...on croyait t'avoir perdu...Will pensa entendre de la part de son meilleur ami, même s'il ne savait maintenant plus vraiment ce qui appartenait ou non au réel.
Après encore quelques instants d'étreinte, chacun retourna à son rythme à sa place initiale, puis Max fut la plus réactive pour poser l'une des questions qui brûlaient les lèvres de tous :
— Will, qu'est-ce que tu as vu pendant cette vision ? Même si je sais que se remémorer ça n'est pas agréable, mais...je te le demande car je pense que tu n'as pas du tout vu la même chose que moi à ce stade de la malédiction.
À ce dernier mot, quelques personnes, dont Mike, remarqua surtout Will, montrèrent à quel point ils détestaient cette réalité par leurs visages de plus en plus pâles.
— Il y avait...vous cinq dans ma vision, avoua-t-il en regardant ses amis, qui quant à eux furent surpris par cette déclaration. Et puis, Vecna est apparu et-
— A-Attends, tu...tu as déjà vu Vecna..?
Will hocha franchement la tête, mais il comprit vite en observant les réactions de tous ceux étant restés à Hawkins que cela était loin d'être bon signe :
— Qu-quoi ? Qu'est-ce qu'il se passe, là ? S'impatienta Mike qui voyait la même chose. Qu'est-ce que tu voyais, Max ?
— J'ai juste vu une étrange horloge, et elle était comme...incrustée dans le décor : elle était dans l'un des murs de notre lycée, quand je l'ai découverte. Ensuite, j'ai entendu quatre coups d'horloge, et je me suis réveillée.
— J'ai aussi entendu ces coups d'horloge !
— Et où était l'horloge ?
— J-je ne sais pas. J'avais l'impression que les coups étaient juste...partout. Je n'ai pas réussi à comprendre d'où ils venaient, et j'ai encore moins vu où était l'horloge, d-désolé...
— Tu n'y es pour rien, le rassura Jonathan, mais-
— Mais ça n'a aucun sens ! L'interrompit Mike sans réellement s'en rendre compte, étant sous le coup de la colère. Comment ça se fait que ces foutus coups d'horloge n'aient pas été les mêmes pour vous deux, Max ?!!
— Je peux savoir pourquoi tu me poses la question comme si j'étais dans le camp de cette enflure de Vecna, abruti ?! C'est pas parce qu'il a failli m'avoir que c'est mon meilleur pote, tu sais ? Et si t'es pas content, prends la place de Will et va essayer de trouver les réponses que tu veux, non mais qu'est-ce que tu veux que je te dise ?!!
— Taisez-vous, vous deux, ordonna El d'une voix étonnament ferme, sérieuse et posée. Pour ce qu'on sait, Will n'est "juste" pas considéré comme une victime normale pour Vecna.
— Tu penses qu'il ne veut pas tuer Will ? S'étonna Jonathan.
— Ce...ce n'est pas exactement ça, rectifia son petit frère d'une voix faible. Il...il m'a parlé. Il veut que je le rejoigne. Mais je pense qu'il n'aura aucun remord à me tuer si je campe sur ma décision, qu'il connaît déjà.
— Tu as donc décidé de refuser...
— Comme si je pouvais songer, ne serait-ce qu'une seconde, à accepter !
— Cela pourrait nous faire gagner du temps, observa Dustin, mettant immédiatement fin aux paroles de ses amis. Je veux dire- si tu fais semblant d'être de son côté, on gagnerait quelques jours, jusqu'à une semaine, car il abandonnera donc ta sorte de malédiction pour la recommencer sur quelqu'un d'autre.
— Et tu pourrais peut-être même le convaincre de s'en prendre à quelqu'un d'autre que Max !
— Ce n'est clairement pas le sujet, ni le plus gros problème qu'on a sur le dos, Lucas, l'interrompit fermement l'intéressée. Dustin marque un point, et en plus, Will, tu pourras sûrement réussir à glaner quelques informations intéressantes sur lui.
— D'accord, mais comment je pourrais vous les communiquer, plus précisément à El, j'imagine, si je fais comme si je le rejoins ? Ça m'étonnerait qu'il me laisse vous parler comme j'en ai envie ! Il se méfiera forcément.
— À moins que tu réussises à le convaincre que tu es bien de son côté et que tu souhaites être son espion, comme infiltré dans nos rangs, tu vois ce que je veux dire ?
