Chapitre 24-1

Desya

Je trouvai miraculeusement une place au bout du bar. Le Marcus était plein à craquer en cette fin de matinée, comme tous les autres endroits à East Harlem. La fête allait encore continuer quelques jours. Les serveurs, heureux de me croiser, me donnèrent l'accolade. Bien que maquillés, ils avaient tous l'air épuisés par ces heures de travail au milieu du bruit.

Mes yeux se baladaient un peu partout. Cette chaleur humaine, la musique, les rires m'avaient manqué. Je me sentais chez moi. Un profond apaisement m'habitait à cet instant.

Je fus brusquement arraché à mes pensées par Carlos, le plus jeune serveur de l'équipe, qui m'envoya son torchon à la figure en riant :

— Tu ne crois quand même pas que nous allons te servir !

Emma cria un peu plus loin :

— Desya, arrête de nous narguer et viens nous donner un coup de main !

— Je ne reprends que demain, mais je vous soutiens.

D'une voix forte, j'interpellai Angèle derrière le bar :

— Je prendrai une bière, s'il te plaît.

Elle mima une grimace et me l'apporta.

— Ça va ? Tu tiens le coup ? demandai-je en jetant un regard dans la salle noire de monde.

— Tu me donnes du travail en plus, plaisanta-t-elle. Es-tu venu pour ça ?

— Emilio est de retour. Je lui ai proposé de me rejoindre ici. Finalement, vu la foule, je ne sais pas si c'était une bonne idée.

À ce moment, une zumba raisonna dans le restaurant. Un raz-de-marée se précipita au milieu de la salle pour danser.

— Où est Diego ?

— À la salle, avec Marta et d'autres serveurs, répondit Angèle en dressant des cocktails.

Je regardai sans cesse vers l'entrée du restaurant, pour être sûr de voir Emilio quand il passerait les portes. D'un coup, elle me lança :

— Tout le monde a assisté à tes retrouvailles, hier, avec Blue. Pour une femme qui n'était pas censée être ton genre, on dirait que finalement, elle a réussi à te mettre le grappin dessus. Comment s'est-elle débrouillée pour que tu la regardes enfin ?

Je tournai la tête vers Angèle qui riait jaune. La tension dans sa voix indiquait qu'elle n'approuvait pas ma relation avec Bluebell. Sûrement parce qu'elle aurait aimé être à sa place. Je rectifiai :

— C'est moi qui ai dû franchir des montagnes pour qu'elle me regarde. Pas elle.

Elle soupira. Un voile de tristesse assombrit ses yeux bleus.

— Tu as beaucoup de chance, lâcha-t-elle, sincère. C'est une femme incroyable.

Je sais. Je pris une gorgée de ma bière et revins sur Angèle. J'aurais voulu trouver les mots pour la réconforter, mais je n'étais pas doué dans ce domaine. Soudain, elle jeta un regard inquiet par-dessus mon épaule et changea subitement d'expression.

— Desya, en parlant de montagne, il va aussi falloir que tu affrontes la tempête.

Je fronçai les sourcils. C'est alors qu'une voix masculine m'interpella par-derrière. Je me retournai et tombai nez à nez sur Paolo. Il m'observait avec un regard sinistre. À voir l'état dans lequel il se trouvait, je me doutai qu'il n'avait pas dormi de la nuit. Je me fendis d'un sourire en coin.

— Bonjour, mec, ça va ? Envie d'une bière ?

Ma courtoisie n'était que de surface. Autour de nous, ça continuait de crier, de danser, de rire. Je baissai les yeux sur les poings serrés de Paolo et compris que j'allais devoir répondre aux questions d'un homme qui venait d'apprendre que je baisais la femme de sa vie.

— Enfoiré, tu peux te foutre ta bière là où je pense !

Je fis semblant d'avoir peur en mettant les mains devant moi.

— Eh, du calme. J'essayais juste d'être gentil.

— C'est ça, fils de pute ! Je t'avais dit de la laisser tranquille. Mais toi, tu as pris ça pour un putain de défi.

Un sentiment de fureur mêlé de jalousie enflait en lui.

— Tout le monde vous a vus partir, hier soir, ensemble. Où êtes-vous allé ?

Mon sourire disparut. Je ne supportai plus ce connard qui pensait que Blue était à lui. Il était temps de remettre les choses à leur place. Je m'approchai de Mora afin qu'il ne perde pas un seul mot :

— J'ai passé la nuit à caresser sa peau, mêlant mon souffle au sien. Regarde-moi dans les yeux. Ça fait des mois qu'elle m'appartient. Je connais par cœur chaque centimètre de son corps.

J'eus à peine fini ma phrase que Paolo m'asséna un coup de poing brutal qui me fendit le nez. Je repris vite mes esprits et lui balançai en réponse un coup de pied dans le ventre qui lui coupa le souffle. Il atterrit sur une table, dans un bruit de vaisselle brisée. Je me jetai sur lui pour l'écraser sous toute ma rage, impitoyable. Je m'arrêtai pour reprendre mon souffle, puis reculai. Paolo en profita pour foncer sur moi, tête baissée. Nous tombâmes à terre tous les deux en échangeant une série de coups de poing d'une rare violence. Les serveurs et les clients essayèrent de nous séparer. À ce moment, je redevins cet homme violent que je m'étais forcé à oublier durant toutes ces années. Il ne me fallut que quelques minutes pour perdre le contrôle et que mon destin bascule à nouveau.

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