Chapitre 30 : entaille

Arrivé devant le lycée, étrangement en avance, je salus mon chauffeur et m'engouffre dans le bâtiment. Là, je me rends aux toilettes et me rince le visage afin de me rafraîchir. Puis, je me regarde dans la glace et remarque avec horreur que je n'ai ni sac... ni uniforme ! Putain, t'es vraiment trop con, Wang Chun ! Merde... qu'est-ce que je suis sensé faire maintenant ? La tete dans mes mains, je tente de réfléchir le plus calmement possible.

Je prends alors la décision qui me semble la plus rationnelle et me rend dans les vestiaires où se trouve mon casier dans lequel j'ai quelques affaires. Je saisis mon uniforme de sport et l'enfile à la place des vêtements que je porte depuis hier. Au moins, ça passera. Mais pour mon sac, mis à part quelques livres que j'ai laissé, je n'ai rien pour remplacement.

Attendant la sonnerie, j'allume mon téléphone et remarque une dizaine d'appels manqués de Tao. C'était prévisible. Je lui envoie alors un message où je lui dis simplement que je suis au lycée mais ne me soucis pas plus que ça de sa probable inquiétude.

Toujours autant fatigué, je me dirige vers ma salle et m'aperçois que le cours a déjà commencé. Aish... je suis arrivé en avance et pourtant j'arrive à être en retard ! Réticent, je frappe à la porte et l'ouvre après avoir entendu l'autorisation du professeur. La classe devient alors silencieuse et tout le monde me dévisage. Pour cause : on n'a pas sport de la journée.

– Quel est cet accoutrement, Wang Shun ?

– Je me suis trompé. Désolé.

On se fixe encore un moment avant que je ne me décide à aller m'assoir à ma place où je m'affale, la tête dans mes bras. Putain... je suis trop fatigué, c'est horrible. Je laisse mon corps se détendre et clos mes yeux, pensant astucieusement écouter le cours en me reposant. La chaleur de la pièce mêlé au son agité et pourtant apaisant de la classe en activité. Rien à voir avec le foid et le chahut que j'avais dû subir hier. C'est tellement reposant que je me rends compte mettre endormi uniquement lorsque j'entends soudainement mon nom résonner de plus en plus fort dans la salle.

Je me redresse alors, un filtre bleu signifiant que j'ai fermé les yeux trop longtemps, brouillant ma vue. Je regarde autour de moi, déboussolé et remarque tous les regards dirigés vers moi. J'arrange automatiquement mes cheveux que je sais en bataille en clignant nombreusement des yeux, tentant de m'habituer à la vive lumière matinale. Monsieur Smith me fixe avec les mains posés sur ses hanches, comme pour me faire comprendre son agacement. C'est visiblement lui qui a crié mon nom. Je devrais essayer de lui répondre le plus poliment possible.

– Ou... oui monsieur ?

– Déjà que tu arrives en retard, ne peux-tu pas te faire moins remarquer ?!

– B... bien sûr. Pardonnez moi.

Il se retourne en soupirant gravement pendant que je prends un livre au hasard de ceux que j'ai récupéré et l'ouvre, faisant mine de comprendre. Mais très vite, mes paupières s'allourdissent et ma tête chancelle malgré ma volonté de la garder droite. Merde... Shun ressaisis toi ! Tu as déjà fais des nuits blanches, non ? Ce n'est qu'une énième dans tes habitudes ! Alors rassemble toutes tes forces et garde tes putains de yeux ouverts !

– Wang Chun !

Alerté, je me redresse vivement. Putain de bordel de merde. Alors que je pensais lutter contre le sommeil, j'étais déjà en plein dedans. Quand me suis-je endormi au juste ?

– Ou... oui monsieur ? dis-je le plus "éveillé" possible.

– Mon cours vous semble-t-il tellement ennuyeux que vous ne parvenez à rester parmis nous ?

– C... ce n'est pas ça ! C'est juste que... je suis fatigué.

– Et pour quelle raison ?

– Parce que...

Je ne peux tout de même pas avouer que je me suis mis à la rue tout seul et que j'ai passé la nuit dans un squat à boire, chanter et rire autour d'un feu de camp ! Pour quel genre de sans-abri me prendrait-il ?

– Parce que, conclus-je sans donner plus de détail.

