[Chuuya xR] Une décision sans regret (3/3)

A/N : Je pense honnêtement que cette ultime partie est le texte le plus long qu'il m'est jamais été donné d'écrire... Plus de 4300 mots...! J'espère que vous aimerez le dénouement de ce OS, qui aura été beaucoup plus conséquent que prévu! N'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé, ça m'aide énormément, et puis ça me fait extrêmement plaisir! Bonne lecture à vous~

Si elle était certaine d'une chose, c'est qu'elle avait toujours souhaité, au fond d'elle, pouvoir croiser de nouveau le chemin de Chuuya. Pendant quatre longues années, elle avait surmonté sa peine et sa perte du mieux qu'elle le pouvait, se répétant encore et encore que les choses étaient mieux ainsi, et qu'elle avait fait le bon choix.

Mais, malgré tout, la peine et la tristesse étaient devenues monnaie courante pour elle, de nuit comme de jour, bien qu'un peu moins flagrantes dans ce dernier cas. Lorsqu'elle était accompagnée de ses collègues, et que le soleil était haut dans le ciel, elle se sentait un peu plus heureuse, elle devait le reconnaître.

Cependant, lorsque la nuit arrivait, et qu'elle se retrouvait seule avec ses souvenirs, ces blessures du passé, dans son lit horriblement froid, les larmes n'avaient de cesse de couler, encore et toujours, silencieusement. Elle savait parfaitement que son frère était lui aussi au courant, mais qu'il avait suffisamment de tact pour la laisser décider si elle souhaitait ou non lui en parler.

Elle ne savait pas, en revanche, si ses nouveaux collègues étaient parvenus à voir cette portion d'elle, brisée, qu'elle cachait avec une certaine dose de honte et de remords, qui la déchiraient de l'intérieur.

A de maintes reprises, elle s'était demandé ce que Chuuya faisait désormais ; s'il avait retrouvé l'amour ailleurs, s'il l'avait oubliée. Cela aurait dû lui paraître insignifiant, sachant que c'était elle-même qui l'avait abandonné, sans même prendre la peine de le revoir une dernière fois, sous peine de voir ses résolutions partir en fumée, et le courage de partir également.

De nombreuses fois, elle avait failli céder à la tentation d'aller retrouver son amour de jadis, mais n'avait pu s'y résoudre pour autant. Si elle le faisait, elle n'était pas certaine de pouvoir revenir. Et elle ne pouvait pas laisser son petit frère, sa seule famille, alors qu'il avait plus que jamais besoin de sa grande sœur.

Osamu commençait à peine à changer, malgré ses tentatives de suicides de plus en plus dénuées de sens. Le fait qu'elles n'aboutissaient jamais était bel et bien le signe que quelque chose le retenait encore ici bas, elle le savait parfaitement. Si elle s'en allait à son tour, au même titre qu'Oda, qu'adviendrait-il de ce petit frère auquel elle tenait tant?

Elle continuait ainsi de souffrir en silence, alors même qu'elle n'était pas certaine d'en avoir réellement le droit, puisque la fautive de cette histoire n'était autre qu'elle-même. Sans pouvoir s'en empêcher, l'espoir de croiser de nouveau cet homme, qu'elle aimait encore, était toujours là.

Cependant, elle n'aurait jamais cru que ceci se réalise effectivement un jour. Et encore moins dans de telles conditions.

La guerre menée contre la Guilde faisait rage depuis plusieurs jours, et l'agence des détectives armés était plus essoufflée que jamais. Seuls deux membres étaient réellement en mesure de combattre, Atsushi et Kenji. Kyôka, la seule à même de pouvoir les aider, était cependant entre les mains de la police. Les autres étaient certes brillants, mais quasiment inutiles sur le champ de bataille.

Kiyoko comptait plus ou moins parmi ces derniers. Certes, elle était une ancienne mafieuse, et était capable de se débrouiller convenablement en combat, mais elle n'avait presque aucune chance contre des utilisateurs de pouvoir tels que les membres de la Guilde.

