Chapitre 10-2

Une semaine et un jour étaient passés depuis cette étrange conversation. Je refusai toujours d'adresser la parole à Paolo et ne répondais pas à ses appels. Mon ami m'avait envoyé des dizaines de messages pour s'excuser pourtant, il s'était débrouillé pour que Desya soit occupé ces derniers jours avec les équipes de psychologues, le juge et les démarches administratifs. Paolo ne comprenait pas qu'en réagissant comme ça, il court-circuitait mon travail avec Olsen. Être présents aux groupes de paroles et participer aux missions avec l'association étaient des étapes importantes pour qu'il se réintègre correctement dans la société, mais Paolo ne voyait pas les choses de la même manière. Il disait faire ça pour moi, qu'il m'éloignait de lui pour me protéger et ça me rendait folle.

Je m'assis contre le mur de manière à voir Desya travailler derrière le bar. Visiblement, il commençait à prendre ses repères. Lors des commandes en salle, je le surpris à sortir un petit calepin. Sûrement des notes qu'il avait griffonnées.

Au bout de vingt minutes, il m'aperçut enfin. Son regard resta fixé sur moi un instant puis il se tourna vers Angèle. Je ne pus m'empêcher de sourire en la voyant littéralement fondre devant ce jeune homme. Ça crevait les yeux qu'elle avait le béguin pour lui et soudain je me mis à espérer que c'était peut-être réciproque. Angèle était une femme douce et adorable avec de belles valeurs, une vraie chance pour Desya. Pendant que je me mettais à espérer pour ces deux-là, les yeux dans le vague, je ne vis pas Olsen s'asseoir en face de moi.

— Et bien, ça faisait un moment !

Sa voix basse et rauque me tira de mes pensées. Je me retrouvai brutalement devant ce visage à la beauté hors du commun. Mes yeux ne cessaient de faire des allers-retours entre sa mâchoire dure et son regard inflexible. L'impression de pouvoir qu'il dégageait était déstabilisante. Je détournai une seconde les yeux pour m'arracher à son emprise tout en manipulant nerveusement ma croix, au bout de ma chaîne.

— Oui, vous avez été pas mal occupé cette semaine. Je suis venu voir si vous aviez besoin d'aide dans tous les documents administratifs que le juge vous a donné. C'est aussi mon travail.

Desya continuait de me fixer avec cette ombre inquiétante tapie au fond de ses yeux noirs.

— C'est vous, qui avez été pas mal occupé.

Ses yeux se plissèrent jusqu'à n'être plus que deux fentes cruelles. Je jetai un bref coup d'œil à ma montre pour me libérer de ce regard glacial et terrifiant puis tentai de justifier mon absence de cette semaine afin de rétablir la confiance entre nous :

— Ce sont des étapes obligatoires, Desya.

Je passai nerveusement ma main dans mes longs cheveux et m'empressai de faire dévier la conversation en demandant si le travail au restaurant se passait bien, mais Olsen avait décidé qu'il n'en avait pas terminé avec moi.

— Votre petit ami a juste pété un câble dimanche dernier et il a décidé de se venger. Je n'ai pas à faire les frais de sa putain de jalousie. On parle de mon avenir là !

Je sursautai au moment où il tapa sa main sur la table. Sa mâchoire puissante se contracta. Une colère extrême flambait aux fonds de ses prunelles. Finalement, je ne savais plus si j'avais eu une bonne idée de venir au restaurant cet après-midi.

— Ce n'est pas mon petit ami, déclarai-je à voix basse, confuse. Paolo est un ami d'enfance et il s'inquiète pour moi.

— Un ami ?

Il laissa échapper un rire méprisant et ajouta sur un ton sarcastique :

— Ce mec rêve de vous baiser !

L'assurance dans sa voix me mit mal à l'aise. Je lui lançai un regard amer avant de me lever sur une impulsion, mais au moment de passer à côté de lui pour partir, il me retint fermement par le bras. Cet homme était épuisant.

— Restez !

Voyant que je n'obéirais pas, il ajouta sur un ton qui s'était radouci :

— S'il vous plaît, Blue.

C'était la première fois qu'il m'appelait comme ça. Quand ses yeux se levèrent sur moi, quelque chose de lourd et d'obscur me serra la poitrine. Avec un regard méfiant, je partis me rasseoir pendant qu'il reprenait le contrôle de sa colère.

— Excusez-moi. C'est juste qu'avec Mora au basque toute la semaine j'ai eu mon comptant d'énergie négative.

Moi aussi. Silencieuse, sur mes gardes, je n'osai plus rien dire. Desya me demanda pour briser la glace :

— Vous voulez boire quelque chose ?

— Je veux bien un diabolo grenadine.

Olsen souleva ses sourcils comme s'il n'avait pas compris ce que je venais de lui dire.

— C'est pour les bébés, ça. Vous êtes sûr que vous ne voulez pas un Sex on the Beach ?

Le mot "sexe" dans sa bouche avait une intonation électrisante. Dans un réflexe, je resserrai mes cuisses pour refouler la vaque de picotements qui s'installait aux creux de mon ventre puis, dans un immense effort, je chassai des pensées absurdes qui affluaient malgré moi.

— Non, balbutiai-je, les joues en feu.

Les lèvres de Desya se retroussèrent légèrement. Une lueur étrange traversa ses prunelles sombres.

— Je ne bois pas d'alcool.

— Jamais ?

— Pas sur mon temps de travail.

Olsen croisa ses bras musclés sur la table. Ses veines ressortaient sous ses tatouages. Mes yeux remontèrent ensuite sur son tee-shirt qui laissait deviner le tracé de son torse.

— Et qu'aimez-vous ? À part Dieu.

Je relevai mon visage sur lui. Il avait essayé de dissimuler son ton ironique, sans y parvenir.

— J'aime mon travail, sortir, aller au cinéma. Même si vous en doutez, je suis comme toutes les jeunes femmes de mon âge.

Olsen inclina la tête et gratta sa joue avec son pouce avant d'ajouter d'une voix pleine et chaude :

— Je n'en doute pas.

Il tourna sa tête vers le bar et interpella Angèle au loin pour lui demander d'apporter ma boisson. Il revint ensuite vers moi en me fixant avec une lueur tenace dans le regard.

— Et vous ? Qu'aimez-vous ? me dépêchai-je de lui demander.

— Votre robe, aujourd'hui.

Heureusement, Angèle arriva à ce moment. Elle aussi portait une robe assez courte. Ses cheveux châtain clair tombaient jusqu'aux épaules. Bien qu'elle n'avait pas d'origines hispaniques, cette Américaine de Californie parlait parfaitement espagnol. Elle s'était retrouvée à East Harlem un peu par hasard pendant ses vacances à New York et était tombée amoureuse de ce quartier latin. Elle n'était jamais repartie d'ici.

— Autre chose, Blue ? me demanda-t-elle en restant près de nous.

Ses yeux allaient et venaient entre Desya et moi. Elle espérait profondément que le jeune homme s'intéresse à elle, mais au lieu de ça, il continuait de me fixer de son regard dur et indéchiffrable. Elle repartit avec ce faux sourire aux lèvres caractéristique des femmes blessées. Un élan de tristesse me traversa. Comment lui expliquer que Desya avait perdu sa chaleur humaine au fil du temps ? De plus, la prison lui avait tout enlevé, il n'était plus qu'une coquille vide. Cependant, Olsen restait un homme dangereux, car son physique au charme destructeur et sa réputation de mauvais garçon ne faisaient qu'attirer les femmes autour de lui.

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