Chapitre 17-1
Bluebell
Je soufflai pour tenter de calmer mes pulsions cardiaques qui m'avaient broyé la poitrine quelques instants plus tôt. Les doutes m'assaillaient. Mon reflet dans le miroir de la salle de bain me renvoyait à la triste réalité. Avec un revers de main, j'essuyai mes joues sillonnées de larmes. Ma seule consolation avait été le moment où j'avais étalé le gel douche de Desya sur ma peau. L'espace d'un instant, j'avais eu l'impression de me retrouver dans ses bras tellement que cette odeur m'était familière.
Je passai de l'eau sur mon visage afin de chasser l'image de la croix gammée sur son corps puis respirai profondément histoire de me donner le courage de sortir de cette petite pièce où je me sentais en sécurité.
Je fus étonnée de trouver Desya encore dans la chambre. À moitié dans l'obscurité, il était en train de mettre de nouvelles taies d'oreiller. Quand il s'aperçut de ma présence, il arrêta ce qu'il était en train de faire et se redressa en faisant glisser ses yeux sur moi. Les pieds enfonçaient dans l'épaisse moquette, je demeurai interdite sur le bas de la porte en tirant fébrilement sur le bas de mon tee-shirt.
— J'ai changé les draps, dit-il, le regard fuyant. Le lit est petit, mais il est confortable.
— Merci.
Je m'avançai doucement dans la pièce. Troublé, Desya lança de furtifs coups d'œil autour de lui pour éviter de me regarder puis se frotta le visage avec ses mains comme quand il était nerveux. Arrivée près du lit, je me tournai vers lui.
— Je partirai à l'aube. J'avais juste besoin de respirer, d'oublier quelques heures ma vie.
Desya passa une main derrière sa nuque et répondit, sincère :
— Tu peux rester ici autant de temps que tu voudras.
Mes yeux se baissèrent sur son tee-shirt. Maintenant que je savais ce qu'il se cachait derrière, j'aurais dû avoir un millier de raisons d'être écœurée par cet homme, mais le lien si étrange, inexplicable, qui me retenait à lui m'empêchait de fuir.
Sans réfléchir, je traversai la chambre pour le rejoindre puis pris sa main dans la mienne. Il se crispa, mais ne chercha pas à se dégager. J'accrochai son regard magnétique et le sol s'ouvrit sous mes pieds comme si mon existence tout entière était suspendue à cette seconde qui pouvait changer le temps. Une soudaine dureté envahit ses traits. Je portai mon autre main à son visage et caressai sa joue, sa mâchoire, ses lèvres. J'entrouvris mes lèvres pour prononcer ces quelques mots :
— Quand vous vous levez le matin, dites merci pour la lumière du jour, pour votre vie et votre force. Dites merci pour votre nourriture et pour la joie d'être en vie. Si vous ne voyez pas de raison de dire merci, la faute se trouve en vous.
— Encore un verset de la Bible ? demanda Desya, un demi-sourire aux lèvres.
Je ris en secouant doucement la tête.
— Juste les paroles sages de Tecumseh, un chef amérindien Shawnee.
Nous nous tûmes, envoutés par le silence qui nous enveloppait. Soudain prise d'un vertige, je posai mon front contre lui et poursuivis :
— Ce soir, je te dis merci, Desya. Je suis reconnaissante pour tout ce que tu apportes dans ma vie. Tu es une tempête à toi tout seul, mais pour la première fois je me sens si forte, si vivante à tes côtés et pour ça, je te dis merci.
Je relevai mon visage. Et au fond de ses yeux je vis toutes ses peurs, ses ténèbres, mais aussi son désir. Il continuait de se taire en me fixant avec sévérité. Je fermai les yeux et me hissai sur la pointe des pieds pour l'embrasser. Vaincu, Desya laissa ma langue pénétrer à l'intérieure de sa bouche. Un doux frisson parcourut mon dos. C'est alors qu'il se laissa aller puis m'embrassa sans retenue.
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