Chapitre 20-1

Desya

Je finissais de préparer mon sac quand j'entendis la porte d'entrée. Hors de moi, je jetai mes tee-shirts sur mon lit avant de rejoindre Emilio dans le séjour.

— Où étais-tu ? J'ai appelé au magasin, ton responsable m'a dit que tu avais fini ta journée depuis plus d'une heure.

Mon colocataire se dirigea dans la cuisine pour sortir une bière du frigo.

— Lâche-moi. J'avais un petit détour à faire. Ton départ demain va vraiment me faire du bien.

Je le rejoignis d'un pas rapide et lui arrachai sa bière des mains :

— Petit enfoiré, ne me cherche pas. Je n'ai pas de temps à perdre avec tes conneries. Tu veux gâcher ta vie, très bien. Mais avant, tu dégages d'ici !

Emilio leva le menton.

— Merde ! Fais-moi confiance un peu. Je ne fais rien de mal. J'ai eu une grosse journée, je veux juste me poser tranquillement et boire cette foutue bière.

Je lui rendis la bouteille en le toisant durement. Pendant qu'il partait s'installer sur le fauteuil, je le suivais du regard. Il savait que je ne partirais pas du salon tant qu'il ne m'aurait pas dit où il était. Emilio alluma la télévision, but une gorgée à même la bouteille et déclara d'une voix lourde de fatigue :

— J'étais avec Bluebell, chez elle.

Je fronçai les sourcils.

— Pourquoi es-tu passé la voir ?

— J'ai l'intention de reprendre mes études l'année prochaine et pour ça, j'ai besoin d'elle pour monter le dossier de financement.

Je me rapprochai doucement d'Emilio qui avait le regard fixé sur l'écran de télévision. La colère qui pulsait dans mes veines commençait à s'estomper.

— C'est bien. C'est le meilleur choix.

Je me posai dans le canapé.

— Es-tu content de rentrer ?

Son air pensif et son ton lointain ne m'échappèrent pas. Je baissai mes yeux sur le sol puis acquiesçai avec raideur :

— Oui. J'ai besoin de retrouver mon monde, ma vie. Le travail au restaurant est épuisant. Ces quelques jours loin d'East Harlem vont me faire du bien.

Concentré sur sa série espagnole, il ne parut pas entendre mes paroles.

— Comment va-t-elle ?

Emilio tourna doucement la tête vers moi comme s'il ne comprenait pas ce que je lui demandai :

— Blue ?

Ça y est, ma question lui était parvenue jusqu'au cerveau. Il souleva les épaules, bougea la tête à droite puis à gauche, tapa du pied sur le sol, se gratta le cou...Putain ! Mais qu'attendait-il pour me répondre ?

— Elle avait l'air d'aller pas trop mal. Elle était contente de savoir que je voulais reprendre mes études.

Pas trop mal ? Vu le comportement bizarre d'Emilio, elle avait dû lui parler de ce qui s'était passé à la salle, cet après-midi. Je soupirai et rejetai ma tête en arrière.

— OK, elle t'a tout raconté. On ne s'est pas vraiment disputés. Je devais juste rappeler à Blue que nous n'étions pas ensemble. Tu comprends, je ne veux pas qu'elle s'imagine des choses et qu'elle soit déçue quand je quitterai définitivement East Harlem, dans quelques semaines.

Le regard fixé droit devant lui, mon colocataire n'écoutait que d'une oreille ce que je lui racontai. Il prit une nouvelle gorgée de sa bière puis répondit sur un ton las :

— Elle a compris, ne t'inquiète pas.

Ses paroles m'interpellèrent. Je décollai mon dos du canapé. Mon regard se durcit.

— Comment ça ? Que t'a-t-elle dit ?

Il tourna enfin son visage dans ma direction. La surprise arqua ses sourcils.

— Non, je...je disais ça comme ça. Je n'ai même pas entendu ce que tu me disais. Mec, laisse-moi regarder ma série tranquillement.

— Que t'a-t-elle dit ? Ne me prends pas pour un con ! Vous en avez parlé.

Emilio se cala dans son fauteuil, soutint mon regard un instant avant de détourner de nouveau les yeux. Il n'avait pas envie de me répondre. Pourtant, sous le poids de mon regard, il se décida enfin à parler.

— Blue a fait ce que tu lui as demandé, elle a tourné la page. Paolo était chez elle. Visiblement, il passait la soirée et la nuit ensemble.

Sa réponse me fit l'effet d'un électrochoc. Immobile, incapable de dire un mot, je retins ma respiration. J'aurais voulu être insensible à ses mots. Bluebell et l'autre connard de Paolo, ensemble. Putain ! J'avais envie de vomir. Mon silence inquiéta Emilio qui tourna sa tête vers moi. Je changeai d'expression et feignis l'indifférence pour ne rien trahir.

— Je t'ai ramené des restes du restaurant. Ils sont dans le frigo.

— Merci, dit-il avant de se lever.

Emporté par une émotion incontrôlable, je retournai en vitesse dans ma chambre.

Je parcourrai la pièce de long en large, les mains posées au-dessus de mon crâne. Aussi furieuse soit-elle, Bluebell n'avait pas à se comporter de la sorte. Que voulait-elle se prouver ? Elle allait coucher avec Paolo pour se venger. C'était puéril. L'idée de partir tambouriner à sa porte traversa mon esprit, mais je me ravisai rapidement. En effet, après tout ce que je lui avais dit, ça aurait été malvenu de ma part.

— Qu'est-ce que tu as fait, Desya ? Qu'est-ce que tu as fait ?

J'ordonnai à mon cerveau d'effacer la dernière image que j'avais de Blue. Celle d'une femme profondément triste, déçue et blessée, mais elle revenait à chaque fois plus violemment dans mon esprit.

Je me précipitai vers mon bureau pour prendre mon téléphone, hésitai puis renonçai à l'appeler en me forçant à laisser de côté mes sentiments. Dans quelques heures, je serai loin de ce quartier, loin d'elle. Les choses seraient différentes. Je réaliserais que c'est mieux comme ça. Bluebell et moi appartenions à deux mondes trop différents. Je devais prendre le temps de me retrouver.

Je m'efforçai d'inspirer profondément pour me calmer puis me tournai vers mon lit. Le souvenir de notre première fois me revint. J'avais eu de nombreuses conquêtes avant mon séjour en prison, même lorsque j'avais été en couple avec Charlotte. À cette époque, le sexe prenait une grande place dans ma vie, mais jamais je n'avais autant désiré une femme comme je désirais Blue. Elle hantait mes pensées depuis notre toute première rencontre. La savoir en ce moment avec un autre homme me foutait en l'air.

J'éteignis mon téléphone, tirai le tiroir de ma table de nuit et le rangeai à l'intérieur. Je ne voulais pas emmener Blue avec moi à New York. C'était le moment de couper nos liens devenus trop forts au fil des mois et des semaines passées auprès d'elle.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top