Elle et Osamu, alors qu'ils se rendaient à l'endroit où était retenu Q, étaient bien évidemment tombés dans une embuscade, tendue par cette même organisation si redoutable. Deux de ses membres, un jeune garçon blond ainsi qu'un homme aux longs cheveux noirs et au regard effrayant, qui avaient l'air d'être de redoutables combattants.

Aillant une bonne expérience au combat, Kiyoko pouvait le dire d'un simple coup d'œil. D'instinct, elle s'était ainsi interposée entre eux et son petit frère, et avait sorti ses armes, prête à se battre pour défendre ce qui était si cher à ses yeux, au péril de sa propre vie s'il le fallait.

Jusqu'à ce que, sans qu'elle ne comprenne pourquoi aux premiers abords, un énorme rocher s'élève dans les airs, et n'atterrisse purement et simplement sur l'homme étrange, aux yeux qui lui donnaient la chair de poule, le mettant hors d'état de nuire en une fraction de seconde seulement. Kiyoko sentit ses yeux s'écarquiller, tandis que son cœur s'emballait soudainement.

Elle connaissait une personne capable d'une chose pareille, une personne à qui elle tenait énormément. Ses espoirs de la revoir avaient-ils été si puissants qu'elle s'imaginait à présent des choses?

Mais, sous ses pupilles grandes ouvertes, elle n'eut d'autre choix que d'accepter la réalité. Elle savait déjà qu'Osamu l'avait revu, lorsque son frère s'était fait capturer par la Mafia, mais jamais elle n'aurait pu croire qu'il en serait de même pour elle.

Chuuya se trouvait là, à quelques mètres d'elle, plus près qu'il ne l'avait jamais été durant ces quatre années écoulées. Il n'avait quasiment pas changé, si ce n'est ses cheveux qu'il avait laissé pousser, et ses vêtements qui n'étaient plus les mêmes.

Honnêtement, si elle ne l'était pas déjà, elle serait tombée amoureuse de lui rien qu'en le voyant. Pour la première fois depuis tout ce temps, une partie de son cœur, qu'elle avait cru définitivement morte, s'était remise à fonctionner, insufflant un sentiment de bonheur absolu au plus profond d'elle-même.

Mais, peu après, la honte était revenue, plus puissante que jamais. Elle n'avait même pas réussi à soutenir le regard bleuté de cet homme plus d'une fraction de seconde, et avait détourné les yeux, la culpabilité lui nouant l'estomac et lui coupant la respiration.

Pourquoi avait-il fallu que ce soit lui, de toutes les personnes, qui soit envoyée par la Mafia en renfort? 

Il n'avait pas mis longtemps à envoyer au tapis l'intégralité des ennemis présents, comme attendu de la part de Chuuya. En silence, la tête baissée, Kiyoko s'était machinalement dirigée vers la remise où était normalement enfermé Q, alors que les deux anciens partenaires se disputaient derrière, comme à leur habitude.

Elle ne savait absolument pas à quoi pensait Chuuya à l'heure actuelle. L'avait-il reconnue, déjà? Pourquoi ne lui avait-il toujours pas adressé la parole? 

En secouant la tête, dans l'espoir de remettre ses idées en place, elle se trouva extrêmement stupide sur l'instant. Evidemment que Chuuya n'avait pas envie de lui parler de nouveau, après ce qu'elle lui avait fait. S'il était là aujourd'hui, c'étaient pour des raisons purement professionnelles.

Il ne devait même pas être au courant qu'elle allait faire partie de cette mission, au moment où il était venu. Mais, au fond d'elle, elle ne pouvait pas s'empêcher d'espérer qu'il en soit peut-être le cas.

Elle ne savait même pas ce qu'elle faisait ici. Avec son manque de capacité, à part soutenir ses camarades et se débarrasser des gardes autour, elle ne pouvait rien faire. Alors, elle se tenait prête, silencieusement, à la moindre occasion où ses collègues d'un soir auraient besoin d'aide, afin qu'elle puisse intervenir si besoin il y avait.

