Chapitre 48 : début d'une chute
Je me réveille péniblement à cause de l'heure précoce, ne pouvant fermer l'œil pour autant. Je remarque alors que Haeli n'est plus dans mes bras et me redresse lentement. Après avoir habitué mes yeux à la lumière matinale, je le cherche du regard dans la pièce. Il est adossé à la porte de la salle de bain, vêtu uniquement d'un pantalon. Ses mains aggripent anxieusement ses cheveux et ses yeux fixent le sol. Il semble vraiment... paniqué.
Je m'apprête à lui demander ce qu'il ne va pas, lorsque je remarque son téléphone, allumé sur le lit. Je le prends et comprends. Je le repose, soupire et m'habille d'un short avant de commencer à rassembler mes affaires.
- C'est pas grave, chéri. Ça devait bien prendre fin à un moment.
Ses parents lui ont fait un virement de trois-cent dollars avec pour nom : "prends le premier avion pour Chicago". Autrement dit, la fête est fini.
- Tu as regardé s'il y avait un vol dans...
- Tais toi.
Je fronce les sourcils et me tourne vers lui.
- Haeli ? Qu'est-ce que...
- J'essaie de trouver une solution. Alors, s'il te plaît, tais toi, Shun.
Je croise les bras, mitigé entre la confusion et l'agacement.
- Une solution à quoi ? On allait devoir rentrer de toutes façons. Je comprends que ça t'énerves un peu que notre séjour soit écourté mais c'est plutôt normal en vrai.
Il rit sans joie et pose enfin les yeux sur moi.
- "Tu comprends que ça m'énerves un peu" ? Putain si tu comprenais vraiment quelque chose, tu te serais rendu compte que ça ne m'énerve pas juste "un peu" !
Je le fixe, perplexe.
- Tu agis toujours comme si tu étais celui qui aimais le plus dans notre relation, comme si je ne restais avec toi que par pitié ! Donc non, tu ne comprends rien du tout, bordel ! Tu ne comprends pas que ça me saoule de te retrouver au lycée avec de nouveaux bleus et de nouvelles blessures ; tu passes ton temps à grincer des dents tellement tu as mal, tu ne m'explique jamais ce qu'il se passe !
Des larmes se forment dans ses yeux.
- Haeli je...
- Je fais tout mon possible pour être parfait parce que j'ai peur que tu perdes intérêt pour moi ; je m'en fous que ça paraisse narcissique ou prétentieux mais c'est vraiment la sensation que tu me donnes !... Tu agis comme si j'étais la chose la plus importante à tes yeux et pourtant, je remarque tous les deux jours de nouvelles entailles sur ta peau ! Tu me dis que tu te scarifies uniquement pour mourir alors, bordel, Wang Shun, qu'est-ce que je dois faire pour que tu arrêtes de te bousiller ?! J'essaie de sourire tout le temps parce que je sais que tu aimes me voir le faire, j'agis comme si je ne voyais rien parce que tu t'énerves quand je pose trop de questions, je fais de mon mieux pour prendre soin de mon corps afin de ne pas te faire souffrir indirectement ; mais ça... !
Sa voix déraille et je remarque qu'il a de plus en plus de mal à respirer.
- Mais ça ne suffit pas ! Ça ne suffit pas parce que tu as toujours ces pensées morbides qui te détruisent de l'intérieur ! Tu ne comprends pas à quel point je t'aime ! Tu ne comprends pas le mal que ça me fait d'être à Chicago lorsque que je dors dans mon putain de lit King size et que je sais que t'es peut-être entrain de te faire tabasser ou que t'essaies encore de te crever ! Je sais que c'est dégueulasse ce que je dis mais putain c'est encore pire que tu agisse comme si de rien n'était alors que tu retournes te faire torturer dans cette ville de merde ! Oui, je comprends qu'on n'aurait pas pu rester ici indéfiniment, je ne suis pas stupide, mais deux semaines c'était trop demander ?... De vouloir que tu vives normalement pendant juste deux semaines... était-ce vraiment... vraiment trop demander ?...