– Parce que... parce que ? répéte le professeur.

J'hoche de la tête, faisant malgré moi rire l'entièreté des élèves.

– Eh bien tu vas me faire le plaisir de prendre la porte, petit insolent !

Il faut une bonne dizaine de secondes à mon cerveau ralenti par le manque de sommeil pour comprendre qu'il vient de m'exclure de sa classe. C'est bien ma veine ! Je vais définitivement me faire défoncer par Tao. Bref. Je me lève donc, longe les tables et au moment de sortir, je croise le regard inquiet de ma poupée et déclare :

– On se rejoint plus tard, bébé.

Sur ce, je m'en vais à l'infirmerie où je m'allonge sur un lit et m'endors en toute quiétude. C'est tellement agréable. Je ne sais combien de temps j'ai fermé les yeux, mais quand je les rouvre, la chaleur du soleil me caresse le visage. Et par soleil, j'entends aussi bien l'astre que ma magnifique poupée aux bouclettes noires. Assis en tailleur sur mon lit, Haeli frôle tendrement mon front en me regardant un sourire aux lèvres.

– Bien dormi, Daddy ?

Je laisse échapper un petit rire, tout en le fixant niaisement.

– Il est quelle heure ?

– Midi. Qu'est-ce que tu as fait hier soir pour être aussi fatigué ?

– Rien de spécial... j'ai juste veillé trop tard sur mon téléphone.

– Je vois. Trop occupé par ton téléphone pour dormir.

– Hm.

– Et... trop occupé pour répondre à ton copain.

Sur cette dernière phrase, il détourne le regard et une expression triste remplace sa joie naturelle. Merde... pourquoi n'ai-je pas vu ses messages ? J'ai pourtant remarqué ceux de Tao alors pourquoi pas les siens ?!

– C... c'est parce que mon téléphone était déchargé !

– Tu viens de dire que tu as passé la nuit dessus.

Aish ! Rattrape toi, Chun !

– Ah bon ? je fais mine de réfléchir, Ah ! J... j'ai dis "téléphone" ? Pfft ! Non... pas du tout ! Je me suis trompé ! Je voulais dire... "livre" ! Oui, c'est ça. J'ai passé la nuit... toute la nuit à lire... un livre.

– Tu es un piètre menteur, Wang Shun.

Haeli fixe le sol d'un air dépité. Bordel ! Réfléchis, réfléchis, réfléchis !

– Pour tout te dire, bébé, hier c'était la soirée d'anniversaire de mon meilleur ami donc j'y ai assisté. Et je ne voulais pas te le dire par peur que tu me prennes pour un irresponsable.

– Je vois. Donc tu as beaucoup bu beaucoup d'alcool, j'imagine.

Je me redresse vivement.

– Non ! Absolument pas ! Que de la soupe !

– De la soupe ?

– C'est ça !

– À une soirée ?

Je laisse tomber ma tête en avant. Vais-je un jour arrêter de dire des incrédulités ? Je m'enfonce là... très profondément même.

– Non. De l'alcool. J'ai bu de l'alcool, chéri, je l'avoue.

Il se mord la lèvre.

– Il y avait des filles ?

– Non, que des gars.

– C'est pire alors...

C'est vrai que officiellement, je suis sensé être gay.

– Ils sont tous hétéros ! Je te le jure !

– Vraiment ?

Je m'apprête à acquiescer quand je me souviens que Jun et Kenta sont ensemble. Si je le lui cache et qu'il l'apprend par la suite, ce sera la catastrophe, non ?

– Enfin... il y en avait deux.

Il ne dit plus rien.

– Mais ils sont ensemble, tu sais !

Les yeux embués de larmes, ma poupée essaye de cacher sa peine en fixant autrepart.

– Pourquoi est-ce que tu pleures ? Tu es le seul qui compte, Haeli, et tu le sais très bien.

Son visage s'innonde et il baisse la tête en essuyant ses joues. Je déteste le voir comme ça. Pourquoi faut-il que je le fasse toujours pleurer ? Qu'est-ce que je dois dire pour qu'il me croit ?

– D... désolé... j'essaie de... de m'habituer mais... je n'y arrive pas...

– T'habituer à quoi, chéri ?

