Jeff ouvrit l'enveloppe et regarda la lettre. Il n'avait pas envie de la lire, encore moins d'y répondre. Il se tourna vers Jam qui faisait courir ses doigts sur sa lettre pour en déchiffrer le contenu. Il s'approcha et se pencha au dessus de sa lettre.
Il savait que Jam avait un frère plus âgé, bien qu'il ne l'ai jamais rencontré. Son frère avait bien 30 ans à l'heure actuelle. Jam lui avait raconté que son frère serait engagé dans la marine dès ses 18 ans, il était donc du mauvais côté, pourtant, il écrivait souvent à son petit frère, lui envoyait des colis de nourriture ou des cadeaux, il s'excusait de ne rien pouvoir faire pour lui... Jam posa sa lettre.

"Je t'entends respirer, Jeff.

- Pardon... dit il un peu gêné. Alors ? Comment va ton frère ? Adel c'est ça ?

- C'est ça. Il m'a dit qu'il avait été muté dans le sud pour surveiller les échanges commerciaux du plus grand port du pays. Il m'a dit qu'il allait m'envoyer des photos en relief si il y arrivait. Après le classique, il me demande de mes nouvelles etc... Tu peux m'apporter une feuille et mon pointilleur ?

- Tu ne veux pas me dicter ?

- Adel sait lire le braille, je te remercie."

Jeff lui apporta une feuille et son instrument. Avant que son frère ne lui en envoie un, il devait écrire avec un curedent, il pestait à chaque fois qu'il trouait la feuille et finalement, il demandait à quelqu'un d'écrire pour lui, ce qui énervait énormément le jeune aveugle. Il détestait devoir demander de l'aide des autres par rapport à son handicap. Il avait appris à se débrouiller avec et malgré les propositions incessantes des autres, il voulait tout faire tout seul. Ça donnait parfois lieu à des scènes très drôles du point de vue des voyants.

Jam commença à pointiller sur sa feuille. Jeff retourna à sa lettre, il souffla et ouvrit l'enveloppe.

Jeffrey,

Excuse nous d avoir réagi comme ça, nous n'aurions pas dû.
Ça fait des mois que tu ne viens plus nous voire et que tu ne nous parles plus, tout le monde en est attristé.

Pourquoi n'écoute tu pas nos conseils ?
Tu dois te faire aider tu sais, c'est grave ce que tu as... Papa est d accord pour t'accompagner chez le médecin du camp, le traitement sera sûrement long et pénible mais tu ne sera que plus heureux. On demandera de l'aide psychiatrique si tu veux...

Tu sais que tu n'es pas normal, Jeff. C'est peut être le garçon dont tu nous parlais l autre fois qui t'as contaminé... on peut faire une requête pour te changer de bunker ou pour le faire interner...

Quoiqu'il en soit, reviens nous voire et nous seront là pour t'aider.
Mais par pitié, fais toi soigner, l'homosexualité est grave comme maladie. Hors de question qu'on te laisse devenir un de ces sodomites.

On t'aime fort,

Maman et papa.

Jeff hurla de rage et de désespoir en froissant et jetant sa lettre. Jam sursauta.

"Ça ne va pas, Jeff !?"

Le jeune homme s'enfuit en pleurant vers la buanderie, pour y être seul. La pièce n'était pas plus grande qu'un hall d'entrée et l'espace entre la machine à laver, la chaudière et le compteur électrique n'était pas très large, mais suffisamment pour que Jeff se réfugie entre la chaudière et la machine à laver. Il fondit en larmes en serrant ses genoux entre ses mains.

Jam se leva et chercha la lettre se Jeff du bout des doigts. Il finit par la trouver, il prit sa canne, posée à côté de son lit pour avancer plus vite et alla voire Jake. Le jeune homme faisait la vaisselle du petit déjeuner puisque c'était son tour. Jam lui tapota sur l'épaule.

"Oui ?

- Lis ça... Jeff l'a lu et il est parti pleurer je ne sais où..."

Jake remercia Jam, qui repartit en évitant soigneusement les meubles. Il lut la lettre ligne par ligne. Une rage et une colère insondable prirent possession de lui. Il ne pouvait que deviner ce que Jeff avait fait et ce qui lui avait valu cette lettre. L'avant dernière ligne le cloua sur place. Il serra les poings.

"Non vous n'aimez pas votre fils. Vous ne l'aimez pas... Comment pouvez vous être aussi bornés et insensibles... Votre fils à déjà suffisamment de mal à s'assumer comme ça !!!" Dit il a voix haute, comme si il avait ses parents en face de lui.

Il chercha Jeff quelques minutes, avant qu'il n'entende des pleurs venant de la buanderie. Il ouvrit doucement la porte et trouva son petit ami recroquevillé entre les deux objets. Il s'agenouilla et mit sa main sur son genoux.

"Mon coeur...

- Va t'en !!! Laisse moi tranquille !! "

Une forte tête..  pensa Jake. Il ne bougea pas et prit doucement sa main.

"J'ai lu la lettre... qu'est ce qui s'est passé exactement ?"

Jeff sanglottait et n'arrivait pas à se calmer. Il essayait de sécher ses larmes et d'articuler mais il n'y parvenais pas. Jake se leva doucement.

"Sors de là... Tu va être tout sale..."

Jeff se leva en tremblant et se jeta dans les bras de Jake en pleurant de plus belle.

"J'en ai marre, Jake ! J'en ai marre !!

- Je sais... respire... calme toi..."

Le jeune homme finit par sécher ses larmes après avoir trempé le sweat de Jake avec. Ce dernier passa sa main sur sa joue.

"Tu me raconte maintenant ?