Debout et la gorge douloureuse, je le regarde s'effondrer en pleurs, sans savoir que faire. À ce moment là, je me dis que j'ai tout fait de travers. J'ai tellement voulu le protéger de tout que j'ai fini par le faire souffrir à cause de mon silence. Comme figé, je n'arrive pas à aller le voir, je suis bloqué par le mur de reproche qu'il a construit au fil de ses paroles. Je veux le prendre dans mes bras, mais j'ai peur de le briser. Je ne peux pas rester ici mais je ne peux pas aller là-bas. Je lui en veux tellement.
Ses mots m'ont traversés tel des coups de poignards, me faisant saigner de l'intérieur. Mon cœur se tord, ma gorge m'étouffe et mes larmes m'aveuglent. J'avance vers lui qui pleure toujours, adossé au mur. Je le prends dans mes bras et le serre contre moi. Peu importe si je le brise. Je lui en veux tellement que ça ne me dérangerai pas.
- Crie moi dessus lorsque je t'énerves, pleure quand tu as envie de pleurer. Ne te force pas à sourire pour moi. Je n'attends pas de toi que tu sois parfait, Haeli. Peu importe ce que tu feras, tu le seras toujours à mes yeux. Je m'excuse de te faire souffrir à travers mes blessures. Je m'excuse de perdre espoir alors que tu es là. Et je m'excuse de ne pas pouvoir tout te dire. Je ne peux juste pas effacer des années d'angoisse quand bien même tu me fais aller mieux. J'en suis incapable.
Je le serre encore plus fort.
- Néanmoins, je refuse de détruire ta relation avec ta famille juste pour moi. Ça n'a pas de sens puisqu'au final tu finiras blessé et moi aussi. On sera peut-être heureux quelques jours mais plus on s'accrochera à ce bonheur fragile, plus on souffrira quand il s'écroulera. Laissons le tomber tant que l'on peu encore contrôler sa descente. Pleurons un peu de notre côté lorsque l'on se retrouvera séparé et attendons que le temps passe et répare notre bonheur pour qu'on puisse le cueillir quand il sera encore plus beau que maintenant.
Je me courbe lentement afin d'enfouir ma tête au niveau de la sienne, camouflant mes pleurs à venir.
- En attendant qu'il fleurisse, je te promet d'arrêter d'essayer de mourir alors... arrête de me mentir en prétendant être tout le temps heureux.
Je l'entends se calmer peu à peu, alors je fais de même.
- D'accord mais arrête la cigarette aussi, marmonne-t-il.
Je laisse échapper un léger rire.
- Tout ce que tu voudras, chéri.
***
On a pris un avion à sept heure après avoir rangé et nettoyé parfaitement notre studio.
Nous nous tenons la main fermement en regardant les minutes qui nous reste ensemble s'effondrer avant la fin du vol.
Les roues de la machine finissent par tourner sur le sol de Chicago et l'on est forcé de se lever, prendre nos bagages, et sortir. Haeli et moi marchons main dans la main dans l'aéroport, jusqu'à atteindre le tapis roulant qui est sensé amener les valises des passagers. Bien évidement, on n'en a pas mais on profite de cette excuse pour passer un peu plus de temps ensemble.
Lorsque plus aucune valise ne se présente, on se décide enfin à sortir. Là, on traverse un long couloir et, juste avant d'ouvrir une porte double qui, on le sait, fera apparaître la chute de notre bonheur, on se blottit dans les bras de l'autre étroitement. On se fiche qu'on nous regarde avec dégoût, on se fiche de gêner le passage, on se fiche de tout. On garde juste une dernière fois la joie de notre liberté en s'accrochant l'un à l'autre.
Bientôt, ce moment doit s'arrêter. On le sait. On reste pourtant encore quelques secondes de plus, avant de se lâcher et d'apparaître face à nos familles.
Notre séjour s'acheve.
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À suivre...
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Désolé pour la taille de ce chapitre (il est un tier plus court que la moyenne) mais je ne pouvais pas me permettre de le continuer. Sachant que j'écris la plupart du temps par atmosphère, en écrivant la suite, l'atmosphère "bonheur triste" aurait été rompu
Enfin breeffff. J'espère que ce chapitre vous aura plu ^^
En attendant le prochain, portez-vous bien <33
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