Chapitre 37 : Carl

Après que Haeli m'ait raconté son histoire, on a passé une nuit de plus ensemble ( sans rien faire parce que j'ai littéralement été traumatisé !) puis on a pris le petit-déjeuner et notre séjour s'est terminé. Mais ne voulant pas se quitter, on a décidé de se balader au centre ville. J'ai garé ma moto et on se promène donc à travers les rues, parcourant magasins après magasins, achetant confiseries après confiseries.

– Alors ? demande Haeli d'un ton farceur.

J'avale ma gorgée et détourne la tête, un peu embarrassé.

– C'est bon...

– Haha ! Je te l'avais dis ! Le bubbletea est la meilleure boisson de la terre !

– Même devant la bière au gingembre ?

– Hum... à méditer.

Je pouffe de rire et prends sa main avant de la plonger dans ma poche, entrelaçant mes doigts avec les siens.

– Qu'est-ce que...

Je fuis son regard.

– Personne ne remarquera alors laisse moi.

Il tente de se défaire de mon étreinte mais je la resserre.

– S'il te plaît.

Il ne résiste plus. Un sourire se dessine sur mes lèvres. Et ainsi, nous marchons main dans la main dans le froid de l'hiver, à travers tous ces gens qui ne se doute pas une seule seconde que deux êtres opposés comme nous puissent être aussi fusionnels. Cette sensation de chaleur infini qui se déverse dans mon corps sous forme de frissons m'électrise. Juste tenir sa main me fait trembler entièrement. Ce n'est pas bon, vraiment pas bon. Si ça continue comme ça, je ne pourrais plus jamais me passer de lui et...

On me bouscule. Je me retourne légèrement, marmonne des excuses et souhaite poursuivre ma route lorsqu'on m'interpelle.

– Wang Shun ?

Cette voix. Ne me dis pas que...
Je déglutis et me retourne. À sa vue, mon corps se paralyse. Il s'approche de moi.

– Mais oui c'est bien toi ! Qui aurait cru que le petit gringalet deviendrait aussi baraqué haha !

Sans prononcer un mot, je baisse les yeux.

– Tu ne me reconnais pas ? C'est moi ! Carl !

Ma respiration accélère, mon cœur cogne dans ma poitrine et de la sueur perle sur mon front. C'est quoi... ce bordel ?

– T'es toujours aussi timide à ce que je vois !

Il me donne un tape sur l'épaule en ricanant. Mes oreilles bourdonnent. Merde, Shun, qu'est-ce qui t'arrive ?!
Je fais dix centimètres de plus que lui, je pourrais le fracasser en moins de deux et j'ai plus confiance en moi qu'il y a trois ans. Je suis sensé avoir changé ! Non, j'ai changé du tout au tout ! Alors pourquoi, pourquoi est-ce que je tremble encore devant ce type ?! Je dois me ressaisir, putain !

– Comment ça va depuis le collège ?

– B... bien.

– Ooh ! T'as une vrai voix d'homme maintenant ! Haha. C'est dommage qu'on se soit perdu de vu, tu trouves pas ?

Je ne réponds rien.

– On était genre... meilleurs potes quoi !

Meilleurs potes ? Pfft ! Laisse moi rire ! C'était plutôt une relation boxeur/punching ball !

– Enfin bref, tu...

Pourquoi est-ce qu'il a arrêté de parler ? Je relève les yeux. Son regard est posé sur Haeli. Immédiatement, il se remet à me regarder et moi à fixer le sol anxieusement.

– Tu ne me le présente pas ?

Rapidement, je relache la main de Bouclette, attrape son poignet et le tire vers moi afin de le cacher derrière mon dos.

– Oh... donc tu étais de ce bord là depuis tout ce temps ?

– Ç... ça ne te regarde... pas.

J'ai l'impression d'avoir accompli l'exploit de ma vie juste parce que j'ai réussi à prononcer ces simples mots. Je suis pathétique. J'entends Carl ricaner.

– Okay, okay, pas besoin de s'énerver !

Connard.

– Bon ! C'était cool de te revoir, mais j'ai des trucs à faire moi.

Sur ce, il avance pour continuer sa route mais s'arrête juste à côté de moi, pose sa main sur mon épaule et me murmure "t'auras beau faire deux mètres de haut, foutre de l'encre partout sur toi et percer chaque passerelle de ta peau, tu es et tu resteras à jamais la petite pute de Bringston. Ne l'oublie pas, Ching chong."
Il s'éloigne de moi et affiche un sourire radieux.