- Ok... Il prit une grande inspiration.
Je viens d'une famille plutôt conservatrice et malgré la guerre et le fait que l'on soit coffrés dans les bunkers, ils n'ont par perdu l'espoir que j'ai "une amoureuse". Ça me gênait qu'ils insistent autant alors j'ai décidé de leur dire... Ils m'ont regardé comme si je venais de leur annoncer un cancer... Ma mère a fondu en larmes et mon père m'a demandé si je n'avais "pas honte de dire des choses comme ça !?". J'ai insisté et je leur ai dit que c'était vrai... Ma mère a dit qu'il fallait faire quelque chose.. Mon père a pensé à appeler une ambulance... Finalement ils m'ont dit qu'ils ne voulaient pas que je reste comme ça. Que j'allais faire un effort et leur donner une belle fille... Quand je me suis mit à pleurer, mon père a dit que si je pleurait c'est parce que j'étais "contaminé" et que je devenais une "mauviette". Je suis parti en claquant la porte et je suis rentré au bunker."

Jake avait écouté avec attention, en caressant ses cheveux et son dos dès qu'il voyait des larmes perler au coin des yeux de son copain.

"C'est arrivé quand ?

- Il y a environ 3 mois... et ils m'envoient des lettre pour me dire d'aller me faire soigner... c'est loin d'être la première mais je continue de les ouvrir et de les lire dans l'espoir qu'elles contiennent des excuses et de l'acceptance... Mais non. Jamais.... Jamais ils ne vont accepter..."

Il se remit à pleurer, Jake caressa son crâne sans rien dire. Il cherchait ses mots pour ne pas blesser Jeff.

"Et toi ? Tu pense que tu es malade ?

- Non ! Je t'aime et ce n'est pas une maladie !

- C'est le principale. Tant que ta situation te conviens, on en a rien à faire des autres. Tes parents sont juste de vieux conservateurs aigris. Ils finiront par l'accepter quand je te demanderai en mariage..."

Jeff rougit et essuya ses larmes.

"Tu as raison.."

Il blotti se tête contre le torse de Jake. Sa chaleur et la douceur de ses gestes étaient rassurants, il se sentait bien entre ses bras et ne voulait les quitter pour rien au monde. Ni pour ses parents, ni pour personne d'autre. Blotti comme il était, il entendait le coeur de Jake battre sous son sweat à capuche. Il ferma les yeux et resta concentré sur ses battements. Le jeune brun lui avait plu dès qu'il l'avait vu. Jake était beau comme un dieu, des cheveux noirs en bataille qu'il chassait sans cesse de son visage, des yeux profonds dans lesquels on pourrait se perdre et un air serein et inébranlable, quoique tellement lointain. Puis il avait appris à le connaître, Jake était presque le cliché du Bad Boy qu'on voyait dans les romans pour ados. Distant, brun, beau comme un dieu, avec un passé plutôt sombre... Mais la différence était que Jake n'était ni possessif, ni violent, ni jaloux.. en clair. C'était une bonne personne, et jamais insistant. L'autre jour, Jeff s'était retrouvé dans son lit et il avait voulu aller plus loin avec lui, ce que Jeff avait refusé. Jake avait eu l air un peu déçu mais il l'avait accepté et ne lui avait plus proposé depuis. Cela dit, il n'était pas parfait non plus. Il avait cet air calme en permanence, ce qui empêchait Jeff de connaître son humeur, ce qui avait tendance à l'agacer. Jake pouvait être aussi très froid et refuser un baiser ou un câlin si il n'était pas d'humeur. Et enfin le point qui énervait beaucoup Jeff, c'est qu'il cédait a tout sans rechigner, donc il avait l'impression de le forcer à tout. Il lacha un soupir en blotissant sa tête au creu de son épaule.
Jake sourit en se sentant comme un ours en peluche.

"Si on retournait dans les dortoirs ? Cette pièce est un peu petite pour moi.."

Jeff hocha la tête et le suivi jusqu'au dortoir. Jam était parti chercher une enveloppe pour sa lettre. Ils étaient seuls.
Le plus petit regarda son aîné.

"Et toi tes parents ? Comment ils ont réagi ?

- Ils ne le savent pas.

- Tu ne leur a pas dit ?

- Mon père a eu un accident de voiture quand j'avais quatre ans. Il s'est fracassé le crâne contre un mur.

- Et ta mère ?"

Jake sembla hésiter quelques secondes. Jeff s'assit sur ses genoux et le regarda dans les yeux, il caressa sa joue. Jake soupira et murmura:

- Ma mère... Je l'ai poussée sous un camion."

Jeff frissonna. Il avait bien entendu !? Jake Rideo, son petit ami avait tué sa mère en la poussant sous un camion !? Il eut un léger mouvement de recul que Jake compris.

"P-pourquoi !?

- Pour ça.. "

Il enleva son sweat et son tshirt. Son torse maigre était couvert de brûlures causées par des cigarettes, des cicatrices dues à des coupures et autres marques qui ne le quitteraient plus. Jeff frissonna, il posa ses doigts sur son torse comme pour vérifier si les cicatrices étaient bien réelles.

"C'est... c'est elle qui...?

- Si elle n'avait fait que ça..."

Les yeux du brun étaient perdus dans le vide, comme si il cherchait des souvenirs de son passé à travers la brume. Jeff ressentir de la détresse et de la tristesse dans ses yeux. Il sentit les larmes lui montre aux yeux quand il compris ce que sa mère lui avait probablement fait subir.

"Oh Jake..."

Il le serra dans ses bras et l'embrassa comme si il voulait perdre son sombre passé dans la quantité de passion qu'il éprouvait pour lui. Jake l'embrassa en retour avec un sourire, il se laissa tomber sur son lit et caressa son dos. Jeff releva la tête.

"Je t'aime, Jeff...

- Je t'aime aussi, mon Jake..."