Chapitre 1-5

— Et maintenant, où dois-tu te rendre ?

Je m'arrêtai au milieu du trottoir et tentai de répondre le plus normalement possible à Paolo.

— Emilio a besoin d'un garant pour son appartement. Il est en ce moment avec le propriétaire et m'attend.

Mon regard évitait soigneusement de croiser celui de Desya. Je n'étais pas censé ressentir le moindre préjugé envers ces anciens détenus, mais cet homme dégageait un tel danger qu'à cet instant précis, j'aurais voulu me trouver à des milliers de kilomètres de lui. Le soleil estival brillait au-dessus de nos têtes, et pourtant je tremblai.

— Nous allons t'accompagner. Olsen et toi avez besoin de faire connaissance, donc si tu as des questions à lui poser...

— Nous pourrions peut-être voire tout ça demain ? le coupai-je brusquement en regardant ma montre.

En relevant la tête, je fis l'erreur de poser mes yeux sur Olsen. Aspirée, noyée dans les ténèbres, j'attrapai dans un réflexe ma croix au bout de ma chaine, attachée autour de mon cou. Le jeune homme baissa son regard sur mon poing crispé et renifla de mépris avant de détourner son regard de moi et de murmurer :

— C'est une blague ou quoi ?

Ces mots à peine audibles étaient les premiers qui sortaient de sa bouche. Et comme le reste, son souffle, sa voix étaient de marbre. C'est là que je remarquai le dessin d'une tête de corbeau tout le long de son cou. Le corps de l'oiseau disparaissait sous son tee-shirt.

La main lourde de Paolo sur mon épaule me ramena à l'instant présent.

— Je suis garé au coin de la rue. Allons-y.


Il était presque midi lorsque nous arrivâmes au rendez-vous, dans un quartier excentré d'Harlem. Les minutes passées dans la voiture de Paolo avec Olsen m'avaient paru interminables. Le jeune homme n'avait pas décroché un mot du trajet. Assis à l'arrière, j'avais senti son regard dans mon dos pendant tout le chemin où j'étais restée crispée, le poing serré sur mon genou. Paolo avait essayé de détendre l'atmosphère, mais il m'avait été impossible de rester concentré sur ses paroles tant que la présence de Desya me dérangeait.

Avant d'entrer dans le bâtiment vétuste à la façade passablement abîmée et noircie, je vérifiai l'adresse sur mon téléphone. Il était difficile de s'orienter à Manhattan à cause de ces rues interminables et de la numération peu visible sur les habitations.

Nous empruntâmes ensuite un labyrinthe de couloirs jusqu'au huitième étage avant d'arriver à la porte de l'appartement. Essoufflée, je dus reprendre mon souffle avant de pénétrer dans l'appartement où Emilio et un homme au ventre bedonnant, les cheveux gras et gris nous attendaient. Le propriétaire dévisagea Olsen avec un air méfiant avant d'estomper avec un mouchoir, son visage ruisselant de sueur. Il faisait très chaud dans le logement désuet. Emilio, soulagé de me voir arrivé, m'accueillit avec un grand sourire. Pour l'occasion, il avait rabattu sa masse de cheveux bouclés vers l'arrière et avait rentré sa chemise dans son pantalon beige. L'homme à côté de lui se présenta à nous de manière bourrue.

— Je suis John Brown, le propriétaire de l'immeuble. C'est vous la garante ?

— L'association "Liberty's Sun Child" se porte garant pour monsieur Quispe.

Le propriétaire pas emballé par ma réponse secoua la tête en plongeant son nez dans le dossier qu'il tenait dans ses mains. Pendant qu'il m'expliquait les raisons de son refus, Paolo traversa le séjour, les mains sur les hanches en inspectant soigneusement l'endroit. La pièce possédait quelques meubles qui ne tenaient pas de place. La décoration était inexistante et les murs recouverts d'un papier peint à fleurs. Au fond, une petite cuisine ouverte et aménagée faisait l'angle.

Je revins sur Brown qui avait fini par déclarer "le dossier de monsieur Quispe n'est pas assez complet".

— C'est donc une question de ressource si j'ai bien compris ? demanda Paolo qui était posté au milieu du séjour.

Brouwn opina du chef. Paolo me jeta un bref coup d'œil, embêté. Je plissai mes yeux. Cet air sur le visage de mon ami n'avait rien de bon. Avant que je puisse prendre la parole, Paolo avait déjà pris les devants.

— Je vous présente, Desya Olsen, le neveu de Frederick Olsen, riche homme d'affaires qui a fait fortune dans les diamants et qui est propriétaire de plusieurs mines dans le monde. Peut-être que s'il partage le logement avec monsieur Quispe, les problèmes de cautions et de garants peuvent être réglés.

Le propriétaire se tourna de nouveau vers Olsen qui fusillait mon amie du regard. Visiblement, cette proposition ne l'emballait guère, tout comme moi.

— Paolo, Desya, je dois vous toucher quelques mots. Pouvons-nous sortir une minute sur le palier ?

Mon sourire crispé indiquait les prémices d'un orage. Paolo enfouit ses mains dans les poches avant de sortir de l'appartement le premier, tête baissée. Desya referma la marche.

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