Tout était calme, alors qu'ils sortaient de la remise, Q sur le dos de Chuuya, lorsque ce dernier fut comme aspiré à l'extérieur du bâtiment, avant d'être projeté dans les airs. Une sorte de tentacule étrange l'avait saisi, sans que la jeune femme n'ait eu le temps de l'examiner davantage cependant. Le roux passa l'instant suivant à travers le mur de la cabane, dans laquelle Dazai et elle se trouvaient encore.

En voyant ceci, Kiyoko ne put contenir sa voix plus longtemps.

-Chuuya!!!

C'était la première fois, depuis quatre ans, qu'elle prononçait ce prénom à voix haute. Et cela la bouleversait plus qu'elle ne l'aurait voulu, surtout dans un contexte aussi délicat.

-Osamu, descends de lui! Tu ne vois pas que tu lui fais mal??

En poussant son petit frère de côté, dont le pied s'était "malencontreusement" posé sur la tête du roux, Kiyoko n'eut cependant pas le loisir de pouvoir reprendre son professionnalisme, pourtant habituel et essentiel dans ce genre de circonstance (la faisant s'interroger de nouveau sur la raison de sa présence ici), qu'elle sentit quelque chose entrer en contact avec son corps, heurtant ses côtes avec une force phénoménale, qu'elle parvint à atténuer au dernier moment grâce à ses réflexes, ses armes volant loin de sa prise ce faisant.

Ce qui ne l'empêcha pas de s'écraser sur l'un des arbres alentours, alors qu'un horrible craquement montait à ses oreilles, provenant sans surprise de l'une de ses côtes, qui s'était très probablement fissurée sous la force de l'attaque. Son bras, qu'elle avait réussi à mettre entre elle et l'ennemi, ne devait pas être mieux loti.

Mais, sans son réflexe de plus tôt, elle ne s'en serait jamais sortie aussi "bien". L'arbre contre lequel elle s'était écrasée, loin d'avoir minimisé les dégâts, n'avait fait qu'empirer les choses. Son dos la faisait attrocement souffrir, de même que sa cage thoracique et son bras, en un coup seulement.

Soit elle était devenue encore plus faible qu'elle ne l'avait pensé, soit cet utilisateur de capacité était bien plus puissant que prévu. Contre toute attente, l'homme effrayant aux longs cheveux noirs en était le responsable ; il s'était en effet relevé, ayant miraculeusement survécu à l'attaque précédente de Chuuya, sans même une égratignure.

Elle vit son petit frère, un regard inquiet sur son visage, accourir vers elle, bientôt suivit de Chuuya, après que celui-ci ait suffisamment repoussé l'ennemi pour lui permettre de venir la voir.

Le regard paniqué qu'avait le roux, alors qu'il lui demandait si tout allait bien, lui donna un sentiment de bonheur inégalé depuis bien longtemps. Pour la première fois, elle avait trouvé le courage de plonger ses yeux dans ceux de Chuuya, et d'innombrables souvenirs refaisaient surface, sans discontinuer.

Elle savait que ce n'était absolument pas le bon moment pour cela. L'homme aux longs cheveux noirs n'en avait pas fini avec eux, loin de là. Le prochain sur la liste fut Dazai, qui subit bientôt le même traitement que Kiyoko, bien que cette dernière sache d'avance que le bras de son petit frère n'avait rien, même s'il ne perdait pas une seule occasion de faire enrager son ancien partenaire.

Mais, malgré les pitreries, elle savait que la situation était grave. Ils étaient acculés. Et il ne leur restait que peu d'options.

Ainsi, impuissante, la jeune femme n'eut d'autre choix que de regarder Chuuya, celui qu'elle aimait tant, être obligé d'utiliser la véritable forme de son pouvoir. Contamination.

Elle ne l'avait jamais vu l'employer d'elle-même, mais elle avait cependant été là pour voir les ravages qui avaient été infligés à son corps après coup. Si son frère n'intervenait pas au bon moment, Chuuya pouvait parfaitement mourir ce soir même, alors qu'elle venait tout juste de le retrouver, après plus de quatre ans.