Will hocha légèrement la tête, l'air pensif, mais ne put s'empêcher de répéter :
— Je pense quand même qu'il se méfiera. J'ai peur qu'on ne prenne un risque évitable en jouant à ce jeu, et avec peut-être aucune information utile à la clé.
— Mais si on se penche sur cette méfiance, intervint Mike, alors pourquoi il te ferait originellement confiance, Will ? Il s'intéresse sûrement à toi car tu es proche d'El, mais-
— Mais comme la plupart d'entre nous, conclut Steve, qui fut accueilli par quelques hochements de tête.
— Mais réfléchissez en allant encore plus loin, commença Nancy, qui était jusqu'alors restée silencieuse depuis la vision du Byers. Dès le début de tout ça, Will...tu as toujours été mis à part. Tu as toujours une connexion avec l'Upside Down. C'est toi que le Mind Flayer, sûrement contrôlé par Vecna, quand on y pense, a possédé, et cela est probablement arrivé car tu as été le seul survivant des victimes du Demogorgon... Mais pourquoi toi en particulier...
Un lourd silence régnait dans la pièce, alors que l'attention de tous était rivée sur la jeune femme, qui était, et cela se voyait, sur le point d'élucider l'un des trop nombreux mystères entourant la dimension parallèle et le monstre qui semble en être le propriétaire, ou tout du moins le maître. Quand son visage s'illumina, cependant d'une lumière inquiétante, tout le monde était pendu à ses lèvres :
— Le...le passé de Vecna, enfin- Henry, mais bien sûr...je-je crois que Vecna se...se reconnaît en toi, Will. Lors de ma vision, il ne m'a pas seulement montré des visions d'un possible futur, mais aussi...de son passé à lui, quand il était encore humain. Quand il s'appelait Henry, Henry Creel.
— En quoi le passé de ce psychopathe pourrait ressembler à celui de Will ?!
— Son père le considérait comme...sensible. Il était incompris, alors...peut-être cherche-t-il à te faire vivre des événements pour que tu en viennes à ces mêmes ressentis néfastes et pour que tu finisses donc par le rejoindre...dé-désolée si ça semble être tiré par les cheveux ! Finit-elle par dire après un silence. Ça l'est sûrement, de toute façon.
— Mais cela reste tout de même une théorie possible, conclut Jonathan. Cela expliquerait même bien l'intérêt unique de Vecna pour Will...
Le silence qui suivit se fit d'autant plus lourd. Comme pour tenter timidement de le briser, Mike prend une inspiration, l'air décidé, et déclare à l'intention de son meilleur ami :
— Je pense qu'on devrait finalement faire ce que Lucas a proposé : aller au magasin acheter un nouveau lecteur et une cassette qui te conviendrait. Étant donné qu'on ne sait fichtrement pas grand-chose des intentions de Vecna, autant jouer la carte de la prudence. Mais en attendant d'avoir un autre lecteur, je pense que tu devrais au moins garder celui de Max près de toi, le temps que je revienne avec ce dont tu as besoin.
— Ça ne me pose bien sûr aucun problème, vu qu'on me demande mon avis, répondit la concernée avec une pointe d'humour qui ne toucha malheureusement guère de monde. Par contre, tu n'as pas intérêt à traîner, Wheeler.
— Je vais quand même venir avec toi, Mike, déclara Will alors que son ami montrait son accord à Max. Autant que je choisisse moi-même la cassette.
— Hum...je pensais tout simplement te prendre 'Should I Stay or Should I Go' de The Clash...ça ne te convient pas ?
— J'aimerais surtout prendre l'air.
Alors, après que le Byers ait pris les médicaments contre les maux de tête donnés par Nancy et Jonathan, les deux jeunes hommes se mirent en route sans un mot. Un silence olympien régnait dans la rue, comme si rien de tout ce qu'il se passait n'était réel. Aucun des adolescents ne se surprit à espérer que cela fût vrai, mais ils n'en parlèrent en aucun cas. Will réalisa par la même occasion que le moment qu'il vivait était l'un des rares – et peut-être le dernier – instants qu'il passait seul en compagnie de Mike. Cependant, il ne fit que se concentrer sur sa respiration. L'air de l'extérieur lui faisait réellement du bien : il avait l'impression de lentement étouffer dans le sous-sol, avec cette réunion où les gens présents étaient tellement sous tension que leur anxiété pourrait être capable d'alimenter toute la maison des Wheeler si elle était convertie en électricité.
