Chapitre 6-3
J'avais repris le service en étouffant du mieux que je pouvais ma colère et ma frustration. Je devais tendre l'oreille, me concentrer sur chaque mot des clients et sortir souvent, trop souvent mon dictionnaire d'espagnol. C'était l'exercice le plus difficile de ma vie, car en plus de la barrière de la langue, je devais être réactif, rapide.
Il était une heure de l'après-midi et le restaurant ne désemplissait pas. Dans l'action, je ne vis pas tout de suite la femme aux pommettes rondes et au rouge à lèvres bien marqué s'installer devant moi. C'est quand elle leva la main pour attirer mon attention que je la reconnus. C'était Manuela, la collègue de Rojas.
Je m'approchai d'elle et tendis mon oreille :
— Que voulez-vous boire ?
— Prenez une pause, monsieur Olsen. J'ai des papiers à remplir avec vous. C'est l'occasion de discuter un peu ensemble.
Mon regard se durcit. Je me redressai et lui indiquai d'un signe de tête une table vide sur ma droite.
— Attendez-moi là-bas. Je finis ces deux commandes et j'arrive.
J'allais quitter mon post au bar pour rejoindre la collègue de Rojas qui m'attendait déjà depuis dix minutes à la table que je lui avais indiquée quand mon regard fut attiré par un homme au crâne rasé, à l'extérieur du restaurant. Entouré par un petit groupe de personnes, il paraissait être le chef de ce clan.
— C'est Tony, un gamin du quartier qui n'a pas fait les bons choix dans la vie.
Avec tout le bruit, je n'avais pas entendu Diego arriver derrière moi. Il y avait dans le ton de sa voix quelque chose de triste. Occupé à essuyer les verres chauds tout droit sortis de la machine, il ne releva pas la tête. Je demandai :
— Lui et sa bande trainent souvent par ici ?
— Oui. Tant qu'ils ne posent pas de problème dans le quartier et font leur trafic ailleurs que devant mon restaurant, ça me va. C'est un enfant d'East Harlem, sa mère est une brave femme, très malade.
Je tournai de nouveau ma tête pour regarder à l'extérieur, en direction de l'homme qui paraissait avoir mon âge. C'est alors que nos regards se croisèrent. Le chef à la carrure imposante fronça les sourcils, visiblement intrigué par ce qu'il voyait. Finalement, je détournai les yeux en premier pour vaquer à mes occupations.
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