C'était pour cette raison que, à peine le mot "contamination" sorti, qu'elle s'était relevée malgré la douleur de ses côtes en morceaux, et qu'elle avait plongé son regard, déterminé, dans celui de Chuuya.

-Il doit y avoir une autre solution. Tu ne peux pas risquer ta vie comme ça, aussi facilement.

Le roux avait soutenu son regard, ses propres yeux bleus étant les témoins du conflit silencieux qui se déroulait à l'intérieur de lui. Lui non plus n'avait aucune envie de faire cela. Mais il savait que, présentement, il s'agissait du seul choix restant.

Et puis, il y avait autre chose qui le poussait à continuer avec ce plan, même s'il ne savait pas ce qu'il allait advenir par la suite. Il resta encore un moment à observer les yeux prêts à déborder de larmes de Kiyoko, mais pourtant si résolus, et se demanda un instant si c'était ce regard qu'elle avait eu lorsqu'elle était partie, il y a quatre ans.

Son visage était recouvert de sang, son propre sang, et le simple fait de respirer semblait lui coûter. La voir ainsi était tout ce qu'il avait toujours redouté. Les autres fois, il avait été assez puissant pour pouvoir la protéger quoi qu'il arrive, même si elle assurait qu'elle pouvait se débrouiller toute seule.

Elle était forte, il le savait. Autant physiquement que mentalement. Mais, comme tout humain normalement constitué, elle avait des limites à ne pas dépasser. Contre un utilisateur de capacité aussi redoutable que leur adversaire actuel, Kiyoko n'avait aucune chance, pas plus que cet enfoiré de Dazai.

Lui, en l'état actuel des choses, était tout aussi impuissant. Mais, s'il voulait pouvoir protéger celle qu'il aimait encore aujourd'hui, il lui restait une dernière carte à jouer. Même s'il pouvait y laisser la vie.

Alors, avec un sourire à peine perceptible, les traits de son visage détendus, Chuuya avait retiré son chapeau, cet objet auquel il tenait tant, et l'avait déposé sur la tête de Kiyoko, avec une douceur sans pareille.

Malgré ces années passées loin de l'autre, les mots n'étaient pas nécessaires dans ce genre de moments. Kiyoko savait parfaitement que, à travers ses gestes, Chuuya lui intimait de lui faire confiance, et que tout se passerait bien.

Même après tout ce qu'elle lui avait fait, il était encore capable de lui sourire aussi gentiment, de la regarder avec ce même regard. Ces petites attentions qui lui manquaient tellement au jour d'aujourd'hui.

Et cela la tuait de l'intérieur. Impuissante, essoufflée par sa blessure, elle se laissa entraîner en arrière contre son gré, par nul autre que son petit frère, tandis que Chuuya s'avançait en direction de l'ennemi, retirant ses gants et marmonnant des mots qu'elle n'entendit même pas, dans la cacophonie qui avait envahie son esprit.

Il fallait que Chuuya s'en sorte indemne. Il fallait qu'il continue à vivre. Elle ne se pardonnerait jamais de l'avoir laissé mourir alors qu'elle se trouvait à quelques mètres à peine. Sans qu'elle ne puisse faire quoi que ce soit pour aider. Elle était trop faible.

Elle ne s'était même pas rendue compte avoir commencé à pleurer, alors qu'elle tenait fermement le chapeau sur sa tête d'une main, observant le combat violent qui se déroulait devant elle, un combat dans lequel elle n'avait pas sa place.

Elle n'avait aucun doute quant à la capacité de Chuuya à vaincre ses ennemis, maintenant qu'il était dans cet état. A la limite de la panique, voyant que le corps de son ancien petit ami commençait à arriver à bout, elle avait malgré tout imploré Dazai d'aller interrompre tout cela, qui n'avait pas semblé vouloir bouger cependant.

Ce n'était pourtant pas le moment de tester les limites de leur rivalité inutile, merde...!

