Chapitre 39 : Aube calme

Je me réveille dans les alentours de trois heure du matin, un mal de dos atroce me faisant grincer des dents. M'étant endormi au sol, adossé à la porte par peur qu'elle ne cède sous les coups de Tao, ma douleur n'est que naturelle. Je m'immobilise un instant, aux aguets du moindre bruit, puis, une fois le son sourd du silence m'assurant l'absence de mon frère, je me redresse péniblement. Il est enfin parti travailler...

Je prends un temps pour me remémorer les événements de la veille, me faisant tantôt froncer des sourcils gravement, tantôt serrer ma mâchoire d'agacement, avant de plonger mon visage dans mes mains afin de remettre les choses en ordre dans ma tête. Haeli.

Je me dirige vers ma salle de bain et prend une rapide douche plus que brûlante, mes bleues et plaies me faisant gémir de douleur, avant de me sécher précautionneusement. Je soigne du mieux que je peux mes blessures et m'habille astucieusement afin de ne pas souffrir du contact d'un vêtement contre ma peau. Puis, je prends mon sac de cours, le vide sans ménagement sur mon lit, et le rempli de vêtements plus ou moins pliés, plus ou moins chauds et plus ou moins utiles. J'ajoute à cela quelques objets que je juge comme essentiel et enfile - ironiquement - la veste que Tao m'a offerte à Noël, avant de claquer la porte derrière moi pour dévaler les escaliers de mon immeuble.

J'hésite une seconde à prendre ma moto mais m'y résigne. J'opte alors pour le métro et, après plusieurs minutes de trajet, j'arrive enfin au lieu attendu avec dix minutes d'avance environ. J'enfonce mes mains au plus profond de mes poches, rentrant mon menton dans mon manteau et attends. Je ne peux m'empêcher de douter. Sur Haeli, sur ce rendez-vous absurde, sur Tao, sur moi-même... surtout sur moi-même. J'ai peur...

- Shun !...

Ma poupée est arrivée par derrière et a foncée dans mes bras. Il me serre avec force. Je l'enlace à mon tour.
...que tout ça aille trop loin.

Haeli relève la tête vers moi, les yeux embués de larmes. Je comprends qu'il me scrute et n'ose le regarder en retour.

- Je suis si amoché que ça ?

Il se détache lentement de moi et regarde en l'air comme pour retenir les torrents de s'échapper de ses yeux. Il ferme ses paupières, souffle un coup et rouvre les yeux pour me regarder en souriant joyeusement.

- Allons-y ! ~

Il tourne les talons et commence à sautiller vers l'arrêt de bus.
Je souris légèrement malgré le pincement se formant dans mon cœur, et le suis. Quel magnifique menteur.

Six minutes plus tard, le véhicule arrive. C'est un énorme bus de deux étages, aux vitres tintées et aux sièges réfléchis pour être plus que confortable. Nous embarquons après avoir validé les tickets préalablement achetés par Haeli. On s'assoit tout au fond du deuxième étage, une table dépliante se trouvant à plat contre les fauteuils avant. Bouclettes ouvre son sac multifonction et sors une sorte de thermos accompagné d'un sachet en papier kraft.
Il me fait tenir le tout le temps qu'il ferme et range son sac.

- Je t'ai pris des croissants puisque tu sembles apprécier la France, dit-il sur un ton taquin.

Je laisse échapper un soupire rieur.

- Tu dis ça parce que j'aime Stromae ?

Il hausse les épaules et prends un croissant pour le manger doucement. Je l'imite après l'avoir dévoré du regard tant sa mignonnerie me fait de l'effet. Ainsi, on petit déjeune calmement, encore un peu endormi, se gavant de thé à la menthe et de croissants.

Enfoncé au fond de mon siège, je commence à somnoler, ma tête chancelant vers l'avant maladroitement. Je sens des doigts s'entrelacer dans mes cheveux et sursaute légèrement en me tournant vers ma poupée.

- Allonge toi sur mes genoux.

Je ne me fais pas prier et me positionne de façon à ce que ma tête se repose sur ses cuisses et mon corps sur les sièges voisins. À la seconde où je ferme mes paupières, je me détends et m'endors immédiatement.

Mes yeux s'ouvrent lentement. L'engourdissement du sommeil me sonne gentiment et il me faut un temps pour réaliser que Haeli m'a couvert d'un petit plaide réconfortant. Je tourne mon regard vers son adorable bouille. Il m'observe, un léger sourire aux lèvres et les yeux mi-clos.

- Bien dormi, princesse ?

Je pouffe doucement de rire et me redresse afin de me mettre sur mes pieds et de m'étirer longuement. Je me rassois et regarde le paysage que nous offre les fenêtres du bus : une autoroute. Je m'en désintéresse très vite et observe brièvement les deux ou trois personnes présentes en plus de nous. Elles sont toutes particulièrement éloignées donc on croirait presqu'être seuls.