— Will ? L'interrompit soudainement une voix qu'il reconnaissait entre mille. T'es parmi nous, mec ?
— Oui, excuse-moi, répondit l'intéressé en poussant gentiment la main de Mike qui s'agitait jusqu'alors devant son regard vide. Tu disais quelque chose ?
— Je te demandais quelle cassette tu allais choisir au magasin, car ça me semble évident que tu m'accompagnes pour que je ne choisisse pas 'Should I Stay or Should I Go', ce qui m'étonne vraiment car j'aurais parié beaucoup en disant que c'était encore ta chanson préférée.
— À t'entendre, on croirait que je la déteste, maintenant. Je l'aime toujours énormément, mais...
— Mais ?
— Elle me fait toujours un peu penser à mon père. À Hawkins en général, en fait. C'est vrai que je ne te l'ai pas du tout dit, mais j'écoute maintenant un style de musique assez différent depuis que je suis à Lenora Hills.
Il y a sûrement plein d'autres choses que tu ne m'as pas dites, ne put s'empêcher de penser Mike avec un air de regret. L'information qu'il venait d'apprendre venait bien de le prouver.
Le silence revint, ce qui gêna encore plus le Wheeler, alors après quelques secondes d'intense réflexion, il finit enfin par retrouver la question qu'il voulait poser :
— Quelle cassette tu vas prendre, du coup ?
— 'Boys Don't Cry' de The Cure.
Mike tenta de se rappeler l'air et les paroles de la chanson, en vain. The Cure, ce n'était pas vraiment sa tasse de thé, mais il s'y serait bien sûr intéressé s'il avait su que son ami aimait le groupe.
Aucun des deux adolescents ne reprirent la parole jusqu'à ce qu'ils soient arrivés à destination. Alors, Will put acheter la cassette qu'il désirait et ils repartirent lentement chez les Wheeler, comme si leurs mouvements étaient ralentis, alourdis par les terribles événements qui se préparaient, mais aussi peut-être par ce moment rare qu'ils étaient les seuls à posséder, néanmoins gâché par l'embarras causé par leurs sentiments inavoués.
Plus ces longues minutes passaient, plus ils se rapprochaient inexorablement de leur destination, et plus ils avancèrent dans ce silence douloureux, plus le cœur de Mike battait vite. Mais pourquoi ? Qu'est-ce qu'il pouvait bien dire à Will ? Que devait-il lui avouer ? Il savait bien, au fond de lui, que quelque chose d'inconnu, mais pourtant bien présent, voulait s'exprimer et sortir une bonne fois pour toutes du cœur du jeune homme. Cependant, ce dernier savait bien comment ses paroles pouvaient être destructrices s'il ne les contrôlait pas au compte-goutte. Il ne reproduirait pas cette erreur que son impulsivité le poussait à produire. Pas encore.
Et encore moins avec Will.
Il sentit sa poitrine s'alourdir dès qu'il repensa à ce pénible souvenir d'été, surtout qu'il venait d'arriver pile à l'endroit où leur toute première dispute eut lieu : sous son porche. Alors qu'il allait ouvrir la porte menant à l'entrée, il jeta un très rapide coup d'œil derrière lui pour s'assurer de la présence du Byers, mais ses yeux s'écarquillèrent quand il remarqua enfin son absence :
Il parcourut la rue d'un air inquiet, quand il aperçut son ami quelques mètres derrière lui, sur le trottoir qu'ils avaient empruntés pour revenir, se tenant totalement droit et immobile, comme s'il observait attentivement quelque chose. Intrigué, Mike le rejoignit vite en courant. Son visage se décomposa en une seconde quand il découvrit que des yeux vitreux avaient remplacé la teinte noisette de ses iris que le Wheeler avait toujours trouvée magnifique. Il réfléchit à toute vitesse pour retrouver le lecteur de cassette, quand il se rappela enfin :
— Putain, comment on a pu l'oublier chez moi ?! Cria-t-il de frustration.
Heureusement, il se souvint de l'endroit précis où il devait se trouver : sur la table dans la cuisine, là où Will avait pris un verre d'eau pour avaler ses médicaments. Alors, Mike entra en trombe chez lui et en à peine quelques secondes, il se retrouvait déjà à nouveau dehors, le lecteur en main, après avoir hurlé à l'attention des autres, encore dans le sous-sol, pour leur prévenir de la fâcheuse situation dans laquelle se retrouvait déjà Will, même s'ils étaient loin d'être sa plus grande préoccupation.