Retenant de justesse les insultes destinées à son petit frère, qui n'avait pas l'air de prendre la vie de son ancien partenaire bien au sérieux, Kiyoko s'était élancée en direction de Chuuya, ignorant les cris de Dazai, lui demandant de revenir.

Chuuya continuait de combattre un ennemi qui n'était plus là, sans même se rendre compte de ce qu'il faisait. Le sang qu'il perdait était assez inquiétant pour que Kiyoko se mette à paniquer encore davantage, la faisant accélérer malgré ses côtes douloureuses, tenant fermement le chapeau sur sa tête.

-Chuuya!! C'est moi, Kiyoko, tu m'entends? Arrête s'il-te-plaît...!

A quelques mètres à peine du roux, l'intensité de ses attaques était assez importante pour qu'elle risque de mourir à tout instant. Elle savait que Osamu était quelque part derrière elle, celui le plus à même d'arranger la situation, mais elle était aveuglée par l'idée d'aider son ancien petit ami au plus vite. Son frère n'avait pas agit assez rapidement à ses yeux.

A l'entente de sa phrase, le visage de Chuuya s'était tourné dans sa direction, mais la joie d'avoir été écoutée ne dura pas bien longtemps. Si elle n'était pas au courant qu'il s'agissait de Chuuya, elle n'aurait jamais pu le deviner. Il était tout simplement méconnaissable.

Mais, le pire, c'est qu'il ne semblait absolument pas la reconnaître. Il lui adressa un sourire immense, presque fou, au milieu du sang qui recouvrait son visage, prêt à l'attaquer elle aussi. Mais, pour elle, il restait le Chuuya qu'elle aimait tant, même ainsi.

Elle revoyait son regard affectueux, ses doux sourires, sa chaleur apaisante. Ses cheveux roux, ses yeux bleus, et l'amour incommensurable qu'elle lui portait.

Sans hésiter une seule seconde, la jeune femme s'était jetée sur Chuuya, passant ses bras autour de la taille de celui-ci, fermant les yeux en priant de toutes ses forces, priant pour que Chuuya la reconnaisse et redevienne au plus vite la personne formidable qu'il était.

Cette apparence n'était pas digne de lui.

Honnêtement, lorsqu'elle avait enlacé Chuuya de la sorte, elle n'avait absolument pas pensé à sa propre sécurité. Pour elle, le roux était incapable de faire du mal à ceux qu'il aimait... Encore fallait-il qu'il ressente encore un tant soit peu d'affection envers elle.

Mais, sur le moment, cela lui importait peu. Elle était aussi impuissante qu'un nouveau né à côté de la force incommensurable de Chuuya, certes, mais n'avait aucune intention de rester sans rien faire pour autant, alors qu'il était sur le point de mourir. 

Elle ne ressentait aucune once de peur, du moins liée à sa propre personne. Car, tout ce qu'elle ressentait, c'était la terreur de voir quelqu'un qu'elle aimait plus que tout mourir sous ses yeux. Elle appela doucement le nom du roux, le nez enfoui dans ses vêtements, respirant pour la première fois depuis quatre ans cette odeur si familière qui fit remonter nombre de souvenirs.

Puis, dans la cacophonie de voix de son esprit, ses oreilles autrefois bourdonnantes rencontrèrent un calme presque olympien, lorsqu'une simple main se posa sur son bras, aussi doucement que s'il avait été constitué de verre.

Chuuya était revenu à lui, avant que le pire n'arrive. En larmes, Kiyoko sentit ses jambes devenir de plus en plus faibles, jusqu'à ce qu'elles lâchent tout simplement, sous le poids de son propre corps meurtri et celui de Chuuya, appuyé contre elle.