- On va où ? demandé-je enfin.

Cette question plus qu'evidente ne m'a pas traversé l'esprit une seule fois. Peut-être étais-je trop endormi pour me soucier de l'endroit où m'a poupée me kidnappait.

- C'est une surprise ! ~

Il pose sa tête sur mon bras. Alors, j'entoure ses épaules avec et le rapproche de mon corps afin de le laisser se reposer sur ma poitrine. Je glisse ma main de ses sourcils au haut de sa tête afin de dégager son front pour y poser un tendre baiser.

- Merci d'être là pour moi, Bouclettes.

Il laisse échapper un soupire rieur et se rapproche un peu plus de mon corps.

- Tu as faim, Shunie ?

- On n'a pas mangé tout à l'heure ?

Ma poupée me fixe avec une légère incompréhension avant de déclarer :

- C'était il y a plus de sept heures.

Mes yeux s'arrondissent de surprise. J'ai dormi autant de temps ?! Cette réaction semble amuser Haeli qui sort une boîte verte pastelle avec un mochi pour logo. Il l'ouvre habilement et en sort deux rouleaux de gimbap (les sortes de makis géants) non découpés. Il m'en tend un. Je le remercie et retire doucement le film plastique avant de prendre une bouchée avec appétit. Haeli m'imite en silence.

- Donne moi ton téléphone, me dit-il après quelque minutes de dégustation.

J'exécute sa demande. Il met alors son gimbap de côté pour retirer sa boucle d'oreille. J'ai tellement l'habitude de le voir avec que j'en ai oublie qu'il peut l'enlever. Il insère ensuite la tige dans un trou microscopique situé sur la tranche du smartphone. Un socle fin apparaît. Il le tire doucement et prend précautionneusement la carte sim avant de la mettre dans une boîte et de renfoncer le socle à l'intérieur du portable. Il me le rend.

- À présent, personne ne va pouvoir nous déranger, déclare-t-il avec un large sourire aux lèvres.

Je le regarde faire, mangeant mon gimbap et tentant de me concentrer sur autre chose que mon stresse grandissant au fil des minutes et des kilomètres passés loin de chez moi.

- Haeli, tu es sûr de vouloir faire ça ? On peut encore faire demi tour, tu sais. J'ai pas envie que tu aies des problèmes avec tes parents et que tu prennes du retard dans ta scolarité à cause de moi. Je ne veux pas... être un poid pour toi.

Son visage s'assombrit au fil de mes paroles.

- Je t'ai promis de faire tout mon possible pour te protéger alors laisse moi tenir ma promesse.

Son visage est crispé et il semble peiner à garder son calme.

- Oui mais tu ne devrais pas gacher ta vie pour m...

- Comment... ?!

Il s'interrompt, voulant contrôler le ton de sa voix. Il souffle un coup, ferme ses yeux un temps avant de les rouvrir, une lueur de rage les traversant tout de même. Il reprend :

- Comment suis-je sensé étudier et rire dans ma petite vie parfaite en sachant que tu as besoin d'aide ? En sachant qu'une fois toutes les deux semaines, tu m'appelles en pleurs ? Comment, Shun ? J'ai du mal à dormir parce que j'ai peur de te retrouver le lendemain plié en quatre parce que tu es soi-disant tombé des escaliers. Je ne suis pas stupide, Shun. Et tu n'es pas un bon acteur non plus. Alors je t'interdis de me dire de rester en dehors de ta vie et de faire comme si de rien n'était à chaque nouvelles blessures que je découvrirai sur ton corps !

Je serre ma mâchoire et détourne le regard.

- Fais comme tu veux.

Je lève les yeux au ciel afin de retenir mes larmes. J'ai envie de lui hurler de s'en aller, de le pousser à me détester pour qu'il arrête de souffrir avec moi. Je veux agir comme un connard sans cœur, le virer violemment de ma vie en espérant qu'il ne souffre qu'un peu. Je ne veux pas qu'il se sacrifie pour moi. Je veux qu'il s'éloigne de moi. Je... devrais. Je devrais faire tout ça. Je devrais être raisonnable et comprendre que les amourettes de lycée ne sont pas pour moi, que je ne peux pas me permettre cette histoire d'amour aussi controversée qu'absurde.

Alors pourquoi ? Pourquoi ne puis-je pas m'en passer ? Pourquoi est-ce que je ressens autant de choses ? Pourquoi... ai-je envie de fermer les yeux et de suivre le courant de mes flots de sentiments sur un bateau voué à sombrer dans les torrents d'une tempête de souffrance ?

Parce que je suis stupide d'espérer qu'on puisse être heureux ensemble.

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À suivre...
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J'espère que ce chapitre vous aura plu ^^

Je voulais le faire plus long mais je me suis dis que c'était mieux de m'arrêter sur cette phrase alors je suppose que le prochain le sera plus histoire d'équilibrer.

En attendant la suite, portez vous bien <3

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