– Allez, à plus, mon pote !

Il est parti. Enfin, il est parti. Pourtant, une vague de panique me noie. J'ai peur, j'ai peur, j'ai peur. Qu'est-ce que je dois faire ? Comment est-ce qu'il m'a retrouvé ? Comment m'a-t-il reconnu ? Est-ce vraiment la première fois qu'il me croise ou m'aurait-il suivit depuis trois ans ? Non, c'est impossible. C'est impossible. Alors comment ? Qu'est-ce qu'il va se passer si je le recroise ? Et si il est avec tous les autres, la prochaine fois, qu'est-ce que je fais ? Qu'est-ce que je fais ? Me protéger. Je dois me proteger. Souviens toi, la tête dans les bras, les genoux sur la poitrine et tu attends. Ils finiront bien par arrêter. Ils finissent toujours par arrêter de toute façon. Il faut compter, penser à autre chose et la douleur sera remplacée, un peu. Il faut...

– Shun !

Je sursaute. Haeli m'appelle.

– Que... qu'est-ce qu'il y a ?

– Tu me fais mal, lâche moi.

Je remarque alors que la force de mon emprise rougit son poignet. Je la défait brusquement.

– Désolé. Pardonne moi, Haeli, pardon, pardon, pardon, pard...

– C... c'est pas grave. Ne t'inquiète pas.

J'aperçois que ma main tremble. Je ferme mon poing afin de l'en empêcher. Mais rien y fait. Je suffoque. Je dois fumer. Je me tourne vers Bouclette.

– J'ai passé un très agréable moment avec toi, rentre bien.

– Qu... quoi ?

– Il y a un bus pas loin... je crois. On se voit au lycée, hm ?

Je n'attends pas sa réponse et me précipite vers une ruelle à quelques mètres. Difficilement à cause des tremblements de mes mains, je sors mon paquet de cigarette de la poche arrière de mon jean. Et, maladroitement je fais tomber plus de la moitié de ces saloperies au sol en en sortant une. Merde, merde, merde. Je mets une clope entre mes lèvres. Je m'accroupis et tente désespérément de les ramasser pour les remettre dans leur boîte. Mais je les fais tantôt tomber de nouveau, tantôt rouler plus loin et les écrase parfois en les manipulant trop fort. Bordel de merde, c'est vraiment la merde.

Je meurs de peur. J'ai l'impression que je vais crever. C'est atroce. Je dois me calmer. J'attrape mon briquet et, aidé de ma main pour bloquer le vent, j'essaie d'allumer ma cigarette. Je fais tourner la molette avec mon pouce. Des étincelles en sortent, mais ça ne s'enflamme pas. Je ressaie à de multiples reprises mais rien y fait. Bordel, il n'y a plus de gaz ou quoi ?! Je veux fumer, putain ! C'est trop demandé ?!

Le briquet s'allume. Je grille le bout de ma clope, prend une profonde inspiration et ressent un apaisement durant une fraction de seconde avant que mes pensées ne refassent surface. Carl. Je dois me casser d'ici le plus vite possible. Je ne dois pas le croiser de nouveau, jamais. Bordel, je suis vraiment trop con ! Je pensais sérieusement que je n'allais pas le croiser alors qu'on est littéralement dans la même ville ?! Je dois partir. Où ? New York ? Washington ? Los Angeles ? Je connais personne là-bas, comment pourrais-je y vivre ? Alors quoi ? Je reste ici et j'attends patiemment qu'il...

– Shun...

Pris d'un sursaut, je relève vivement la tête vers la personne qui vient de prononcer mon nom.

– Qu... qu'est-ce que tu fais encore là ? Je t'ai dis de partir !

Haeli s'approche doucement.

– Tu ne peux pas me demander de faire une telle chose alors que tu es dans cet état.

– D... de quoi tu parles ? Je vais bien, je vais parfaitement bien, je... je suis juste... j'avais juste...

– Dis moi la vérité.

Je tremble tellement que j'ai du mal à maintenir ma cigarette, je ne peux pas me lever tant mes jambes sont faibles, ma respiration se bloque à chaque fois que je tente de prendre une bouffée d'air, mes yeux ne peuvent s'empêcher de scruter chaque recoins de la ruelle. C'est ça qu'il veut que je lui dise ?

– La vérité ?