Quand il revint auprès du Byers, son cœur s'alléga légèrement quand il vit qu'il n'avait pas bougé, signe qu'il n'était pas en danger mortel, du moins, pour le moment, contrairement à Max il y a quelques jours, qui s'étaient élevée dans les airs pendant de longues minutes. Mike inséra la cassette dans le lecteur et mit le casque sur les oreilles de son meilleur ami avec une efficacité et une rapidité qui le surprit lui-même. Il lança la chanson et plaça le lecteur dans la poche de Will.
Maintenant qu'il était le seul conscient face à cette situation, le silence de la rue s'abbatit de nouveau sur lui avec une force encore inconnue jusqu'à maintenant, tellement puissante qu'il n'entendit même pas ses amis arriver juste derrière lui et se figer comme il l'a fait en découvrant la malédiction de Vecna frappant encore une fois un ami.
Ce silence était si oppressant que Mike, se sentant toujours aussi seul, isolé du reste du monde avec Will, qui lui semblait pourtant si loin et inatteignable, se mit à parler au Byers, espérant qu'il pouvait l'entendre comme El le pouvait quand elle se retrouvait dans le vide :
— Allez, mec...tu t'es déjà sorti de là une fois, non ? Je sais que tu peux le refaire. Il ne doit pas gagner, tu ne peux pas le laisser gagner. Tu dois survivre, Will, tu m'entends ? Survis !!
Le silence régnait aussi pour l'adolescent maudit, malgré les tambourinements endiablés que causait son cœur dans sa poitrine. Sa respiration devint vite saccadée par son rythme cardiaque qui ne faisait que s'accélérer, et il clignait frénétiquement ses yeux dans l'espoir que la vision d'horreur qu'il avait juste devant lui n'était qu'un mauvais rêve : Mike, Jonathan, sa mère, El, tout le monde...massacrés dans le sous-sol des Wheeler, pataugeant dans une mare de sang.
— N-non, ce...ce n'est pas possible...pitié, dîtes-moi que c'est un cauchemar, je...c'est bon, je veux me réveiller ! S'il vous plaît, arrêtez ça !!! Se mit-il à hurler, les larmes lui venant aux yeux, tandis qu'il regardait en l'air pour essayer de trouver une quelconque aide extérieure, même si son regard finissait toujours par se reposer sur l'horreur qui se trouvait face à lui.
— Tu dois survivre, Will, tu m'entends..? Survis... Will crut entendre Mike murmurer même s'il était sombrement persuadé que ce dernier n'était pas en vie.
Malgré cela, le jeune homme se précipita et s'agenouilla aux côtés de son meilleur ami et le prit dans ses bras pour le découvrir, par miracle, encore en vie : même si le moindre mouvement semblait lui être d'une difficulté incommensurable, il respirait encore. Il clignait encore des yeux, et même s'ils étaient à peine emplis de vie, et Mike profita de ses derniers instants pour regarder le Byers, car il fallait se rendre à l'évidence : le Wheeler ne s'en sortirait pas. Alors, il utilisa ses dernières forces pour murmurer à son ami, avec un regard plein de douleur et d'amertume que Will ne comprit pas tout de suite :
— Pour...pourquoi n'es-tu pas...revenu..? Tu...tu nous as vraiment...abandonnés..? Tu...tu avais pro...promis que...tu ne nous...trahirais pas...
Il ne fallait pas plus qu'une ultime larme coulant sur la joue de Mike pour que Will éclate en sanglots :
— Je ne vous ai pas trahis, Mike, je...je te le promets ! Je ne sais pas du tout ce qu'il s'est passé ici, je ne savais pas que Vecna...vous ferait ça ! Pitié, crois-moi !!
L'adolecent grièvement blessé affiche un faible sourire qui répondit de lui-même aux paroles de Will, et il lui dit dans son dernier souffle de vie :
— A...alors...venge-moi. Venge-nous...tous...
— Je te le promets...
Après des minutes qui lui ont semblé durer à peine un instant, une voix grave qu'il reconnaîtrait entre mille s'éleva parmi les ténèbres de la pièce et le fit frissoner des pieds à la tête, tandis qu'il tenait encore son ami, maintenant parti pour toujours, dans ses bras :
— Je m'en doutais...tu n'as décidément pas le courage de te détourner d'eux pour accepter ce que tu es vraiment...tu préfères cacher ta vraie nature en tenant encore et toujours à ces gens qui jamais ne t'accepteraient pour ce que tu es réellement.
