Chapitre 13
Cette fois-ci, l'horreur fut telle qu'elle ne put se retenir. Maya sortit en trombe de la salle, parcourut quelques mètres et vida le contenu de son estomac sur le sol de béton où la bile acide s'écrasa en un "ploc!" retentissant.
Elle s'essuya la bouche, tenta de calmer sa respiration ainsi que les battements affolés de son cœur et s'adossa au mur d'en face, les mains sur les genoux, la tête baissée et masquée par le rideau sombre de ses cheveux.
Elle resta un instant dans cette position puis se laissa glisser lentement au sol et posa sa tête contre le mur. Elle fixa un moment le plafond d'un air absent, les yeux dans le vide. Son cerveau, trop choqué par ce qu'il venait de voir, ne répondait plus. Elle avait la tête qui lui tournait, le monde paraissait trop clair, trop éclairé. Elle avait mal aux yeux. Elle les plissa. Sa bouche était entrouverte et elle respirait faiblement et silencieusement, comme si elle avait peur de déranger quelqu'un.
Elle ne prêtait pas attention aux cris et aux pleurs qui émanaient de la salle de visionnage. Elle était perdue; en état de choc. Elle ne distinguait plus la réalité du fictif. Son cerveau était comme paralysé.
Elle ouvrit grand les yeux, fixant toujours le plafond sans le voir. Les images de la vidéo lui revenaient sans cesse en tête; l'horreur de la scène ne la quittait plus.
La lumière lui parut baisser en intensité. Trop.
Le couloir de béton gris aux murs dénudés lui parut soudain beaucoup trop sombre. Elle se mit à respirer avec difficulté et commença à trembler. Elle débuta un léger balancement d'avant en arrière, enlaçant fermement ses genoux et baissant la tête, ses yeux - toujours écarquillés - fixant le sol. Sa respiration s'accéléra. Elle déglutit avec difficulté. L'angoisse atteint son paroxysme. Elle ne se contrôlait plus; les images lui revenant sans cesse en mémoire. Ses yeux tressautaient dans leurs orbites, sa vue se voila. Elle eut froid, d'un coup. Les tremblements devinrent plus violents. Elle murmura pour des êtres invisibles, des fantômes, les cadavres de Lya et Kingston ainsi que celui de Shane.
- Laissez-moi.
Elle crut entendre un bruit dans sa crise et releva vivement la tête. Là, dans la lumière vacillante des leds qui ne lui semblaient éclairer le couloir que très succinctement; elle crut voir, durant une fraction de seconde, Lya dressée au milieu de celui-ci, les cheveux dégoulinants de sang et tenant un couteau dans sa main lacérée et ensanglantée. Elle lâcha un cri. Son cœur rata d'abord plusieurs battements puis se remit à battre en totale arythmie.
- Laissez-moi, implora-t-elle. Je vous en prie. Laissez-moi.
Elle enfouit sa tête dans ses genoux et couvrit son crâne de ses mains. Ses oreilles sifflaient, la tête lui tournait, sa respiration était saccadée, des points blancs commençaient à envahir son champ de vision.
Elle se sentait partir. Les bruits de la réalité étaient étouffés, comme si elle était sous l'eau alors que les moindres bruits de sa folie, eux, étaient amplifiés. Elle les percevaient tous, le bruit d'une lame qu'on acère, des pas lourds et traînants, et le pire de tous, les hurlements de Shane. C'était eux les plus distincts et horribles. Des images, des souvenirs en tout genre, affluèrent et l'assaillirent de toute part. Elle aurait voulu s'arracher les yeux, ne plus rien voir que du noir. Son crâne lui faisait mal. Une veine battait violemment à ses tempes.
Elle sombrait dans sa crise quand une main se posa sur son épaule. Les points blancs lui obstruaient la vue, l'empêchant de voir qui la tenait. Elle tenta de se dégager mais l'individu avait une poigne puissante et lui tint l'autre épaule de sa main libre. Il la maintint le dos plaqué contre le mur et des sons étouffés parvinrent à passer le brouillard d'angoisse qui l'enveloppait. Néanmoins, ils restaient indistincts. Elle se débattit et releva la tête. L'individu la secoua légèrement. Il continua de parler et les mots devinrent plus nets. Ils n'étaient autres que son prénom, répété en boucle, des accents désespérés dans la voix.
Will continua à la secouer légèrement et crier son nom jusqu'à ce qu'elle cesse de supplier des fantômes invisibles et que ses yeux cessent de rouler dans leurs orbites d'un air affolé. Elle parvint à le fixer. Elle resta ainsi quelques secondes, tremblante, ne le reconnaissant plus; puis dit d'une petite voix terrorisée: la voix qu'elle avait encore 5 ans auparavant; sa voix de petite fille.
- Will.
Le cœur du jeune homme se serra. Des larmes coulèrent sur les joues de la jeune femme qui paraissait à ce moment très loin de la fille courageuse et joyeuse qu'il connaissait. Elle était à ce moment ce qu'elle était tout au fond, ce qu'elle cachait aux autres. Il était le seul à la connaître comme cela. Elle était redevenue la jeune fille terrorisée et dépassée par les événements qu'il avait rencontré quelques années avant. Avant qu'ils ne se forgent tout deux un caractère plus confiant et ne dévoilent plus leurs émotions profondes qu'entre eux deux.
Il la prit dans ses bras et eut l'impression d'avoir à nouveau 12 ans et d'être aussi perdu qu'à l'époque. Elle sanglota contre son épaule, le serra le plus fort qu'elle put de ses bras encore tremblants et lui déforma presque le t-shirt en emprisonnant le tissu dans ses poings fermés.
Elle se calma doucement et il la porta, non pas en salle de visionnage où les autres étaient encore, mais à l'infirmerie. Il la posa sur un lit, tira une chaise à côté de celui-ci, s'y assit et lui prit la main.
Ils fonctionnaient en binôme tout les deux, et ce depuis leur rencontre. Ils se protégeaient mutuellement, comme ils avaient toujours fait. Ils restèrent là à se regarder, sans rien dire; leurs regards parlant pour eux.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top