Elle ne put retenir les pleurs qui montèrent de nouveau, bien que toujours aussi silencieux mais néanmoins beaucoup plus violents que les précédents ; le poids de toutes ces années de solitude et de nuits à pleurer sans bruits s'effondra sur elle sans prévenir. Tenir Chuuya de la sorte, elle en avait tant rêvé, à de si nombreuses reprises. Elle avait tant espéré retrouver ces bras aimants dans lesquels elle se trouvait actuellement, bien qu'exerçant une prise beaucoup plus faible que les siens, épuisés par le combat que le roux venait de mener.

Dazai arriva quelques secondes plus tard, un regard de terreur pure sur son visage, qui disparu à peine eut-il confirmé que Kiyoko allait bien. Il n'arrivait toujours pas à réaliser que sa sœur ait réussi à ramener Chuuya à la raison aussi facilement. Le principal était que, à présent, tout était terminé.

Il aurait pourtant dû s'attendre à la réaction de Kiyoko, celle d'aller retrouver Chuuya malgré le danger évident.

Ce dernier, à bout de forces, laissait reposer son visage sur l'épaule de Kiyoko, et la main de la jeune femme caressait lentement ses cheveux roux, avec toute la tendresse du monde, son autre main fermement serrée autour du corps de son ancien partenaire.

Honnêtement, cette vue ne le ravissait nullement, bien au contraire. Elle le dégoûtait, pour des raisons plus qu'évidentes, mais elle éveillait également en lui une peur bien plus primaire, bien plus terrifiante que toutes les autres.

Il savait à quel point la relation qui liait Chuuya et Kiyoko était puissante. Et cela faisait monter en lui des interrogations de toutes sortes. Et si, maintenant qu'ils s'étaient retrouvés, sa sœur décidait de retourner vivre aux côtés de Chuuya...?

Se retrouverait-il définitivement tout seul, pour la première fois de sa vie? Kiyoko avait toujours été là, près de lui, quoi qu'il arrive, alors il n'avait jamais imaginé que cela puisse en être autrement un jour. Mais, en voyant cette scène déchirante devant lui, des doutes commençaient à apparaître, les uns après les autres.

En ravalant ses émotions, il se contenta de déposer à terre la veste et les gants de Chuuya, jetant un dernier regard à sa sœur, au visage couvert de sang et de larmes, qui tenait le roux comme s'il s'agissait là de la chose la plus précieuse sur terre. Il se détourna, la boule au ventre, et s'éloigna en silence.

Laissant les deux anciens amants enlacés, au milieu d'un véritable champ de bataille. Pendant de longues secondes, aucun ne parla. Ils ne savaient même pas par où commencer, à dire vrai. Il y avait beaucoup trop de questions, et si peu de temps. Chuuya n'allait pas tarder à s'évanouir, et Kiyoko allait devoir se faire soigner dans les plus brefs délais, elle aussi.

-... je veux que tu saches que tout ce qu'il y avait dans la lettre était vrai, murmura-t-elle finalement, les yeux débordant de larmes. C'est pour ça que... Que...

Elle n'arrivait pas à terminer sa phrase, mais Chuuya savait parfaitement ce qu'elle avait voulu dire par là. Il la connaissait mieux que quiconque, après tout. Et il s'était attendu à ce genre de résolution.

Elle ne reviendrait pas. Et lui, de son côté, était incapable de quitter la Mafia.

Leur histoire était condamnée à rester inachevée depuis le début, sans même qu'ils ne l'aient su au moment de la commencer. Et cela, plus que tout, leur faisait horriblement mal.

-Est-ce que je peux te poser une question, juste une seule...? demanda finalement Chuuya, la tête toujours posée contre l'épaule de Kiyoko.

Il sentit la jeune femme hocher la tête, sans trouver le courage de parler à haute voix, et il laissa un souffle tremblant lui échapper.

-... est-ce que tu es heureuse, maintenant?

Le corps de Kiyoko se tendit soudainement, alors que les paroles du roux tournaient dans sa tête encore et encore. Si elle était heureuse...?

Certes, elle avait découvert de nouvelles personnes formidables, elle avait trouvé une vie aux journées faites de lumière et de joies, elle avait vu son frère s'épanouir comme jamais auparavant... 

