Chapitre 12-1

Desya

Je jetai le paquet de chips dans le caddy en laissant mon regard dérivé dans la rangée à la recherche de quelque chose d'autre qui me ferait envie. Emilio, toujours aussi bavard, poussait le chariot sans faire attention à ce que je prenais. Il me parlait des caprices de sa nana, de sa famille et des fringues qu'il devait s'acheter ce week-end pour le mariage de sa tante. De mon côté, mon cerveau n'arrêtait pas de repasser en boucle les images de mes dernières minutes avec Bluebell. J'avais beau chasser de mon esprit la scène du baiser que je lui avais volé, elle revenait toujours. Le contact de ses lèvres contre les miennes, ses seins moulaient contre mon torse, je n'arrivais pas à m'enlever ça de la tête. Je déconnai complètement. Bluebell devait être la dernière femme à m'inspirer un tel désir et pourtant, elle était là à me torturer l'esprit. Je tentai de me convaincre que l'attirance que j'avais ressentie pour elle, tout à l'heure, n'avait été que passagère et que ça ne se reproduirait plus. Je devais juste suivre le plan de mon oncle sans m'impliquer dans de réels sentiments. C'est juste un rôle Desya, me répétai-je.

— Tu m'écoutes ? lâcha Emilio au détour de son monologue.

Il lui avait fallu trois quarts d'heure pour réaliser que je ne m'intéressais pas à ce qu'il me racontait. J'ouvris la vitrine du frigo pour prendre le lait et le déposer dans le charriot avant de continuer à déambuler dans le magasin. Mon colocataire s'agaça :

— Putain, frère. Je suis en train de me confier à toi. Ce que je te raconte c'est super personnel. Tu ne peux pas m'accompagner faire les courses et te conduire comme un enfoiré. Je ne sais pas pourquoi je t'ai emmené.

Je ralentis le pas jusqu'à m'arrêter puis je me retournai vers lui.

— Je ne suis pas ton frère. Et c'est toi qui m'accompagnes, pas l'inverse.

Ma voix basse et calme sonnait comme un avertissement. N'importe qui en serait resté là, mais pas Emilio. Non, Emilio était têtu avec cette fougue de la jeunesse.

— Pourtant c'est moi qui pousse le charriot, dit-il pour me contredire.

— Et c'est moi qui paye pour te nourrir ! Même si je préfèrerais te voir mourir de faim.

Au lieu d'encaisser cette remarque mauvaise en silence, il éclata de rire ce qui m'irrita un peu plus. Emilio m'insupportait, mais je n'avais pas d'autres choix que de prendre sur moi.

La nuit était tombée sur East Harlem. Malgré l'heure avancée de la soirée, le magasin était encore bien rempli.

— Que nous manque-t-il ? Je pense que nous sommes bons.

— Une boite de préservatif, répondis-je tout en me dirigeant vers le rayon.

— Attends, tu as quelqu'un ? Quand comptais-tu m'en parler ?

Je trouvai le ton d'Emilio un peu trop enjoué. Il me suivait en sautillant comme si je venais de lui annoncer la meilleure nouvelle de la journée. Même si ça ne le regardait pas, je répondis machinalement :

— Angèle. Elle travaille avec moi au Marcus.

Pendant que je cherchai des yeux la bonne boîte de capote, Emilio vint se planter devant moi. Agacé, je levai les yeux au ciel.

— Pourquoi ne m'as-tu rien dit ? Je ne savais pas qu'il se passait un truc entre vous. Surtout, fais gaffe. Tony se la tape aussi. Ce n'est pas sa nana officielle, mais à ta place j'éviterais de sortir avec elle.

Avec un haussement d'épaules évasif, je rétorquai :

— Il ne se passera rien de plus que du sexe. Elle veut que je la baise, ça crève les yeux. Je viens de sortir de prison, j'ai pas besoin de te faire un dessin.

Emilio hocha lentement la tête avec un sourire triomphant au coin des lèvres comme si j'étais son champion. J'ajoutai en le poussant de devant moi :

— Et en plus, c'est la seule qui n'est pas hispanique dans le coin. Je n'ai pas vraiment trop de choix non plus.

Mes paroles affolèrent le jeune homme.

— Mon frère, tu ne sais pas ce que tu perds. Les femmes latinos c'est les meilleures. Elles sont chaudes et te font perdre la tête.

Je lâchai un petit rire bref puis m'accroupis devant les étagères.

— Tu parles ! embrasser Blue m'a suffi. Je...

Merde, merde. Je fermai les yeux, espérant qu'Emilio n'ait pas fait attention à ma remarque. Malheureusement, il avait très bien entendu mes derniers mots. Du coin de l'œil, je le vis s'accroupir doucement à côté de moi.

— Qu'as-tu dit, Olsen ?

Je me redressai sur mes jambes et regardai un peu partout autour de moi. Emilio me dévisagea, l'air préoccupé, attendant que je crache le morceau.

— Je l'ai embrassé quand nous étions seuls.

Sa voix changea et devint menaçante :

— J'espère que tu ne l'as pas forcé, enfoiré !

Je lui jetai un regard implacable. Le jeune homme fronça les sourcils, son souffle devint bref.

— Non, elle m'a repoussé puis giflé.

— Elle a eu raison !

Je contractai ma mâchoire et serrai mes poings.

— Je me suis juste un peu égaré. Je pensais que..

— Que c'était réciproque ? Tu rêves. Bluebell n'est pas un jouet. C'est notre sœur à nous tous ici. Tu ne peux pas te conduire comme ça avec ce genre de femme.

Je secouai la tête en attrapant la boite de préservatif au-dessus de son épaule.

— Tu te préoccupes beaucoup d'elle.

— Non, je me préoccupe pour toi, répliqua Emilio en redressant son menton.

— Pour moi ?

Je n'avais pas pu retenir un rire sarcastique.

— Si Paolo l'apprend, tu es un homme mort. Prie pour qu'elle ne lui ait rien raconté.

Je soulevai les sourcils, abasourdi par ses paroles. Pourquoi tout le monde ramenait-il toujours Bluebell à ce type ?

— Je l'emmerde ton Paolo. OK ?

Après l'avoir averti du regard, je jetai la boîte de capote dans le charriot et tournai les talons pour continuer mon chemin vers les caisses.

Emilio avait raison sur un point : Bluebell n'était pas ce genre de femme à se jeter dans les bras d'un homme. Ma stratégie de départ ne pouvait pas fonctionner sur elle. Je devais la jouer fine. Bien que je ne sois pas d'un naturel patient, avec Blue, je serai bien obligé de l'être.

Je me retournai vers Emilio qui était déjà en train d'ouvrir le paquet de chips.

— J'ai besoin que tu me prêtes ta voiture une heure ou deux.

Le jeune homme arrêta son geste.

— Mec, je ne veux pas être mêlé à tes combines suspectes. Si tu veux buter ou te battre avec un latino, c'est sans moi.

— Je te la rendrai avec le plein d'essence.

— OK, dit-il en haussant les épaules sans réfléchir. Par contre, ne baise pas sur le siège avant, il n'est pas confortable.

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