— Comment as-tu osé leur faire ça ?! Hurla Will de colère en resserrant sa prise sur le corps de Mike. Espèce d'enfoiré ! Tu vas payer !!
Maintenant, le ton déçu qu'avait pris Vecna se transforma en provocation :
— C'est cela, oui. Viens venger tes pauvres amis sur moi. Viens me montrer ce que tu peux me faire.
Il n'en fallut pas plus au Byers pour se lever et se précipiter sur l'abominable créature dans un élan de pure colère, même s'il n'avait pas la moindre idée de ce qu'il pourrait faire contre le monstre. Ce dernier, ayant facilement prédit la réaction du jeune homme, plaqua celui-ci contre un mur dans un simple mouvement de la main et l'approcha du visage de sa dernière victime, tout en lui murmurant :
— Le moment est venu d'abréger tes souffrances...
— WILL !!! Cria presque tout le monde en voyant l'adolescent, toujours le regard vitreux, s'élever dans les airs.
La seule exception n'était nulle autre que Mike, alors accroché désespérément à son ami, qui se sentit rapidement s'éloigner du sol. Quand il se rendit finalement compte qu'il était toujours accroché à Will et ce, à plusieurs mètres du sol, jamais l'idée de lâcher prise et de laisser le Byers encore plus seul dans cette horrible situation ne lui vint à l'esprit. Au contraire, il renforca encore plus sa prise, alors que le poids supplémentaire qu'il représentait ne semblait causer aucune gêne à l'élévation du jeune homme, malheureusement.
Le visage de Mike était très proche de celui de Will, il fut vite surpris de ne pas entendre la musique qui devrait sortir des écouteurs qu'il portait, alors le Wheeler parvint, grâce à ses jambes fermement accrochées autour de son ami, à avoir un appui relativement stable pour trouver et résoudre le problème concernant le lecteur de cassette, alors que tous les autres au sol retenaient leur souffle. Mike attrapa et ouvrit maladroitement le lecteur pour découvrir qu'il avait commis la stupide erreur d'insérer la cassette à l'envers ! Il jura contre sa bêtise et la saisit en tremblant à cause de l'effort qu'il fournissait malgré tout pour maintenir sa position, mais la sueur qui perlait sur son front et qui rendait ses mains moites finit par anéantir ses derniers et faibles espoirs de sauver Will : la cassette glissa et alla s'écraser par terre dans un bruit que Mike entendit à peine car il hurla de désespoir en voyant sa dernière espérance se réduire à néant sous ses yeux.
Entièrement désemparé par la tournure des événements, le Wheeler continua de s'accrocher à son meilleur ami et parvint à s'élever de quelques centimètres supplémentaires pour mieux observer le visage du Byers, maintenant un peu en dessous du sien, et qui avait toujours ce même regard voilé. Il le serra de toutes ses forces contre sa poitrine et lui parla une nouvelle fois, même s'il savait que cela était inutile, avec maintenant les larmes aux yeux :
— Will, je...je t'en supplie, réveille-toi !! Je ne peux pas te perdre, pas encore ! On n'a pas encore rattrapé toutes ces années perdues, alors je t'interdis de me laisser, compris ?! Et je pense que...non, c'est sûr, en fait, que j'ai des tas d'autres choses à te dire, des choses que j'aurais dû te dire il y a longtemps, alors...ne me force pas à te les dire ici et maintenant, je t'en prie !!!
Même en entendant faiblement ses paroles, il ne pouvait empêcher la terrible main de Vecna de s'abattre sur lui et de l'éliminer en une seconde, alors il ferma les yeux, prêt à accepter son funeste sort, mais tout ce qui vint fut un soudain choc dans un mur proche de lui, comme si quelque chose venait de le percuter violemment, et il tomba par terre tout de suite après. Il ouvrit les yeux, surpris d'être encore de ce monde, mais sa stupéfaction fut encore plus grande quand il découvrit sa sœur là où se tenait le monstre il y a quelques secondes, tandis que ce dernier venait dêtre projeté dans un mur par la nouvelle venue.
— Will, cours et fuis ! Hurla El. Je m'occupe de Vecna, alors tu ne te retournes pas une seule fois pour savoir ce qu'il se passe ici, c'est compris ?! Prends n'importe quelle direction et écoute la chanson ! Tu trouveras la sortie !!
