Chapitre 12-4

L'allée goudronnée scintillait sous le clair de lune. Sur mon passage, mes voisins me saluèrent. Je faisais mine d'être pressée pour ne pas m'arrêter.

J'atteignis la voiture d'Emilio plus nerveuse que jamais. Lorsque j'ouvris la portière, je me dépêchai de rentrer à l'intérieur de peur d'être surprise par des regards curieux. Les effluves enivrants du parfum de Desya flottaient à l'intérieur de l'habitacle. Mal à l'aise, je tournai mon visage vers lui. Un bras sur le volant et l'autre posé sur l'appui-tête, il me scrutait avec attention. L'effet de son regard produisit en moi une déferlante vague dévastatrice. Mon cœur se mit à battre plus vite. Ce type était à lui seul un tourbillon de sensualité et ses tatouages partout sur sa peau jusque dans son cou ne faisaient que m'attirer un peu plus vers l'interdit.

— Comment ça va ?

— Bien ! mentis-je.

Il demeura un instant silencieux puis son sourire s'élargit. Mon regard cilla, mon souffle se coupa. Il était à cet instant plus séduisant que jamais.

— Bluebell, j'ai eu tout à l'heure un moment d'égarement. Ça ne se reproduira plus.

Son ton était grave et chaud. L'atmosphère dans la voiture commençait à devenir bizarre. Quand ses yeux se baissèrent sur mes cuisses nues, il se dépêcha de détourner son regard comme pour maîtriser une violente pulsion qui l'envahissait. Il poursuivit, les yeux fixés devant lui.

— J'ai toujours eu l'habitude d'obtenir tout ce que je voulais de la part des femmes. Je ne sais pas ce qui m'a pris. J'ai pensé que vous étiez comme les autres. Le fait qu'aucun homme ne vous a jamais touché, possédé m'attire. C'est mal, je sais.

La fin de sa confession se termina dans un souffle. Desya tourna de nouveau son visage vers moi pour voir ma réaction. Je restai silencieuse. Le souvenir de ses lèvres sur les miennes vint de nouveau troubler mon esprit. Une chaleur se répandit dans ma chair jusqu'au plus profond de mon intimité. Avec un réflexe incontrôlé, je resserrai mes cuisses. Desya perçut ce mouvement et baissa ses yeux sur moi. Des émotions différentes se succédèrent sur son visage. Je me dépêchai de réfléchir pour trouver une réponse appropriée avant que ses mains viennent caresser ma peau et que je sois incapable de lui dire non.

— Je ne partage pas cette attirance. Je veux rester dans une relation saine où le désir n'a pas sa place. Je suis votre tutrice et ça s'arrête là.

Olsen hocha la tête puis murmura :

— J'aurais aimé n'avoir jamais touché vos lèvres.

Il passa sa main sur ses cheveux rasés très courts et lâcha :

— Nous pourrions essayer d'être juste amis ? Il n'y a qu'auprès de vous que ma haine et ma rage, accumulées depuis de nombreuses années, se dissipent.

Mon regard se radoucit. Je voyais soudain l'enfant perdu en face de moi et me mis à croire à une possible amitié. Peut-être que si je restai assez proche de lui j'arriverai à lui enlever toute la noirceur dans son cœur. Les yeux transperçant d'Adriana s'invitèrent à ce moment dans ma tête. Nerveuse, je regardai autour de moi pour être certaine que personne ne nous voyait.

— Que se passe-t-il ? me demanda Desya, l'air suspicieux.

— Je ne veux pas qu'elle sache que je suis avec vous en ce moment.

— Qui ça ?

— Ma sœur.

— Et Paolo, ajouta Desya d'une voix mauvaise.

Je me tournai brusquement vers lui. Ses yeux venaient de s'assombrir. La mâchoire contractée, il semblait maintenant en colère.

— Pourquoi me parlez-vous de lui ?

Desya haussa les épaules avant de répondre :

— Emilio m'a averti.

Je fronçai les yeux. Un brin de panique m'envahit.

— Pourquoi ferait-il ça ?

— Je lui ai dit que je vous avais embrassé.

Sous le choc de la révélation, j'ouvris mes yeux en grand.

— Il ne dira rien, s'empressa de me rassurer Olsen, sûr de lui.

Je rejetai ma tête en arrière, l'air désespéré.

— C'est si grave que ça ?

— Je ne veux pas faire de mal à Paolo. S'il apprend ce qui s'est passé...

En proie à une vive inquiétude, je ne parvins pas à finir ma phrase. Desya lâcha un rire empreint de sarcasme acide.

— Honnêtement, je me fous de ce qu'il pense.

