Chapitre 23-1
Bluebell
La salle était pleine pour ce premier bal. Les habitants l'avaient décorée pendant des jours. Elle était magnifique, à l'image du quartier.
Nous étions à notre centième selfie, avec Shelby et June. Adriana, quant à elle, continuait à danser avec Ethan, sur la musique entrainante.
Depuis que j'étais arrivée, je ne pouvais pas faire deux pas sans saluer quelqu'un. Le temps s'écoulait inexorablement et j'essayais par tous les moyens de profiter de chaque seconde. Je me forçais à sourire, à danser. C'était la meilleure façon d'affronter le manque, de ne pas penser à Desya.
Tony s'approcha de moi pendant que je remplissais mon verre au buffet.
— Bonjour, Blue. Vous avez assuré, pour ce soir, avec les équipes. C'est une super organisation.
Il avait fait l'effort de se déguiser et avait même quelques traces de peinture sur son visage. Je reconnaissais ses yeux noirs et son joli sourire. Pour une fois, Tony était comme tout le monde. Il célébrait cette fête avec ses proches, en mettant entre parenthèses sa vie de délinquant.
J'avalais rapidement mon verre de mojito comme s'il avait le pouvoir de faire baisser ma température. Tony poursuivit :
— Je voulais te remercier. Ma mère a enfin eu son logement. Elle emménage la semaine prochaine.
Je souriais, heureuse d'entendre cette nouvelle.
— Je t'avais dit d'être patient, de me faire confiance.
Julieta arriva à ce moment et commença à tirer énergiquement sur ma jupe. Tony se mit à rire.
— Les enfants de Saint-Joseph ne sont pas pressés d'aller se coucher, dit-il, amusé par le comportement de la petite fille.
Tony demeura un instant silencieux puis me prit la main pour la serrer fort dans la sienne. Il plongea son regard plein de reconnaissance dans le mien.
— Merci, Bluebell, de t'être battu pour Mamita. Je sais que c'est grâce à toi. Ma vie est un champ de bataille et chaque jour peut être le dernier, mais si demain je quitte ce monde, je partirai l'esprit tranquille.
Ses paroles m'arrachèrent un pincement au cœur. Je tenais à chaque habitant de ce quartier. Je refoulai ma tristesse et m'obligeai à lui sourire.
— Prends soin de ta maman. Tu es un bon fils et je sais qu'un jour, tu retrouveras le bon chemin. Ce jour-là, je t'ouvrirai ma porte.
Le jeune homme hocha la tête, une expression chaleureuse sur le visage. Il inspira profondément puis regarda Julieta qui continuait de tirer sur mon vêtement en criant mon prénom.
— Ils ont de la chance de t'avoir. Tu les fais devenir exceptionnels, comme toi.
Sur ces mots, Tony tourna les talons et repartit à sa vie. Je le suivais un instant des yeux, priant pour qu'il trouve la paix intérieure.
Les cris de Julieta redoublèrent, je baissai les yeux sur elle. Son insistance m'obligea à m'accroupir pour écouter ce qu'elle avait à me dire. Comme moi, elle avait chaud. Ses cheveux collaient sur son front et son maquillage.
— Le père Samuel va s'inquiéter s'il ne te voit pas avec les autres enfants.
La petite fille ne prêta pas attention à mes paroles. Elle fouillait dans la poche de sa robe pour sortir deux sucettes.
— Une pour Blue et une pour moi, dit-elle comme si elle répétait un texte.
Je pris la sucette qu'elle me tendait et l'embrassait sur le front pour la remercier.
— Fraise ? Julieta, tu as deviné que mon parfum préféré était la fraise, déclarai-je avec une voix joyeuse, en ouvrant grand les yeux.
— Non, moi je ne savais pas. C'est Desya qui m'a donné la sucette pour toi.
Mon sourire disparut brusquement. Je marquai un temps d'arrêt pour permettre à mon cerveau de se remettre en route. Il s'était souvenu d'une de nos anciennes conversations.
— Desya ? Comment ça ?
— Il est là. Je lui ai sauté dans les bras quand je l'ai vu. Et il m'a fait voler.
Je battis des cils, je n'arrivais plus à réfléchir. Je me redressai, le cœur battant en regardant partout autour de moi. L'air commencait à me manquer. Le père Samuel arriva à ce moment, sûrement pour venir chercher Julieta qui avait échappé à sa vigilance. Il m'adressa quelques mots, mais je ne les entendis pas, tout comme la musique qui me parvenait de très loin.
Je me mis à arpenter la salle en bousculant le monde sur mon passage. Cette impatience qui me tourmentait depuis des jours ne faisait que s'accentuer au fil des secondes qui passaient. Je crevais d'envie de le revoir, d'oublier ces trois jours où j'avais cru mourir à petit feu.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top