Chapitre 18-5
À cette heure tardive, je pensais être tranquille en arrivant à la maison, mais Adriana m'attendait avec June dans le séjour.
— Tu n'étais pas censé être chez Ethan, ce soir ? demandai-je, surprise de trouver ma sœur ici.
Debout, la main appuyée sur une des chaises, elle baissa son regard sur le côté de ma robe déchiré et ne put s'empêcher de montrer le dégoût que cette image suscitait en elle. Gênée, je tentai de refermer la fente béante avec ma main.
— Où étais-tu ?
Sa voix trop calme laissait présager la tempête. Je tournai la tête vers June, installée dans le canapé, mal à l'aise elle aussi.
— Au travail, répondis-je sans me démonter. J'avais pas mal de retard à rattraper.
— Était-il avec toi ?
Je revins sur ma sœur et changeai aussitôt d'expression pour qu'elle ne devine pas la vérité.
— De qui parles-tu ?
Dans mon esprit passa l'image des yeux noirs orageux de Desya au-dessus de moi. Ma sœur et ma cousine s'échangèrent un regard.
— Le mot "confiance" te parle-t-il ? Regarde-toi, regarde ce que ce type est en train de te faire devenir : une menteuse !
Je passai une main dans mes cheveux puis fixais ma sœur, droit dans les yeux. Une révolte dévorante enflait en moi.
— Oui, j'étais avec lui. Et oui, nous avons recouché ensemble.
Mes paroles parurent lui donner la nausée.
— Sale catin !
June se leva pour venir se placer entre nous. Adriana, hystérique, agitait ses bras en l'air.
— Cet enfoiré se joue de toi, ouvre les yeux. Il va te prendre tout ce que tu as.
J'ouvris la bouche, mais aucun son n'en sortit. J'avais l'impression que mon visage était figé dans le marbre. June suppliait Adriana de retirer ses paroles.
— Je veux retrouver ma sœur, gémissait-elle, la gorge étranglée par les sanglots.
Ma cousine se tourna vers moi :
— Monte ! Je vais arranger ça.
Je reculai doucement, le regard figé de stupeur sur cette scène effroyable d'Adriana s'effondrant dans les bras de June.
— Je veux retrouver ma sœur, continuait-elle de hurler.
J'avais soudain du mal à respirer. Sa souffrance causée par ma faute me déchirait le cœur.
Je montai les marches en m'agrippant de toutes mes forces à la rampe. Les cris m'accompagnèrent jusqu'à l'étage.
Chancelante, je refermai la porte de la salle de bain derrière moi puis restais de longues secondes debout, immobile, en essayant de reprendre à petit coup ma respiration.
Après une douche glacée et avoir récité mes prières, je m'allongeai sur le lit et fixai pendant un long moment le plafond. Mes pensées n'allaient que vers un seul homme. Ma sœur me demanderait bientôt de choisir et je n'aurais pas d'autre choix que de renoncer à lui. Je fermai les yeux. Le souvenir de son parfum, de ses caresses, de ses va-et-vient en moi surgit violemment. Mes sentiments pour Desya me submergeaient, j'étais en train de me noyer.
Les petits coups à ma porte me tirèrent de mes réflexions. Je me redressai subitement, les yeux rivés sur la porte qui s'ouvrait lentement. C'était June.
— Je peux entrer ?
Je hochai la tête. Contrairement à Adriana, son regard n'était pas rempli d'hostilité à mon égard. Elle s'assit sur le bord de mon lit et balaya la pièce des yeux, éclairée seulement par deux bougies. Dehors, les voix animées remontaient jusqu'à nous.
— Comment va-t-elle ? demandai-je, inquiète.
— Ça va aller. Adriana doit juste digérer la nouvelle et accepter de voir sa petite sœur comme une femme qui a des envies comme nous toutes.
Un pauvre sourire vint mourir sur mes lèvres. June soupira.
— Pourquoi lui, Blue ? Il y a plein d'hommes à East Harlem et ailleurs qui auraient aimé s'occuper de toi.
Je baissai les yeux, repliai mes genoux et enroulai mes bras autour. Pourquoi lui ? Je n'en savais rien du tout. Je répondis avec un hochement d'épaule :
— Je n'arrive pas à lui résister. Quand il me regarde, un énorme brasier s'allume en moi. Ses caresses me donnent le vertige. Je te jure que j'aimerai faire taire les battements de mon cœur quand je le vois. J'ai essayé, je te jure que j'ai vraiment essayé de toutes mes forces. Cet homme me poursuit jusque dans mes rêves depuis le premier jour où je l'ai rencontré. J'ai demandé à la vierge de Guadalupe la raison de cette épreuve, mais je la vois sourire au fond de mes prières.
Ma cousine pencha sa tête. Une grande compassion transparaissait sur son visage. Soudain, elle se rapprocha de moi et me demanda, agitée, le regard brillant de malice :
— Allez, raconte-moi, Blue. C'était comment ? Il ne t'a pas fait mal ?
Avec un large sourire, je secouai la tête, le regard rêveur.
— C'est la chose la plus exquise qu'il existe au monde. Il y avait dans son regard tellement de tendresse comme si j'étais à ce moment la personne la plus importante pour lui. Sa langue, June, ses baisers m'ont pulvérisé.
Ma cousine étouffa un petit rire avant de se jeter en arrière pour s'allonger. Les yeux tournaient en direction du plafond, elle retrouva son sérieux puis demanda d'un ton triste :
— Et demain ? As-tu pensé à demain ?
— Pour la première fois, je ne sais pas de quoi demain sera fait. Desya a beaucoup de défauts, mais il ne ment pas quand il me dit qu'il n'y aura rien de plus entre nous. Il ne me fait rien espérer.
June tourna sa tête. Les sourcils froncés, elle m'interrogea du regard. Je soulevai les épaules.
— Il m'a confié, avec ses mots, qu'il ne m'aimerait jamais. Et comme une imbécile, je le laisse disposer de moi à sa guise.
Je posai ma tête contre le mur, derrière moi, et poursuivis :
— Adriana a raison. Je dois arrêter tout ça avant qu'il me rende vulnérable. Pourquoi l'ai-je rencontré ?
En compagnie de June, je me promis ce soir-là qu'il n'y aurait pas de prochaines fois avec Desya. Qu'il ne me toucherait plus jamais ! Malheureusement, le lendemain et les surlendemains, tout m'échappa à nouveau. Nous recouchâmes ensemble à de nombreuses reprises les mois suivants. Chez lui, à mon travail, dans sa voiture, au restaurant... Plus les jours passaient, plus je tombais amoureuse de cet homme froid, sans scrupule qui aimait me rappeler de ne pas m'attacher à lui. Pourtant, chaque fois que nous faisions l'amour, il me répétait que j'étais à lui, que je lui appartenais. Mes émotions contradictoires absorbaient toute mon énergie et perturbaient ma sérénité jusque dans mon sommeil.
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