Bordel, je galère vraiment à respirer.

– La vérité c'est que j'ai recroisé après trois putain d'année le type qui a fait de ma scolarité un putain d'enfer ! La vérité c'est que ça me fous la rage de voir qu'après tant de temps, je sois encore là à trembler, recroquevillé sur moi-même, en chialant comme une merde par peur qu'il débarque ! La vérité c'est que ça me tue. Toute cette colère, toute cette rage, toute cette haine, cette tristesse et toute cette... cette...

Mes larmes commencent à couler silencieusement. Je baisse la tête, l'enfouissant dans mes genoux. Et, les mains au dessus de ma tête, je serre les poing rageusement, écrasant ma clope par la même occasion. Fait chier, fait chier, fait chier, fait chier ! J'en ai marre de toute cette merde ! Je passe ma vie à chialer encore et encore pour des choses qui sont passées ! Des choses qu'il faut oublier !

Je sens une main se glisser dans mes cheveux, puis une deuxième, avant que des bras délicats s'enroulent autour de ma tête. Sans un mot, je lève lentement mes poings vers le corps de Haeli et, les dépliant peu à peu, je m'accroche à son manteau fermement. Je le tire et le serre vers moi en pleurant de plus en plus bruyamment. On croirait entendre un gamin de douze ans. C'est atrocement humiliant mais à ce stade, je n'en ai plus rien à faire. Ma douleur est trop forte pour que mes sanglots restent silencieux.

Au bout d'un moment, je me calme et essuye mes larmes. Puis, Haeli propose de manger une gaufre (apparement, il y a un endroit qui en fait des bonnes). Alors, entraîné par lui, on entre dans un petit magasin belge, ma poupée commande deux gaufres au Nutella ainsi que deux milkshakes. On a déjà mangé mais bon... je suppose qu'il veut me remonter le moral.

On déguste notre commande silencieusement, se lançant de temps à autre des regards embarrassés. Enfin... j'avoue que je me sens plutôt géné d'avoir pleurer dans ses bras tout à l'heure. Et surtout de m'être fait humilier par Carl devant lui. Alors je bois ma boisson, les yeux rivés sur elle.

– Shun.

– H... hm ?

– Le type de tout à l'heure...

– Ah, lui. C'est juste... un ancien camarade de classe.

– Je ne sais pas ce qu'il t'a fait et ne te sens pas obligé de me le dire. Seulement... j'aimerais que tu saches que je serais toujours là pour toi.

– Merci.

Je plonge encore plus mon regard dans le lait aromatisé.

– Écoute, je sais que je ne suis pas aussi grand, fort et musclé que toi mais je t'assure que je te protégerai.

Je relève malgré moi la tête vers lui. Me... protéger ?

– Fais moi confiance, Shun, j'empècherai ce sale type de te faire du mal à nouveau.

Je baisse les yeux, un sourire triste au coin des lèvres.

Imbécile, tu n'es pas là pour ça. Contente toi de rester à mes côtés mais je t'interdis de me protéger. Je suis un cas désespéré, ma vie a été une souffrance infondée et toi tu y es entré comme si de rien était. Jusque là, j'ai tout fais pour te maintenir en dehors de mes galères. Alors n'essaie même pas de t'y immiscer, encore moins d'essayer d'agir sur l'insolvable problème qu'est mon existence.

Notre sortie s'achève à l'arrêt de bus, par un baiser aussi discret que passionné.

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À suivre...
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J'espère que ce chapitre vous aura plu ^^

Désolé pour cette longue pause, je pense que j'en avais plutôt besoin parce que ces derniers chapitres m'ont paru bâclés. En effet, je prenais de moins en moins de plaisir à écrire cette histoire, et j'avais surtout l'impression d'écrire dans le vide, que personne ne s'intéressait à Bunch of liars (bon, j'avais à moitié raison) et ça m'a vraiment dégoûté de cette histoire pour laquelle j'ai dépensé énormément d'énergie.

Mais après mûre réflexion, je me suis rendu à l'évidence que c'était un peu prétentieux et égoïste de ma part de ne pas écrire pour les lecteurs fidèles que j'ai, aussi peu soit-ils. Et puis, de toutes façons, j'écris cette histoire par plaisir, et non pour le nombres de lectures.

Alors, ne vous inquiétez pas, je suis de retour pour de bon ;)))

Enfin bref, on se dit à bientôt pour la suite de Bunch of liars~

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