– À... à ce que tu me fasses souffrir, déclare-t-il en redoublant ses pleurs.

Mon cœur se fend.

– Avant qu'on soit ensemble... tu as promis que ce genre de chose ne se passerait plus et...

– Je n'ai rien promis.

Je ne promet jamais rien. Pourquoi infliger aux autres ce que je redoute le plus ? Cette situation m'agace. Il m'agace. Quand me fera-t-il enfin confiance ? Quand arrêtera-t-il de me prendre pour un sale type qui ne veux que lui faire du mal ?

– Haeli, je t'aime affreusement. Pourquoi est-ce que j'irais baiser avec je ne sais quelle pute alors que je t'ai toi ? Hein ? Arrête un peu de déconner en me tuant à coups de reproche pour des choses que je suis fatigué de te démentir !

– Depuis tout à l'heure... tu ne fais que mentir.

– Et alors, bordel ?! Si je n'ai pas envie de te dire que j'ai dormi dehors, j'ai le droit !

Il écarquille les yeux de surprise. Merde. La seule chose que je ne voulais pas qu'il apprenne, j'ai fini par la lui confier. Je passe ma main dans mes cheveux, encore plus énervé.

– Mon frère m'a plus ou moins mis à la porte, on va dire. Alors voilà, j'ai passé la nuit dans un squat... avec des amis, les mêmes que la dernière fois. T'es content ?

Haeli ne dit rien, se mordillant la lèvre. Il a arrêté de s'essuyer les yeux. Néanmoins, je vois très bien qu'il a encore des larmes à déverser. Je descends du lit et le prends dans mes bras, reposant sa tête contre mon buste.

– Désolé de m'être fâché contre toi, chéri. Ça m'a juste ridiculement énervé... tu me pardonnes, hm ?

Haeli ne répond rien. Alors, d'humeur taquine, je m'agenouille devant lui et saisis sa main légèrement froide afin de la poser délicatement sur ma joue.

– Pardonne moi, bébé, je ne recommencerai plus...

Je pris une mine boudeuse. Ma poupée pose furtivement ses yeux sur moi et pouffe de rire adorablement. Heureux, j'embrasse sa main et, avide de son sourire, je glisse ma lèvre sensuellement le long de sa paume avant de découvrir délicatement son poignet en posant mes lèvres dessus. Étrangement, la sensation est rugueuse. Bouclette se défait soudainement de mon étreinte en retirant sa main. Perplexe, je le regarde remonter habilement sa manche au niveau de son pouce. Je comprends.

– Donne moi ta main.

Il ne rétorque rien et maintient ses yeux détournés. Alerté, je saisis son poignet, difficilement à cause de sa réticence à me laisser le prendre.

– L... lâche moi !

D'un coup sec, je le tire vers moi, et il arrête de lutter. Je descends avec rage sa manche jusqu'à son coude et découvre avec effarement son avant bras recouvert d'entaille indénombrables. Ma gorge se ressert.

– Explique moi, Haeli.

Il fronce les sourcils en guise de réponse.

– P... pourquoi ? Pourquoi, Haeli ? Pourquoi ?! Je ne comprends pas ! Alors explique moi ! Pourquoi ?!

Pourquoi partages-tu mes souffrances ? Pourquoi t'es-tu infligé ça ? Pourquoi faut-il que tu me ressembles tant ?
Je repose les yeux dessus et ne peux retenir mon envie de pleurer.

– Bordel. C'est tellement... profond.

Ça y'est, mes yeux coulent. Gardant mon emprise sur son poignet, je maintiens la tête baissée, ne pouvant le regarder en face.

– C'est horrible...

Il essaie de récupérer son bras mais je ressers l'étreinte.

– Explique moi... je t'en prie.

Un long silence accompagne mes sanglots voulus le plus silencieux possible avant qu'il ne se décide à prononcer enfin quelque chose.

– Je ne suis peut-être pas aussi parfait que j'en ai l'air, prononce-t-il avec le sourire le plus radieux que je n'ai pu apercevoir de lui.

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À suivre...
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J'espère que ce chapitre vous aura plu ^^

Désolé pour le temps qu'il a mit à sortir, je me suis trompé dans la chronologie des choses donc j'avais écrit un chapitre qui devait arriver seulement dans 5 épisodes 😅

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