En emportant la culpabilité de laisser l'adolescente seule avec l'horrible créature, le Byers fila néanmoins en dehors du sous-sol puis de la maison pour s'échapper de cette ville maudite, pour enfin se réveiller de ce cauchemar sans fin. Malgré les longues minutes de course effrénée qui l'éloignèrent de plus en plus du danger, il devait se rendre à l'évidence : il n'entendait aucune chanson, et il ne parvenait pas à savoir si Mike, ou même quelqu'un d'autre, essayait de lui parler à cause de sa respiration saccadée due à l'effort qu'il fournissait.
Après de longues minutes, il s'autorisa enfin à s'arrêter un instant. Il ne réalisait que maintenant que son cœur battait très fort, jusqu'au point où il avait l'impression de même l'entendre, et pas seulement de le ressentir. Ce n'est que quand son souffle retrouva un rythme normal qu'il comprit que ce battement de cœur n'était pas le sien. Quand il devina que ce serait sa musique, l'espoir de sortir de ce cauchemar renaquit en même temps que sa course reprit.
Enfin, il la vit. La brèche vers la réalité. Ce qu'il vit lui fit écarquiller les yeux : il était, comme Max il y a quelques jours, élevé dans les airs, avec ses amis autour de lui. Il fut d'abord soulagé de s'assurer qu'El était bien parmi eux, ce qui signifiait donc qu'elle combattait seulement mentalement Vecna, et ce qui, espérait le jeune homme, la protégeait de tout danger, et la culpabilité de la laisser plus loin pour s'enfuir s'atténua. Puis, il réalisa avec stupeur que quelqu'un était farouchement accroché à lui dans les airs, et que ce n'était autre que...Mike. Alors...c'était son cœur, que Will écoutait et qui le guidait ?
Ce dernier fut ému rien qu'à cette pensée, et cette émotion lui permit de puiser ses dernières forces pour atteindre le passage au plus vite. Comme si son meilleur ami savait l'ultime effort que faisait le Byers, il recommença à lui dire des paroles que l'adolescent trouva si insensées qu'il se serait immédiatement arrêté si sa vie - et peut-être celle de sa sœur – n'était pas en jeu. Mais il continua sa course, et quand il atteignit finalement son objectif, un vent pur effleura tout son corps, comme s'il passait de l'enfer au paradis.
Le retour à la réalité fut brutal, mais si agréable à la fois. Même s'il devait avouer que la chute de plusieurs mètres l'était nettement moins, il se sentait tout de même extrêmement chanceux d'être capable de retoucher le béton et d'apprécier sa tiédeur, que le soleil avait chauffé. Des larmes de joie effacèrent entièrement la légère douleur qu'il éprouvait à cause de sa chute, mais surtout, le poids inhabituel qui reposait sur lui le fit ouvrir les yeux, se rappelant soudainement de ce qu'il, de qui il avait vu à travers la brèche.
Les larmes tombant sur ses vêtements lui confirmèrent ses pensées et son cœur rata bien plusieurs battements quand il se rappela des mots marquants qu'il lui a dit à l'oreille, alors seuls au monde, au dessus de toute façade, de tout mur qu'ils avaient dressés entre eux. Will, à contre cœur, s'écarta un peu du Wheeler pour l'interroger du regard. Avait-il mal compris ? Avait-il pris ses rêves pour la réalité pendant qu'il se démenait pour se sortir de son cauchemar ?
Le sourire sincère et les yeux emplis de larmes du garçon qu'il aimait depuis toujours répondit à sa question muette dans le même silence. Alors, même si leurs amis étaient encore là, ils se sentaient toujours seuls au monde, et de la meilleure façon qui ait été. Ils se serrèrent à nouveau dans leurs bras, des larmes dévalant leurs joues et lèvres tremblantes, et juste après avoir un très rapide baiser sur la joue du jeune homme, il répondit enfin à la déclaration de ce dernier :
— Je t'aime aussi, Mike...
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Wow, je...je l'ai fini, enfin !! Je suis vraiment heureux.se de finalement pouvoir publier quelque chose ! J'espère que vous avez aimé ce premier OS (malgré sa longueur), car je compte bien en publier encore quelques-uns sur ce livre ! Dîtes-moi ce que vous en avez pensé !
13860 mots.
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