Mais, au milieu de tout ceci, ses nuits solitaires et larmoyantes projetaient leur ombre pécheresse sur ce tableau en apparence idyllique. Ses remords et sa peine qui ne disparaîtraient sans aucun doute jamais. Aussi longtemps que l'image de Chuuya continueraient d'accompagner le moindre de ses gestes, la moindre de ses pensées.

Cependant...

-Oui. Je le suis. Et toi...?

Elle mentait, elle le savait. Et Chuuya, lui, le savait également.

Puisqu'il pensait à la même chose.

-Je le suis aussi, murmura-t-il à voix basse, tandis que sa conscience s'éloignait lentement de la réalité, et que l'obscurité se faisait de plus en plus présente.

L'instant suivant, après avoir vaillamment combattu à l'aide de ses dernières forces, le roux ferma les yeux, ses muscles se relâchèrent, et le poids de son corps désormais inconscient s'effondra sur Kiyoko, qui se mordit la lèvre pour ne pas laisser un sanglot lui échapper.

Elle resta un long moment ainsi, recherchant sans même le vouloir le courage de se mouvoir, de briser cet instant qu'elle avait pourtant attendu si désespérément.

Elle se redressa lentement, déposant Chuuya à terre avec toute la douceur dont elle était dotée, observant avec attention le moindre trait de son visage, balayant une mèche de cheveux roux, comme pour graver dans ses rétines cette image qu'elle connaissait déjà par cœur.

Avec les forces qu'il lui restait, Kiyoko vint hisser le jeune homme sur son dos, les affaires de ce dernier sous le bras, et se mit en route, à pas lents, en direction du point d'extraction que la Mafia avait mis en place, et qu'elle n'avait eu guère de difficultés à localiser, où devait se trouver tout le matériel médical nécessaire pour aider Chuuya.

Là, sous les regards étonnés des hommes présents, qui l'avaient bien évidemment reconnue, elle avait soigneusement déposé Chuuya sur l'un des lits, ses affaires parfaitement pliées à côté de lui, son chapeau compris, et elle avait ensuite disparue parmi les arbres, plongés dans l'obscurité de la forêt autour du campement. Comme elle l'avait fait par le passé.

Cette fois-ci, cependant, elle se risqua à jeter un dernier regard à son ancien amant, allongé sur un lit de camp provisoire, avec de nombreux médecins qui se pressaient autour de lui. Il était en sécurité, désormais.

Elle ne devait pas reculer.

Elle avait pris sa décision depuis longtemps, quatre ans auparavant. Une décision qu'elle avait voulu irrémédiable, indiscutable.

Pourtant, sur le chemin qui la ramena à l'agence, elle dû se rendre à l'évidence. Des regrets, elle en avait tellement qu'ils devenaient presque impossibles à dénombrer. Et presque impossibles à supporter, également.

Lorsqu'elle sortit de la forêt, elle ne fut absolument pas étonnée de voir que son petit frère se tenait là, tendu à l'extrême, et qui poussa un profond soupir de soulagement lorsqu'il vit que sa sœur était revenue auprès de lui.

Elle ne l'avait pas abandonné. Sa seule famille était encore à ses côtés. Il ne serait pas condamné à vivre un futur sous le signe de la solitude la plus extrême.

En ouvrant grand les bras, il attira la jeune femme contre lui, qui éclata bruyamment en sanglots l'instant suivant.

Elle avait pris une décision. Même si cela la faisait atrocement souffrir...

Elle ne reviendrait jamais sur celle-ci.

Car c'était la vie qu'elle avait choisie de mener, dorénavant. L'on ne peut changer le passé, et les horreurs que lui avait faites subir la Mafia étaient encore bien ancrées dans sa mémoire. Dans sa chair. Dans son être tout entier.

De même que l'image de Chuuya, qui resterait avec elle pour l'éternité. Peignant à l'intérieur d'elle des années révolues depuis longtemps, mais dont elle n'était pas encore prête de se défaire.

Ni aujourd'hui...

Et encore moins demain.

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