J'allai exploser de colère, mais la douleur au creux de ma main me lança à ce moment. Avec une grimace, je baissai mes yeux sur le bandage que je m'étais fait en catastrophe.

— Que se passe-t-il ?

— Ce n'est rien. J'ai cassé un verre pendant que je faisais la vaisselle.

Sans que je m'y attende, sa main enveloppa la mienne de la façon la plus délicate qui soit.

— Laissez-moi regarder.

Avant que je ne puisse dire quelque chose, il avait déjà commencé à défaire mon bandage. Il se pinça les lèvres en découvrant la coupure puis avec précaution caressa du bout de ses doigts le contour de celle-ci. Je tressaillis. Desya releva la tête vers moi. Une lueur indéchiffrable traversa ses yeux dont les pupilles étaient dilatées.

— Avez-vous bien désinfecté la plaie ?

Je m'obligeai à me ressaisir pour qu'aucun doute ne s'insinue dans son esprit.

— Oui, c'est la première chose que j'ai faite.

Il dut distinguer le trouble dans ma voix, car il esquissa un léger sourire qui me fit perdre pied. Sa présence, sa virilité exsudait de toute sa personne. Seigneur, aidez-moi à résister à cette tentation qui devient plus forte jour après jour. Pendant qu'il remettait mon bandage en place, je demandai à voix basse comme pour ne pas perturber la quiétude de la nuit :

— Desya, je ne comprends pas. Pourquoi m'avez-vous embrassé ?

Il marqua un temps d'arrêt dans ses gestes avant de continuer plus lentement.

— Je n'ai pas réfléchi. J'ai agi sous le coup d'une impulsion.

Je repris ma main et la colla contre ma poitrine.

— Une impulsion ? Quelques minutes avant vous avez soutenu devant tout un groupe de personnes que vous détestiez les hispaniques. J'en suis une. Votre comportement est complètement contradictoire.

Desya se recula puis tourna son visage.

— Les paroles que j'ai entendues à la réunion ont réveillé en moi la haine et la rage que j'ai conservées ces cinq dernières années. J'ai encore certaines rancœurs du passé. Et pour ce baiser, Bluebell, c'est aussi de votre faute.

Je soulevai un sourcil.

— Ma faute ? C'est une blague.

Desya tourna de nouveau sa tête vers moi puis se pencha. Cette soudaine proximité me troubla. Sa voix vint caresser ma peau :

— Je vous fais ressentir des choses qui vous dérangent. Si je voulais, là, maintenant, je pourrais glisser une main entre vos cuisses et je sais que vous ne m'arrêteriez pas.

Je déglutis difficilement. Mon souffle s'accéléra. Je voulais lutter, lui dire qu'il dépassait les limites, mais rien ne sortait de ma bouche. C'est comme si sa main y était déjà et que je sentais ses doigts me caressait. Ses yeux glissèrent sur mes seins.

— Je pourrais vous faire tellement de choses, Bluebell. Pensez-y quand vous serez dans votre lit.

Je fermai les paupières pour reprendre le contrôle de la situation.

— Arrêtez, arrivai-je à articuler. Si vous voulez que l'on soit ami, que je continue à m'occuper de vous, par pitié arrêtez ça.

Je rouvris les paupières, les joues en feu. Desya baissa sa tête avant de revenir se caler au fond de son siège. Mon regard parcourut ses bras tatoués, son torse puis fut attiré par la bosse au niveau de son entrejambe qui déformait son jean. Immédiatement, je tournai mon visage vers ma vitre. Il fallait absolument que je sorte de cette voiture.

— Excusez-moi. Je...

— Je dois rentrer, le coupai-je.

J'ouvris la portière. Avant que je sorte du véhicule, Desya s'empressa de me demander :

— On se voit demain ?

Dehors, je remis le bas de ma robe en place et me tournai vers lui en affichant l'air le plus sévère sur mon visage.

— Oui, je fais un cours d'anglais avec les membres du groupe, mais pour vous ça sera un cours d'espagnol.

Desya leva ces deux mains.

— OK. Vous êtes courageuse, car vous allez avoir du boulot.

Je passai une main dans mes cheveux pour les ramener en arrière avant de claquer la porte. À travers la fenêtre baissée, je lançai un "au revoir" poli.

Desya sourit puis m'adressa un clin d'œil.

— Bonne nuit, Bluebell.

Ses mots, lourds de sous-entendus, me déstabilisèrent. Je me retournai précipitamment pour ne plus avoir à le regarder.

En remontant la rue, je tâchai de retrouver une respiration normale et de chasser ces violentes images obscènes de Desya et moi qui m'assaillaient l'esprit.

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